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vendredi 23 août 2013

Cambadélis : "L'habileté politique de François Hollande ne suffit pas" 23.08.2013 à 13:23 | LE MONDE Françoise Fressoz et Bastien Bonnefous

Jean-Christophe Cambadélis, député de Paris, au siège du Parti socialiste, le 21 août. JEROME SESSINI/MAGNUM PHOTOS

Alors que les socialistes tiennent leur université d'été du 23 au 25 août à La Rochelle, Jean-Christophe Cambadélis, député de Paris et ancien candidat au poste de premier secrétaire, souhaite que le Parti socialiste retrouve"une place centrale dans le dispositif politique".

Partagez-vous l'optimisme de François Hollande ? La croissance est-elle de retour ou s'agit-il seulement d'une ruse pour combattre le pessimisme ?

Jean-Christophe Cambadélis Les derniers indicateurs sur la croissance donnent raison au président de la République. Son volontarisme économique n'est donc pas contestable. Pour autant, la France n'est pas tirée d'affaire parce que l'ensemble de l'Europe ne l'est pas et parce que nos déficits mettront du temps à être surmontés. C'est pourquoi l'habileté politique de François Hollande ne suffit pas. Il faut qu'il donne un cap à la France. Notre pays a vocation à retrouver la première place en Europe. Ce doit être l'objectif du quinquennat.

Que voulez-vous dire ?

Nous devons gagner en inventivité, en créativité, en impulsion, redonner au pays la position centrale qu'il occupait sous François Mitterrand et qu'il a perdue au cours des présidences Chirac et Sarkozy.

Mais n'y a-t-il pas un doute sur les choix économiques de François Hollande qui s'exprime à l'intérieur même du PS ?

La situation est objectivement très difficile parce que nous devons à la fois muscler notre industrie, réduire nos déficits et ne pas casser la croissance. La passe est étroite et je trouve étonnant que tous les jours les socialistes ajoutent aux difficultés en provoquant des débats qui n'ont pas lieu d'être sur les retraites, la pression fiscale ou l'immigration. Je leur conseille de parler à bon escient, de ne parler des problèmes qu'au moment où ils se posent sans trop chercher à anticiper.

D'où vient le malaise ?

Le Parti socialiste se cherche. Il a besoin d'une ligne, d'une énergie créatrice. Il doit retrouver une place centrale dans le dispositif politique. J'avoue ma très grande perplexité quand je vois le gouvernement organiser un séminaire pour réfléchir à la France de 2025. Que reste-t-il au PS ? Ce devrait être le rôle du parti d'imaginer la nouvelle France, l'égalité réelle, la liberté ordonnée, la fraternité laïque, et de construire face à la lepénisation rampante de la droite et de la société l'alliance des progressistes.

Harlem Désir ne "fait pas l'affaire" ?

Sa situation n'est pas facile, mais après l'automne social va s'ouvrir le printemps électoral. Il faut que nous retrouvions vite le Harlem Désir qui fit les beaux jours de SOS Racisme. Nous n'attendons pas de lui qu'il soit le porte-parole du gouvernement. L'excellent chef d'orchestre Jean-Marc Ayrault devrait pouvoir s'en passer. Nous avons besoin d'un leader d'opinion capable de s'ouvrir à tous les talents et de mobiliser les grands élus, y compris à la gauche du parti.

Vous redoutez le combat municipal de mars 2014 ?

J'appelle à la mobilisation car il y a danger. En trente ans, la gauche a réussi à bâtir un modèle municipal unitaire, intégratif, écologique et culturel. Depuis 1977, c'est ainsi qu'elle s'est construite, dans l'unité de base de ses bastions municipaux. Or, aujourd'hui, le Front national est à l'offensive contre ce modèle qui fait obstacle à sa propre idéologie.

Anticipez-vous une poussée lepéniste ?

Je redoute, à la faveur de la crise, une irruption dans les urnes du national-populisme, et j'appelle toutes les composantes de la gauche à l'union pour faire barrage.

Cela s'adresse-t-il aussi à Jean-Luc Mélenchon, qui ne cesse d'agresser François Hollande ?

Oui, car si les municipales n'ont pas d'impact sur la politique nationale, elles sont en revanche un enjeu pour le FN. Il faut que la gauche soit unie dans cette confrontation. Si nous n'y prenons garde, nous allons vers des années frontistes, une tension civile extrêmement dure qui compromettra le développement économique du pays.

Ne dramatisez-vous pas un peu trop ?

Des digues sont tombées pendant la campagne présidentielle : pour des raisons électorales, Nicolas Sarkozy a joué la proximité avec le FN. Aujourd'hui, une partie de la droite est fascinée par Marine Le Pen et ses thèses progressent dans l'opinion. Il faut reconstituer les digues et mener le combat sur les valeurs en prenant le FN pour ce qu'il est : une formation politique qui veut remettre en cause le pacte républicain, qui a la hantise du métissage et qui développe la haine de l'islam, après avoir développé celle du juif et de l'Arabe.

Manuel Valls s'est-il trop droitisé comme le pense une partie de la gauche ?

Je comprends les critiques de Cécile Duflot à son encontre mais il faut juger les ministres sur ce qu'ils font, pas simplement sur ce qu'ils disent. Au ministère de l'intérieur, Manuel Valls a organisé la rupture avec les années Sarkozy. Il a rompu avec les pratiques douteuses, dissocié la sécurité des questions ethniques. Il se revendique d'une autorité républicaine à la Clemenceau, sa laïcité n'est pas l'ennemie des religions. La question pour la gauche n'est pas le débat avec Manuel Valls, mais le combat contre la lepénisation rampante.

Le PS est-il prêt à la bataille ?

Pour l'instant, chacun agit dans sa ville. Il manque un élan national.

mardi 20 août 2013

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VIDEO. Immigration et islam : Valls fait encore parler de lui
leparisien.fr/politique/immi…

   
  03:08 AM - 21 Aug 13
   
 
 
 
 
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Manuel Valls : "La question du regroupement familial peut être posée" 20.08.2013 à 15:02 | Le Monde.fr avec AFP et Reuters

Manuel Valls, lors du séminaire de rentrée gouvernemental, lundi 19 août à l'Elysée. AP/REMY DE LA MAUVINIERE

Le ministre de l'intérieur, Manuel Valls, entend-il revoir la politique migratoire de la France, et notamment le principe de regroupement familial ? C'est ce qui ressort de plusieurs indiscrétions rapportées parLibération et Le Parisien, mardi 20 août, au lendemain du séminaire gouvernemental à l'Elysée consacré à la politique d'avenir de la France.

