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samedi 30 juin 2012

Le nouveau nationalisme est-il gay ? 30.06.12 | LE MONDE CULTURE ET IDEES Jean Birnbaum


Le soupçon a surgi de l'intérieur et c'est de l'intérieur qu'il prolifère maintenant. Un soupçon d'autant plus douloureux qu'il a été formulé de façon spectaculaire par Judith Butler, icône mondiale du mouvement LGBT (lesbien, gay, bi et trans). Le 19 juin 2010, lors de la Gay Pride de Berlin, la philosophe américaine a semé le trouble en refusant tout net le Prix du courage civique que les organisateurs s'apprêtaient à lui remettre. Elle, l'égérie de la théorie queer, a alors proclamé que la lutte contre l'homophobie avait dégénéré en action xénophobe et même raciste."Nous sommes enrégimentés dans un combat nationaliste et militariste", a-t-elle lancé devant une foule médusée. Depuis lors, parmi les militants et les chercheurs, les questions se bousculent : le mouvement LGBT est-il rongé par l'"homonationalisme" ? Est-il devenu la lessiveuse d'un nouveau nationalisme qu'il viendrait "blanchir", à tous les sens du terme ? Autrement dit, ses revendications sont-elles instrumentalisées par les hérauts d'un Occident qui mène ses opérations militaires (en Orient) et ses descentes policières (en banlieue) au nom de la démocratie sexuelle ?

Ces questions ont électrisé une grande conférence internationale qui s'est tenue à Amsterdam en janvier 2011. Les participants ont longuement évoqué la singularité des Pays-Bas, où le puissant parti populiste de Geert Wilders brandit les droits homosexuels comme un progrès occidental aujourd'hui menacé par l'islam. Mais les conférenciers ont aussi élargi leur réflexion au-delà des frontières, ainsi que le précise le sociologue Sébastien Chauvin, l'un des organisateurs. "L'idée de la conférence était d'alerter sur le nationalisme sexuel en général, c'est-à-dire sur la façon dont les droits des femmes ou des homosexuels peuvent être mis en avant dans une perspective xénophobe, non seulement par des partis politiques mais aussi dans les mouvements LGBT eux-mêmes, qui se trouvent de plus en plus intégrés aux projets nationalistes en Occident."

De fait, c'est l'Occident comme espace culturel et politique qui se trouve ici mis en cause. Aux Etats-Unis, bien sûr, où les actions LGBT sont accusées d'alimenter la croisade islamophobe de l'après-11-Septembre - c'est notamment la thèse de la théoricienne Jasbir K. Puar, dont le livre vient d'être traduit en français sous le titreHomonationalisme. Mais surtout en Europe, continent laboratoire de cette pulsion politique des années 2000. En Suisse, la très xénophobe Union démocratique du centre (UDC) n'a-t-elle pas créé sa propre section gay ? De même, les hooligans de la Ligue de défense anglaise n'ont-ils pas voulu organiser une Gay Pride en plein coeur d'un quartier musulman de Londres ? Quant aux organisateurs de la Gay Pride danoise, ne sont-ils pas allés jusqu'à décerner le Prix de l'homophobie aux pays musulmans ? En France, c'est plus compliqué. Car si les manifestations d'"homonationalisme" n'y sont pas, pour le moment, aussi explicites qu'en Angleterre, en Allemagne ou aux Pays-Bas, les débats s'enflamment dès qu'on y regarde de plus près.

A un extrême, il y a ceux qui considèrent que les gays français sont déjà gagnés par la fièvre chauvine. En guise de symptôme, citons Pourquoi les gays sont passés à droite (Seuil, 144 p., 14,70 ), un pamphlet bâclé où Didier Lestrade, cofondateur d'Act Up-Paris, écrit notamment : "Tous mes amis ou presque confessent une gêne grandissante vis-à-vis de la banlieue, des Arabes et des Noirs." Sans aller jusque-là, d'autres soulignent les tentations cocardières qui traversent la planète LGBT. Ici encore, c'est la Gay Pride qui a mis le feu aux poudres. En 2011, devant la colère de plusieurs associations, les organisateurs ont dû retirer au dernier moment l'affiche qui annonçait le défilé parisien : barrée du slogan "Pour l'égalité, en 2011 je marche, en 2012 je vote", celle-ci représentait un coq dressant fièrement sa crête. "Ce symbole et ce slogan étaient naïvement homonationalistes, ironise Maxime Cervulle, coauteur d'un essai intitulé Homo exoticus. Race, classe et critique queerAinsi, la manifestation la plus centrale de la vie gay en France excluait clairement les sans-papiers et les étrangers."

A l'autre extrême, des militants et des chercheurs considèrent que tout cela relève de l'ergotage fumeux. Ainsi de Nicolas Gougain, président de la fédération inter-LGBT, qui qualifie la polémique concernant l'affiche de "ridicule" et estime que le débat sur l'"homonationalisme" n'a pas lieu d'être en France. "Autant ces discussions, notamment autour du voile islamique, ont traumatisé le mouvement féministe, autant elles sont très loin de nos préoccupations. C'est de la branlette intellectuelle qui concerne dix universitaires. Nous, pendant ce temps-là, on est sur le terrain, on se bat pour l'égalité des droits, on lutte pour ne pas être considérés comme des sous-citoyens, et on le fait en solidarité, par exemple, avec les lesbiennes sud-africaines qui se révoltent contre les viols collectifs. Certes, il faut faire attention à ne pas être instrumentalisés mais, pour le moment, en France, on a d'autres chats à fouetter !"

Plus nuancés, beaucoup d'observateurs du mouvement LGBT jugent que la tentation "homonationaliste" existe bel et bien en France, mais qu'elle demeure circonscrite par divers facteurs. A commencer par les positions de la droite et de l'extrême droite, traditionnellement conservatrices et relativement stables en la matière. Ainsi, après avoir manifesté quelques velléités "gay friendly", Marine Le Pen a très vite battu en retraite. De même, la droite répugne à faire de la question homosexuelle un critère discriminant. "La France n'est pas les Pays-Bas, constate le sociologue Eric Fassin, coorganisateur de la conférence d'Amsterdam. Là-bas, l'homophobie supposée des immigrés est un motif pour les laisser à la porte. Sarkozy, lui, n'a jamais utilisé les droits homosexuels pour tracer une frontière entre "nous" les Français et "eux" les étrangers. Il ne faut donc pas exagérer le phénomène homonationaliste en France. Mais il ne faut pas non plus le nier. Chez nous aussi, il y a bien une tentation de dire : l'homophobe, c'est l'autre."

Pour ses détracteurs, en effet, le discours homonationaliste se définirait par une double "exotisation" de l'homophobie, à l'extérieur et à l'intérieur des frontières nationales. En d'autres termes, l'homophobie serait une haine désormais cantonnée aux zones "barbares" : les pays arabo-musulmans et les banlieues de nos villes. Preuve que le débat a déjà commencé, chacun de ces deux aspects embrase les esprits. Ludovic Zahed est bien placé pour le savoir, lui qui dirige la petite association Homosexuels musulmans de France (HM2F)."D'un côté, nous combattons les dérives islamophobes dans le mouvement LGBT, où tout le monde se dit antiraciste mais où beaucoup font dans l'homonationalisme bien-pensant. D'un autre côté, nous devons aussi combattre l'homophobie parmi les musulmans, ainsi que ceux qui nient la violence de cette homophobie ! Moi j'ai été en Iran, j'y ai rencontré des homosexuels qui se définissent comme tels et qui pour certains rêvent de venir en Occident. Pour autant, je refuse la stigmatisation et l'essentialisation de l'islam."

