jeudi 11 novembre 2010

Fadila Mehal. Membre du Shadow cabinet du Modem «La question de l’immigration est traitée sous l’angle répressif»

Fadila Ettayeb-Mehal(*) vient d’être nommée membre du shadow cabinet de François Bayrou, président du Mouvement démocrate, pour préparer l’alternance 2012. Elle est en charge de l’intégration, l’égalité des chances et de la lutte contre les discriminations. Fadila Ettayeb-Mehal est aussi vice-présidente de la commission «médias et diversité» mise en place par le Commissaire à l’égalité des chances Yazid Sabeg. Cette commission a rendu son rapport, cet été, au président Sarkozy.


- François Bayrou a désigné une «équipe shadow», à l’image des «shadow cabinet» britanniques, pour suivre avec lui tous les grands secteurs d’actualités au nom du Mouvement démocrate. Concrètement, quel sera son rôle ?


Le «shadow cabinet» d’inspiration britannique correspond à la volonté du Modem de s’inscrire dans une dynamique de propositions pour construire l’alternance en 2012. Il est composé de 22 personnalités expérimentées et cette équipe sera chargée de suivre les dossiers et les décisions prises par le gouvernement. Elle réagira et formulera aussi des propositions. Chaque membre prendra en charge un certain nombre de domaines de la vie du pays. Cette initiative va montrer concrétement qu’une autre voie politique est possible et que le Modem va l’incarner. Cela démontre aussi, qu’aux côtés de François Bayrou, la relève se prépare, il y a des hommes et des femmes qui veulent faire de la politique autrement, qu’ils sont nombreux et suffisamment crédibles pour être entendus des Français. Pour ma part, je vais m’occuper d’un secteur très sensible puisque c’est celui de l’intégration, de l’égalité des chances et de la lutte contre les discriminations. Je le fais par choix et compétence, car j’ai travaillé sur ces sujets depuis 30 ans et je pense que ces questions sociales et sociétales seront au cœur de la campagne présidentielle en 2012 : l’avenir de notre modèle républicain, la justice sociale, la place de l’immigration, ce sont des questions qui n’ont pas toutes trouvé de réponses et les Français les attendent.

- Le Modem présentera-t-il un candidat à la présidentielle ?


Il est encore un peu tôt pour se prononcer. Il y a avant des échéances statutaires pour notre parti avant la désignation d’un candidat à l’élection présidentielle. Nous réunissons notre congrès en décembre. Après, il sera bien temps de voir. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a un besoin d’une représentation d’un centre indépendant et autonome. N’oublions pas que François Bayrou a recueilli en 2007 plus de 18% des suffrages. Ces électeurs sont toujours là et attendent qu’une autre voie leur soit proposée que le bloc contre bloc, la gauche contre la droite. Une autre voie est possible, pour cela nous devons y travailler et notre shadow cabinet est chargé aussi de nourrir notre programme présidentiel


- On a assisté cet été à une rare surenchère sécuritaire….


J’étais précisément en Algérie pour des vacances familiales lors du discours de Grenoble, je me suis dit que cela allait être très difficile pour les immigrés et les étrangers en France et je ne me suis pas trompée. La surenchère législative sur l’immigration (7e texte en 5 ans) ne suffira pas à masquer la difficulté du gouvernement français à trouver une manière juste et humaine de traiter la question migratoire. La loi Besson, qui vient d’être votée, risque de rejoindre le lot des lois précédentes non appliquées ou dont l’utilité autant que l’efficacité sont très largement discutables.
A travers cette loi, ce qui me choque, c’est que pour la première fois de l’histoire de France, le gouvernement a de manière inacceptable corrélé l’immigration et la délinquance. C’est assez choquant pour des millions d’immigrés, dont beaucoup d’Algériens qui vivent en France et en Europe, de façon paisible et intégrée. De toute façon, le gouvernement a pris le risque de voir la mesure de la déchéance de la nationalité censurée par le Conseil constitutionnel parce qu’on ne peut pas multiplier les lois de circonstance sans respecter les principes du droit.


En effet, le principe d’égalité de tous les Français devant la loi, sans distinction d’origine est posée. Pouvons-nous tolérer cette violation de l’article 1 de notre Constitution qui va d’une certaine manière légaliser la double peine pour les Français naturalisés, qui deviendront, de fait, des citoyens de deuxième zone ? Le gouvernement a choisi de traiter la question de l’immigration sous le seul angle répressif, comme si le durcissement des mesures était garant d’efficacité. Je le dis très clairement en choisissant l’excès et la surenchère, le gouvernement s’est fermé à la pédagogie et s’est privé d’alliés potentiels. Car sur ces questions, nous sommes obligés d’avancer et de trouver un consensus national qui associera intelligemment gestion des flux, intégration des arrivants, droits et devoirs des étrangers et coordination européenne.


- Vous êtes aussi vice-présidente de la Commission «médias et diversité», vous venez de rendre votre rapport au président Sarkozy, quel est votre diagnostic sur la diversité dans les médias ? Et comment y remédier ?


C’est vrai, j’ai aussi d’autres responsabilités que politiques * et j’ai été nommée vice-présidente de la commission «medias et diversité» pour faire des préconisations au manque cruel de diversité dans les médias français. Nous sommes partis du constat accablant du CSA qui montre qu’en matière de parité et de diversité dans les médias, le compte n’y est pas. Le comité diversité de France Télévision, présidé par Hervé Bourges, fait le même constat pour la chaîne publique. Cela est d’autant plus grave que les médias ont un rôle majeur dans la construction de notre imaginaire collectif. Ils façonnent nos modèles de représentations et nos préjugés et c’est un formidable accélérateur du «vivre ensemble». Cette commission a travaillé pendant un an et a auditionné plus de 80 experts, dirigeants des médias. Pour bien aborder tous les maillons de la chaîne, nous avons travaillé en sous-groupes : formation, gestion des carrières, contenus des programmes.
Rien n’a été laissé au hasard. Nous avons fait des propositions réalistes et financièrement neutres du fait du contexte budgétaire. Il y a beaucoup d’actions qui ne coûtent rien : élargissement des recrutements, mise en place de fichiers d’experts plus diversifiés, harmonisation de l’action de l’Etat en lien avec le CNC et l’ACSE, classes préparatoire à la filière journalisme. La diversité fait encore peur a beaucoup de dirigeants, mais ils comprennent que c’est cette diversité qui fait rayonner aujourd’hui l’audio visuel et le cinéma français. Yamina Benguigui, Djamel Bensalah, Abdellatif Kechiche , Rachid Bouchareb, Lyes Salem, autant de cinéastes reconnus qui font bouger les lignes avec des succès populaires qui prouvent que les Français veulent désormais des «écrans moins pâles». Cette vitalité créative se manifeste aussi en Algérie. Je suis avec beaucoup d’attention ce qui s’y passe dans le domaine des médias et du cinéma. Je crois que des partenariats sont possibles avec la France, grâce notamment à la création de l’établissement public dédié au cinéma que vient de créer Mme Toumi. C’est une excellente initiative, le cinéma algérien a beaucoup inspiré le monde, il était temps de lui redonner un nouveau souffle.

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(*) Fadila Ettayeb-Mehal est présidente des Marianne de la diversité et directrice du pôle promotion de la diversité par l’image à l’ACSE