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dimanche 30 décembre 2012

"Charlie Hebdo" s'apprête à publier une BD sur la vie de Mahomet 30.12.12 | 12:52 | Le Monde.fr avec AFP


"Charlie Habdo" publie un hors-série consacré à "la vie de Mahomet." AFP/FRANCOIS GUILLOT

Charlie Hebdo publie mercredi 2 janvier un hors-série intitulé "La Vie de Mahomet", une biographie en bande dessinée "parfaitement halal", concoctée à partir de textes de chroniqueurs musulmans, a annoncé à l'AFP le directeur de l'hebdomadaire satirique Charb, qui l'a mise en images.

Il ne s'agit là ni d'une caricature, ni d'une satire, mais d'un récit minutieux basé sur une bibliographie rigoureuse, assure dans un avant-propos "Zineb", sociologue franco-marocaine des religions et coauteure de l'ouvrage.

CHRONIQUEURS MUSULMANS

"C'est une biographie autorisée par l'islam puisqu'elle a été rédigée par des musulmans. C'est une compilation de ce qui a été écrit sur la vie de Mahomet par des chroniqueurs musulmans et on l'a simplement mis en images", renchérit Charb, qui se défend de verser dans la provocation. "Je ne pense pas que le plus savant des musulmans pourra reprocher quoique ce soit sur le fond", ajoute Charb, dont l'hebdomadaire a provoqué des remous à plusieurs reprises en publiant des caricatures de Mahomet.

Quant aux critiques qui ne manqueront pas de pointer que représenter le Prophète est blasphématoire, Charb rétorque que "c'est juste une tradition, c'est absolument pas inscrit dans le Coran. A partir du moment où ce n'est pas pour ridiculiser Mahomet, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas lire ce livre comme on lit au catéchisme des histoires de la vie de Jésus".

LOCAUX INCENDIÉS EN 2011

En novembre 2011, après la publication d'un numéro spécial baptisé "Charia Hebdo" contenant des caricatures de Mahomet, les locaux du journal satirique avaient été incendiés, son site internet piraté et Charb menacé de mort. Ce dernier vit depuis sous protection policière. Plus récemment, de nouvelles caricatures publiées par le journal avaient attiré à Charlie Hebdo des critiques virulentes dans de très nombreux pays musulmans, allant jusqu'à faire réagir le gouvernement français.


lundi 24 décembre 2012

A Alger, François Hollande fait le pari de l'apaisement LE MONDE | 21.12.2012

A Alger, François Hollande fait le pari de l'apaisement

LE MONDE | 21.12.2012 à 12h00Par Isabelle Mandraud et Thomas Wieder - Alger, Tlemcen Envoyés spéciaux

C'est l'ultime image des deux hommes. Au dîner officiel qui marque, jeudi 20 décembre, la fin de la visite d'Etat de deux jours de François Hollande en Algérie, le président français et son homologue algérien Abdelaziz Bouteflika se tiennent par le bras. "On a un pacte tous les deux, je fais son éloge, il fait mon éloge", se réjouit, tout sourire, M. Bouteflika. La réconciliation voulue entre l'Algérie et la France passe, aussi, par cette complicité affichée.

A Tlemcen, située à 600 kilomètres au sud-ouest d'Alger et où François Hollande est arrivé dans l'après-midi, ce n'était que rues pavoisées de drapeaux français et algériens et routes jalonnées de grands panneaux à l'effigie des deux présidents. Dans cette ville "si chère" à son hôte, qui y a été élu pour la première fois député au moment de l'indépendance, "j'ai descendu les rues main dans la main aux côtés du président Bouteflika avec le sentiment de faire l'histoire", a souligné le chef de l'Etat français.

Tout au long de son voyage, François Hollande n'aura pas manqué une occasion de rendre hommage à son homologue, vantant ici son "mérite" pour le processus de réconciliation mis en œuvre en Algérie après la guerre civile qui a opposé les islamistes et l'armée dans les années 1990, louant là ses "mots" prononcés à Sétif, le 8 mai, quand il appela cette fois à une réconciliation avec la France, à travers une "lecture objective de l'histoire, loin des guerres de mémoire".

 

Valérie Trierweiler, Abdelmalek Sellal, le premier ministre algérien, et François Hollande à la résidence de l'ambassadeur de France, le 19 décembre à Alger.

Au terme de son troisième mandat au sommet de l'Etat algérien, et alors que les appels se multiplient pour qu'il en sollicite un quatrième, le président Bouteflika n'a pu qu'apprécier. Ne rien dire qui fâche, ne rien faire qui puisse gâcher les retrouvailles. François Hollande s'en est tenu à cette ligne.

Son discours, prononcé jeudi matin devant les parlementaires réunis au Palais des nations, à Alger, en fut l'illustration. Alors que l'évocation de la crise syrienne figurait dans la version écrite distribuée aux journalistes pendant qu'il était à la tribune, le président français a fait l'impasse sur ce dossier à propos duquel les avis de la France et de l'Algérie divergent. Paris a reconnu la coalition nationale de l'opposition comme "seule représentante légitime" du peuple syrien ; pas Alger.

Rien non plus sur le Sahara occidental : la France soutient la position marocaine, pas besoin d'y revenir. Le "printemps arabe", qui a épargné l'Algérie, a lui aussi été vite balayé : "Chaque pays doit trouver sa propre voie, et vous l'avez montrée", s'est contenté de dire François Hollande. Bref, le président a évité les sujets minés d'aujourd'hui pour mieux désamorcer ceux du passé.

Il s'y est attelé sans lyrisme, sans verser dans la repentance, sans présenter d'excuses, sans employer le mot "France", lui préférant le "je" : "La vérité, a déclaré François Hollande, je vais la dire ici, devant vous. Pendant cent trente-deux ans, l'Algérie a été soumise à un système profondément injuste et brutal, ce système a un nom, c'est la colonisation, et je reconnais ici les souffrances que la colonisation a infligées au peuple algérien."

Le président français parle de "violence", d'"injustices", de "massacres" et de"torture". Il rend hommage à cette grande figure de la cause nationaliste que fut Messali Hadj (1898-1974), réussissant même à le faire applaudir par un parterre de parlementaires majoritairement membres du Front de libération nationale (FLN). Quand on se souvient de ce qu'a été la lutte fratricide entre "messalistes" et partisans du FLN pendant la guerre d'Algérie, une telle scène a évidemment une portée symbolique très forte.