A l'horizon de ces débats, on perçoit le spectre d'une guerre culturelle dont les revendications LGBT seraient la nouvelle ligne de front. "Je me souviens d'un débat sur Pink TV, témoigne Maxime Cervulle. Cette émission posait la question : faut-il boycotter les pays homophobes ? comme si en France la question était réglée. Je me souviens aussi de l'engouement médiatique pour les livres sur l'homophobie dans les cités. Comme si l'homophobie épargnait les centres-villes ! Derrière ces manifestations d'homonationalisme, il y a le problème de l'universalisme occidental qui voudrait imposer ses valeurs."

Face à de telles attaques, les responsables associatifs du mouvement LGBT se sentent piégés. Pour ne pas alimenter les fantasmes racistes, faudrait-il passer sous silence les témoignages d'homophobie ?"Nous, on est sur le terrain, on entend, on voit les choses, tempête Christine Le Doaré, présidente du Centre LGBT, à Paris. Il faut arrêter de raconter n'importe quoi ! Je ne pense pas qu'un couple d'homosexuels aurait envie d'aller passer ses vacances en Iran aujourd'hui ! De même, il suffit d'écouter les appels au secours recueillis par SOS homophobie pour comprendre que les personnes LGBT qui habitent en banlieue sont insultées, frappées, parfois obligées de déménager. Moi-même, il y a certains quartiers où j'évite de me promener main dans la main avec ma petite copine, je ne suis pas suicidaire ! Il faut bien sûr refuser l'instrumentalisation et la stigmatisation, mais ce n'est pas en niant les problèmes qu'on va les régler !"

Ne pas se voiler la face, tout en évitant de se faire enrôler dans un combat douteux. Reconnaître les violences homophobes sans prêter main-forte aux stigmatisations culturelles ou raciales. Bref, se battre sur plusieurs fronts, lutter contre toutes les discriminations. Tel est le défi auquel doit faire face un mouvement LGBT désormais"accusé de tous les maux qui peuvent se décliner en "ismes" : homo-nationalisme, homo-néo-libéralisme, homo-colonialisme, homo-impérialisme", selon les termes inquiets utilisés par le sociologue Didier Eribon dans son intervention conclusive à la conférence d'Amsterdam. "Les questions de sexe, de genre et d'origine ne cessent de se croiser, précise Louis-Georges Tin, fondateur de la Journée mondiale de lutte contre l'homophobie et collaborateur du MondeAu fond, une position équilibrée exige que nous soyons à la fois très fermes sur la lutte contre l'homophobie dans les pays les plus concernés, y compris les pays africains ou musulmans, et très vigilants sur la lutte contre le racisme, notamment dans les pays du Nord."

En pratique, cela signifie, par exemple, manifester la solidarité du mouvement LGBT avec les demandeurs d'asile, comme le fait jour après jour l'Association pour la reconnaissance des droits des personnes homosexuelles et transsexuelles à l'immigration et au séjour (Ardhis). Mais cela appelle aussi et surtout une réflexion collective afin de lever le soupçon qui pèse sur cette galaxie intellectuelle et militante. "Si on ne fait pas attention, on se retrouve à justifier les inquiétudes de ceux qui crient à l'impérialisme gay, prévient Eric Fassin. Par exemple, c'est dans les pays occidentaux que l'homosexualité est dépénalisée et que le mariage gay progresse. Dès lors, comment faire pour que les campagnes en faveur de la dépénalisation universelle de l'homosexualité ou du mariage gay n'apparaissent pas comme des campagnes occidentales ? Comment faire pour ne pas abandonner de telles revendications alors même qu'elles peuvent être instrumentalisées à des fins xénophobes ? Ce problème, il ne faut pas le nier, mais l'expliciter. Si on ne fait pas cet effort, si on ne dit pas qu'on est pris dans un truc compliqué, contradictoire, on risque de se retrouver demain dans une situation à la néerlandaise."

Dans cette hypothèse, la France deviendrait à son tour l'un des champs de bataille du front "homonationaliste". Chacune et chacun serait alors sommé de choisir entre deux camps : celui des homophobes et celui des xénophobes. Car telle est bien l'alternative infernale où nous enfermerait ce que certains nomment déjà le clash sexuel des civilisations.

vendredi 29 juin 2012

L'association des DRH proposent de « neutraliser » trois jours fériés chrétiens 29.06.12 | Blog : Digne de foi

L'association nationale des directeurs de ressources humaines (ANDRH) a proposé vendredi 29 juin d'ouvrir un débat afin de "neutraliser" trois jours fériés "d'origine chrétienne" en les transformant en trois jours de congés ouverts aux salariés désirant célébrer des fêtes non chrétiennes.


A l'occasion de leurs assises annuelles, en présence du ministre du travail, Michel Sapin, les DHR ont précisé que "la Pentecôte, l'Ascension et le 15 août, jour de l'assomption" pourraient être transformés en jours banalisés, afin que les salariés puissent les prendre quand ils le souhaitent, sous réserve des contraintes de service. Ils proposent en revanche de conserver comme jours fériés pour tous Noël, le lundi de Pâques et la Toussaint, qui revêtent, selon eux, "une forte dimension sociétale et constituent un facteur de cohésion sociale".

Les discussions pourraient se tenir au niveau des branches professionnelles et des régions les plus concernées par les demandes. "Ces accords conduiraient donc à fixer, dès le début de l'année, des jours de congés se substituant éventuellement aux jours fériés neutralisés ; ces jours étant prévus au planning et déterminés pour chacun en concertation avec le management afin d'intégrer pleinement les impératifs d'activités". Ce degré de précision risque toutefois de se heurter aux dates variables de certaines fêtes musulmanes, comme le début et la fin du ramadan, fixées quelques jours seulement avant leur célébration.
"Montée du fait religieux dans l'entreprise"

Les responsables des ressources humaines relèvent par ailleurs que "face à une indéniable montée du fait religieux, le monde du travail doit rester neutre". Leur proposition intervient alors qu'ils constatent "une augmentation des demandes d'autorisations d'absences pour pratiquer des croyances religieuses (autres que chrétiennes), la montée d'un sentiment de discrimination lorsque l'entreprise refuse aux salariés de pratiquer leurs convictions et l'apparition d'un sentiment d'inégalité de traitement de la part des salariés non pratiquants lorsque ces autorisations d'absence sont accordées". Cette proposition s'inscrit dans un souci de "neutralité" mais aussi de "compétitivité et de productivité" de la part des DRH.

Scepticisme des cultes

Le Conseil français du culte musulman (CFCM), dont les fidèles seraient particulièrement concernés par une telle mesure prend acte de la volonté de l'ANDRH, de "mieux prendre en compte la diversité religieuse de notre pays et la compétitivité de ses entreprises" mais "appelle à ce que toute évolution du dispositif actuel soit faite dans la concertation et dans le respect des convictions de tous nos concitoyens". Il plaide surtout pour "une meilleure utilisation du dispositif actuel qui donne aux fonctionnaires et aux salariés l'autorisation de s'absenter lors des jours de fêtes religieuses non fériées".

Côté catholique, on se montre tout aussi sceptique face à une proposition qui "n'est pas inédite". Tout en soulignant que "les religions ne sont pas propriétaires du calendrier",le porte-parole de la conférence des évêques de France, Mgr Bernard Podvin,  interrogé par Le Monde, met en avant "l'héritage d'une tradition historique". Il estime en outre que cette proposition "n'est sans doute pas la meilleure réponse à la diversité"  et que "la question de l'interculturalité est plus profonde". "Le vivre ensemble ce n'est pas que les religions se partagent un gâteau".

Débat récurrent

Durant la campagne présidentielle, en janvier, Eva Joly, la candidate d'Europe-Ecologie Les verts avait, elle, proposé d'instaurer deux nouveaux jours fériés pour permettre aux juifs de fêter Yom Kippour et aux musulmans de célébrer l'Aïd-el-Adha. Elle avait été désavouée, y compris par les premiers concernés, plus que sceptiques sur la pertinence d'une telle innovation. François Hollande, alors candidat du Parti socialiste avait  indiqué qu'au nom de la " laïcité ", " il ne pouvait être question d'introduire de nouveaux jours fériés en fonction des religions ", ajoutant, " les jours fériés sont depuis longtemps détachés de leur origine religieuse ".

