L'hôtel Montcalm, à Montpellier, qui devait accueillir le Musée de l'histoire de la France et de l'Algérie. DR Le président de l'agglomération, M. Saurel, préfère installer de l'art contemporain dans un hôtel particulier du centre-ville, au grand dam des historiens associés à ce projet prévu pour 2015 |
jeudi 29 mai 2014
Montpellier exile son Musée de l'histoire de la France et de l'Algérie
C'est la fin du discours multiculturaliste en France
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mardi 13 mai 2014
Le Monde, 14 mai 2014. Immigration : la funeste myopie européenne
ANALYSE |
lundi 12 mai 2014
Convention des musulmans de France pour le vivre-ensemble : métisser les consciences et combattre les dérives "djihadistes"
12 MAI 2014 | PAR MOHAMED BENTAHAR
Convention des musulmans de France pour le vivre-ensemble
Appel à métisser les consciences
«Depuis presque un siècle, la réforme du monde musulman est à l'ordre du jour. Quels que soient les auteurs ou leurs tendances, tous sont d'accord à reconnaître qu'il y a crise, et ce, parce que la pensée de l'Islam se trouve ankylosée par la passion dogmatique»
Yadh Ben Achour, doyen de la faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis
- La Convention des musulmans de France pour le vivre-ensemble prônée par Dalil Boubaker, Recteur de la Mosquée de Paris
Le recteur de la Mosquée de Paris et président du Conseil français du culte musulman (CFCM), déclare comment il compte lutter contre l'embrigadement de jeunes musulmans dans le terrorisme international et le jihad :
"Nous devrions publier une charte de 21 articles qui sera distribuée à partir de jeudi à toutes les mosquées de France. Intitulée «Convention des musulmans de France pour le vivre ensemble», elle parle de la lutte contre toutes les formes d'incitation à la violence. Notre obsession est d'être attentif, préventif et de multiplier des rappels à l'ordre pour ne laisser aucune place à l'influence des prêcheurs de haine. Il existe hélas en France une organisation structurée d'un islam politique, avec ses recruteurs, ses armes et des objectifs guerriers. C'est contre ce type d'infiltration insupportable que nous comptons lutter."
Les réactions obscurantistes qui communautarisent les musulmans n'ont pas tardé et sèment la discorde et la confusion par la référence à une lecture ani-historique du texte coranique. Ils citent le Coran, et interprètent les propos de Dalil Boubaker comme un appel à une interdiction du Coran dans lequel il est écrit :
« Dieu a acheté aux croyants leurs personnes et leurs biens pour leur donner le Paradis en échange. Ils combattent dans le chemin de Dieu : ils tuent et ils sont tués » (9, 111).
« Ne faiblissez pas ! Ne faites pas appel à la paix quand vous êtes les plus forts. Dieu est avec vous, il ne vous privera pas de la récompense due à vos œuvres » (47, 35).
« Combattez [les incrédules] jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de sédition et que le culte de Dieu soit rétabli » (2, 193. )
Que valent ces appels à la guerre quand le coran prône la paix : « Et ne discutez que de la meilleure façon avec les gens du Livre (Juifs et Chrétiens), sauf ceux d'entre eux qui sont injustes. Et dites: "Nous croyons en ce qu'on a fait descendre vers nous et descendre vers vous, tandis que notre Dieu et votre Dieu est le même, et c'est à Lui que nous nous soumettons ». ?
(Coran, Sourate 29, Al Ankabout, l'araignée, verset 29)
Que valent-ils quand le Prophète dit encore : « Dieu a fait de la paix le salut de notre communauté et une garantie et protection aux non-musulmans qui vivent parmi nous. » ?
La charte est un outil philosophique et politique majeur dans un contexte ou des jeunes se voient embrigadés pour des causes obscures. C'est aussi une charte de l'intellectuel musulman, une charte humaniste pour que le musulman sache vivre dans une société plurielle, démocratique, dans laquelle le croyant doit accepter la citoyenneté de celui qui ne l'est pas.
Les partisans des textes guerriers s'excluent d'eux même de la vie publique et du vivre-ensemble. En appelant à la guerre sainte sortent des préceptes de l'appel à la Paix.