 "INCH'ALLAH"

Sur le fond, François Hollande n'en a cependant pas dit beaucoup plus que ses prédécesseurs. La réaction de Saida Mekki, députée FLN de Relizane, résumait bien l'état d'esprit algérien : "J'attendrai, inch'Allah, pour que ça aille un peu plus loin. Mais nous devons commencer à travailler ensemble."

Après le discours, l'entourage du président essayait de convaincre les journalistes que le fait d'avoir rappelé que l'Algérie avait été asservie pendant cent trente-deux ans représentait une avancée majeure. C'est à la fois vrai et faux. L'expression"système profondément injuste" est exactement celle employée par Nicolas Sarkozy à Alger le 3 décembre 2007. Quant à la référence aux cent trente-deux années de colonisation, elle figurait déjà dans la bouche de Jacques Chirac : "Nos deux histoires ont été liées pendant cent trente-deux ans", avait déclaré l'ancien président dans ce même palais des Nations, le 3 mars 2003. La différence se situe à un autre niveau : alors que Jacques Chirac avait limité la reconnaissance des souffrances subies par le peuple algérien à la période de la guerre, François Hollande, lui, l'a étendue à toute l'époque coloniale.

 

François Hollande et Abdelaziz Bouteflika partagent des dattes et un verre de lait, à Zeralda, dans la résidence d'Etat du président algérien, le 19 décembre.

Autre passage mis en avant par l'entourage du président pour souligner la singularité de son discours : l'allusion à la sanglante répression qui a suivi l'insurrection de nationalistes algériens à Sétif, le 8 mai 1945. "A Sétif, (...) le jour même où le monde triomphait de la barbarie, la France manquait à ses valeurs universelles", a déclaré M. Hollande.

Aucun de ses deux prédécesseurs, lors de leurs visites d'Etat en Algérie, n'avait effectivement évoqué cette page sombre de l'histoire. Mais la porte avait été ouverte par deux ambassadeurs successifs en accord avec Paris. En 2005 à Sétif, Hubert Colin de La Verdière, avait dénoncé une "tragédie inexcusable" ; puis en avril 2008, sous Nicolas Sarkozy, Bernard Bajolet, à Guelma, autre ville frappée par la répression de 1945, avait parlé d'"insulte aux principes fondateurs de la République française" et de "tâche indélébile".

Si, pour l'essentiel, ces vérités douloureuses avaient été dites, le message de la France au cours des dernières années avait toutefois été singulièrement brouillé. Les mots forts de Jacques Chirac en 2003 n'avaient pas empêché la droite, deux ans plus tard, d'adopter un amendement reconnaissant le "rôle positif de la présence française outre-mer", mettant ainsi un point final au traité d'amitié que Jacques Chirac et Abdelaziz Bouteflika avaient concocté. Le retrait de l'amendement, à la demande de l'ancien président français, n'avait rien changé. Quant à Nicolas Sarkozy, il avait, sitôt rentré d'Algérie, reçu le soir même à l'Elysée les représentants des harkis, provoquant la colère d'Alger.

 

C'est à ce niveau-là que François Hollande veut faire la différence, en mettant en cohérence ses actes et ses paroles, là où ses prédécesseurs ont été accusés de pratiquer un double langage. "L'amitié, ça se démontre", a assuré le chef de l'Etat."Je veux être respectueux : ce n'est pas une visite qui fait une relation, c'est une méthode, une volonté", a-t-il ajouté, en précisant que son objectif visait le "long terme". C'est sur cette promesse que François Hollande a quitté l'Algérie.

Isabelle Mandraud et Thomas Wieder - Alger, Tlemcen Envoyés spéciaux

samedi 22 décembre 2012

nl El watan


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Hollande a-t-il compris les Algériens ?

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le 22.12.12 | 10h00 Réagissez

La visite d'Etat de deux jours que vient d'effectuer en Algérie, mercredi et jeudi, le président français François Hollande a-t-elle tenu ses promesses ?

Il est trop tôt pour se prononcer sur les retombées pratiques de cette visite marquée du côté français par la volonté de bâtir avec l'Algérie un «partenariat d'exception» tourné vers l'avenir, il demeure qu'avec l'arrivée de Hollande aux affaires dans l'Hexagone, un déclic s'est produit dans le regard que se portent mutuellement les deux parties. Le président français, qui connaît bien «les attentes des Algériens sur l'histoire» ainsi qu'il l'a réitéré lors de son séjour dans notre pays, a commencé à déblayer et à déminer le terrain des relations algéro-françaises marquées par le poids de l'histoire coloniale en osant ce qu'aucun de ses prédécesseurs n'avait fait avant lui, en qualifiant les événements d'Octobre 1961 à Paris de «crime». Sa visite à Alger, quelques semaines avant l'annonce officielle de sa candidature à la présidentielle, fut un autre gage que François Hollande avait tenu à faire en direction de l'Algérie pour témoigner de l'importance qu'il accordait à des relations rénovées et débarrassées du paternalisme de ses prédécesseurs.

Et au risque de froisser d'ailleurs les susceptibilités à fleur de peau du Maroc, qui ne peut pas s'empêcher de ne pas voir l'Algérie lorsqu'il se regarde dans le miroir, le président français a choisi l'Algérie pour sa première visite officielle dans la région, laissant le soin à son Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, de se rendre au Maroc à la veille de sa visite à Alger pour rassurer le partenaire marocain et signifier que la France tient à des relations équilibrées avec les pays du Maghreb. Et pour lever toute équivoque, on annonce déjà à Paris une prochaine visite de François Hollande au Maroc. Par rapport à la présidence de Nicolas Sarkozy, qui aura été le président français de la Ve République qui a le plus plombé les relations algéro-françaises, avec notamment l'épisode de la loi vantant les bienfaits de la colonisation qui avait failli mettre le feu aux poudres, François Hollande bénéficie de préjugés plutôt favorables en Algérie autant au niveau de la classe politique qu'au sein de l'opinion publique. L'accueil digne des hôtes de marque qui lui a été réservé, où les autorités algériennes ont rivalisé d'imagination et de gestes symboliques, visait à faire passer à M. Hollande le message que les Algériens sont prêts à tendre la main et à ouvrir le cœur aux dirigeants français qui cherchent à faire l'effort de nous comprendre, d'assumer le passé et de construire l'avenir sur de nouvelles bases.