M. Valls aurait jeté un froid lors de cette rentrée ministérielle, en déclarant que la pression démographique en Afrique allait obliger la France à revoir sa politique migratoire, notamment le regroupement familial, et aussi qu'il faudrait démontrer que l'islam était compatible avec la démocratie. Selon Libération et Le Parisien, plusieurs ministres ont fait état, sous le sceau de l'anonymat, d'un "vrai problème politique" concernant Manuel Valls.

VALLS : "LA QUESTION DU REGROUPEMENT FAMILIAL PEUT ÊTRE POSÉE"

"Propos déformés""rumeurs" et"fausses informations", a rétorqué mardi l'occupant de la place Beauvau, sur BFM TV et RMC."Pourquoi y a-t-il parfois des attaques à mon endroit ? Précisément parce que je fais la démonstration que la gauche peut réussir, qu'elle a changé dans le domaine [de la sécurité], qu'elle fait mieux que la droite", se défend-il, sans pour autant nier avoir soulevé ces questions lors du séminaire.

Durée : 03:00 | Images : 

Le ministre a jugé normal de s'interroger sur la politique migratoire française. "J'ai dit [lors de ce séminaire] ce n'est pas la première fois et je ne suis pas le seul à le dire qu'il faut rebâtir un partenariat avec l'Afrique, notamment sur la question migratoire, a expliqué Manuel Valls sur BFMTV. C'est l'ensemble de nos politiques migratoires qui devront être questionnées pour la France et pour l'Europe, et notamment sur le bassin méditerranéen. Toutes les questions seront posées et [...] parmi d'autres la question du regroupement familial peut être posée."

"JE N'AI PAS ENTENDU MANUEL VALLS TENIR CE PROPOS"

Les déclarations attribuées à Manuel Valls ont fait réagir le président de l'UMP, Jean-François Copé : "C'est moi-même un sujet que j'évoque depuis de nombreuses années, j'ai été très insulté par des responsables de gauche qui refusent de voir la vérité. [...] Quand on est au gouvernement, on n'est pas simplement là pour dire qu'il y a un problème. On est là pour proposer des solutions." Le vice-président du Front national, Louis Aliot, a lui estimé que Manuel Valls évoquait ces thèmes "parce qu'il sait que c'est populaire",ajoutant : "Il passe pour un homme déterminé et à poigne alors que toute sa politique est faite de laxisme et d'absence de résultats."

Plusieurs de ses collègues ont tenté d'éteindre la polémique. Stéphane Le Foll a qualifié d'"extrapolations" et de"commentaires" les formules litigieuses. "Il n'y a pas de problème Manuel Valls", a tranché sur Europe 1 ce proche du président François Hollande. Pour la porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, "Manuel Valls s'est exprimé comme ministre de l'intérieur sur son sujet de compétence". Il n'a, a-t-elle assuré sur i-Télé, provoqué"aucune gêne". Un renoncement au regroupement familial ? "Je n'ai pas entendu Manuel Valls tenir ce propos", a-t-elle ajouté.

MARISOL TOURAINE PREND SES DISTANCES

"Quand on est dans un séminaire comme ça, chacun s'exprime librement et donne sa vérité, ses idées, on peut les partager ou non, a argumenté le ministre de l'économie, Pierre Moscovici.Quand je lis que Manuel Valls aurait laissé planer un doute sur le fait que l'islam soit incompatible avec la république,  [ce n'est] pas du tout ce qu'il a dit, c'est exactement le contraire." "Ne nous faisons pas de faux procès", a exhorté le ministre sur France Inter.

"C'est normal quand même de se poser la question de l'immigration dans dix ans, a protesté sur France Info Michel Sapin, le ministre du travail. Cette immigration doit être maîtrisée, évidemment maîtrisée. Non pas interdite, non pas rejetée, non pas la peur de l'étranger ça c'est l'extrême droite mais humaine et maîtrisée."

Marisol Touraine, ministre de la santé, a toutefois pris ses distances avec la position du ministre de l'intérieur. "Je crois que nous devons rappeler que nous sommes dans un cadre républicain et que ce cadre républicain doit être réaffirmé, a-t-elle dit sur France 2.Pour ma part, je ne crois pas que la mise en cause du regroupement familial serait une manière de faire vivre notre cadre républicain."

jeudi 8 août 2013

Une majorité de Français contre le voile islamique à l'université Caroline Beyer, 08/08/2013 | Mise à jour 23:58

EXCLUSIF - Dans un sondage Ifop pour Le Figaro , une forte majorité des personnes interrogées, droite et gauche confondues, se prononcent contre le foulard islamique pendant les cours.

Manuel Valls intervient dans le débat sur la laïcité. À la suite durapport du Haut Conseil à l'intégration (HCI), qui préconise notamment l'interdiction de signes religieux ostentatoires dans les salles de cours de l'université, le ministre de l'Intérieur déclare au Figaro que l'ensemble des propositions du HCI sont «dignes d'intérêt». Il af­fiche donc une fois de plus ses convictions, alors que nombre d'élus à gauche se déclarent hostiles au principe d'une nouvelle loi proscrivant le voile isla­mique dans l'enseignement supérieur.

L'hôte de Beauvau le dit très clairement: «Laissons à ce stade l'Observatoire de la laïcité travailler et formuler des propositions… Mais je ne sous-estime pas l'analyse du HCI, et ses douze propositions sont dignes d'intérêt… À tout le moins, il faudrait mettre de la cohérence (universités, IUT…). Il faut le faire avec méthode et en recherchant le consensus si possible.» C'est que le sujet est délicat. Mais le ministre de l'Intérieur sait qu'il ale soutien de l'opinion.

Huit Français sur dix se disent en effet opposés au port du voile ou du foulard islamique dans les salles de cours des universités, selon un sondage Ifop pour Le Figaro*. «Une opposition comparable au niveau de ce que nous avons déjà pu observer sur cette théma­tique», commente Jérôme Fourquet, directeur du département opinion publique à l'Ifop. En octobre 2012, dans un contexte brûlant de publication des caricatures de Mahomet dans Charlie Hebdoils se déclaraient opposés à 89 % au port du voile dans les écoles pu­bliques. Une quasi-unanimité, saluant, de fait, la loi du 15 mars 2004 interdisant le port de signes et de tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse. Quant à leur refus de voir le voile porté dans la rue, il atteint les 63 %. «L'université se situe à mi-chemin entre l'école et la rue», observe Jérôme Fourquet.