- Retour à l'inspiration intellectuelle
Dans son appel à cette convention, le Président du CFCM (Conseil Français du Culte Musulman), rappelle l'inspiration de cette charte, contre les discours de la haine et contre lutte contre toutes les formes d'incitation à la violence, voulue comme vecteur de transformation de la pratique de l'islam et rail pour le vivre-ensemble.
Des penseurs musulmans célèbres ont contribué à alimenter ces éclairages par la fertilité de leurs travaux.
- Mohamed Arkoun nous éclaire
Dans ses travaux intellectuels lumineux, Mohamed Arkoun a proposé une méthode de re-situation de l'islam dans le contexte historique de La gestion démocratique d'une diversité culturelle grandissante amplifiée par la mondialisation.
La crise du monde musulman est à scinder en deux facteurs :
- Matériel : retards accumulés dans les domaines économique, technologique,
- Philosophique : retard notable accusé dans les domaines de la culture, l'art, le droit, la littérature et la théologie.
L'élément intellectuel n'est pas du reste. Mohamed Arkoun a tenté de déterminer les mécanismes par lesquels s'est institué le savoir musulman et le rapport à la direction sociale.
En d'autres termes, il a proposé de déconstruire la constitution classique liée à une alliance entre le pouvoir politique et le religieux en partant d'un constat de trois phases majeures :
Le constat de la crise, la déconstruction de la pensée religieuse orthodoxe dans ce qu'il appelle islamologie appliquée, et le retour à l'humanisme islamique du IVe siècle de l'hégire et du Xe siècle de l'ère grégorienne.
Une crise liée à une corrélation étroite entre régression des sociétés musulmanes et ascension de l'Europe, encouragée par l'institution des écoles théologiques via l''achâarisme' qui a favorisé la servilité intellectuelle, les disciples n'apportaient plus la contradiction à leurs maîtres».
Pour ce qui est du thème de la déconstruction de la pensée religieuse, il élabore le principe de «libérer la pensée islamique de ses propres clôtures dogmatiques soit une sorte d'insurrection contre les fondements mythiques. Ce n'est pas une démolition brutale mais une entrée méthodologique dans le processus discursif et culturel de la littérature de référence.
La relecture du Coran : la ikraha fi dine
La différenciation entre le fait coranique et le fait islamique devrait constituer le fondement de la place du package islamique dans un contexte de laïcité, en d'autres termes entre le texte et les interprétations.
Le message ouvert du texte coranique a été clos par ses interprètes. Mohamed Arkoun «prônait une relecture du Coran car la lecture faite par les fouqaha et moufassirine est orientée. Et pour relire le Coran il parle de langage de structure mythique. Les interprètes en arabe du mot 'mythique' lui ont fait un procès en l'accusant d'hérésie. Le discours coranique laisse des options ouvertes en raison de son langage de structure mythique, autrement dit le Coran est ouvert et que les fouqaha en ont fait un message fermé»,
La structure mythique du langage utilisé est solidaire avec la société dans laquelle elle est dite.
Relire le Coran c'est cesser cette une lecture figée du Coran est transformer un code de valeur en code juridique.
«Ce que dénonce Arkoun c'est que la pensée théologique soit contraire à l'esprit philosophique, qui est à l'origine de la modernité».
Ces inspirateurs de cette pensée qui positionne l'Islam face à l'exigence du vivre-ensemble en tant que croyance minoritaire, on de la même façon appelé au militantisme pour que les musulmans sortent de cette pyramide d'idées toutes faites : «Militer pour la liberté de la pensée et remettait en cause toute cette conscience mythique dans l'institution de l'Islam. Un militantisme qui est pour 'la ikraha fi dine' (la foi est libre).
La renaissance de l'Islam devrait passer aussi par son humanisme.
- Retour sur la charte
« La montée du djihad en France est une incongruité inouïe qui mène à des actions monstrueuses et contraires à toutes nos valeurs » déclare Dalil Boubaker Il appelle ainsi à porter une attention toute particulière sur les enfants d'Européens qui se rendent dans les mosquées pour demander une conversion rapide. Car ces jeunes sont impatients d'entreprendre des actions pour défendre l'islam et combattre les ennemis de l'islam.
