Mise à jour : La rédaction de France 3 nous a indiqué « mener actuellement l'enquête » sur les résultats de ce sondage. « Nous donnerons ce soir a priori les résultats du vote d'hier. Nous communiquerons à cette occasion l'explication de ce qu'on aura trouvé ». À son stade de l'enquête, la rédaction nous confirme déjà que « ce n'est pas un vote qui s'est passé régulièrement. C'est une hypothèse, une piste, mais quelques personnes ont pu voter en masse » nous confirme-t-on. Est-il normal pour autant de s'appuyer autant sur de tels votes ? « Le débat est ouvert ». Et quid de la sécurisation de ces opérations menées avec les téléspectateurs-internautes ? « On réfléchit à ce dont vous nous parlez ». Nous attendons de plus amples explications de la chaîne et du CSA.
Hier, le journal du Grand Soir 3 a refusé de diffuser les résultats d'un sondage mené sur son site en ligne, sondage qui portait sur le caractère choquant ou non du licenciement de la salariée voilée de la crèche Baby-loup. L'auteur des faits explique sa démarche, en détaillant quelque peu le mode opératoire.
Ce JT du Grand Soir de France 3 est tombé sur un os hier. Il n'a finalement pas donné les résultats de son sondage sur le licenciement pour port du voile au travail. Et pour cause, « nous n'avons pas pu donner la réponse à la question à cause d'une activité anormale ce soir sur le site de France TV Info. », activité suspecte « qui ressemble en gros à du piratage »
Sur AL-Kanz, l'auteur de ce hack revient sur son acte pour expliquer sa démarche. « Nombreuses sont les chaînes à lancer des sondages en ligne, un peu du genre « la question du jour ». Tout le monde fait ça, M6, BFM, même la chaîne parlementaire ! J'ai simplement voté un peu plus que la normale. »
Lorsqu'il s'est rendu sur le site de France TV vers 22h50, le « Oui » l'emportait à 69 %. « Les partisans du oui s'étaient mobilisés sur les réseaux sociaux. Comme on a pu le lire hier soir sur Twitter et Facebook, des SMS ont par ailleurs été envoyés toute la soirée. Rien de nouveau sous le soleil : c'est une pratique très ancrée chez les militants politiques, de droite comme de gauche (UMP, PS, etc.) et chez de nombreux internautes ».
64 000 votes, 64 000 cookies effacés, 64 000 fausses IP
L'intéressé a alors décidé de voter plus de 60 000 fois dans ce sondage en ligne (et même plus de 64 000), pour pousser jusqu'à l'absurde ces sondages qui alimentent trop facilement les grandes chaînes de TV, « fabriquent l'opinion et ont un impact important sur la perception des individus dans la société ». Selon lui, « les sondages sur Internet qui partent de l'idée induite que certaines minorités sont un problème et qui sont ensuite validés à la télévision sont un danger pour la société. Mes 60 000 votes auront peut-être réussi à faire prendre conscience à chacun de ce danger. Je l'espère ».
L'intéressé réfute l'expression de piratage : « aucun dommage ni aucune intrusion » assure-t-il, contrairement à ce qu'a annoncé la chaîne de TV. Il décrit même le mode opératoire : « d'habitude, l'internaute qui veut voter plusieurs fois supprime le cookie du site qui publie le sondage, puis revote. Il supprime autant de fois le cookie qu'il veut voter. Les sites d'extrême-droite sont coutumiers de cette pratique. Pas étonnant que les résultats sur les grands sites d'information soient généralement très orientés… Dans mon cas, j'ai simplement automatisé cette pratique et réussi à mener à plus grande échelle ce que l'internaute polyvotant fait manuellement, sans m'introduire, je le répète, frauduleusement sur le site de FranceTV. Pas convaincu ? Eh bien, je n'ai fait qu'utiliser une technique reproductible par n'importe qui à l'aide d'un navigateur Internet (Chrome ou Firefox) et une extension appelée « IpFlood » . »
Une extension conçue par Paul Da Silva, autrefois connue sous le nom d'IPFuck et qui permet de générer aléatoirement des adresses IP pour faire croire aux sites visités que chaque internaute est différent (simulation d'un changement aléatoire de proxy)
Ni sécurisé, ni fiable
Toujours sur Al-Kanz, l'auteur de cette manipulation ne décolère donc pas contre les chaînes notamment publiques qui ont recours à ce type de sondage à tour de bras : « on utilise des systèmes de vote qui ne sont pas du tout sécurisés et donc complètement faillibles. Puis, on diffuse les résultats à la télé comme si c'était une information fiable et sérieuse. Comment cela se fait-il que FranceTV ne vérifie pas si l'IP est bien française ? Qu'on puisse voter sans être inscrit ? Que l'on puisse voter 60 000 fois avec seulement deux IP ? Si 500 000 Chinois et 500 000 Indiens avaient voté, on aurait pris en compte leur vote ? »
Le but de cette manipulation était donc de montrer que « ces sondages ne valent rien » car « pour sonder l'opinion, il y a des règles strictes. Il faut prendre un échantillon représentatif, et faire un vrai travail de sondeur (…) Dans le cas du sondage de FranceTV, c'est fait sans aucune règle, dans le plus grand n'importe quoi. Et le pire, c'est que vu que ça passe à la télé, dans un écran derrière le présentateur qui vous fixe très sérieusement dans les yeux en disant « vous avez répondu à la question du jour », on a l'impression qu'il s'agit de résultats officiels de présidentielles ou d'un référendum. Imaginez la puissance de la chose dans l'esprit du téléspectateur ? »
Le sondage non diffusé sur le plateau reste cependant diffusé en ligne, comme constaté ce matin. La rédaction, à raison, n'a pas voulu diffuser ces résultats pour ne pas tromper les téléspectateurs. Un traitement de bon père de famille dont n'ont pas eu droit les internautes.