Les attentes de l'opinion sont claires

La question de la nécessité de légiférer se pose également dans les entreprises privées. Là encore, les attentes de l'opinion sont claires. En mars 2013, alors que la Cour de cassation annulait le licenciement pour port du voile d'une salariée de la crèche Baby Loup dans les Yvelines, 84 % des sondés interrogés par l'Ifop se disaient opposés au port du voile dans des lieux privés accueillant du public. Un dossier sur lequel Manuel Valls avait aussi fait entendre sa voix, plaidant dans l'Hémicycle pour une «initiative législative», «s'il y a un vide juridique à combler». Harlem Désir, le premier secrétaire duPS, se disait alors favorable à l'extension de l'interdiction du voile dans les établissements privés assurant une mission de service public. À droite, le député UMP Éric Ciotti a présenté en juin une proposition de loi permettant aux entreprises d'inscrire dans leur règlement intérieur le principe de neutralité. Car, sur le sujet de la laïcité, la gauche, en proie à différents courants sur le sujet, semble bien désormais jouer l'apaisement.

Après la publication, en début de semaine dans Le Monde, du rapport du HCI, l'Observatoire de la laïcité, l'organisme qui lui a succédé et qui a été installé en avril par François Hollande, s'est largement tenu à l'écart de ces préconisations, par le biais de son président, le socialiste Jean-Louis Bianco. En juin dernier, il déclarait que «la loi ne règle pas tous les problèmes». Alors que la promesse de campagne de François Hollande visant à inscrire la loi de 1905 sur la séparation de l'Église et de l'État dans la Constitution semble tombée dans l'oubli, la gauche va-t-elle légiférer sur la question laïque? Rien n'est moins sûr. Pourtant, près de 70 % de ses sympathisants se disent aujourd'hui opposés au port du voile dans les salles de cours universitaires, quand ils sont respectivement 91 % et 95 % du côté des sympathisants UMP et FN

mercredi 7 août 2013

"Sudiste" et "nordiste", les deux électorats du FN 07.08.2013 à 15:33 | LE MONDE Abel Mestre

Pendant le discours de Marine Le Pen à La Baule, le 23 septembre, pour clôturer l'université d'été du Front national.JEAN-CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH-POLITICS POUR LE MONDE

Le Front national a plusieurs visages. C'est ce que confirme une étude de l'IFOP pour Le Monde qui a radiographié les électorats du Sud-Est et du Nord-Est du parti d'extrême droite. Il en sort que l'électeur frontiste "sudiste" a un tropisme plus droitier quand le"nordiste" est, lui, plus social. Des électorats qui ne sont pas opposés, mais complémentaires, et qui permettent au FN de parler à un très large spectre électoral.

Parmi l'échantillon représentatif des 6 000 électeurs interrogés par Internet entre mai et juillet, l'Institut a filtré les électeurs de Marine Le Pen pour faire ressortir deux blocs régionaux : le Sud-Est (Languedoc-Roussillon et Provence-Alpes-Côte d'Azur) et le Nord et l'Est (Nord-Pas-de-Calais; Picardie ; Haute-Normandie ; Champagne-Ardenne et Lorraine).

C'est dans ces territoires que le FN est implanté, qu'il a ses élus et que les perspectives de victoires électorales sont les plus fortes. Ce sont aussi les terres de ses principaux leaders : Marine Le Pen est élue régionale du Nord-Pas-de-Calais, Jean-Marie Le Pen est, lui, élu en Provence-Alpes-Côte d'Azur et Marion Maréchal-Le Pen est députée du Vaucluse.

"DIFFÉRENCES SUR L'ÉCONOMIE ET LE SOCIAL"

Le premier enseignement est que les fondamentaux du parti d'extrême droite agissent comme un véritable ciment des différents électorats du FN. Ainsi, qu'il s'agisse du Nord-Est ou du Sud-Est,"il y a une très grande homogénéité des points de vue sur la dénonciation de l'assistanat, de l'insécurité et de la mondialisation", note Jérôme Fourquet, directeur du département opinion de l'IFOP.

Dans le Nord comme dans le Sud, 65 % des électeurs FN interrogés estiment que "les chômeurs pourraient travailler plus s'ils le voulaient" ; 85 % des électeurs "sudistes" et 87 % des "nordistes" estiment que l'on "ne se sent plus en sécurité nulle part" ; 83 % des électeurs FN du Sud-Est et 82 % de ceux du Nord-Est pensent que "la France devrait se protéger davantage". Quant à l'immigration, c'est encore plus flagrant : 97 % des électeurs méditerranéens et 95 % de ceux du quart nord-est adhèrent ainsi à l'idée qu'"il y a trop d'immigrés en France".

Ces convergences cohabitent toutefois avec de vrais clivages concernant les politiques économiques et sociales."L'immigration agrège des électeurs qui ne voteraient pas pour le même parti. On le voit avec les différences sur l'économie et le social", note M. Fourquet.

La principale différence entre les électorats du Sud-Est et du Nord-Est réside dans les questions économiques, notamment fiscales. Sans réelle surprise, les "sudistes" apparaissent donc plus conformes à ce que fut le FN de Jean-Marie Le Pen : poujadiste, contre "la pression fiscale" et en défense des petits commerçants et artisans. Les "nordistes", sont quant à eux, plus sensibles aux arguments "sociaux" développés par Mme Le Pen.

"VRAIE DIFFÉRENCE ENTRE LES DEUX ÉLECTORATS"

La question du niveau d'imposition des personnes les plus riches en est l'illustration."Cela laisse apparaître une vraie différence de nature entre les deux électorats", souligne l'étude. 60 % des frontistes méridionaux estiment que "le niveau de fiscalité payé par les personnes plus riches est trop élevé", quand seulement 37 % des "nordistes" partagent cette opinion. A l'inverse, 42 % des électeurs lepénistes du Nord-Est jugent que "le niveau de fiscalité payé par les personnes plus riches n'est pas assez élevé, ce qui ne permet pas de corriger les inégalités". 22 % des "sudistes" sont de cet avis.