C'est certain, ces jeunes ciblés par cette déclaration surprenante restent minoritaires. Le nombre de nés musulmans sur notre territoire est bien supérieur aux 4000 conversions qui ont lieu chaque année, et surtout quand on sait que sur cinq aspirants candidats au Djihad, un seul est un converti. Pourquoi alors ne pas porter un regard équitable sur ces deux catégories ?
Il aurait été également instructif que monsieur Boubaker nous explique pourquoi les Européens nouvellement convertis plongent directement dans le djihad.
Mais pour nous rassurer, le recteur de la Grande mosquée a décidé de prendre le problème à bras-le-corps : une charte de 21 articles « Convention des musulmans de France pour le vivre-ensemble « sera distribuée aux quelques 2000 mosquées pour ne laisser aucune place aux imams prêcheurs de haine. « Convention », « vivre ensemble » pour laquelle les prédicateurs ne seront pas forcément perméables.
Quoi qu'il en soit, la tâche sera difficile, puisqu'elle cible une organisation structurée d'un islam politique importé, avec ses recruteurs, ses armes, et des objectifs guerriers.
De là à envisager le lien direct entre islam et violence terroriste, il n'y aura qu'un pas si la pédagogie est frileuse !
La communauté musulmane devra donc s'engage à mener sur le terrain des actions préventives, afin de débusquer les premiers symptômes de radicalisation sur les fils d'Européens, dans l'espoir de couper le mal à la racine.
Mais seront-elles efficaces devant une religion qualifiée par le même Boubaker, il y a trois ans, d'idéologie de lutte et d'agression ?
Cela dit, la prévention ne sera pas efficace si des actions profondes d'endiguement par l'interconnaissance et par la justice sociale vis à vis de la « diversité »
- Endiguer les embrigadements par l'interconnaissance pour faire reculer l'ignorance et favoriser le rejet des obscurantismes dans les cités
Dans son 5ème principe du dialogue interreligieux au niveau local, le Conseil de l'Europe propose :
« Les autorités locales doivent déterminer des moments privilégiés aptes à favoriser l'interconnaissance et la rencontre des personnes en tant que personnes, et à réduire le sentiment de méfiance, voire de peur. Ces événements permettront de passer de l'ignorance à la connaissance, de la connaissance à la compréhension et de la compréhension à la confiance.» (Les 12 Principes du dialogue interreligieux au niveau local - Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe)
Les jeunes qui se voient embrigadés par des prêcheurs de la haine et des usurpateurs endoctrinaires, et le sont aussi par leurs situations sociales. Ils sont exclus parfois du système scolaire, sans perspectives de travail et vivant la stigmatisation et l'isolement de la vie de la cité.
C'est dans le cadre ordinaire et quotidien de la conduite des politiques publiques locales (sociales, sportives, éducatives, urbanistiques, culturelles…), ainsi que dans celui de leurs relations avec les associations, que les autorités locales doivent concrétiser l'intérêt qu'elles portent à la diversité culturelle, religieuse et au dialogue interreligieux, qui représente ainsi unedimension transversale: cette dimension doit imprégner et éclairer l'ensemble des secteurs d'activité, et non pas constituer un domaine en soi. Dans une perspective d'écoute mutuelle, elle pourra donner lieu à la mise en œuvre de ce que les Canadiens appellent l'« accommodement raisonnable » : permettre la plus large expression des sentiments religieux à condition qu'elle n'entre pas en conflit avec d'autres droits fondamentaux.
Exclure, c'est donner la chaire à canon aux « pseudo djihadistes »,
Discriminer c'est envoyer des jeunes vers des fronts d'obscurantistes,
Stigmatiser c'est susciter l'envie d'aller là ou la promesse du Paradis prend corps,
Ne pas revoir les inégalités c'est affaiblir l'intégration de ces populations et les priver de leurs droits.
- Endiguer les embrigadements par la diversité et le dialogue – Elément clé pour l'avenir de l'Europe
« La gestion démocratique d'une diversité culturelle grandissante en Europe – ancrée dans l'histoire de notre continent et amplifiée par la mondialisation – est devenue, depuis quelques années, une priorité. Comment répondre à la diversité ? Quelle est notre vision de la société de demain ? S'agit-il d'une société où les individus vivront dans des communautés séparées, caractérisée au mieux par la coexistence de majorités et de minorités aux droits et responsabilités différenciés, vaguement reliées entre elles par l'ignorance mutuelle et les stéréotypes ? Ou, au contraire, nous représentons-nous une société dynamique et ouverte, exempte de toute discrimination et profitable à tous, qui privilégiera l'intégration de tous les individus dans le plein respect de leurs droits fondamentaux ? Le Conseil de l'Europe croit que le respect et la promotion de la diversité culturelle sur la base des valeurs qui sont le fondement de l'Organisation sont des conditions essentielles du développement de sociétés fondées sur la solidarité. »
Mot pour mot, le contenu du livre blanc sur le dialogue interculturel intitulé : « Vivre ensemble dans l'égale dignité ».
