Si la laïcité ne saurait être une arme de guerre contre les religions, qu'elle doit respecter et écouter, elle est un principe de la République qui s'applique à tous.
Au-delà d'une proposition controversée en faveur d'une loi interdisant le port du voile à l'université, le rapport du Haut Conseil à l'intégration, révélé parLe Monde du 6 août, pose de vraies questions. Si la laïcité ne saurait être une arme de guerre contre les religions, qu'elle doit respecter et écouter, elle est un principe de la République qui s'applique à tous. Lorsque dans des facultés, au nom d'une religion, la mixité est récusée tant au niveau des étudiants que des professeurs, le contenu des enseignements contesté, l'octroi de locaux réclamé pour en faire un usage communautaire ou identitaire, il s'agit bien d'atteintes inadmissibles au principe même de la laïcité : elles doivent être combattues.
Depuis vingt-cinq ans, la République s'est dotée de moyens, plus ou moins efficaces, pour faire respecter la neutralité religieuse de l'Etat et de ses agents. La loi de 2004 a interdit le port de signes religieux ostentatoires dans les établissements scolaires. Malgré les réserves du Conseil d'Etat, la loi du 11 octobre 2010 a interdit, avec l'assentiment à l'époque de l'actuel ministre de l'intérieur, Manuel Valls, la dissimulation du visage dans l'espace public. Entre octobre 2010 et avril 2013, cette loi a donné lieu à 705 contrôles concernant 423 femmes intégralement voilées et à 661 verbalisations. C'est à l'occasion d'un de ces contrôles que des violences urbaines ont éclaté le 20 juillet à Trappes (Yvelines). Faut-il aller encore plus loin ?
Se livrant à une interprétation liberticide et erronée de la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l'Etat, qui n'a jamais proscrit les manifestations d'une religion sur la voie publique, Marine Le Pen avait réclamé, en septembre 2012, l'interdiction du voile religieux et de la kippa dans la rue. Au lendemain de l'arrêt de la Cour de cassation annulant, le 19 mars, le licenciement d'une salariée voilée de la crèche Baby Loup, l'UMP avait déposé une proposition de loi préconisant l'interdiction des signes d'appartenance religieuse dans les entreprises. Encouragé par des élus socialistes, l'Elysée s'était interrogé sur une interdiction dans les structures accueillant la petite enfance. Sans suite et sans explication.
Dans une telle affaire qui, au-delà des polémiques récurrentes, concerne la nature même du modèle français, la surenchère législative n'apparaît pas comme la réponse la plus appropriée. Comme l'affirmait Jean-Louis Bianco, président de l'Observatoire de la laïcité, dans Le Monde du 26 juin, avant de préconiser une nouvelle loi "il faudra se demander si elle est stigmatisante pour certaines personnes, si elle contribue à apaiser ou à durcir les rapports entre les Français". Une loi interdisant le port du voile dans l'enseignement supérieur, à laquelle la Conférence des présidents d'université est hostile, risquerait d'être perçue comme stigmatisante. Elle pourrait attiser les tensions dans une société qui a, plus que jamais, besoin d'apaisement.
Pour autant, les recteurs doivent avoir les moyens, à travers les règlements intérieurs ou des circulaires ministérielles, et l'indispensable soutien de l'Etat, de faire respecter la neutralité religieuse. Les principes sont toujours mieux défendus quand les règles sont clarifiées.
>> Lire : "Voile intégral : une loi difficilement applicable"
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