Si les questions économiques et sociales sont appréhendées de manière différente par ces deux électorats, c'est que leur composition sociologique n'est pas la même. L'électorat frontiste du Nord-Est est celui où les catégories populaires sont le plus représentées : il compte 50 % d'ouvriers et d'employés. Au contraire, dans le sud de la France, la proportion de milieux populaires est la plus faible. Ces catégories ne représentent que 36 % de l'électorat méridional contre 45 % pour l'ensemble de l'électorat frontiste.

IFOP/Infographie "Le Monde" IFOP/INFOGRAPHIE "LE MONDE"

En revanche, bien que minoritaires, les retraités et les CSP + et indépendants (agriculteurs, commerçants, artisans, chefs d'entreprise, professions libérales et cadres supérieurs) sont nettement surreprésentés dans le Sud (38 %) par rapport à ce que l'on observe dans le quart nord-est (23 %) ou au niveau national (30 %).

NÉCESSITÉ DE "PARLER À TOUT LE MONDE"

Ces électorats, non pas opposés mais différents et complémentaires, sont, pour l'instant, une chance pour le FN, qui parvient donc à s'adresser à un large champ d'électeurs. Le débat sur le mariage homosexuel a illustré cette réalité multiple du "frontisme". D'un côté Marine Le Pen qui est opposée au mariage pour les personnes de même sexe n'a pas souhaité participer aux manifestations organisées par la Manif pour tous. De l'autre, Marion Maréchal-Le Pen, implantée dans le Sud-Est, était de tous les défilés.

Une différence de degré dans l'opposition à la loi qui se vérifie dans les différents électorats, puisque 76 % des "sudistes" sont opposés à la loi Taubira, contre 65 % chez les "nordistes", terre d'ancrage de Marine Le Pen. Le FN justifiait ces divergences en mettant en avant la nécessité de"parler à tout le monde".

> Lire aussi : Dans la famille Le Pen, père, fille et petite-fille ont chacun leur discours

Les différences se sont aussi cristallisées lors de la présidentielle de 2012. Dans le Sud-Est, 59 % des électeurs de Mme Le Pen se sont reportés sur Nicolas Sarkozy, contre 42 % dans le Nord-Est, où l'on s'est davantage abstenu. 38 % des électeurs "nordistes" ont boudé les urnes, lors du second tour de l'élection présidentielle contre 26 % des "sudistes". Enfin, ils étaient plus nombreux, dans le Nord, à se reporter sur François Hollande (20 % contre 15 % dans le Sud).

"C'est une question de dosage pour Marine Le Pen, analyse Jérôme Fourquet. Elle peut élargir son discours à des thèmes sociaux mais ne doit pas aller trop loin au risque de perdre une partie de son électorat sudiste. Que se passerait-il si un Nicolas Sarkozy revenait avec à la fois une ligne droitière tout en maintenant des propositions libérales ? Pour tenir l'ensemble de son électorat, Marine Le Pen doit toujours revenir au socle commun, à savoir les questions d'immigration."

mardi 6 août 2013

Défendre la laïcité sans surenchère 06.08.2013 à 14:55 | LE MONDE

Si la laïcité ne saurait être une arme de guerre contre les religions, qu'elle doit respecter et écouter, elle est un principe de la République qui s'applique à tous.AFP/MYCHELE DANIAU

Au-delà d'une proposition controversée en faveur d'une loi interdisant le port du voile à l'université, le rapport du Haut Conseil à l'intégration, révélé parLe Monde du 6 août, pose de vraies questions. Si la laïcité ne saurait être une arme de guerre contre les religions, qu'elle doit respecter et écouter, elle est un principe de la République qui s'applique à tous. Lorsque dans des facultés, au nom d'une religion, la mixité est récusée tant au niveau des étudiants que des professeurs, le contenu des enseignements contesté, l'octroi de locaux réclamé pour en faire un usage communautaire ou identitaire, il s'agit bien d'atteintes inadmissibles au principe même de la laïcité : elles doivent être combattues.

Depuis vingt-cinq ans, la République s'est dotée de moyens, plus ou moins efficaces, pour faire respecter la neutralité religieuse de l'Etat et de ses agents. La loi de 2004 a interdit le port de signes religieux ostentatoires dans les établissements scolaires. Malgré les réserves du Conseil d'Etat, la loi du 11 octobre 2010 a interdit, avec l'assentiment à l'époque de l'actuel ministre de l'intérieur, Manuel Valls, la dissimulation du visage dans l'espace public. Entre octobre 2010 et avril 2013, cette loi a donné lieu à 705 contrôles concernant 423 femmes intégralement voilées et à 661 verbalisations. C'est à l'occasion d'un de ces contrôles que des violences urbaines ont éclaté le 20 juillet à Trappes (Yvelines). Faut-il aller encore plus loin ?

Se livrant à une interprétation liberticide et erronée de la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l'Etat, qui n'a jamais proscrit les manifestations d'une religion sur la voie publique, Marine Le Pen avait réclamé, en septembre 2012, l'interdiction du voile religieux et de la kippa dans la rue. Au lendemain de l'arrêt de la Cour de cassation annulant, le 19 mars, le licenciement d'une salariée voilée de la crèche Baby Loup, l'UMP avait déposé une proposition de loi préconisant l'interdiction des signes d'appartenance religieuse dans les entreprises. Encouragé par des élus socialistes, l'Elysée s'était interrogé sur une interdiction dans les structures accueillant la petite enfance. Sans suite et sans explication.

Dans une telle affaire qui, au-delà des polémiques récurrentes, concerne la nature même du modèle français, la surenchère législative n'apparaît pas comme la réponse la plus appropriée. Comme l'affirmait Jean-Louis Bianco, président de l'Observatoire de la laïcité, dans Le Monde du 26 juin, avant de préconiser une nouvelle loi "il faudra se demander si elle est stigmatisante pour certaines personnes, si elle contribue à apaiser ou à durcir les rapports entre les Français". Une loi interdisant le port du voile dans l'enseignement supérieur, à laquelle la Conférence des présidents d'université est hostile, risquerait d'être perçue comme stigmatisante. Elle pourrait attiser les tensions dans une société qui a, plus que jamais, besoin d'apaisement.

Pour autant, les recteurs doivent avoir les moyens, à travers les règlements intérieurs ou des circulaires ministérielles, et l'indispensable soutien de l'Etat, de faire respecter la neutralité religieuse. Les principes sont toujours mieux défendus quand les règles sont clarifiées.