Lectures recommandées
http://www.coe.int/t/congress/files/Topics/interfaith/guidelines_fr.asp : Les 12 Principes du dialogue interreligieux au niveau local - Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe
vendredi 9 mai 2014
Contrôles d'identité : la police sévèrement jugée 09.05.2014 à 15:14 LE MONDE Laurent Borredon et Sylvia Zappi
Encore une promesse de campagne de François Hollande qui se rappelle à son bon souvenir : « Lutter contre le "délit de faciès" lors des contrôles d'identité avec une nouvelle procédure respectueuse des citoyens »(proposition n° 30).
Deux sondages publiés vendredi 9 mai révèlent non seulement la réalité vécue lors de ces contrôles, mais également son effet négatif sur l'image des forces de l'ordre. La pratique est massive : 10 % des personnes déclarent avoir été contrôlées au moins une fois lors des douze derniers mois, soit plus de 5,3 millions d'habitants âgés de 18 ans et plus. En moyenne, ils l'ont été 2,65 fois : cela donne plus de 14 millions de contrôles par an.
>> Lire aussi : A quoi servent vraiment les contrôles d'identité ?
Le premier sondage concerne « l'opinion sur les forces de l'ordre ». Il a été réalisé par OpinionWay en ligne auprès de 2 273 personnes représentatives de la population, selon la méthode des quotas, entre février et mars. Soixante-trois pour cent des personnes interrogées pensent que « les policiers et les gendarmes se livrent à des contrôles d'identité au faciès » et 53 % ne pensent pas que « la police et la gendarmerie traitent chaque personne de la même manière quelle que soit son origine ». Pourtant, seuls 16 % ont vu un policier et un gendarme traiter quelqu'un « de manière irrespectueuse » dans les douze derniers mois.
Le deuxième sondage, réalisé dans les mêmes conditions auprès d'un échantillon élargi de 7 556 personnes, a isolé les 594 répondants qui ont fait l'objet d'au moins un contrôle lors des douze derniers mois. Sans surprise, les personnes d'origine maghrébine sont surreprésentées : elles constituent 7 % de la population générale, mais 12 % du nombre des personnes contrôlées. Le chiffre le plus spectaculaire concerne la fréquence des contrôles : en moyenne, les Français n'ayant pas d'ascendant étranger l'ont été 1,85 fois, contre 4,76 fois pour les personnes étrangères ou d'origine étrangère et 8,18 fois pour les personnes d'origine maghrébine.
L'enquête avait été commandée avant le changement de gouvernement, mais elle arrive à point nommé, alors qu'un nouveau ministre, Bernard Cazeneuve, s'est installé il y a un mois à l'intérieur. A l'œuvre, trois organisations qui ont fait de la lutte contre les « contrôles au faciès » leur cheval de bataille. Open Society Justice Initiative, la fondation américaine du milliardaire George Soros, avait déjà financé une grande enquête sur le sujet, réalisée par des sociologues du CNRS dans la gare du Nord et à Châtelet-Les Halles et publiée en 2009. Elle est ici associée à Graines de France et à Human Rights Watch.
SUJET SENSIBLE À GAUCHE ET DANS LES MILIEUX ASSOCIATIFS
Après l'élection de M. Hollande, le débat s'était cristallisé autour de la création d'un récépissé de contrôle d'identité, un modèle expérimenté à l'étranger mais jamais à l'échelle d'un pays comme la France. La mesure avait été rejetée par le ministre de l'intérieur d'alors, Manuel Valls. Trop compliqué, trop lourd, selon lui : « Je ne veux pas imposer un dispositif qui, très vite, tournerait au ridicule et serait inopérant », affirmait-il en juin 2012.
