lundi 25 juillet 2011

Dix jeunes élus franciliens militent pour les statistiques ethniques


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La délégation de l'Association nationale des élus locaux de la diversité (Aneld), à Washington, lors de son voyage d'étude.

De retour d'un voyage d'étude aux Etats-Unis, dix élus franciliens issus de la diversité ont décidé de plaider en faveur des statistiques ethniques. "Là bas, on était considérés comme les 'Frenchies', on nous parlait fromages et tout... Ça change", sourit Kamel Hamza, membre fondateur de l'Association nationale des élus locaux de la diversité (Aneld), organisatrice de ce séjour avec l'ambassade américaine à Paris.

De Baltimore à Washington, pendant une semaine, ils ont rencontré sénateurs et élus municipaux, acteurs associatifs et fonctionnaires pour discuter des"bonnes pratiques" américaines en matière de promotion de la diversité et de son corolaire la lutte contre les discriminations.

Désormais, ils n'ont qu'une idée en tête : "lancer un débat sur les statistiques ethniques". Pas franchement novateur. "C'est bien parce que c'est un vieux débat qu'il faut le poser", rétorque Kamel Hamza, conseiller municipal UMP de La Courneuve (Seine-Saint-Denis) "Il faut sortir de l'hypocrisie, les statistiques ethniques se font déjà mais toujours en négatif. On peut aussi les utiliser à des fins positives pour dénoncer les injustices", embraye celui qui se déclarerait"Français d'origine maghrébine".

LES RÉSERVES DE LA CNIL

Pour cela, il faudrait changer la loi. Comme le souligne Marie-Hélène Mitjavile, conseillère d'Etat de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL),"la règle, c'est l'interdiction. On ne peut pas recueillir et traiter des données dont le seul objet est de classer les gens selon leurs origines ethniques". Et de préciser : "La CNIL dit qu'il faut mesurer les discriminations, mais cela doit déboucher sur une analyse fine et qualitative de leurs causes, qui ne sont pas nécessairement ethniques d'ailleurs."

Pourtant, les dix jeunes élus en sont convaincu, de telles statistiques seraient le meilleur moyen de lutter contre les discriminations dont sont victimes les personnes d'origine étrangère."Elles permettent l'officialisation de la discrimination et donc mettent fin à l'inertie. Les hommes politiques, qui devraient être visionnaires et avoir un temps d'avance sur les mentalités ne pourront plus esquiver le dossier", soutient Leïla Leghmara, conseillère municipale Nouveau Centre à Colombes (Hauts-de-Seine). "Mais on ne veut pas des quotas, précise Fouad Sari, élu Europe Ecologie-Les Verts à Vigneux-sur-Seine (Essonne).Nous parlons en terme d'objectifs vers lesquels il faut tendre, sans être imposés par la loi."

POUR UNE ALLIANCE POLITIQUE

Militants de tous bords politiques, de la droite aux écologistes en passant par le centre, les jeunes élus dressent le même constat :"Jusqu'à présent, il y a eu beaucoup de symboles mais peu d'actions correctives en matière de lutte contre les discriminations." La droite les a agréablement surpris, notamment en 2007, quand Nicolas Sarkozy parlait encore de discrimination positive et donnait des fonctions ministérielles à Rachida Dati ou Fadela Amara. La gauche les a déçus, trop attentiste, pas assez attentive. "La gauche considère que les citoyens d'origine étrangère sont des électeurs acquis", persifle Kamel Hamza. 

"De toute façon, la promotion de la diversité dépasse les clivages. Il y a des moments où il faut savoir faire des alliances avec ses adversaires politiques pour faire bouger les lignes", affirme Leïla Leghmara, s'inspirant de ce que lui a dit un homme politique américain.

Eux même ont fait et font toujours l'expérience de la discrimination. Comme Faten Hidri, élue au conseil régional d'Ile-de-France. La mention "Majorité présidentielle" inscrit sur la carte de visite. "Mais du côté de Borloo", s'empresse-t-elle de préciser. "Petite, je disais que je voulais devenir avocate, tout le monde se marrait." Parcours parfait jusqu'à l'arrivée sur le marché du travail. "J'étais la seule de ma promotion à ne pas trouver de job. J'ai donc décidé d'aller à Cambridge. Et après, par contre, ça allait", souligne-t-elle.

LE COMMUNAUTARISME S'INSTALLE 

Pas encore professionnels de la politique, ils travaillent, parallèlement à leurs mandats. "Je suis professeur dans un collège. Quand quelqu'un entre pour demander un renseignement, on me prend pour un surveillant à coup sûr", raconte Fouad Sari.

C'est dans ces moments-là, à l'école ou dans les réunions avec les habitants de leurs communes, qu'ils réalisent combien une partie de la jeunesse "ne se sent pas français", combien le communautarisme s'installe sans faire de bruit. Une blessure pour ces élus, qui se revendiquent comme "les fruits de la méritocratie républicaine".

Alors, ils veulent faire naître"l'espoir des Américains où règne un véritable sentiment d'appartenance à la nation" en rappelant que "leur réussite en font des garants de l'identité républicaine et de ses valeurs".

Leur tâche semble immense."C'est un combat qui va déranger et heurter certaines sensibilités. Mais les grands combats se mènent dans la division", lance avec emphase Leïla Leghmara, avant de citer les exemples de Simone Veil ou de Martin Luther King. Et d'insister : "Il faut bien comprendre qu'un jour les minorités deviendront la majorité."

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