>> Lire : "Voile intégral : une loi difficilement applicable"

lundi 5 août 2013

"C'est une injustice de ne pas pouvoir travailler avec son voile" LE MONDE | 05.08.2013 à 10h41 • Mis à jour le 05.08.2013 à 10h41 | Propos recueillis par Stéphanie Le Bars




Des élèves voilées dans un établissement scolaire musulman.

Elles le portent sombre et strict, serré sous le menton ou noué sur la nuque, en voile ou en turban, fleuri ou assorti à leur tenue du jour, un tailleur ou une longue tunique unie, agrémenté de maquillage ou en toute sobriété. Passées par des lycées publics où le port du voile est interdit depuis 2004, ou scolarisées en lycées privés catholiques où il n'était pas forcément le bienvenu, ces jeunes musulmanes voilées suivent aujourd'hui des études supérieures ou viennent de terminer leur cursus.

Pour l'instant, la loi leur permet d'étudier ainsi, même si le Haut conseil à l'intégration recommande d'interdire les signes religieux à l'université [article en zone abonnés]. Mais dans le monde du travail, nombre de femmes se défont de leur foulard à la porte du bureau. En dépit des"peurs" et de possibles débats à venir sur le port du voile en entreprise, les jeunes femmes que nous avons interrogées se montrent relativement "optimistes". Elles parient sur leurs diplômes et"l'évolution des mentalités" pour trouver du travail.

  • Saïda Ounissi, 26 ans, doctorante en sciences politiques à Paris-I

Lorsqu'elle est entrée à l'université, Saïda a pensé que "cela allait être compliqué" d'étudier avec son voile. Finalement, un seul incident a émaillé sa scolarité. "En master 1, un prof m'a virée car il estimait que je prônais un "islam politique" ; j'ai porté plainte et l'affaire s'est réglée par la médiation au sein de l'université." Saïda se savait "dans son droit".

"Ça a donné lieu à des discussions et des étudiants m'ont dit qu'eux aussi pensaient que je dépassais les bornes. Ils se sont demandé s'il ne fallait pas étendre la loi de 2004 à l'université, au nom de la neutralité. Moi je n'ai jamais rien organisé à la fac alors qu'il y a une aumônerie catholique très active et le syndicat des étudiants juifs, l'UEJF ! Comme on se sent tout juste tolérées, on ne la ramène pas !"

La jeune femme au foulard strict achèvera sa thèse dans dix-huit mois ; elle regrette de ne pouvoir donner des cours de TD avec son voile :"C'est dommage, parce que j'étais boursière et j'ai coûté de l'argent au pays." Comme beaucoup de ses amies, elle espère que les mentalités vont évoluer. "On se dit toutes que cela va finir par arriver, car c'est une injustice de ne pas pouvoir travailler avec son voile."

"Aujourd'hui, pour moi, ce serait difficile, physiquement et psychologiquement, de l'enlever. Beaucoup de femmes qui travaillent dans la finance le font ; mon luxe est de savoir que je peux bosser ailleurs qu'en France." Saïda envisage de travailler dans une organisation internationale.

  • Marwa, 25 ans, orthoptiste en province

Tout au long de ses études et de ses stages, Marwa a jonglé entre les bandeaux, les bonnets, les bandanas, les serre-tête, les accessoires de mode lui permettant de dissimuler ses cheveux. "Pour moi, il était important de porter le voile, tout en étant intégrée professionnellement. C'était une manière de sortir du cliché "femme voilée = femme au foyer"".

Elevée dans la campagne normande, Marwa a choisi une profession libérale "en partie à cause du voile. Je savais que cela me simplifierait la vie". Installée depuis deux ans dans le centre d'une ville de province avec une collègue non musulmane, elle porte le voile noué sur la nuque."Tant que je fais bien mon travail, cela ne pose aucun problème aux patients, même si, vu la société dans laquelle on vit, les gens sont parfois méfiants", assure-t-elle. Elle trouve "un peu fatigant tous les débats sur le voile""On est Françaises, on aimerait être considérées comme tout le monde, sans avoir toujours à se justifier."

  • Karima, 21 ans, quatrième année à Sciences Po Paris, spécialisée en ressources humaines

Pour trouver un stage, et bientôt un emploi, Karima a une stratégie : "Je ne mets pas de photo sur mon CV car je veux que l'on voie d'abord mon expérience et mes diplômes ; par contre, je me présente voilée aux entretiens. Et, jusqu'à présent, je n'ai pas eu de remarques", assure la jeune fille, qui décrit sa tenue comme "très corporate" : "Petite veste et couleur du voile assortie""L'idée c'est de se fondre dans l'univers de l'entreprise, sauf que j'ai un foulard sur la tête !"

Karima a poursuivi ses études et passé tous ses examens voilée : "Ce serait paradoxal de devoir le retirer pour trouver un boulot. En faisant des études, j'ai plutôt montré une ouverture d'esprit, j'ai été confrontée à la mixité et au final on me renverrait chez moi. C'est du gâchis, c'est contre-productif et c'est une réaction franco-française ! Je sais que c'est possible de travailler avec le voile et ceux qui ne veulent pas de moi voilée, tant pis pour eux."

  • K., 22 ans, deuxième année de médecine, et Myriam, 22 ans, quatrième année, à Paris-VII

Dans sa promotion de 327 étudiants, trois filles sont voilées et K., au long voile sombre encadrant strictement son visage, n'a jamais rencontré "aucun problème ni en amphi ni en travaux dirigés". Mais elle se souvient avec amertume de son premier stage en soins infirmiers. "Je portais un bandeau et on m'a dit que c'était interdit, sans discussion. Je l'ai enlevé, car je veux poursuivre mes études, mais cela m'a brisé le coeur."

Lors de son deuxième stage, le voile "porté en turban pour ne pas qu'il tombe sur les patients" n'a posé aucun souci. S'il le faut, elle l'enlèvera de nouveau, car cette jeune fille venue de banlieue parisienne ne peut pas faire ses études ailleurs.

Les yeux soulignés de crayon noir, Myriam porte un volumineux foulard fleuri, sur une tenue fashion ; comme K., la jeune fille a récemment été convoquée par son chef de service qui lui a demandé de retirer son voile. "Il n'a même pas voulu que je garde la charlotte. J'enlève mon voile aux toilettes quand j'arrive à l'hôpital ; j'ai l'impression d'être nue. Et je ne comprends même pas pourquoi on a besoin de voir mes cheveux !"