Le sujet est resté sensible à gauche et dans les milieux associatifs. « Ces contrôles et fouilles publics sont vécus comme humiliants. Pour les très jeunes, c'est souvent la première fois où ils se sentent visés de manière discriminatoire, et cela construit une véritable méfiance face aux institutions », constate Jean-Marie Fardeau, directeur France de Human Rights Watch. « Depuis deux ans, ces pratiques continuent. Le sentiment est que rien n'a été fait depuis que la gauche est au pouvoir. Il faut un outil qui permette de demander des comptes aux policiers », regrette Réda Didi, délégué général de Graines de France.
>> Lire aussi : Contrôles au faciès : des associations lancent une campagne parodique offensive
Rien ? Pas tout à fait. « Mon prédécesseur avait pris de nombreuses mesures. Ce sont des réformes importantes, qui permettent de progresser. Ce qui a été fait mérite d'être stabilisé, approfondi et évalué. Si cela est nécessaire, nous compléterons », défend M. Cazeneuve. Un numéro d'identification a été apposé sur l'uniforme des policiers. Le nouveau Code de déontologie des forces de l'ordre proscrit le tutoiement, et précise, un peu, les conditions du contrôle et de la palpation.
« LEVER LES TABOUS »
L'inspection générale de la police nationale (IGPN, « police des polices ») a été réformée, un conseil d'orientation ouvert aux personnalités extérieures, dont M. Didi, y a été créé, ainsi qu'une plateforme de signalement sur Internet — il y a eu 1 154 signalements depuis sa mise en place en septembre, dont 751 ont donné lieu à des suites.
Associés à d'autres organisations, telles que la Ligue des droits de l'homme, le Gisti, le Syndicat des avocats de France ou le Syndicat de la magistrature, les commanditaires de l'étude réitèrent deux demandes majeures : l'instauration du récépissé et la réforme du Code de procédure pénale. Sur ce dernier point, le Défenseur des droits a mis en place un groupe de travail qui devrait rendre prochainement ses conclusions. « Ce serait de vrais signes de rétrécissement des pouvoirs de la police et un moyen de contrôle », insiste Nathalie Ferré, présidente d'honneur du Gisti.
Pas certain que ces associations soient davantage entendues par Manuel Valls premier ministre que par Manuel Valls ministre de l'intérieur. Les syndicats de policiers étaient et sont toujours opposés au récépissé. « Pour transposer la pratique chez nous, il faudrait d'abord lever le tabou des statistiques ethniques et prendre en compte le fait qu'en France le citoyen doit porter une pièce d'identité sur lui ; ce qui n'est pas le cas dans la plupart des pays qui le pratiquent », assure Jean-Marc Bailleul (SCSI, premier syndicat d'officiers).
Tous nient de toute façon tout contrôle « au faciès » : « C'est faux, s'insurge Jean-Claude Delage (Alliance, deuxième syndicat). Tout dépend des lieux où ont lieu les contrôles, et de la population qui fréquente ces lieux. » Circulez, y'a rien à voir !
jeudi 8 mai 2014
L’examen osseux, un « couperet » pour les jeunes immigrés 08.05.2014 à 21:05 Le Monde.fr Delphine Roucaute
Etre identifié comme une personne majeure ou mineure est un enjeu déterminant pour un immigré isolé arrivant en France. S'il est reconnu majeur, il sera en situation d'irrégularité et menacé d'expulsion du territoire. S'il est mineur, il sera pris en charge par l'Etat français, selon le dispositif juridique de protection de l'enfance, qui est applicable sans condition de nationalité. C'est pourquoi la question de la majorité d'un individu est si importante pour les autorités judiciaires et policières.
Or, il arrive fréquemment que les immigrés arrivent en France sans papiers d'identité ou que ces derniers soient sujets à caution : illisibilité, ratures, fautes d'orthographe ou mauvaise copie – les raisons sont innombrables. Pour parvenir malgré tout à déterminer un âge, la justice aura donc recours à des examens physiques. Le plus polémique d'entre eux est l'examen osseux, jugé peu fiable et parfois utilisé de manière abusive.