Dans une toute autre logique, le gouvernement portugais,  a décidé, en mai dernier, après plusieurs semaines de négociations avec le Vatican, de supprimer deux fêtes religieuses du calendrier des jours fériés dont bénéficiaient jusqu'alors les travailleurs. La Fête-Dieu, célébrée 60 jours après Pâques sera décalée au dimanche suivant et le jour de la Toussaint (1er novembre) sera travaillé. L'initiative s'inscrit dans les mesures prises par le gouvernement pour le redressement économique du pays. Elle entrera en application en 2013.

Stéphanie Le Bars




mercredi 27 juin 2012

Manuel Valls : "Etre de gauche, ce n'est pas régulariser tous les sans-papiers" 27.06.12 | Le Monde.fr Propos recueillis par Cécile Prieur, David Revault d'Allonnes et Elise Vincent

Manuel Valls, ministre de l'intérieur, définit dans un entretien au Mondela politique migratoire qu'il entend mener. Il annonce plusieurs circulaires : une pour mettre fin à la rétention des familles ; une autre pour uniformiser et préciser les critères de régularisation ; une troisième, enfin, pour faciliter les naturalisations. Il annonce également l'adoption d'une loi pour créer notamment un nouveau titre de séjour de trois ans. Mais il entend rester "ferme" et ne pas procéder à des régularisations massives.

Il existe un très grand nombre de sans-papiers qui ne sont ni expulsables ni régularisables en l'état du droit. Donnerez-vous des consignes aux préfets pour sortir de cette impasse ?

Manuel Valls : Les régularisations doivent se faire en s'appuyant sur des critères précis, objectifs, compréhensibles, à la fois par ceux qui sont dans cette situation, ceux qui pourraient venir sur notre sol national, et nos compatriotes. Ces critères sont les années de présence en France, la situation par rapport au travail, les attaches familiales, la scolarisation des enfants. Ils ont été interprétés de manière beaucoup trop restrictive et n'ont pas été appliqués de manière uniforme sur l'ensemble du territoire par le précédent gouvernement.

Une circulaire pour les préciser est donc en préparation. Je veux mettre fin à l'arbitraire. Mais les personnes susceptibles d'être éloignées et il y en aura doivent être traitées dignement et être en mesure de faire valoir leurs droits.

La précision des critères pourrait-elle vous amener à un volet de régularisations plus ample que celui du gouvernement Fillon, qui était d'environ 30 000 par an ?

Non, je ne le crois pas. Aujourd'hui, la situation économique et sociale ne permet pas d'accueillir et de régulariser autant que certains le voudraient. C'est ma responsabilité de ministre de l'intérieur de le dire. Je l'assume.

Allez-vous revoir la politique des titres de séjour pour les étrangers en situation régulière ?

Le droit au séjour doit être rendu plus simple, plus lisible. Ce qui ne veut pas dire moins exigeant. Les difficultés à obtenir un titre de séjour sont des facteurs de fragilisation économique, psychologique, sociale, et donc des obstacles à l'intégration. Il nous faudrait essayer de légiférer cette année, et à ce titre, créer un titre de séjour intermédiaire d'une durée de trois ans qui permette de stabiliser ceux qui vivent et travaillent de manière régulière sur le sol national. J'ai, à ce propos, été révolté par le sort réservé à ces étrangers qui se retrouvent dans les files d'attente devant les préfectures pour renouveler leurs papiers pendant des heures, la nuit, ou dans le froid. Ça n'est pas ça, la France.

Concernant les naturalisations, desserrerez-vous l'étau mis en place par vos prédécesseurs ?

La naturalisation, c'est une réussite pour la France. Elle ne doit plus être pensée comme l'issue d'un parcours du combattant mais comme l'issue d'un processus d'intégration. Il faut redonner la totale possibilité de devenir français. Depuis deux ans, les naturalisations ont chuté de 40 %. C'est la conséquence de choix politiques délibérés, mais non écrits, non dits. Je veux inverser cette tendance. Dès cet été, une circulaire sera signée, en ce sens, avec des critères transparents.

Est-ce que vous ne risquez pas, avec ces annonces, d'apparaître comme le "monsieur Sarkozy"du gouvernement ?

Non. La politique de Nicolas Sarkozy a été marquée par des coups de menton et par l'idée que l'immigré était responsable des problèmes des Français. Revenir sur les symboles, ce n'est pas rien! Il est vrai qu'il n'y aura pas de régularisation massive des sans-papiers. Etre de gauche, ce n'est pas régulariser tout le monde et se retrouver dans une impasse. Il faut mener une politique républicaine, conforme aux valeurs de la France, tenir compte de la situation économique et sociale de notre pays et poser, effectivement, des critères. La politique que j'applique n'est pas celle de Manuel Valls, c'est celle du président de la République et du premier ministre.


Le Monde - 28 juin 2012, Dominique de Villepin, La réconcialition avec l'Algérie est la clé






Dominique de Villepin a été ministre des affaires étrangères et ministre de l'intérieur (2002-2005) ;

il a fondé le mouvement République solidaire en 2010



Le Moyen-Orient change vite. Ne manquons pas cette transformation comme nos pays ont tardé à prendre conscience de l'élan de liberté des révolutions arabes. Il faut continuer à alerter tant sur la nécessité de soutenir ce souffle démocratique qui unit nos deux rives de la Méditerranée que sur celle d'éviter le basculement dans une tempête identitaire.

L'histoire des pays arabes est surchargée de frustrations politiques, d'inégalités sociales, de divisions confessionnelles et religieuses et de malaise culturel lié à une entrée complexe dans la modernité ; une mosaïque régionale soumise depuis plus de cinq siècles aux dominations étrangères, c'est-à-dire une terre qui aspire aux rêves mais aussi une terre rétive aux réveils de la réalité. A la fin du XIXe siècle, le rêve d'une religion revenue à l'essentiel et à la lecture littérale du Coran s'est imposé dans la péninsule Arabique, en prenant la forme d'un islam rigoriste wahhabite qui est le socle des monarchies du Golfe. Il a creusé un fossé difficilement franchissable entre un islam des origines et les réalités des sociétés contemporaines, contraignant au dédoublement.

Né quelques décennies plus tard, sur les champs de bataille de la première guerre mondiale contre les Ottomans, le rêve nationaliste arabe espérait une renaissance d'Etats indépendants appuyés sur des bourgeoisies nationales, unies dans un mouvement panarabe. Ce rêve s'est brisé sur les réalités de la guerre froide et est devenu le paravent des immobilismes et des autoritarismes, en Irak, en Syrie, en Egypte. Le Grand Moyen-Orient des néoconservateurs américains, bousculant les régimes comme des dominos pour y imposer une démocratie sereine et libérale, a constitué un rêve né à l'étranger, un fantasme occidental de l'Orient compliqué. Il s'est heurté à la complexité des méfiances et des rancoeurs, laissant apparaître la fragilité de l'équilibre des communautés et des régions.

Le " printemps arabe " est le quatrième rêve en un siècle. Le rêve d'une dignité reconquise, à la fois politique, sociale et culturelle. Ce rêve est à un tournant décisif. Soit il s'ancre dans la réalité, soit il se mue en un cauchemar identitaire aux conséquences incontrôlables. Car deux faits sont là. Des dirigeants autoritaires et corrompus sont tombés les uns après les autres au nom de la démocratie et de la liberté et il se peut que Bachar Al-Assad soit le prochain. Des partis et des mouvements islamistes ont partout conquis l'essentiel des suffrages ou de l'adhésion populaire, tandis que les plus radicaux d'entre eux, les salafistes, gagnent du terrain sur les Frères musulmans plus modérés.