Cette jeune fille de Pontoise, qui rêve d'être anesthésiste-réanimatrice, s'interroge aussi sur la logique qui lui permet d'étudier voilée à la fac mais pas d'exercer son métier. "Je comprends que le voile fasse peur et que certaines filles voilées un peu paranos, renfermées sur elles-mêmes, alimentent les clichés, mais moi le voile ne m'a pas du tout isolée."

Myriam et K. viennent de monter un groupe sur Facebook pour"partager les expériences de stages et les endroits les plus propices à l'accueil de filles voilées". Car à l'hôpital, seul le voile est potentiellement gênant. "Pour les prières, on s'arrange en dehors des heures de stage ou on va dans le lieu de prière ouvert à tous ; et pour la nourriture, on mange du poisson."

dimanche 4 août 2013

L'entreprise et son tabou religieux 04.08.2013 | LE MONDE Hiacham Benaissa (Chercheur au sein du Groupe sociétés religions et laïcités (GSRL)) et Sylvain Crépon (Sociologue, chercheur associé au laboratoire Sophiapol de l'université Paris-Ouest-Nanterre)


Laurent Venon les insulte pendant qu'il les frappe : « sale arabe », « je déteste votre race », « je déteste votre religion »AFP/JEAN-PIERRE MULLER

Le ramadan est souvent l'occasion de mesurer la qualité des liens entre l'Etat français et les représentants des instances musulmanes. La polémique récente entre ces instances représentatives de la communauté musulmane en France sur la date du début du jeûne laisse transparaître des fondations encore fragiles.

>> Lire : Le CFCM s'explique après le report du ramadan

Excepté ce couac, il semble que le "mois sacré" commence cette année en France sous des auspices qui se veulent plus apaisés que par le passé. François Hollande n'a-t-il pas déclaré devant le Parlement tunisien, le 5 juillet, que "la France sait que l'islam et la démocratie sont compatibles" ?

Peu relayée dans les médias, cette déclaration semble vouloir poser les bases d'un dialogue serein entre l'Etat français et des instances musulmanes françaises qui peinent à trouver leur place au sein d'une société où les pratiques liées à leur religion suscitent encore beaucoup de défiance.

RÉGULIÈREMENT INVOQUÉE

Plébiscitée et pourtant mal connue, la laïcité se voit régulièrement invoquée pour se garder de ce qui est perçu comme un empiétement de l'islam sur un espace public devant s'attacher à demeurer neutre. C'est sans doute en ce sens qu'il faut interpréter un sondage BVA, en date du 25 mars, établissant que plus de 80 % des Français souhaitent étendre le principe de neutralité à l'ensemble des lieux accueillant le public, et notamment aux entreprises privées.

Récemment, une enquête menée conjointement par l'Observatoire du fait religieux en entreprise (OFRE) et Randstad (groupe de services en ressources humaines) a établi que, si un quart des salariés interrogés disent avoir déjà été confrontés au fait religieux dans leur société, deux tiers des manageurs et cadres en ressources humaines ne voient pas l'opportunité d'une telle loi. Cette extension du principe de neutralité sur les lieux de travail suscite de nombreuses incompréhensions et génère des confusions qu'il importe de clarifier.

>> Lire : Laïcité dans l'entreprise : cadres et employés sceptiques sur la nécessité d'une nouvelle loi

Si la polémique a surgi durant la dernière décennie, la problématique est plus ancienne. Dans le cadre de luttes sociales menées au début des années 1970, les syndicats de l'industrie de l'automobile ont inscrit dans leurs revendications plurielles l'aménagement de lieux de culte pour les immigrés issus des pays du Maghreb. Renault fut ainsi la première à ouvrir une salle de prière à ses salariés musulmans en 1976, suivie deux ans plus tard par Talbot. Les directions d'entreprise voyaient ces aménagements comme un élément fort de régulation sociale.

DES RÉACTIONS MARGINALES

Le religieux en entreprise a donc eu des précédents à une époque où sa présence n'était pas considérée comme une menace, si l'on excepte des réactions marginales mais néanmoins violentes dans certaines usines. Quelle est alors la particularité de cette problématique aujourd'hui ? La question ne manque pas de surprendre, alors que, tant dans le monde économique que dans celui de la politique, l'heure est à louer les bienfaits de la diversité, celle-ci étant même parfois présentée comme une plus-value pour l'entreprise.

Cela fait maintenant plusieurs années qu'en tant que sociologues nous dispensons des formations et conseils auprès d'entrepreneurs, de directeurs de ressources humaines, de manageurs ou de chefs de service de collectivité sur des questions touchant aux discriminations.

Plusieurs d'entre nous ont été sollicités pour une tout autre problématique, celle touchant à la manifestation du fait religieux sur les lieux de travail. Les responsables en question sont souvent décontenancés par de telles demandes, et nous avons plusieurs fois constaté de réelles tensions au sein des entreprises autour de ces questions.

La plupart d'entre eux évaluent leur apparition au début des années 2000. C'est précisément à la même période que l'arsenal juridique de la lutte contre les discriminations dans l'accès au logement, aux aides sociales et au travail se renforce en France, notamment sous l'impulsion du droit européen.

La loi de 2001 relative à la lutte contre les discriminations a édicté 18 critères, parmi lesquels figurent les convictions religieuses. L'entreprise a ainsi été sommée de mettre en place des dispositifs efficaces luttant contre toute forme de discrimination, directe ou indirecte.

LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS

C'est dans le même élan que l'on a vu apparaître en 2004, à l'initiative du monde entrepreneurial avec notamment la Charte de la diversité, l'autre versant plus "positif" de la lutte contre les discriminations : la promotion de la diversité. Sans contenu juridique précis, elle a bâti les composantes de la diversité à partir de ces 18 critères.

Cette mise en avant de la diversité a contribué à donner aux entreprises un rôle plus important dans la gestion des problématiques auparavant réservées aux pouvoirs publics. Lors des entretiens effectués auprès des entrepreneurs et manageurs, la plupart utilisaient la métaphore de la photographie, stipulant qu'une entreprise devait correspondre, dans ses composantes, ses couleurs, ses tons et ses nuances, et ce à tous les échelons, à une photographie de la société française.