>> Lire le témoignage d'une jeune immigrée ayant subi deux examens osseux contradictoires à six mois d'intervalle : Jugée majeure puis mineure, une immigrée victime d'examens osseux non fiables
Il n'existe pas de texte encadrant strictement cette pratique, et son application est très variable selon les territoires, laissée à la libre appréciation du juge, explique Christophe Daadouch, juriste et militant au Groupe d'information et de soutien des immigrés (Gisti). Alors que certains s'en contenteront pour prendre leur décision, d'autres réclameront des examens complémentaires.
« Aujourd'hui, ce qui devait être une exception est devenu une règle générale », s'insurge le militant, évoquant la « circulaire Taubira » de 2013 concernant les mineurs isolés étrangers, qui rappelle que l'examen osseux doit intervenir en dernier recours.« Dans les faits, le test est fait quasi systématiquement, et d'emblée. »
- En quoi consiste le test ?
L'examen osseux consiste en une radiographie de face de la main et du poignet gauches de la personne. Ce sont surtout les épiphyses des rayons de la main, c'est-à-dire les extrémités des doigts et des métacarpiens (les cinq os qui composent la paume de la main), qui vont être étudiés. Il s'agit ainsi d'examiner les points d'ossification des doigts : plus il y a de cartilage de croissance, plus la personne est jeune. Quand il n'y a plus de cartilage, le sujet a atteint ce qu'on appelle la maturité osseuse, ce qui correspond plus ou moins à l'âge de 18 ans, selon la personne et le sexe. Le radiologue est chargé de « lire » cette image et de la comparer à un atlas de référence selon la méthode dite de Greulich et Pyle.
- Qu'est-ce que l'atlas de Greulich et Pyle ?
Cet atlas a été réalisé entre 1931 et 1942 à partir des radiographies des mains et poignets gauches d'une cohorte d'enfants américains socialement aisés. Il indique, selon des tranches de six mois ou d'un an, l'état de maturation osseuse des enfants de 2 à 18 ans (19 ans, pour les garçons). La finalité initiale de cette technique n'était à l'origine pas judiciaire, mais médicale, puisqu'elle était utilisée, en particulier, dans le suivi des maladies endocriniennes.
Depuis les années 1940, il n'y a pas eu de mise à jour de cet atlas, pourtant sujet à controverse. En 2007, cependant, une équipe de chercheurs de l'université Méditerranée-Marseille et de radiologues du CHU de Marseille a mené une étude sur une cohorte « multiethnique » de 1 300 enfants du sud de la France et a estimé valide l'atlas de Greulich et Pyle.
Malgré tout, la fiabilité de la méthode est largement remise en question depuis plusieurs années, par des instances aussi bien judiciaires que médicales. En août 2011, le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe a notamment émis un avis très critique vis-à-vis de la fiabilité et du caractère éthique d'une telle méthode, que le Royaume-Uni, parmi d'autres pays européens, refuse d'appliquer.
- Quelle est sa fiabilité ?
Au cœur de la controverse : la question de la fiabilité du test. En effet, comme l'explique Catherine Adamsbaum, chef du service de radiologie pédiatrique de l'hôpital Bicêtre, il existe « une marge d'erreur à double échelle ». Tout d'abord, la marge inhérente à la subjectivité de la méthode elle-même. Cette marge d'erreur est estimée entre 12 et 24 mois, même dans les mains de radiologues entraînés, et ne permet en aucun cas de déterminer un âge précis, encore moins sur la tranche d'âge allant de 16 à 18 ans, qui est pourtant celle où on a le plus recours à ce genre de test.
Ensuite, « la variabilité inter-individuelle » : si l'atlas définit une norme, il ne prend pas en compte les cas extrêmes, c'est-à-dire les personnes ayant eu une maturation osseuse précoce, ou au contraire tardive. Par exemple, il n'est pas rare que des jeunes filles aient achevé leur croissance osseuse dès 16 ans et demi.
Par ailleurs, l'atlas de Greulich et Pyle a été établi sur une population caucasienne aisée des Etats-Unis dans les années 1940. Difficile de savoir s'il s'applique à des personnes issues d'autres pays et, surtout, ayant eu une alimentation différente au cours de leur vie.
- Existe-t-il d'autres tests pour déterminer l'âge d'une personne ?
Selon la loi, les autorités judiciaires sont censées recourir à des tests complémentaires afin d'établir un « faisceau d'indices »permettant d'approcher au mieux l'âge d'une personne. Ces examens sont évoqués dans la circulaire du 31 mai 2013 relative aux modalités de prise en charge des jeunes isolés étrangers émise par la garde des sceaux Christiane Taubira.