Des regrets, il y en a eu certainement, tant l'attente aura été longue du côté algérien et des forces de paix en France qui ont soutenu le combat de l'Algérie pour son indépendance. Les excuses et la repentance pour les crimes commis en Algérie par l'armée française ne furent pas au rendez-vous à l'occasion de cette visite, comme l'espérait les Algériens. Mais force est d'admettre que le regard et le ton nouveau du discours de M. Hollande sur la colonisation constituent une notable avancée dans l'appréciation du fait colonial par les autorités françaises. Le président français, dont la cote de popularité est en baisse dans les sondages en France, sait que l'opposition et les nostalgiques de l'Algérie française affûtent leurs couteaux pour en user avec délectation à la moindre déclaration et position qui s'écarteraient de la ligne officielle et de la vérité historique défendue par les gouvernements français successifs. C'est à ce souci que le président Bouteflika semble avoir souscrit et accédé en ne demandant pas à son homologue français de ne pas aller aussi loin qu'il ne peut.

Le fait que la partie algérienne n'ait pas sollicité du président français des excuses officielles sur les crimes commis durant la colonisation a donné à cette visite qualifiée d'historique un caractère ordinaire, mettant en sourdine le lourd contentieux de la mémoire qui a empoisonné les relations entre les deux pays. Signe des temps : les forces dites nationalistes qui ne rataient aucune occasion pour faire entendre leur voix sur le dossier de l'histoire ainsi que sur les questions identitaires, notamment celle de la langue couvrant d'opprobre les partisans du «parti de la France» étaient présentes aux différentes cérémonies, dans les délégations officielles algériennes qui ont reçu les hôtes français. L'avenir nous dira si le couple algéro-français qui a été scellé à la faveur de la visite de François Hollande en Algérie peut réellement résister aux vicissitudes de l'histoire, si c'est une union bâtie pour le meilleur et pour le pire ou s'il s'agit seulement d'un amour éphémère, intéressé.

Omar Berbiche
 

vendredi 21 décembre 2012

DISCOURS DE M. LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE DEVANT LES DEUX CHAMBRES REUNIES DU PARLEMENT ALGERIEN,Palais des Nations (Alger), Jeudi 20 Décembre 2012

 



 

 

Monsieur le Président du Conseil de la Nation,

Monsieur le Président de l'Assemblée populaire nationale,

Monsieur le Premier ministre,

Mesdames, Messieurs les Ministres,

Mesdames, Messieurs les Parlementaires.

 

Vous me faites grand honneur en me recevant ici, en m'accueillant, comme le peuple algérien l'a fait hier. Je mesure l'importance de l'événement, mais aussi la grandeur de l'enjeu ouvrir un nouvel âge dans la relation entre la France et l 'Algérie. Ma visite vient dans un moment chargé de sens et de symboles, il y a cinquante ans, l'Algérie accédait à l'indépendance, elle s'arrachait à la France, après une guerre longue de huit ans.

 

Elle devenait la République algérienne libre et souveraine. Elle conquérait ce droit, ce droit inaliénable, ce droit de pouvoir disposer pour un peuple de lui-même. Cinquante ans, c'est court à l'échelle de l'histoire, et pourtant, quel chemin a été parcouru par l'Algérie depuis 1962. L'Algérie est aujourd'hui un pays respecté sur la scène internationale, qui compte, qui pèse, l'Algérie est un pays dynamique, dont les ressources sont considérables, dont l'économie est en développement, et je mesure ces tapesé chaque fois que je viens en Algérie, depuis 1978, lorsque jeune fonctionnaire français, j'étais pour huit mois à l'ambassade de France à Alger.

 

 

L'Algérie est un pays jeune, dont la moitié de la opulation a moins de 26 ans, et donc plein de promesses, l'Algérie est un pays courageux, il l'a prouvé dans son histoire, il l'a prouvé encore plus récemment face à l'épreuve terroriste qu'il a traversée – ce pays – avec dignité et unité. A cette Algérie, fière de son passé, consciente de ses forces, la France, à travers moi, adresse des vœux de prospérité et de réussite.

 

Mais la question qui est posée à nos deux pays, l'Algérie et la France, elle est simple, elle est grave : sommes-nous capables d'écrire ensemble une nouvelle page de notre histoire ? Je le crois. Je le souhaite. Je le veux. Nous ne partons pas d'ailleurs de rien, puisque nous pouvons nous appuyer sur les liens humains que vous avez rappelés, Monsieur le Président, linguistiques, je parle une langue, le français, qu e vous connaissez et que vous parlez, des liens économiques, qui unissent aussi nos deux pays.

 

Mais cette amitié, pour vivre, pour se développer,elle doit s'appuyer sur un socle, ce socle, c'est la vérité. Cette vérité, nous la devons à tous ceux qui par leur histoire, par leur histoire douloureuse, blessés, veulent ouvrir une nouvelle page. Nous la devons à la jeunesse, à toutes les jeunesses, qui veulent avoir foi en leur avenir, et donc qui veulent savoir d'où elles viennent. Rien ne se construit dans la dissimulation, dans l'oubli, et encore moins dans le déni. La vérité, elle n'abîme pas, elle répare, la vérité, elle ne divise pas, elle rassemble.

 

Alors, l'histoire, même quand elle est tragique, même quand elle est douloureuse pour nos deux pays, elle doit être dite. Et la vérité je vais la dire ici, devant vous. Pendant 132 ans, l'Algérie a été soumise à un système profondément njustei et brutal, ce système a un nom, c'est la colonisation, et je reconnais ici les souffrances que la colonisation a infligées au peuple algérien. Parmi ces souffrances, il y a eu les massacres de Sétif, de Guelma, de Kherrata, qui, je sais, demeurent ancrés dans la conscience des Algériens, mais aussi des Français. Parce qu'à Sétif, le 8 mai 1945, le jour même où le monde triomphait de la barbarie, la France manquait à ses valeurs universelles.

 

La vérité, elle doit être dite aussi sur les circonstances dans lesquelles l'Algérie s'est délivrée du système colonial, sur cette guerre qui, longtemps, n'a pas dit son nom en France, la guerre d'Algérie. Voilà, nous avons le respect de la mémoire, de toutes les mémoires. Nous avons ce devoir de vérité sur la violence, sur les injustices, sur les massacres, sur la torture. Connaître, établir la vérité, c'est une obligation, et elleeliles Algériens et les Français. Et c'est pourquoi il est nécessaire que les historiens aient accès aux archives, et qu'une coopération dans ce

 

domaine puisse être engagée, poursuivie, et que progressivement, cette vérité puisse être connue de tous.