Il y a deux risques que nous devons éviter. Le premier, c'est celui d'une radicalisation identitaire des révolutions arabes. N'oublions pas qu'il y a des précédents, comme en Iran en 1979 ou en Afghanistan en 1989. Le salafisme a le vent en poupe parce qu'il apporte une réponse radicale face à la désespérance sociale. Le deuxième risque, c'est celui de la balkanisation du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec l'essor des aspirations séparatistes face à des Etats écroulés. C'est le cas en Irak depuis 2003. C'est le cas en Libye depuis 2011. Cela peut être le cas bientôt en Syrie, si le conflit tourne au face-à-face entre la majorité arabe sunnite et les minorités confessionnelles et ethniques. L'émiettement crée des Etats faibles, vulnérables aux milices, au crime organisé et aux terroristes.

C'est pour ces raisons que je ne cesse de plaider depuis plus d'un an pour une politique arabe renouvelée, une politique qui ne soit pas un parti pris mais une capacité d'agir. C'est aux peuples de faire leur histoire, sans notre ingérence. A nous de savoir être à leurs côtés pour accompagner leurs transformations.

Politique arabe, j'assume volontiers ce qu'il y a de suranné dans cette approche transnationale. Mais il s'agit bien, avec ces pays, de trouver l'expression d'une identité arabe et moderne au sein de la mondialisation. Le général de Gaulle a fondé son approche de la région sur un profond respect pour les peuples et pour leur histoire. C'est ce qu'il nous faut retrouver. Cela signifie des instances de coopération régionales, telles qu'une Union pour la Méditerranée réformée et revivifiée autour de la promotion de la démocratie et des droits humains.

Je veux que nous assumions aussi l'originalité de notre message et de notre relation avec le monde arabe, qui doit nous conduire à exprimer à la fois notre amitié et nos inquiétudes. Assumons enfin, et c'est le plus difficile, notre histoire, même quand elle est douloureuse. J'ai la conviction que la clé d'une nouvelle politique arabe de la France, c'est une nouvelle relation de la France et de l'Algérie fondée sur une réconciliation historique comme nous l'avons fait avec l'Allemagne. L'Algérie semble immobile. Elle se débat avec la mémoire de ses passés, de son indépendance, de sa guerre civile meurtrière. Soyons au rendez-vous de la réconciliation.

Cela passe par des signaux forts, notamment une visite du chef de l'Etat chez nos partenaires de la région, pour montrer que nous sommes aux côtés des peuples. Je garde le souvenir de l'accueil réservé, il y a quelques années, au président Jacques Chirac lors de sa visite à Alger et Oran. Il faut aussi, même si c'est difficile par ces temps de disette budgétaire, pouvoir mettre autour d'une table des investisseurs privés européens et des bailleurs de fonds publics pour lancer de grands projets pour la relance économique essentielle à la stabilité politique de la région. Cela passe par le refus de renoncer à un règlement du conflit israélo-palestinien, sous prétexte que, depuis de longues années, rien ne semble pouvoir faire avancer la paix. C'est de cette façon que la France pourra renouer avec son message de justice, de développement et de paix.

Dominique de Villepin

Ancien premier ministre


mardi 26 juin 2012

Un tribunal allemand condamne la circoncision pour motifs religieux 26.06.12 | Le Monde.fr avec AFP

La justice allemande a estimé que la circoncision d'un enfant pour des motifs religieux était une blessure corporelle passible d'une condamnation, suscitant mardi 26 juin un tollé de la communauté juive qui y voit une atteinte à la liberté religieuse.

Dans un jugement qui devrait faire jurisprudence, le tribunal de grande instance de Cologne a estimé que"le corps d'un enfant était modifié durablement et de manière irréparable par la circoncision", indique un communiqué. "Cette modification est contraire à l'intérêt de l'enfant qui doit décider plus tard par lui-même de son appartenance religieuse", précise ce jugement qui n'interdit pas cet acte à des fins médicales.

DROIT D'UN ENFANT À SON INTÉGRITÉ PHYSIQUE

"Le droit d'un enfant à son intégrité physique prime sur le droit des parents", estime le tribunal. Les droits des parents en matière d'éducation et de liberté religieuse ne sont pas bafoués s'ils attendent que l'enfant soit en mesure de décider d'une circoncision comme"signe visible d'appartenance à l'islam", poursuit le tribunal.

En Allemagne, la circoncision concerne presque uniquement les juifs et les musulmans. Plusieurs milliers de garçons la subissent chaque année, à la demande de leurs parents. Dans la religion juive, l'intervention est pratiquée le huitième jour du nouveau-né mâle.

Le Conseil central des juifs d'Allemagne a vivement réagi à cette décision judiciaire, estimant qu'il s'agissait d'"une intervention gravissime et sans précédent dans les prérogatives des communautés religieuses""La circoncision des nouveaux-nés garçons est un élément essentiel de la religion juive et est pratiquée depuis des milliers d'années partout dans le monde", a insisté le président du Conseil, Dieter Graumann. Ce dernier a exigé que les députés allemands légifèrent sur la question pour éviter des atteintes à la liberté religieuse.

UNE BASE LÉGALE POUR LES MÉDECINS

La communauté musulmane, qui compte plus de 4 millions de membres, n'avait pas réagi mardi en fin de journée. Cette décision judiciaire est "extrêmement importante pour les médecins car ils ont pour la première fois une base légale sur laquelle s'appuyer", a assuré un expert en droit, Holm Putzke, dans le Financial Times Deutschland.

La justice allemande avait été saisie du cas d'un médecin généraliste de Cologne qui avait circoncis un petit garçon de 4 ans à la demande de ses parents musulmans. Or quelques jours après l'intervention, l'enfant avait dû être admis aux urgences pour des saignements. Le parquet de la ville avait alors engagé des poursuites contre le médecin. Ce dernier avait été relaxé en première instance puis en appel, le tribunal arguant du fait qu'à l'époque des faits il n'était pas en mesure de déterminer s'il agissait illégalement.

Selon des estimations de l'Organisation mondiale de la santé, 30 % des garçons de moins de 15 ans sont circoncis. Aux Etats-Unis par exemple, cette intervention est presque systématique, au nom de l'hygiène autant que du conformisme social.


lundi 25 juin 2012

Le Qatar réoriente son fonds banlieue de 50 millions d'euros vers les PME



Le Monde, 25 juin 2012

Doha (Qatar) Envoyé spécial
L'émirat avait suscité des critiques en voulant financer des entrepreneurs des banlieues. Les fonds seront finalement alloués par le gouvernement




C'est le premier ajustement dans la relation Paris-Doha depuis l'élection de François Hollande. Le fonds de 50 millions d'euros destiné aux entrepreneurs de banlieue, dont le Qatar avait annoncé la création à la fin de l'année 2011 et qui avait suscité une controverse au sein de la classe politique française, est réorienté pour servir les PME. Plutôt que de choisir par lui-même les bénéficiaires de ses largesses, le minuscule mais richissime émirat piochera dans un éventail de projets sélectionnés par le gouvernement.

" Le fonds est à la disposition des autorités françaises ", résume-t-on dans l'entourage du premier ministre qatari, Hamad Ben Jassem Al-Thani, qui s'est entretenu sur le sujet avec François Hollande, lors de sa venue à l'Elysée, au début du mois. Les ministères directement concernés par cette nouvelle approche sont ceux du redressement industriel et du logement, pilotés respectivement par Arnaud Montebourg et Cécile Duflot. " On veut dissiper les arrière-pensées ", ajoute la source, en référence aux critiques que l'initiative de Doha avait générées.

Les plus outrancières étaient venues de Marine Le Pen, qui avait stigmatisé une démarche visant à développer " le fondamentalisme musulman ". Mais, en coulisses, des élus et des fonctionnaires s'étaient émus de ce qu'ils percevaient comme une forme d'ingérence dans un domaine réservé de l'Etat, à savoir la politique de la ville. Survenant dans la foulée du spectaculaire rachat du PSG par la micro-monarchie, ainsi que de son entrée au capital de fleurons de l'industrie hexagonale, comme Lagardère et Veolia, l'opération banlieues semblait confirmer le préjugé qui veut que le " Qatar rachète la France ".