En tout premier lieu, les services de la police aux frontières sont censés procéder à un entretien avec la personne pour juger de la cohérence de son histoire. Si des doutes persistent, ils pourront alors recourir à des tests physiques, et en tout premier lieu l'examen osseux. Pour que l'examen soit complet, il faudra donc procéder à un examen morphologique pour déterminer l'avancée de la puberté de la personne : pilosité, développement mammaire pour les femmes et la manière dont les testicules sont accrochés pour les hommes ; mais également à un examen dentaire, qui consiste en une radiographie de la mâchoire et un examen de la morphologie de la troisième molaire.
- Pourquoi utilise-t-on encore ce test ?
L'examen osseux est critiqué de toutes parts, et notamment dans sa dimension éthique, puisque, selon la directive européenne Euratom 97-43 du 30 juin 1997, toute exposition à des rayons X doit être médicalement justifiée. Pourtant, on continue à y avoir recours, et pas seulement en France. Michel Panuel, chef du service de radiologie pédiatrique de l'hôpital Nord à Marseille, explique qu'« il n'y aura pas de méthode plus récente, et de toute façon aucun examen ne peut déterminer l'âge précisément ». « Il est donc impossible d'écarter complètement ce genre de test », estime-t-il, tout en mettant en garde contre « les zones frontières », lorsqu'il est difficile de déterminer avec assez de précision l'âge d'une personne, afin d'éviter que ne tombe sur elle le « couperet »de l'expulsion.
Mais pour Christophe Daadouch, juriste et militant du Gisti, « on sera coupable devant l'histoire d'avoir utilisé cette méthode aujourd'hui » car« ce n'est pas à un médecin de déterminer si un jeune peut être aidé ou pas », d'autant plus quand on sait qu'il s'agit « du détournement d'un test à but thérapeutique à des fins policières et judiciaires ». Et le Dr Adamsbaum d'ajouter :« Comment déterminer qui est "normal" ? Tout au plus il est possible de déterminer la compatibilité de l'âge osseux avec l'âge allégué par le sujet. »
- Quels recours sont possibles ?
Tout d'abord, il faut savoir que rien n'oblige un mineur à subir ce test. Comme le rappelle le guide élaboré par infoMIE, le centre de ressources sur les mineurs isolés étrangers, l'article 371-1 du code civilprécise que les titulaires de l'autorité parentale ou le représentant légal doivent donner leur accord. Le cas échéant, on devra toujours rechercher le consentement du mineur, s'il est apte à exprimer sa volonté, selon l'article L.1111-4 du code de santé publique.
Si l'examen osseux a déterminé que la personne isolée était majeure, levant donc sa prise en charge par l'Aide à l'enfance, il existe malgré tout des recours : le mineur a la possibilité d'effectuer une saisine directe du juge des enfants afin de solliciter une protection judiciaire au titre de l'enfance en danger.
dimanche 4 mai 2014
Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des racistes 04.05.2014 à 16:31 LE MONDE Franck Nouchi
Plus de trois millions d'entrées en deux semaines ; 32 % de part de marché : Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu ?, le film de Philippe de Chauveron, fait actuellement exploser tous les compteurs du box-office français. Accueil critique ? Inexistant, aucune projection de presse n'ayant précédé sa sortie. Bouche-à-oreille ? Exceptionnel, à tel point que les deux plus gros succès du cinéma français, Intouchables(19,44 millions d'entrées) et même Bienvenue chez les Ch'tis(20,48 millions) ne paraissent pas hors d'atteinte.
Visible sur Internet, l'efficace bande-annonce laisse présager le pire : 1,58 min de clichés raciaux ou racistes, on ne sait trop, en tous genres. Quel est donc ce film qui fait salle comble aussi bien à Paris qu'en régions ? Un ersatz cinématographique des thèmes chers au Front national ? L'affaire est plus compliquée.
Claude Verneuil, catholique, gaulliste et notaire de son état, et madame vivent dans une splendide maison de maître à Chinon, en Indre-et-Loire. Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles si trois de leurs quatre charmantes filles n'avaient eu la malencontreuse idée d'épouser l'une un Arabe musulman, l'autre un juif séfarade, la troisième un Asiatique, vraisemblablement d'origine chinoise. Comme le dit cet excellent M. Verneuil, les déjeuners de famille sont devenus de véritables « réunions de la Licra ».