 

La paix des mémoires, à laquelle j'aspire, repose sur la connaissance et la divulgation de l'histoire. Mais la nôtre est aussi une histoire hu maine, car au-delà des blessures, au-delà des deuils, demeure la relation exceptionnelle nouée entre les Français et les Algériens ; les Français d'Algérie, instituteurs, médecins, architectes, professeurs, artistes, commerçants, agriculteurs qui, avec le peuple algérien, avaient su nouer, dans des conditions difficiles, intolérables parfois, des relations tellement humaines.

 

Je me rendrai à Tlemcen, la ville de Messali HADJ, l'un des fondateurs du nationalisme algérien, qui évoque lui-même, dans ses mémoires,es lFrançais d'Algérie, en rappelant l'amitié et la confiance, en évoquant ses relationssimples, quotidiennes, naturelles dont le souvenir nous appartient. Je n'oublie pas non plus tous ces coopérants qui étaient venus après l'indépendance de l'Algérie, à la fois par conviction, et par souci de promotion du savoir et de la connaissance, et qui voulaient rendre service à la République, la jeune République algérienne.

 

 

Notre histoire, cette histoire, c'est aussi celle de grandes consciences françaises, qui ont su s'élever contre l'injustice de l'ordre colonial, Georges CLEMENCEAU, dès 1885, trouvât les mots pour dénoncer l'abus pur et simple de la force pour s'approprier l'homme et ses richesses. André MANDOUZE, moins connu, et pourtant, tellement militant, qui, toute sa vie, fut fidèle à ses valeurs dans la résistance, mais également dans la conscience de l'indépendance algérienne. Germaine TILLION, qui fut la militante inlassable du dialogue entre les hommes et les femmes, entre les peuples, l'écrivain François MAURIAC, qui sut rappeler dans les moments difficiles la véritable grandeur d'un peuple qui ne repose pas sur sa force brutale, mais sur la puissance de son message universel.

 

Et puis, notre histoire, l'histoire de la France, c'est aussi Alger, qui fut la capitale dans les moments les plus sombres de la France libre, parce que c'est ici que s'était réfugié l'honneur de la France, à Alger, avec le Général De GAULLE àsa tête.

 

Voilà tout ce qui nous rassemble, nous réunit et nous permet après avoir regardé l'histoire, le passé, de pouvoir construire l'avenir. Je n'ai pas d'autres mots que ceux qu'employaient le président BOUTEFLIKA le 8 mai dernier à Sétif, quiappelait à une lecture objective de l'histoire loin des guerres de mémoires et des enjeux conjoncturels afin d'aider les deux parties à transcender les séquelles du passé et d'aller vers un avenir où puisse régner confiance, compréhension, respect mutuel, partenariat. Eh bien ces mots-là sont les miens encore aujourd'hui.

 

La proximité entre l'Algérie et la France n'est pasune incantation prononcée à chaque voyage d'un président de la République française en Algérie, la proximité dont je parle n'est pas une abstraction, n'est pas une construction elle est une réalité. Elle se fonde sur des liens intimes, profonds, uniques pour la France comme pour l'Algérie. Sur 900.000 Algériens qui résident à l'étrangers, 700.000 vivent en France et je ne peux pas compter tous ces Algériens venus à travers plusieurs générations donne leur force deravailt pour permettre à la France d'être ce qu'elle est aujourd'hui.

 

Je pense aussi à ces jeunes Français nés de parents algériens qui sont pleinement Français, qui doivent être regardés toujours comme tels et qui enmême temps sont en famille ici, chez vous en Algérie. Ces jeunes Français se sont engagés dans tous les domaines de l'économie, de la culture, du cinéma, de la littérature, du théâtre,du sport et même de la politique. Et nous avons attendu d'ailleurs trop longtemps ce moment, enfin les assemblées parlementaires françaises comptes désormais des élus d'origine algérienne.

 

Il y a aussi tous ces Français nés en Algérie et qui sont partis dans les conditions que chacun connait et avec le déchirement dont ils ne se sontpas remis mais qui portent toujours je vous l'assure, l'Algérie dans leur cœur. Je ne vais pas faire de comptabilité mais il y a des millions de mes concitoyens en France qui ont vis-à-vis de l 'Algérie un fonds commun de références, de passion, d'émotions et qui loin d'affaiblir la France, renforce encore cette passion d'être ce qu'elle est aujourd'hui.

 

Voilà pourquoi nous sommes liés les uns aux autres mais la géographie aussi nous rapproche, la mer Méditerranée ne nous sépare pas elle nous unit mais elle nous confère aussi des responsabilités communes et exceptionnelles.

 

La Méditerranée c'est un espace politique, économique, diplomatique et nous avons le devoir de développer des projets qui bénéficient directement aux populations des deux rives. Je souhaite et je le dis devant vous, représentants dupeuple algérien, je souhaite que la France et l'Algérie travaillent ensemble pour le projet méditerranéen.

 

De même que la France et l'Allemagne avaient été pablesca après une guerre tragique qui les avait opposé d'être les moteurs de la constructioneuropéenne eh bien l'Algérie et la France peuvent construire aussi l'union, l'unité méditerranéenne de demain.

Mais là aussi, non pas pour porter des projets chim ériques mais des réalisations dans tous les domaines de l'énergie, des transports, de l'éducation, de la connaissance et du développement. Je parle d'éducation, de connaissance, de savoir, de recherche. La langue peut également nous servir de lien. L'Algérie chérit lalangue arabe mais elle a su aussi se nourrir du français, se l'approprier comme un butin de guer re mais surtout, comme un instrument de connaissance, de diversité, de liberté.

 

Tant d'écrivains algériens ont apporté à la languefrançaise leur génie, Kateb YACINE, Mohammed DIB, hier, Assiad DJEBAR, Anouar BENMALEK, Yasmina KHADRA, aujourd'hui et c'est Albert CAMUS, ce fils d'Alger dont nous célébrons l'an prochain l'anniversaire, le centième anniversaire de la naissance, qui a évoqué le premier cette communauté franco-arabe formée par tous les écrivains algériens dans l'égalité la plus parfaite. Merci à l'Algérie de donner aussi à la la ngue française sa diversité.

 

C'est fort de ces liens là, de cette responsabilité là qu'aujourd'hui à l'occasion de ma visite ici en Algérie, nos deux pays peuvent ouvrir une nouvelle page, un nouvel âge, à travers un partenariat stratégique d'égal à égal.