Choqué par ces résistances qu'il n'avait pas anticipées, le Petit Poucet de la péninsule arabique prit prétexte de la campagne présidentielle pour suspendre et repenser son projet. Officiellement, image oblige, il n'est pas question de parler de revirement ou d'abandon. Le pays, qui dispose d'un des PIB par habitant les plus élevés de la planète (102 000 dollars), ne goûte guère de faire machine arrière. L'émir Hamad Ben Khalifa Al-Thani aurait toujours réfléchi en termes de PME, et non de banlieues, insiste-t-on dans les milieux dirigeants. Y aurait-il eu un malentendu, une erreur de perception ?

L'argumentaire risque de ne pas convaincre les responsables de l'Association nationale des élus locaux pour la diversité (Aneld). C'est elle qui est à l'origine du fonds, une idée qu'elle était allée " vendre " au souverain qatari en personne, lors d'un voyage à Doha. Interrogé par l'AFP, son président, Kamel Hamza, a estimé que la nouvelle formule s'apparente à un " hold-up, un détournement de fonds par le gouvernement "" On va lancer une pétition nationale pour demander que ce fonds revienne dans le giron de la banlieue, a-t-il ajouté. Une lettre et cette pétition seront envoyées à Hollande. "

Du côté du Qatar, on s'efforce de calmer le jeu. On fait valoir que, si les projets de l'Aneld répondent aux attentes de l'émirat et qu'ils soient en même temps validés par le gouvernement français, ils pourront bénéficier du fonds. " Le critère déterminant, ce n'est pas la localisation du projet, mais sa qualité ", assure un bon connaisseur du dossier.

Benjamin Barthe

© Le Monde

dimanche 24 juin 2012

NKM tacle Patrick Buisson et s'émeut du sort de Nicole Bricq Le Monde.fr


L'ex-porte-parole de Nicolas Sarkozy pendant la campagne présidentielle Nathalie Kosciusco-Morizet a vivement critiqué dimanche la stratégie de l'ex-conseiller de l'Elysée, jugeant que son objectif était "de faire gagner Charles Maurras" plutôt que l'ex-chef de l'Etat.

"Le principal reproche que je fais à Patrick Buisson c'est que son objectif, à mon avis, n'était pas de faire gagner Nicolas Sarkozy, il était de faire gagner Charles Maurras", a-t-elle déclaré sur Canal+.

"Il était sur un objectif qui était plus idéologique que politique", a insisté la députée UMP de l'Essonne à propos de celui qui fut l'un des principaux artisans de la droitisation de la campagne de l'ancien chef de l'Etat.

"UN JOB DUR"

Interrogée sur le fait de savoir si cela avait été un "calvaire" de porter certains des thèmes de la campagne, alors qu'elle-même avait combattu les idées du Front national dans un livre publié il y a un an, Nathalie Kosciusco-Morizet a jugé que le terme "calvaire"n'était "pas du tout adapté".

"J'ai accepté d'être porte-parole, je savais que c'était un job dur (...) J'ai vécu des débats internes très rudes, qui se sont déroulés à la Une des journaux : tout le monde sait bien que j'avais une ligne différente de celle de Patrick Buisson", a-t-elle dit.

"Pour moi, aucun accord, aucune alliance d'aucune sorte n'est tolérable, le FN a changé la vitrine mais c'est la même arrière-boutique et en plus il veut la mort de la droite", a-t-elle répété.

"J'observe" aujourd'hui que"beaucoup de monde se rallie à cette position. Ils ne m'ont pas tous soutenue à l'époque mais mieux vaut tard que jamais. Simplement il y a des choses qu'il vaut mieux dire avant les élections qu'après".

"LE GOUVERNEMENT A CÉDÉ SOUS LA PRESSION DES PÉTROLIERS"

Nathalie Kosciusco-Morizet a par ailleurs commenté le remaniement ministériel annoncé dans la semaine. "Que le premier ministre qui soit débarqué sur un motif politique soit le ministre de l'Ecologie, manifestement - c'est ce qu'on dit - sous la pression des pétroliers, c'est grave", a déclaré la députée de l'Essonne sur Canal+.

La compagnie pétrolière Shell a finalement reçu vendredi les autorisations qu'elle espérait pour démarrer une campagne de forages controversée au large de la Guyane, après un imbroglio qui semble avoir coûté son maroquin à l'ex-ministre de l'Ecologie Nicole Bricq, lors du remaniement de la veille.

"Comme premier geste politique", le gouvernement "donne raison aux pétroliers contre la ministre de l'Ecologie", a insisté Nathalie Kosciusco-Morizet. "Quand j'ai proposé l'interdiction de l'exploration des gaz de schiste je l'ai fait contre tous les pétroliers. Je peux vous dire qu'il y a eu des frictions dans tous les sens, et j'ai été soutenue par le président de la République", a poursuivi l'ancienne ministre de Nicolas Sarkozy.

Blanc : "Il y a surtout un problème 'Nasri' avec la presse" Le Monde.fr


Suite à l'altercation entre un journaliste de l'AFP et Samir Nasri, qui a eu lieu après l'élimination des Bleus à l'Euro (lire l'article "Après la défaite, la déception de Blanc, le dérapage de Nasri"), le sélectionneur de l'équipe de France Laurent Blanc a estimé dimanche sur TF1 qu'il y avait"surtout un problème Samir Nasri avec la presse".

"La réalité des propos est là. Ce sont des propos très violents. Il y a un manque de respect vis-à-vis d'un journaliste. Mais le journaliste n'a pas tellement de respect non plus à un moment", a ajouté le sélectionneur. Samedi après le match perdu face à l'Espagne (2-0), dans la zone mixte du stade de Donetsk, sollicité par un journaliste de l'AFP pour une réaction sur l'élimination des Bleus, Nasri a refusé de s'exprimer, arguant que la presse écrivait "de la merde". Le rédacteur lui a alors répondu :"Casse-toi alors".

Cette réaction a provoqué la colère du joueur de Manchester City, qui revenant sur ses pas, a insulté le journaliste, le traitant notamment de "fils de pute", concluant :"comme ça tu pourras écrire que je suis mal élevé""Pour son image, c'est très mauvais. Mais pour l'équipe aussi", a souligné Laurent Blanc.

vendredi 22 juin 2012

A droite, les limites du droit d'inventaire 22.06.12 | 19:44 | Blog : Le 19 heures de Françoise Fressoz


Jusqu'où iront-ils ? Jusqu'à quel point oseront- ils exercer leur droit d'inventaire ? Les rescapés de la défaite hésitent.  Ils tournent autour du pot, invoquent un gros malaise sur " les valeurs ", s'en prennent à la lâche règle du " ni ni " qu'ils avaient pourtant collectivement édictée il y a moins d'un mois pour tenter de sauver les meubles.

Ils réclament une clarification face au Front national, s'en prennent à ceux qui, comme Nadine Morano, ont vainement tenté de sauver leur siège de député en reconnaissant " beaucoup de talent " à Marine Le Pen .

Mais dans ce jeu de quilles qui est un grand classique des lendemains de défaite , ils évitent soigneusement de s'en prendre au totem : Nicolas Sarkozy, l'homme qui les avait fait gagner en 2007 en portant haut les couleurs de la droite et qui les a conduits cinq ans plus tard à la double défaite présidentielle et législative.

C'est qu'au fond, ils ne sont pas très à l'aise avec eux-mêmes tous ces élus UMP de tendance chiraquienne , radicale ou centriste qui en avaient gros sur le coeur lorsque Nicolas Sarkozy flirtait dangereusement avec les valeurs du Front national mais n'ont jamais osé faire dissidence .

