Au détour d'un documentaire diffusé mardi, la chaîne Arte attribue la catastrophe du barrage de Malpasset, le 2 décembre 1959, à un attentat du FLN algérien.
Au détour d'un documentaire diffusé mardi 22 janvier, intitulé Le Long Chemin de l'amitié, qui traitait des relations tumultueuses entre la France et l'Allemagne, la chaîne Arte attribue la catastrophe du barrage de Malpasset, le 2 décembre 1959, à un attentat du Front de libération nationale (FLN), les indépendantistes algériens. Elle s'appuie sur les archives des services secrets est et ouest-allemands. Selon le film, un agent ouest-allemand, Richard Christmann, a prévenu sa hiérarchie avant l'attentat mais l'information n'aurait pas été transmise à la France pour des raisons politiques. Cette hypothèse nouvelle suscite depuis mardi la polémique.
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Le 2 décembre 1959, en pleine nuit, la rupture de l'ouvrage, récemment construit en amont de Fréjus pour irriguer des terres, précipita des millions de mètres cube d'eau dans la plaine, qui ensevelirent sous des torrents de boue des zones d'habitation et emportèrent un train de voyageurs. La catastrophe fit 423 morts et disparus. Elle reste un traumatisme profond dans la région.
Le drame avait jusque-là toujours été attribué à des causes accidentelles : défaut de conception, fragilité du béton, vice de la roche sur laquelle était ancré l'ouvrage. Plusieurs années d'instruction, plusieurs procès, plusieurs jugements, le dernier en 1971, n'avaient pas permis de déterminer une responsabilité. La thèse finalement retenue par la justice fut que les pluies abondantes des jours précédents avaient dangereusement gonflé le réservoir et fragilisé les points d'appui de la structure.
Jamais la possibilité d'un attentat n'avait été évoquée. Les coupures de presse de l'époque et les longs comptes rendus des procès n'en font nulle part mention. L'historien Benjamin Stora, spécialiste français de la guerre d'Algérie, émet de sérieux doutes.
"J'ai épluché énormément d'archives policières françaises dans le cadre de mes recherches. Je n'ai jamais trouvé quoi que ce soit sur Malpasset. J'ai discuté longuement avec Mohammed Harbi qui était un des responsables de la fédération de France du FLN. Pas une seule fois il ne m'a parlé d'une telle action. Les Français qui ont soutenu le FLN comme Claude Lanzmann ou François Maspero ont raconté leur vie et n'ont jamais évoqué ce point. Pas plus que ne l'ont fait Henri Curiel ou Francis Jeanson.
Lors du procès du réseau Jeanson [procès des "porteurs de valises" du FLN à partir de septembre 1960], jamais non plus ce fait n'a été évoqué. Il faut aussi se souvenir qu'auparavant, le 25 août 1958, avait eu lieu une vague d'attentats en France, dont l'explosion d'un dépôt pétrolier à Mourepiane [près de Marseille]. Cette action avait provoqué un violent affrontement au sein du comité fédéral du FLN. De nombreux dirigeants regrettaient cet attentat et craignaient qu'il n'aboutisse à une guerre totale.
Il faut être un peu sérieux quand on avance de tels faits. Il faut produire des documents. Il fallait interroger les gens de la fédération de France du FLN, comme Omar Boudaoud ou Ali Haroun. Ils sont encore vivants."
La direction d'Arte a annoncé qu'elle allait pousser ses investigations.
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