 

C'est ce que nous venons d'établir avec le président BOUTEFLIKA, une déclaration d'amitié ici à Alger et également un document qui scellera notre relation dans tant de domaines pour ce partenariat. Cinq ans, cinq ans d'actions communes si nous le voulons, si nous en décidons pour relever trois défis qui nous sont communs.

 

Le premier est économique, la France et l'Algérie doivent passer à la vitesse supérieure, doivent multiplier les échanges, les investissements, les réalisations communes. Oh nous connaissons les blocages, vous ici en Algérie, nousen France, nous savons les méfiances, les réticences mais nous savons aussi ce que nous pouvons faire ensemble.

 

Alors, faisons-le, dans le cadre de la transition énergétique, dans le cadre du partage des technologies, dans le cadre de la transition énergétique, dans le cadre du partage des technologies, dans le cadre de la formation des hommes et des femmes.

 

Nous pouvons partager nos savoir-faire, nos expériences, nos ressources, nous avons inventé parce que nous sommes la France, parce que vous êtes l'Algérie. Nous avons inventé de nouveaux modes de développement dans tous les domaines industriels, agricoles, et c'est pourquoi nous avons signé de nombreux accords de coopération ensemble à l'occasion de cette visite.

 

Je ne viens pas ici pour faire du commerce, je viens ici devant vous pour marquer un temps nouveau et en même temps 450 entreprises françaises, de grands groupes mais aussi des PME emploient directement 40.000 personnes, même 100.00 avec les emplois indirects en Algérie, nous pouvons faire davantage.

 

La France est le premier investisseur sur le territoire algérien, je m'en félicite mais nous pouvons faire encore mieux, elle est aussi son premier fournisseur, son troisième client, nous pouvons relever encore le niveau de nos échanges ;nous devons être prêts à aller plus loin et dans la délégation qui m'accompagne il y a toutes ortes de personnalités économiques, culturelles, scientifiques, artistiques, mais je veux que l'économie soit également au cœur de notre relation. Hier RENAULT a signé un important accord en vue deproduire dans votre pays une voiture destinée au marché local mais aussi régional, et allaisj' dire même aussi international. Ce n'est pas une délocalisation, aucune entreprise française n'est venue s'installer au détriment de l'emploi français, c'est une entreprise RENAULT qui vient construire des véhicules pour qu'il y ait plus d'emplois en Algérie et plus d'emplois en France.

 

Voilà un bel accord que nous avons été capables deconclure sur le plan économique et il s'intégrera dans une déclaration de partenariat productif qui marquera cette idée de coproduction entre nos deux pays.

 

Le deuxième défi que nous avons à relever, en Algérie comme en France, c'est celui de la jeunesse, la formation, l'éducation, c'est une grande ambition de l'Algérie depuis l'indépendance, la formation, l'éducation c'est legrand message, c'est le rêve français depuis sa propre révolution.

 

Parce que nous avons tous conscience que la jeunesse n'est pas simplement un atout, une vitalité, c'est aussi une ressource que nous devons accompagner, encadrer, valoriser. Et dans tous les accords que nous avons passés entre l'Algérie et la France au cours de cette visite, ce sont des accords de formation et j'en ferai la démonstration à travers ce que nous allons faire pour des réseaux d'institut d'enseignement supérieu de technologie.

 

Quatre centres vont être crées qui, ensuite, serviront de référence pour être généralisés sur le territoire algérien, si vous en décidez. Ils aideront les jeunes à acquérir, dans un cycle court,

 

les connaissances, les compétences qu'attendent les entreprises et permettront plus facilement de leur trouver du travail.

 

Notre partenariat, celui dont je parle, notre déclaration d'amitié doit s'adresser d'abord aux jeunes pour répondre concrètement à leurs attentes . Je pense aussi aux universitaires, à ces vingt-cinq mille Algériens qui étudient en France mais aussi à tous ceux qui s'intéressent en France à l'Algérie et qui veulent, là encore, nouer des relations à un niveau d'excellence, mais je veux que l'on accueille mieux et davantage les étudiants algériens.

 

C'est pourquoi je propose que puisse se construire une maison de l'Algérie à la cité internationale universitaire de Paris pour accueillir ces étudiants.

 

Nous pourrions nous dire qu'au niveau de la Méditerranée, nous pourrions faire ce qui a été réalisé au niveau de l'Europe, ces programmes d'échange universitaire, ce qu'on appelle ERASMUS. On trouvera un autre nom, d'un autre philosophe pour la Méditerranée mais c'est le même projet : permettre les échanges, la circulation.

 

J'ai parlé de circulation des personnes ; c'est le troisième défi que nous avons à régler. Près de deux cent mille Algériens reçoivent chaque année unvisa dans nos consulats. Cette politique est indispensable, je la rappelle ici.

 

Nous devons, pour l'intérêt de l'Algérie et pour celui de la France, maîtriser les flux migratoires. Les jeunes que vous formez doivent trouver du travail ici, espérer faire leur vie ici, mais en même temps ils ont besoin aussi de circuler. Alors, nous ne devons pas faire de la demande d'un visa un parcours d'obstacle ou, pire e ncore, une humiliation. Au contraire ! Nous avons besoin que se poursuivent et même s'amplifient les allers-retours des étudiants, des entrepreneurs, des artistes, des familles. Bref, tout ce qui anime la relation entre la France et l'Algérie. Nous allons rester dans l'accord de 1968, mais nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour accueillir mieux les demandeurs de visa et pour que les documents soient délivrés plus vite par nos consulats. C'est une affaire de respect et d'intérêt mutuel. Dans le même temps, nous attendons de l'Algérie qu'elle ouvre plus largement ses portes aux Français qui souhaitent se rendre sur votre territo ire, parce qu'ils y ont des souvenirs, des attaches familiales, affectives ou des projets professionnels ou personnels à réaliser.

 

Enfin, le dernier défi que nous avons à relever, il est pour la paix et la sécurité dans le monde.

 

Nous portons les mêmes principes au plan international : l'indépendance, la souveraineté, le respect des peuples.

 

Nous connaissons les mêmes menaces : le terrorisme, et vous, vous savez ce qu'est le terrorisme. Nous avons aussi les mêmes valeurs d'émancipation ; nous avons le même besoin de vivre dans un environnement de paix et de stabilité. Or, chacun le voit, le monde est en plein changements. Parfois ils vont dans le bon sens, parfois dans le pire. Mais il y a eu ces peuples qui se sont soulevés contre la dictature, des révolutions ont apporté l'espoir mais aussi, reconnaissons-le, soulevé des inquiétudes.