Au contraire. Pas de claquage de portes lorsqu'en 1997 a été crée le ministère de l'immigration et de l'identité nationale qui annonçait pourtant la couleur . Pas de démission spectaculaire lorsqu'en juillet 2010 le discours de Grenoble ouvrait la chasse aux Roms.Les plus téméraires ont osé quelques mots. Les autres ont rentré la tête dans les épaules en attendant que ça passe.

Et lorsque dans l'entre deux tours de la campagne présidentielle, une sorte de paroxysme a été atteint dans la ligne droitière du conseiller Patrick Buisson, ils étaient encore une fois aux abonnés absents : ne rien faire qui puisse compromettre l' impossible victoire.

Ouvrir le droit d'inventaire, ce serait instruire leur propre procès, s'interroger sur leur propre faiblesse dans ce quinquennat de fer qu'a été celui de Nicolas Sarkozy. Subjuguée par la renaissance en forme de rupture que leur avait offerte en 2007 l'ancien maire de Neuilly, ils se sont tous laissés brider par un homme qui les surpassai tous ten termes d'énergie, d'envie et de force de conviction.

Il aurait gagné le 6mai , sûr qu'ils auraient tout gober et c'est cela qui rend l'exercice post défaite si délicat à mener : aucun ne peut proclamer la rupture, car tous sont complices à des degrés divers . Obligés de composer avec le passé pour tenter de construire l'avenir .

Avec ,en outre, la menace de recevoir un coup de griffes mortel du vaincu qui, tout retiré qu'il est de la vie politique, ne perd pas une miette de ce qui se passe dans les bureaux de l'UMP.

 

 




lundi 18 juin 2012

La diversité progresse dans l'Hémicycle 18.06.12 | 19:26 | Le Monde.fr avec AFP

Essentiellement "blanche" jusqu'à présent, l'Assemblée nationale va refléter un peu plus les couleurs de la France après les élections législatives de dimanche 17 juin. Huit députés d'origine africaine, maghrébine, asiatique ou brésilienne vont rejoindre les élus d'outre-mer ou originaires de ces départements sur les bancs du Palais-Bourbon. Tous ces nouveaux élus sont issus des rangs du Parti socialiste.

Cinq nouveaux députés sont originaires du Maghreb : Kader Arif (Haute-Garonne), Malek Boutih (Essonne), Kheira Bouziane (Côte-d'Or), Chaynesse Khirouni (Meurthe-et-Moselle) et Razzy Hammadi (Seine-Saint-Denis) ; une du Tchad, Seybah Dagoma (Paris) un de l'Iran, Pouria Amirshahi (Français de l'étranger), et un du Brésil Eduardo Rihan Cypel (Seine-et-Marne). Deux autres, Hélène Geoffroy, élue dans le Rhône, et Corinne Narassiguin (Français de l'étranger) viennent de départements d'outre-mer. Une autre députée ultra-marine, la ministre George Pau-Langevin, seule Noire élue en 2007 en métropole, a conservé son mandat à Paris.

  • Seybah Dagoma



Adjointe de Bertrand Delanoë, chargée de l'économie sociale et solidaire, Seybah Dagoma, 34 ans, a été élue dans la 5e circonscription de Paris avec 70,1 % des suffrages. Cette avocate d'affaires d'origine tchadienne, née à Nantes, est membre fondatrice du think tank Terra Nova et du conseil scientifique de la Fondation Jean-Jaurès.

  • Malek Boutih



Après un parachutage raté, en 2007, dans la 4e circonscription de Charente, Malek Boutih, d'origine algérienne, 47 ans, dont trente ans d'engagement associatif et politique, va succéder à son ancien "pote" de SOS Racisme, Julien Dray, dans la 10e circonscription de l'Essonne. Président de SOS Racisme de 1999 à 2003, ce natif de Levallois-Perret a été chargé des questions de société au secrétariat national du PS de 2003 à 2008. 

  • Razzy Hammadi



De père algérien et de mère tunisienne, Razzy Hammadi, qui n'avait pas réussi à ravir son fauteuil au maire communiste d'Orly (Val-de-Marne), où il avait été investi au titre de la "diversité" en 2008, a été élu, cette fois, dans la 7e circonscription de Seine-Saint-Denis, avant même le second tour, si l'on peut dire, puisque le député sortant, devancé au premier tour, s'était désisté en sa faveur et qu'il restait seul en lice. Président du Mouvement des jeunes socialistes de décembre 2005 à novembre 2007, il est chargé du service public, au  secrétariat national du PS, depuis novembre 2008.

  • Kader Arif



Ministre délégué aux anciens combattants, il a été élu dans la 10e circonscription de la Haute-Garonne. Ce député européen, en 2004 et en 2009, natif d'Alger, est arrivé en France avant ses 4 ans, avec ses parents, restés fidèles à la France au moment de l'indépendance algérienne.

  • Kheira Bouziane



Professeur d'économie de 58 ans née à Oran (Algérie), Kheira Bouziane, conseillère municipale à Quetigny (Côte-d'Or) a été élue dans la 3e circonscription du département.

  • Chaynesse Khirouni



Née à Annaba, métropole sidérurgique de l'Est algérien, où son père était soudeur, Chaynesse Khirouni, arrivée en France à l'âge de 20 ans, a été élue dans la 1re circonscription de Meurthe-et-Moselle. Cette enseignante en microfinance à  l'université de Lorraine est passée par le militantisme antiraciste et altermondialiste avant de se lancer en politique en 2008.

  • Eduardo Rihan Cypel



Le socialiste Eduardo Rihan Cypel, 36 ans, né au Brésil, élu dans la 8e circonscription de Seine-et-Marne, s'est fait connaître par son combat acharné contre la politique d'immigration préconisée par le gouvernement Sarkozy.

  • Pouria Amirshahi



Né en Iran, Pouria Amirshahi arrive en France à l'âge de 5 ans. Son père retourne en Iran, alors que sa mère s'installe dans une cité HLM de Paris où il passe son enfance. Il obtient la nationalité française dans les années 1990. M. Amirshahi a été président de l'UNEF-ID de 1994 à 1998, président de la MNEF de 1999 à 2000. Il est aujourd'hui chargé de la coopération, de la francophonie, de l'aide au développement et des droits de l'homme au secrétariat national du PS. Il a été élu dans la 9e circonscription des Français établis hors de France (Afrique du Nord et de l'Ouest).

  • La droite en retard

Ce que commissaire à la diversité, Yazid Sabeg, nommé par Nicolas Sarkozy, a célébré comme une"très bonne nouvelle" n'en cache pas moins un "communautarisme blanc", selon le Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN). Cette organisation estime que "les personnes issues de la diversité sont six ou sept fois moins représentées que les autres", et réclame une loi sur la représentation de la diversité en politique.

Le CRAN observe par ailleurs qu'"il n'y a aucune personne issue de la diversité parmi les députés de la droite", ces nouvelles figures ayant toutes été élues sur les listes du Parti socialiste. "Il ne faut pas faire une lecture maligne" de ce résultat, qui "démontre la capacité de la gauche à anticiper les mouvements de la société", tempère M. Sabeg, marqué à droite. "C'est plus long à droite mais ça va venir", a-t-il ajouté.

dimanche 17 juin 2012

Marine Le Pen prend date pour les municipales 18.06.12 | 05:17 | Le Monde.fr Abel Mestre (Hénin-Beaumont, Pas-de-Calais, envoyé spécial)


"Je suis stressé à mort !" Deux minutes avant 20 heures, Laurent Brice, secrétaire départemental du Pas-de-Calais, ne cache pas sa nervosité. Personne ne sait si Marine Le Pen est élue dans la 11e circonscription du Pas-de-Calais. Une seule certitude : ce sera serré. Les responsables du Front national ne communiquent pas. Les chiffres contradictoires s'enchaînent depuis une bonne heure, personne ne sait où est la vérité.