Cette politique d'une entreprise plus diversifiée a permis de mettre en avant une chose importante : les entreprises étaient composées d'un personnel homogène, tant du point de vue identitaire que du point de vue social. Sinon, pourquoi promouvoir la diversité si les entreprises étaient déjà diversifiées ?

C'est bien qu'elles ne l'étaient pas jusque-là. Mais lorsqu'on souhaite être à l'image de la société, on endosse dans le même élan les problématiques, les craintes, les doutes de celle-ci. Et donc, intégrer la diversité, c'est intégrer la diversité dans toutes ses composantes. Par conséquent, inclure de la diversité, c'est aussi inclure de la diversité religieuse, une composante qui se révèle être un effet secondaire d'une politique plus globale.

VISIBILITÉ RELIGIEUSE

Des craintes se sont exprimées, à la suite desquelles on a vu émerger dans le monde entrepreneurial des discours qui, tout en promouvant les bienfaits de la diversité dans l'entreprise, prônaient la neutralisation de toute visibilité religieuse, en se référant pour se faire au principe de neutralité de la loi de 1905. Ce qui revenait à s'opposer à une pratique singulière au nom de principes universels.

Or il semble difficile de vouloir recruter quelqu'un parce qu'il est "Autre" pour en faire du "Même", de le différencier d'abord pour l'indifférencier ensuite. Les entreprises naviguent à vue sur cette question, aussi parce qu'elles se retrouvent coincées entre deux discours : la neutralité et la diversité. Ce sont deux discours qui s'énoncent en s'ignorant, et s'annulent parce qu'ils s'ignorent.

La promotion de la diversité a ainsi pu constituer un levier paradoxal favorisant la manifestation du fait religieux dans les entreprises, mais sans qu'elle l'assume tout à fait. La contradiction est de surcroît accentuée par le fait que, comme vient de le rappeler la Cour de cassation à propos de l'affaire Baby Loup, le principe de neutralité ne s'applique pas dans les entreprises privées, ce que beaucoup d'entrepreneurs confrontés à des manifestations religieuses dans leur société ont du mal à concevoir, même si le droit du travail régule l'expression religieuse.

LES "MUSULMANS"

A ce paradoxe prêtant à de multiples confusions, il faut ajouter le fait que depuis une dizaine d'années on a cessé d'identifier les personnes issues de l'immigration maghrébine et leurs descendants en termes ethniques ("Maghrébins", "Arabes") pour les identifier en termes religieux : les "musulmans".

Ce transfert d'assignation identitaire a été repris au plus haut sommet de l'Etat, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, ayant tenu à nommer un "préfet musulman", ce qui n'avait pas manqué d'embarrasser le préfet concerné et ceux qui considéraient, en plein débat sur l'interdiction des signes religieux à l'école, que cela contredisait les valeurs de la République.

Les dynamiques sociales qui sont à l'oeuvre en France, favorisées tant par le contexte de promotion de la diversité que par les politiques de lutte contre les discriminations, consacrent irrésistiblement à des postes de responsabilité des visages, des profils, des histoires nouvelles et différentes contre lesquelles toute résistance semble vaine. Les multiples positions qui voient des décideurs, tant économiques que politiques, louer dans un même élan la promotion de la diversité et le principe de neutralité laissent apparaître une véritable schizophrénie qui ne peut que contribuer à semer la confusion dans les esprits citoyens.

En définitive, nous voyons s'exacerber sous nos yeux la tension théorique traditionnelle entre nos catégories nationales citoyens égaux et abstraits et la diversité des identités du monde, sans que l'on soit encore capable de les articuler sereinement. La réalité sociale est telle aujourd'hui qu'on ne peut plus faire semblant de ne pas la voir.

vendredi 2 août 2013

Voile intégral : une loi difficilement applicable, Le Monde.fr | 02.08.2013 Par Elvire Camus



Une femme portant le niqab manifeste devant Notre Dame de Paris, lundi 11 avril 2011, pour protester contre la loi sur le voile.

Plus de deux ans après l'entrée en vigueur de la loi interdisant son port sur la voie publique, la question du voile intégral n'est pas résolue. Le 19 juillet, le contrôle d'identité d'une femme portant le voile intégral à Trappes (Yvelines) a mal tourné et a déclenché plusieurs nuits de violences. Un mois plus tôt, des heurts avaient opposé plusieurs policiers à des habitants d'Argenteuil (Val-d'Oise), après un tel contrôle. Si dans la plupart des cas, ces contrôles de routine se déroulent sans difficulté, les incidents relatifs à l'application de la loi dite "sur la burqa" sont réguliers et relancent le débat autour d'un texte difficile à appliquer et considéré comme étant stigmatisant par une partie des musulmans de France.

Depuis la promulgation de la "loi interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public", le 11 avril 2011, 902 personnes ont été contrôlées et 830 ont reçu une amende pouvant aller jusqu'à 150 euros, selon le ministère de l'intérieur. Les autres ont reçu un avertissement. S'il est difficile d'obtenir des chiffres précis, les renseignements intérieurs estimaient en 2009 que 2 000 femmes portaient le niqab ou la burqa en France. Le premier est surtout porté dans les pays du golfe Persique, il couvre le corps, les cheveux et le visage, mais pas les yeux, tandis que la burqa, d'origine afghane, couvre également les yeux par une grille en tissu. Les femmes qui portent ce type de vêtement représentent une minorité comparée aux 4 millions de musulmans qui vivent en France, ce qui pose la question de la légitimité d'une loi qui ne concerne qu'une poignée de personnes.

"Dès le départ, on a constaté que cette loi était mal préparée et qu'elle ne correspondait pas à la réalité parce qu'elle s'adressait à un phénomène marginal", affirme M'hammed Henniche, secrétaire général de l'Union des associations musulmanes de Seine-Saint-Denis (UAM93). Selon lui, la loi qui vise à interdire le port du voile intégral dans les lieux publics est une discrimination de plus pour la majorité des musulmans.

Hicham Benaissa, chercheur au Groupe sociétés, religions, laïcités du CNRS, refuse de faire des généralités mais admet que la loi peut être mal perçue."80 % de la population musulmane de France est issue du Maghreb et ne se sent donc pas concernée par les références symboliques de la burqa. Pour la plupart des musulmans en France, la burqa n'est pas une chose à laquelle ils sont acculturés. Mais elle a pu être ressentie comme une défiance supplémentaire vis-à-vis de l'islam". Et le chercheur de préciser,"mettre en avant le phénomène marginal de la burqa revient à ignorer la majorité silencieuse qui se sécularise".