 

Chaque pays doit trouver sa propre voie et vous l'avez montrée. Il ne peut pas y avoir de réponse unique aux aspirations des citoyens, mais la leçon de ce qu'on a appelé le printemps arabe c'est que de toute manière, et partout dans le monde, les peuples entendent prendre en main leur destin.

 

Alors, le rôle de la France, celui de l'Algérie, c' est de les accompagner dans la voie de l'ouverture, de la démocratie, de la liberté. Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ne se discute pas, ne se marchande pas. Il en est ainsi du droit du peuple palestinien et, aux Nations Unies, l'Algérie et la France ont voté ensemble larésolution qui confère à la Palestine le statut d'État non-membre observateur.

 

Mais nous ne pouvons pas en rester là. Nous voyons les risques aussi d'un blocage, d'une fermeture, d'une violence.

 

Notre devoir, c'est de favoriser la négociation permettant la reconnaissance des deux Etats qui pourraient vivre en pleine sécurité, sûreté, respect, tout simplement en paix.

 

Enfin, il y a la crise du Sahel. Elle nous oblige aussi, et là-dessus je me félicite de voir que la France et l'Algérie partagent des principes communs. Nous devons affronter cette crise, mais nous devons laisser les Africains décider souverainement des opérations de soutien pour permettre au Mali de recouvrer son intégrité territoriale.

 

Nous avons deux volontés qui ne se discutent pas. La première, c'est de favoriser la négociation politique, le dialogue pour que toutesles parties prenantes qui respectent l'unité du Mali, qui n'acceptent pas le terrorisme, puissent se retrouver ensemble avec des voix permettant aussi une certaine reconnaissance de la spécificité du nord-Mali.

 

Mais en même temps que nous poursuivons cet effortde négociation politique, nous devons montrer une détermination. Non pas la France, qui n'est plus dans ces interventions d'hier, mais la communauté internationale. Parce que si le conseil de sécurité en décide, et il en décidera, alors ce seront les Africains eux-mêmes quivoudront ou ne voudront pas – et je sais qu'ils le veulent – engager une opération pour l'intégrité du territoire malien.

 

Et je fais confiance à l'Algérie pour mener à sa pl ace toutes les négociations, discussions politiques en plein accord avec la France.

 

Voilà tout ce que nous avons à faire, voilà ce qui nous rapproche, voilà ce qui nous unit, voilà ce qui peut pour de longues années – je n'ose pas dire cinquante ans – mais nous pouvons aussi penser que ce que nous pensons vaut bien plus que pour cinq ans. Parce qu'ici, ce n'est plus une question de personnes : c'est la France, c'est l'Algérie. Une déclaration d'amitié, je le disais, a été signée. C'est bien une déclaration, mais l'amitié ça se prouve. C'est un beau sentiment.

 

Elle se fonde sur trois exigences, celles que j'ai rappelées devant vous. La reconnaissance du passé dans le respect des mémoires, de toutes les émoires. La seconde exigence, c'est la solidarité entre nos deux nations qui partagent tan de destins communs. Et enfin la troisième exigence, c'est de lever l'espérance. L'espérance pour la jeunesse, la jeunesse de l'Algérie, la jeunesse de la France, celle qui va demain déciderdu sort de nos deux nations.

 

C'est pour elle que nous formons cette déclaration d'amitié. C'est pour elle que nous engageons ce partenariat exceptionnel d'égal à égal. C'est pour elle, cette jeunesse de France, cette jeunesse d'Algérie, que je suis venu ici, en visite comme chef de l'État, comme président de la République, pour vous dire combienje crois à l'amitié entre la France et l'Algérie.

 

 

Merci.

 

dimanche 16 décembre 2012

Sortir l'islam de l'islamisme


LE MONDE | 16.12.2012 Par Abdelwahab MeddebA Dacca comme à Chittagong, deuxième ville du Bangladesh, je constate qu'il est nécessaire de mettre en place un réseau des intellectuels et des artistes musulmans libéraux pour défendre nos pays contre la déferlante wahhabite salafiste. Celle-ci est en train de transformer l'islam et de conduire ses peuples vers le pire, vers la régression, l'obscurantisme, la fermeture, le fanatisme.

Il est étonnant de découvrir combien les problèmes sont les mêmes du Maroc à ces contrées de l'Asie du Sud. Toute l'horizontale qui oblique vers les tropiques à laquelle nous appartenons est contaminée, elle chancelle vers une uniformisation dévastatrice.

Et cette situation n'est pas le fruit du hasard, elle est le résultat d'une politique raisonnée, qui a montré sa cohérence, sa rigueur, son souffle. Elle produit des effets qui transforment le réel, après une action inscrite dans la durée entamée à la suite du premier choc pétrolier de 1974. Choc qui déversa sur l'Arabie saoudite la manne pétrolière dont une partie a été méthodiquement utilisée en faveur de la propagation de la foi wahhabite de par le monde.

A partir de ce moment, l'islam n'a cessé de changer de l'Indonésie à l'Occident maghrébin. Il est en train de subir une uniformisation et une universalisation du culte à la manière wahhabite simplificatrice, excluant la complexité théologique pour favoriser la constance de la pratique, sous l'égide du Dieu un transformé en un être exclusif, dépouillé de toute médiation. Au point qu'on aboutit à l'adoration d'une idole menaçante, tyrannique, d'autant plus redoutable qu'elle demeure absente, inaccessible, irreprésentable en son immanence même. Telle conception réduit le Dieu à une sentinelle tatillonne, vous surveillant en chacun de vos gestes pour savoir s'ils sont conformes à la norme ou s'ils la transgressent.

Pour lutter contre ce péril, s'il n'est pas trop tard, il nous faut agir sur les quatre points qui ont été la cible préférée des wahhabites.

D'abord l'islam vernaculaire, celui qui tourne autour du culte des saints, qui récupère le fonds dionysiaque et tragique, c'est-à-dire qui prend au sérieux la scène qui active la catharsis, la purge par laquelle est évacué l'excédent dont la charge pèse sur les âmes des individus et de la communauté qu'ils constituent. Or cette scène vernaculaire récupère des matériaux qui proviennent de l'ère préislamique.

L'origine de cette matière remonte loin dans le temps ; elle actualise avec verve l'ancien, l'antique, qui, au Bangladesh, est indien ; elle se connecte avec des vestiges hindouistes, bouddhiques, qui donnent une forme de solidarité entre le'âlim ("savant") et le pandit, entre le soufi ("mystique") et le yogi. Comme il en est en Tunisie du fonds appartenant à la Méditerranée, à la berbérité, à la judéité, à la latinité, à l'Afrique subsaharienne, tant d'éléments ancestraux qui interfèrent, s'entrecroisent, se tissent pour être encadrés par la croyance islamique.