Quand la projection en sièges apparaît sur l'écran géant installé dans la salle du Colysée, à Hénin-Beaumont, tout le monde est persuadé que, parmi les deux élus FN mentionnés, il y a la présidente du parti. Las ! Les militants et sympathisants frontistes déchantent vite. Mme Le Pen a perdu. Ils l'apprennent en regardant la télévision. C'est la stupeur. Cette victoire, ils y croyaient. "Je suis déçue et triste... On s'est bien battus", reconnaît Noémie Florent, 18 ans, adhérente depuis un an.

"CÔTÉ ALÉATOIRE"

Mais la déception est contrebalancée par le fait d'avoir des élus au Palais-Bourbon. "On a des députés. On ne se fera pas oublier pendant cinq ans", veut-elle croire. "C'est le côté aléatoire de la démocratie. Un coup on perd, un coup on gagne, philosophe Stas, 63 ans. Quand c'est aussi serré, c'est presque un tirage au sort."

>> Lire aussi : "Au moins deux députés pour le Front national" 

Tous s'accordent pour dénoncer "le système antidémocratique", c'est-à-dire le mode de scrutin majoritaire, qui empêche, selon eux, le FN d'être "bien représenté à l'Assemblée". Laurent Brice, lui, paraît KO debout. "C'est rageant. Pour à peine 100 voix d'écart... C'est bizarre, ce soir, je n'ai ni le goût de la victoire ni celui de la défaite", reconnaît-il.

Les militants attendent leur présidente en regardant TF1 sur le grand écran. A chaque apparition de Jean-Luc Mélenchon, candidat du Front de gauche arrivé troisième lors du premier tour, c'est la bronca. 20 h 45 : Mme Le Pen est annoncée dans quelques minutes.

On dit que l'on va faire recompter les voix en préfecture. Une information rapidement démentie. Le recomptage des voix ne peut en effet porter que sur les bulletins litigieux, comptabilisés parmi les 2 206 votes blancs et nuls, si un candidat fait appel devant le Conseil constitutionnel, a précisé la préfecture du Pas-de-Calais. Par la suite, le secrétaire général du parti, Steeve Briois, a annoncé qu'un recours serait déposé. 

>> Lire aussi : "Marine Le Pen reconnaît sa défaite à Hénin-Beaumont"

Les conseillers en communication de Mme Le Pen, Frédéric Chatillon et Jildaz Mahé, arrivent. Ils ont le masque. Quand la présidente du FN prend la parole, elle a l'air ravi, malgré sa défaite sur le fil, 49,89 % des voix contre 50,11 %. "Nous n'avons que des raisons de nous réjouir", lance-t-elle. "C'est un soir de victoire pour le Rassemblement bleu Marine (...). Le mouvement national fait à nouveau son entrée à l'Assemblée nationale, et c'est un énorme succès", dit-elle encore. La salle exulte.

"DES YOUYOUS"

Mme Le Pen prend rendez-vous notamment pour les municipales : à Hénin-Beaumont même, elle recueille 56 % des voix. Elle fait monter Steeve Briois à ses côtés. Le secrétaire général du parti portera les couleurs frontistes dans la ville aux municipales de 2014. Il a les yeux qui brillent d'émotion. La présidente du FN l'affirme : "La vie commence toujours demain..."

M. Briois est amer, même s'il ne veut pas le laisser paraître. Pour lui, si la gauche a gagné, c'est notamment à cause "du vote communautaire". Comprendre : maghrébin. "On entend les youyous dans la rue", affirme-t-il. Il évoque "des drapeaux algériens"" Ça fout les boules", conclut-il.

"NIQUE LA FRANCE"

Dehors, pourtant, ce que l'on voit est tout autre. Les voitures qui fêtent la victoire de Philippe Kemel, le candidat socialiste, n'arrêtent pas de klaxonner. Un petit attroupement s'est formé à un jet de pierre de la salle. Beaucoup de jeunes d'origine maghrébine justement. L'ambiance est rieuse et bon enfant. Ils ont des drapeaux tricolores, bleu blanc rouge. Quand Mme Le Pen s'engouffe dans sa voiture et part, ils la sifflent. Ils restent, et se moquent des militants frontistes. Ils agitent leur drapeau et crient "Vive la Fance et vive la République".

Un sympathisant FN qui s'était glissé parmi eux tente la provocation : "Nique la France",crie-t-il. Immédiatement, il est conspué par la quinzaine de jeunes. Ces jeunes, qui reprennent ensuite un des slogans du Front de gauche : "Résistance ! Résistance !"


mercredi 6 juin 2012

Racisme ordinaire : la SNCF accusée de nonchalance



(Les membres du collectif « Droit à la différence » lors d'une première manifestation au siège de la SNCF, le 19 avril 2012. Crédit photo : DR)
 
Insultes et mauvaises blagues raciales. Des cheminots réunis en collectif manifesteront ce mercredi leur colère devant le siège de la SNCF tandis que 744 Marocains poursuivent toujours l'entreprise pour discrimination. La SNCF, elle, tarde à réagir.

« On chie sur le Coran. » « Je caresse ta tête, c'est de la peau de singe. » « Ta femme est enceinte d'une portée de rats. » « Bougnoule. » « Boulet. » « Bounty. » Suffit ! Arrêtons là cet affreux florilège, petit condensé des insultes et injures à caractère raciste que subiraient des cheminots de la SNCF de la part de certains collègues. La raison ? Ils sont musulmans, noirs, d'origine maghrébine ou antillaise.

Pour dénoncer ce climat nauséabond, une trentaine d'agents issus des différents corps de métiers de l'entreprise publique (contrôleurs, membres de la police ferroviaire, agents d'accueil) se sont constitués en avril dernier en un collectif : « Droit à la différence ». Ils ont rendez-vous ce mercredi au pied du siège de la SNCF, près de la gare Montparnasse, à Paris, dans l'espoir que la direction, qui dit faire de la lutte contre les discriminations une priorité, prenne enfin des mesures fortes.

Intégrer la SNCF : du rêve au cauchemar

Pour tous, entrer à la SNCF constituait une chance. « C'est une grosse boîte, avec des possibilités d'évolution… Enfin normalement. » Mustapha Yacoubi, la trentaine, est un grand gars au sourire fatigué. Il a intégré la SNCF en 1998, en tant qu'agent d'accueil en gare de Creil (Oise), dans l'espoir d'y faire carrière. Depuis, il fait du surplace : « J'ai formé des gens qui ont moins d'ancienneté que moi et un niveau d'études inférieur au mien. Pourtant, eux sont montés en grade alors que ça fait quinze ans que j'occupe le même poste. » Il a alerté ses supérieurs de cette situation ainsi que des injures raciales proférées à son encontre par des membres de son équipe.« Je croyais qu'à un certain niveau hiérarchique, on allait réagir. Il n'y a jamais rien eu. » Et ce, malgré un rapport de l'inspection du travail reconnaissant que Mustapha est victime de blocages discriminatoires dans sa carrière. Sa plainte pour propos racistes a été classée sans suite.

Il est aujourd'hui en mi-temps thérapeutique pour dépression, et continue à travailler avec ceux qu'il a mis en cause. Pourtant, le médecin du travail, diagnostiquant une situation de « grande souffrance », a demandé qu'on le change de poste. C'était il y a plus d'un an…

Pour Radouane Kebdi aussi, le temps passe lentement. A 39 ans, il a déjà seize ans d'ancienneté. Il est agent au service de télécommunication et informatique, à Paris-Est. Pendant des années, il a été destinataire de mails collectifs à caractère raciste circulant sur les boîtes professionnelles.

Quelques exemples, parmi tant d'autres :

« Ceux qui envoient ça disent bien sûr que c'est des blagues », explique-t-il. Quand Radouane alerte son chef, en 2010, celui-ci lui dit : « Ne vous bloquez pas là-dessus. C'est un phénomène de société. » Et Radouane est retiré de la liste des destinataires. Affaire classée ? Non, car la propagande anti-immigrés et islamophobe continue à se répandre, et lui à se battre. En février 2011, il envoie un courrier à Guillaume Pépy, le patron de la SNCF. Pas de réponse.