A l'inverse, Philippe d'Iribarne, auteur de l'ouvrage L'Islam devant la démocratie (2013) et directeur de recherches au CNRS, estime que, même si cette loi ne concerne qu'une minorité de musulmans, elle n'en est pas pour autant stigmatisante et permet d'éviter qu'une frange intégriste, ne "prenne le contrôle de la population musulmane". Pour lui, les femmes qui portent le voile islamique intégral appartiennent à une mouvance dont l'objectif est d'imposer leur propre vision de l'islam. Cette loi, qu'il juge légitime, vise à les en empêcher.

DEUX VISIONS OPPOSÉES

A ce niveau, deux visions s'opposent. Faut-il créer des lois qui soulignent les différences entre les Français, ou au contraire insister sur l'intégration de la majorité des musulmans de France ?

La loi de 2011 n'est pas la première à avoir fait débat. Le voile islamique vient régulièrement s'inscrire à l'ordre du jour, comme en 2004 lorsque le texte qui encadre le port des signes religieux dans les établissements scolaires publics est entré en vigueur. Cette année, François Hollande a pris position en se prononçant en faveur d'une loi interdisant le port du voile islamique dans certaines entreprises privées, en réaction à l'affaire de la crèche Baby Loup, dont une employée s'était vu reprocher par son employeur de refuser d'ôter son voile. La Cour de cassation a finalement annulé le licenciement de Fatima Afif, qui constituait, "s'agissant d'une crèche privée", une "discrimination en raison des convictions religieuses", selon la plus haute juridiction française.

"Le traitement politique et médiatique de l'islam de ces dernières années crée, paradoxalement, les conditions favorables à ce qu'une partie des musulmans se différencient, et soient vus comme différents, alors même que le processus global est à l'indifférenciation", analyse Hicham Benaissa, qui constate que de plus en plus de lois visent spécifiquement la communauté musulmane.

Pourtant, ces lois ne font pas spécifiquement référence à l'islam, comme le relève Christophe Crépin, responsable communication de l'UNSA-Police. Dans le texte de 2011, il n'est en effet ni question de voile, ni de religion. Pour M. Crépin, l'argument de la stigmatisation ne tient donc pas.

Or, en pratique, ce sont bien les musulmans qui sont concernés. "En très forte majorité, c'est le voile islamique qui est la cause du contrôle", note Pierre-Henri Brandet, porte-parole du ministère de l'intérieur. La mission parlementaire de 2009, dirigée par le député André Gérin (PCF), était d'ailleurs chargée de réfléchir à la création d'une loi interdisant le port du voile intégral et non à une loi interdisant d'avoir le visage dissimulé dans l'espace public. Malgré l'absence de références religieuses, le texte est d'ailleurs communément appelé loi sur le voile ou loi sur la burqa.

UNE LOI DIFFICILE À APPLIQUER

Si les termes précis de la loi de 2011 prêtent à confusion, son application est également compliquée. "Comme on l'avait prédit, son application est un peu difficile", confirme Christophe Crépin, qui se rappelle avoir émis des"doutes importants", au moment de la consultation de son syndicat par le législateur, avant le vote de la loi par le Parlement. Frédérique Lagache, secrétaire général adjoint d'Alliance Police Nationale, confie : "Je ne vous cache pas que parfois, certains collègues évitent de l'appliquer".

En plus des quelques contrôles qui dégénèrent, la loi est complexe à mettre en œuvre, car elle amène à contrôler plusieurs fois la même femme. Certaines, comme Hind Ahmas à Aubervilliers ou Kenza Drider à Avignon, sont même connues pour se faire régulièrement contrôler, sans que cela les dissuade de porter le voile intégral. Depuis avril 2011, ni les associations musulmanes ni le ministère de l'intérieur n'ont constaté une baisse du nombre de femmes qui portent le voile intégral. Selon l'Observatoire de la laïcité, les 705 contrôles qui ont eu lieu entre avril 2011 et avril 2013 concernaient 423 femmes.

Pour M. Henniche de l'UAM93, la loi sur le voile comporte tout de même un aspect positif. En plus de l'interdiction du port du voile intégral dans les lieux publics, elle précise que les hommes qui forceraient une femme à le porter risquent la prison ferme et une amende de 30 000 d'euros. "On ne peut qu'encourager à sanctionner ceux qui font porter le voile de force", précise-t-il. "Malheureusement, et ça fragilise les défenseurs de cette loi, il n'y a eu aucune interpellation de cette nature à ce jour, à ma connaissance", poursuit-il.

Les femmes qui portent le voile intégral en France le font généralement de leur plein gré selon M. Henniche, et sont en majorité des converties. C'est notamment le cas de la femme dont le mari a été interpellé à Trappes, le week-end du 20 juillet.

UN PROBLÈME PLUS GLOBAL

Si M'hammed Henniche admet que la question de la loi de 2011 est"toujours d'actualité", il assure que la gestion du voile n'est pas le principal problème auquel ont affaire les associations musulmanes. "La majorité d'entre nous se dit 'pourvu qu'on passe à autre chose'", assure-t-il, citant le débat sur la viande halal, celui sur la hauteur des minarets, le droit de vote des étrangers aux élections municipales ou encore les prières de rue. Au fond, la question du voile cristallise une interrogation plus large qui englobe l'ensemble de ces problématiques.

"La question qui se pose est celle de la visibilité de l'islam", selon Hicham Benaissa du Groupe sociétés, religions, laïcités du CNRS. "Est-il possible de rendre visible une religion dont on dit qu'elle n'est pas liée à l'histoire nationale ?", se demande-t-il. "Ce qui serait reçu favorablement par une partie de la communauté musulmane, c'est un discours qui viendrait condamner tous les actes islamophobes, qui dirait que l'islam fait partie intégrante de la société".

Pour M. Henniche, en introduisant de nouvelles lois, les gouvernements successifs ne font que "changer les règles du jeu", et pointer les musulmans du doigt. "On respecte l'islam à la condition qu'il soit invisible, ce n'est pas ça la tolérance. La tolérance c'est accepter l'expression de la différence des autres", estime-t-il.