Pauvres Verneuil ! Eux qui espéraient tant arriver à bien marier leurs filles… Il leur faudra tout supporter, y compris la circoncision de leur petit-fils et le souhait de leur gendre – David Benichou, original n'est-ce pas ? – de voir le prépuce du cher petit enterré dans leur parc.
Heureusement, les trois gendres ne sont pas de mauvais types. L'un est banquier, l'autre homme d'affaires, le troisième avocat. Et quand, un soir, ils se mettent à chanter LaMarseillaise, la main sur le cœur, face à leur beau-père, ce dernier ne peut que rendre les armes : on peut donc être à la fois français et patriote, sans être tout à fait blanc et catholique.
Hélas pour M. Verneuil, son calvaire n'est pas terminé. Voilà que sa quatrième fille, une charmante blonde, vient lui annoncer, ainsi qu'à sa femme, qu'elle va épouser Charles, un catholique… ivoirien. Catastrophe ! Il ne manquait plus qu'un Noir dans la famille Verneuil ! D'où le titre du film, vous l'aurez compris.
Passons sur l'avalanche de clichés en tous genres – à en juger par les rires qui fusent dans la salle, certains font mouche. Et retenons simplement cette remarque de David Benichou : « On est tous un peu racistes… » Car voilà bien l'idée centrale du film : quelles que soient notre religion et nos origines, nous serions tous, catholiques, juifs, musulmans, Chinois, Ivoiriens… un petit peu racistes. Surtout les hommes (les femmes, elles, semblent moins perméables aux préjugés, plus naturellement enclines à la tolérance et à l'altérité).
UN PETIT SENTIMENT DE GÊNE
Comme nous sommes au cinéma, tout finit évidemment bien. Une partie de pêche et un bon repas permettront à M. Verneuil et au père du marié ivoirien de nouer une belle amitié. Preuve, s'il en fallait, qu'en France tout se règle par un gueuleton, du bon vin et une bouteille de calva. L'un et l'autre, le notaire de province et le bourgeois ivoirien, sont racistes et pleins de préjugés ? Et alors, semble faire accroire le film ? Ne le sommes-nous pas tous un peu ? Il n'y a là rien d'irrémédiable, pour peu que tout le monde accepte de faire un petit effort, à commencer, c'est la moindre des choses, par les non-Français de souche.
Curieux film, laissant présager le pire dans sa première moitié, que l'on finit parfois par trouver drôle, y compris à son corps défendant. Derrière le message de tolérance qu'il entend délivrer – vive la différence, vive les mariages mixtes – se profile pourtant quelque chose de plus ambigu, une manière, certes comique mais tout de même, de vouloir banaliser sinon le racisme, du moins les propos racistes. Inutile de chercher ici la moindre allusion à la situation politique et sociale qui prévaut actuellement en France. Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu ? fait la part belle à des « métèques » qui sont tous issus de milieux sociaux favorisés. De là à penser qu'il n'y a de bonne immigration que choisie, il n'y a qu'un pas que M. Verneuil semble être à deux doigts de vouloir nous faire partager.
Pas franchement antipathique mais distillant un petit sentiment de gêne – il est des évidences qui n'en sont pas, mais alors pas du tout –, ce film réunit des acteurs et des actrices comiques de différentes générations : Christian Clavier représente celle du Splendid ; Chantal Lauby celle des Nuls de Canal+ ; Ary Abittan celle de « Ce soir avec Arthur », l'émission de TF1. Quant à Frédérique Bel, elle fut la « blonde » de « La Minute » du même nom, là encore sur Canal+. Tous, y compris Clavier, impayable en notaire gaulliste, réac et bedonnant, jouent juste. Impossible bien évidemment de ne pas penser aux Aventures de Rabbi Jacob. Sauf que n'est pas Gérard Oury qui veut. Sans parler de Louis de Funès…
On se prend aussi parfois à imaginer ce qu'un dialoguiste comme Michel Audiard ferait d'une histoire pareille. Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour d'affreux racistes ? Juste un chouia, pas davantage. Pas grave. Voire…