Peu de temps après, son responsable d'établissement se fend d'un mail rappelant que « tout courriel dont le contenu est contraire à l'ordre public est interdit ». C'est tout. Pire, c'est Radouane qui, informant son directeur que les mails n'ont toujours pas cessé, est menacé de sanctions. Car« l'affaire est close côté SNCF », lui indique son directeur par courrier. « Il y a un fond de racisme ordinaire à la SNCF, déplore-t-il. On ne dit pas que l'arbre est pourri, mais il faudrait couper quelques fruits. Et ça, la direction refuse de le faire. »

Jean-Marie Le Pen avec des moustaches à la Hitler dans le casier

Et ce, même quand elle est condamnée en justice. C'est l'exemple d'Alain Ngamukol, 35 ans. Sur les 40 agents de la police ferroviaire basée à Sevran (Seine-Saint-Denis), « je suis le seul Africain », précise-t-il. Est-ce pour cette raison qu'il retrouve une photo de Jean-Marie Le Pen avec une moustache à la Hitler, dans son casier ? Ou qu'un de ses collègues pointe son pistolet – les policiers ferroviaires sont tous armés – vers lui dans les vestiaires ? Là aussi pour rire, certainement… Ou encore que ses collègues ouvrent la fenêtre quand il entre dans une pièce ?

Malgré ses demandes répétées, sa hiérarchie n'a jamais voulu le changer d'équipe. Il a porté plainte pour harcèlement moral et la Cour d'appel de Versailles lui a attribué, en novembre 2011, 8 000 euros de dommages et intérêts pour atteinte à la dignité. La SNCF a payé. Les harceleurs n'ont pas été inquiétés. Quant à Alain, il est depuis plus de trois ans en arrêt maladie.

Rapports accablants de la Halde et du Défenseur des droits

On pourrait aussi évoquer le rapport accablant pour la SNCF de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde), qui écrit, dans le cas de Tiemoko Toure, que l'entreprise « a manqué à son obligation de résultat en matière de harcèlement » et que les sanctions prises à l'égard de ses harceleurs sont « tardives » et « manifestement insuffisantes ». Tiemoko Toure a même reçu une lettre d'excuses de la part de l'entreprise, ce qui n'a pas empêché son chef – un des responsables du harcèlement – d'être promu.

On pourrait également rappeler les conclusions du Défenseur des droits concernant le cas de Nourdine Lekhnati : « Il existe un faisceau d'indices mettant en évidence qu'il existe un lien entre l'origine de Nourdine Lekhnati et son absence d'évolution de carrière », écrivait la Haute autorité il y a quelques mois.

Entre les papis marocains et les jeunes générations, une filiation

On pourrait encore faire le lien entre ces discriminations et celles dont ont été victimes tout au long de leur carrière les Marocains que la SNCF est allée recruter dans leur pays dans les années 1970, quand l'entreprise publique avait besoin de main-d'œuvre et pas chère.

Aujourd'hui, 744 de ces quelque 2 000 hommes – dont un certain nombre sont devenus Français sur le tard – portent plainte contre la SNCF pour discrimination. Jamais ils n'ont obtenu les mêmes droits et avantages que leurs homologues français, car l'accès au statut protecteur de cheminot est réservé aux Hexagonaux et aux ressortissants de l'Union européenne de moins de 45 ans.

Ils cotisent à l'assurance vieillesse et maladie du régime général et ne peuvent donc pas partir à la retraite à 55 ans comme les cheminots ; ils ne sont pas intégrés au processus de notation de la SNCF ; les concours internes ne leur sont pas tous ouverts, etc. Pourtant, leur contrat de travail stipule que « le travailleur étranger a droit au même régime de travail que les ouvriers français ». Aujourd'hui, leur avocat réclame 450 000 euros de dommages et intérêts pour chacun des plaignants. Sur cette affaire, en cours devant les Prud'hommes de Paris, la SNCF se refuse à tout commentaire.

Dans les deux cas, « c'est les mêmes a priori racistes et les mêmes inégalités de traitement auxquels on est confrontés, il y a une filiation », estime Radouane. « Ce collectif "Droit à la différence" est une manière de poursuivre la lutte initiée par les papas », abonde Zineb Lamliti, 33 ans, contrôleuse. Son père, que la SNCF est allée chercher au Maroc, est décédé en poste en 2003, à 62 ans. Devenu sourd, il n'a pas entendu le wagon lui foncer dessus. C'était le plus âgé de l'équipe.

« Le risque zéro n'existe pas »

A la SNCF, on réfute toute comparaison entre les deux affaires. « Dans le cas des Marocains, c'est une histoire de réglementation, pas de discrimination dans le sens de "harcèlement" », indique le service communication de l'entreprise. Et l'on préfère rappeler que la SNCF a signé, dès 2004, lacharte de la diversité, qu'elle recrute dans les zones urbaines sensibles, que ses managers reçoivent une formation contre les discriminations, qu'un dispositif d'alerte devrait bientôt être mis en place, et qu'un responsable de la diversité, Claude Mwangelu, est en poste.…

Ce responsable, qui n'a pas souhaité répondre à nos questions, admettait lors d'une interview au quotidien 20 minutes en avril, qu'avec 160 000 agents « le risque zéro n'existe pas ». Il nous assurait toutefois que « tout comportement prohibé et discriminatoire est condamné et fait l'objet de sanctions disciplinaires ». Il rappelait aussi que depuis 2005, « 80 à 90 dossiers » ont été placés au contentieux.

« Mais l'entreprise, capable de déployer des moyens importants pour se présenter comme la championne de l'éco-mobilité et de l'égalité hommes-femmes reste, sur le sujet des discriminations raciales, timorée », tempère Eric Ferreres. secrétaire général de la CGT en charge des questions de protection sociale, il dit n'avoir « aucune lisibilité sur la portée des actions de la SNCF contre ces discriminations ». En a-t-il déjà parlé avec Claude Mwangelu ? « Qui est-ce ? », demande-t-il.


Les extraits des courriers et des rapports de la Halde et du Défenseur des droits ont été sélectionnés par l'auteure de cet article, qui en a obtenu une copie. Les rapports de la Halde ne sont pas publiés ici car ils ne sont pas publics, pour le respect de l'anonymat des personnes

dimanche 3 juin 2012

Valls dénonce l'agression de trois jeunes juifs à Lyon 03.06.12 | 19:57 | Le Monde.fr

Trois jeunes hommes de confession juive et portant la kippa ont été agressés samedi soir à Villeurbanne par une dizaine d'individus qui les ont frappés à coups de marteau et de barre de fer, selon la police. Une des personnes agressées a eu une plaie ouverte au crâne, une autre a été atteinte à la nuque. Les victimes ont été brièvement hospitalisées.

Les victimes, âgées de 18 ans, marchaient en fin d'après-midi à proximité de l'école Beth Menahem lorsqu'elles ont été prises à partie par un autre groupe en des termes antisémites, a précisé une source policière citée par Reuters. Le ton s'est envenimé et les agresseurs ont reçu le renfort d'une dizaine de personnes armées d'une barre de fer et d'un marteau.

Le ministre de l'intérieur Manuel Valls a condamné cette agression antisémite "d'une extrême gravité"et a rappelé "sa détermination à lutter contre toute agression à caractère religieux""Ces actes sont une attaque délibérée contre notre modèle républicain qui doit permettre à tous, sans distinction, de vivre librement et en toute sécurité son appartenance religieuse", déclare le communiqué du ministère, diffusé dimanche.

"Manuel Valls assure de la mobilisation totale des services de police sur place afin que les auteurs de cette agression soient, comme le prévoient les lois de la République, interpellés et mis à la disposition de la justice", ajoute-t-il.