Ensuite, le deuxième point concerne l'approche doctrinale et la procédure juridique telle qu'elle a été adaptée et articulée à l'horizon du droit positif. C'est pour étouffer ces particularismes que la vague wahhabite voudrait submerger la mémoire hanafite [tendance libérale et rationaliste de l'islam] au Bangladesh et la mémoire malékite [de l'imam Malik ibn Anas (711-795), théologien et législateur qui vécut à Médine] au Maghreb.

Or ces mémoires, nonobstant leur carence opérationnelle, portent en elles une complexité et une propension au débat que ne supporte pas la schématisation wahhabite qui concentre son énergie sur l'orthopraxie au détriment de quelque autre questionnement.

Puis, j'en viens au troisième point, celui qui réclame le retour au fonds théologique et soufi impliquant la spéculation et l'interrogation. Pour revivifier un tel fonds, il faut au préalable dépasser aussi bien l'adhésion à l'un des quatre rites sunnites que le clivage sunnites/chiites. Il convient aussi de s'affranchir de la contrainte de l'ijmâ', du consensus qui a figé l'édifice constitué par la tradition ; et renouer avec l'ikhtilâf, le désaccord entre oulémas. Celui-ci crée la polyphonie, ouvre grandes les portes de l'ijtihâd, cet effort d'interprétation qui suscite la controverse et maintient vive la diversité des opinions, ce qui relativise l'accès à la vérité. Ce mot-clé, l'ikhtilâf, rayonne dans le livre juridique du cadi philosophe Ibn Rushd (Averroès 1126-1198), dont le titre peut être traduit ainsi : "Ici commence celui qui fait effort d'interprétation, là finit celui qui en fait l'économie."

A ce stade, il est aussi impératif d'élargir le domaine de nos références en puisant dans les corpus philosophique et poétique qui ont été consignés pendant des siècles par le truchement des grandes langues d'islam, surtout l'arabe et le persan. Car nous trouvons à travers les saillies de ces textes les prémices, les annonces, les signes avant-coureurs des leçons libérales qui répondent d'une manière efficiente aux problèmes d'aujourd'hui. On peut, par exemple, combler avec elles notre déficience à penser la question de l'altérité.

Au Bangladesh, il existe un problème dans le rapport du musulman avec l'autre, bouddhiste. Les actualités ne manquent pas de nous rapporter l'investissement de sites bouddhistes par des bandes salafistes qui brûlent les temples et détruisent ou décapitent les statues de Bouddha.

Tel fut le cas récemment, le 29 septembre, dans la ville de Ramu et les villages alentour, près de Cox's Bazar, sur le golfe du Bengale. Onze temples en bois ont été réduits en cendres, dont deux vieux de trois siècles. Et ces violences se sont propagées à Patria, plus près de Chittagong, où la présence bouddhiste est relativement dense.

Puis est venu le tour d'Ukhia, de Teknaf, toujours dans le sud-est du pays, non loin de la frontière birmane.

L'atteinte à l'harmonie entre communautés a blessé ici bien des individus appartenant au milieu des musulmans libéraux. Ce déni de l'altérité bouddhiste a suscité un poème de protestation qui redonne gloire au Bouddha écrit par Kaiser Haq, un des poètes que j'ai rencontrés à Dacca. Lors d'une séance de lecture publique, j'ai rappelé nombre d'évocations bouddhistes dans la tradition islamique chez des auteurs médiévaux.

Tous ces auteurs du Xe et du XIe siècle se révèlent autrement plus ouverts à l'altérité, plus curieux de l'autre, plus aptes à entendre la différence, plus pertinents à saisir le fonctionnement de la croyance étrangère, en la singularité de ses rites et de ses représentations que nos contemporains salafistes wahhabites qui veulent nous imposer leur vision fanatique et exclusive. Après un tel rappel, la lecture du poème de Kaiser Haq a acquis une franche évidence qui a renforcé la conviction des auditeurs présents à travers la diversité de leurs opinions.

Enfin, j'en arrive au dernier point, celui qui recommande l'articulation de notre discours à la pensée moderne et postmoderne telle qu'elle s'est exprimée depuis le XVIIIe siècle, depuis Rousseau et Kant jusqu'à Karl Popper et Jacques Derrida en passant par John Stuart Mill et tant d'autres, celle qui prône l'ouverture et la liberté, qui use de l'arme de la critique et de la déconstruction d'un héritage qui ne vaut que lorsqu'il continue d'être porté comme trace interrogée avec constance.

L'assimilation d'une telle pensée nous restitue aussi à la complexité et nous réoriente vers l'interrogation, elle nous détourne des réponses toutes faites. Telles sont les conditions qui nous conduisent sur la voie de la liberté et de la reconnaissance de celui qui ne partage ni vos convictions ni votre croyance.

En honorant ces quatre points (honnis par les salafistes), nous serons en mesure de construire un discours alternatif destiné à contrer le propos wahhabite, à le réfuter et à en refuser le projet. Il s'agit d'un "contre-discours", selon le mot utilisé par un penseur bangladais, le professeur Imtiaz Ahmed, avec qui j'ai participé à une conversation publique au Senate Hall de l'université de Dacca devant un public varié et attentif composé aussi bien de séculiers que d'islamistes bon teint comme d'autres d'apparence salafiste. Et la discussion avec le public qui a suivi nos interventions et notre échange a été constructive, cordiale.

Après cette séance, des jalons ont été posés pour avancer vers le tracé de cette voie alternative sur laquelle devrait cheminer le produit de nos échanges qui pourraient être facilités par la constitution d'un réseau qui tisserait la toile des libéraux musulmans, d'Indonésie au Maghreb, comme partout dans le monde, et les encourager à s'organiser pour ne pas que leurs pays soient une proie facile entre les griffes islamistes.

Ecrivain et poète, Abdelwahab Meddeb est né à Tunis en 1946 et vivant en France, enseigne la littérature comparée à l'université Paris-X et anime l'émission "Cultures d'islam" sur France Culture. En 2012, il est invité par l'Université libre de Berlin pour occuper la chaire Samuel Fischer Guest Professorship for Literature. Il est l'auteur de nombreux ouvrages, dont La Maladie de l'islam (Seuil, 2002), Contre-prêches (Seuil, 2006) et Pari de civilisation (Seuil, 2009) ; Printemps de Tunis, la métamorphose de l'histoire (Albin Michel, 2011).

Abdelwahab Meddeb

jeudi 13 décembre 2012

Mohamed Mechmache en mission pour "l'empowerment" des habitants des quartiers 13.12.12 | 20:55 | Blog : Au centre, la banlieue

Réunion du 3e Forum social des quartiers populaires à Montpellier en septembre 2009. (DR)

Mohamed Mechmache à la tête de la concertation avec les habitants sur la politique de la ville ? L'idée pourrait faire sourire, tant le responsable de la remuante association AC Le feu qui a vu le jour au lendemain des émeutes urbaines de 2005 ne passe pas pour un courtisan du pouvoir. C'est pourtant lui ainsi que l'urbaniste Marie-Hélène Bacqué que le ministre a convaincu de prendre en charge une mission sur la participation des habitants. L'annonce devrait se faire officiellement mardi 18 décembre.

Voici deux mois que François Lamy a lancé sa grande consultation intitulée "Quartiers, engageons le changement". Grand raout à Roubaix, réunions de groupes de travail, plénières d'étape... le show est huilé et le ministre avance ses pions pour parvenir à une réforme de la géographie prioritaire comme dans l'obtention de nouveaux crédits pour les banlieues pauvres. Mais il manquait un acteur les habitants de cités et cela commençait à se voir. Quatre tables rondes ont donc été programmées tout au long du mois de janvier dans les villes de Bobigny, Rennes, la Seyne-sur-Mer et Strasbourg. Une agence de communication l'incontournable Campana et Eleb, l'agence chère aux mairies communistes est chargée de les mettre en scène.

Pas de numéro de claquettes

Mais cela ne suffisait pas, lui disaient ses contacts dans le monde associatif. Car le ministre reçoit beaucoup. Outre une quantité incroyable d'élus de banlieue, des responsables associatifs ont été invités au ministère. C'est ainsi que le ministre a consulté Salah Amokrane, directeur de l'association toulousaine Tactikollectif, et Mohamed Mechmache, de Clichy-sous-Bois, tous deux animateurs et cofondateurs du Forum social des quartiers populaires. Les deux militants des quartiers lui ont dit l'importance d'associer les habitants à toute opération les concernant. "Le gros problème de la politique de la ville, c'est qu'on n'écoute que les élus et les techniciens de la ville. Il faut prendre le temps d'écouter et d'accompagner les initiatives autonomes", explique le Toulousain. M. Mechmache a insisté pour ne pas s'en tenir à de simples rencontres alibi : "Les quartiers n'ont pas besoin de réunions où le ministre vient faire son numéro de claquettes comme on l'a vu avec Fadela Amara."

Après une campagne présidentielle où la banlieue a eu l'impression d'avoir été la grande oubliée, c'est peu dire que la frange active des quartiers regardait avec méfiance cette nouvelle consultation. Conscient que la gauche devait se refaire une image auprès des militants des cités, le ministre de la ville a décidé d'afficher cette nouvelle priorité. Depuis trente ans, la politique de la ville a toujours échoué dans ce domaine, comme le faisait remarquer le sociologue Renaud Epstein lors du colloque sur la politique de la ville du Centre d'analyse stratégique mercredi 12 décembre à Sciences Po : "En France, il y a beaucoup de rhétorique participative mais peu de pratique."

Savoir entendre et associer

C'est ce défi que Mohamed Mechmache et Marie-Hélène Bacqué sont chargés de relever pour une mission de quatre mois, au terme de laquelle ils doivent rendre des propositions de structures pérennes et des outils permettant l'expression des habitants et des associations. "On ne peut pas faire des opérations de politique de la ville sans se préoccuper de ceux à qui cela s'adresse", assure M. Lamy. A ses yeux, de nombreuses opérations de rénovation urbaines ou de contrats de ville ont été ratés par manque de collaboration avec les habitants et les associations.

"On le voit lors des opérations de démolition/reconstruction : on a à la fois des rêves de désenclavement et en même temps un attachement à un lieu de lien social. Il faut savoir l'entendre et associer les habitants au montage des projets et à leur évolution", insiste encore le ministre. Un début d'"empowerment" à l'américaine, rendant les citoyens acteurs de leur changement. "Il nous a entendu", sourit M. Mechmache. Reste maintenant à allouer les moyens pour que cela ne devienne pas un gadget.

Sylvia Zappi




mercredi 12 décembre 2012

Quand Buisson dynamite l'UMP 12.12.12 | 21:27 | Blog : Le 19 heures de Françoise Fressoz

C'est l'incendiaire dans la maison UMP. Patrick Buisson, son populisme, ses appels au peuple contre les élites !

Le conseiller de Nicolas Sarkozy en avait fait un des axes de la campagne présidentielle. Une partie de l'UMP avait tordu le nez sans oser rien dire car on était en campagne et qu'il fallait être solidaire.
Vint la défaite, mais Nicolas Sarkozy rendit impossible l'inventaire car il n'avait pas perdu. La ligne Buisson l'avait fait gagner, enfin presque. Elle l'avait sauvé du désastre annoncé. C'est ce que le président battu répétait à ses proches qui transmettaient le message aux ouailles de l'UMP. Silence dans les rangs.
Il fallait bien cependant que l'orage éclate, que les comptes se règlent un jour. C'est ce qui est en train de se passer et de la façon la plus spectaculaire qui soit.
Patrick Buisson a importé son populisme au sein de la maison UMP et c'est comme s'il l'avait incendiée. Pour tenter de sauver le soldat Copé de plus en plus isolé à son poste de président contesté de l'UMP, il a inventé une " vraie fracture entre la base militante et sa représentation parlementaire ".
Une façon de délégitimer le vote des parlementaires UMP prévu mardi qui donnera sans doute majoritairement raison à François Fillon qui appelle à un nouveau vote avant le printemps prochain.
Mais les députés et les sénateurs UMP n'y ont pas vu qu'une simple manoeuvre. Ils ont éprouvé un gros malaise : Buisson leur déclarait la guerre: monter les militants contre eux, c'était remettre en cause leur travail et leur existence, attaquer la démocratie représentative, poser un pain de dynamite au milieu de leurs dernières certitudes.
Et ce qui ne s'était pas produit pendant la campagne s'est réalisé : des voix se sont élevées pour dénoncer la ligne Buisson. Un tout petit début de résistance, mais un début quand même.