L'Union des démocrates musulmans français (UDMF) présentera pour la première fois une liste lors des prochaines élections régionales françaises. Le scrutin, dont le premier tour se déroulera le 6 décembre prochain, met une nouvelle fois en lumière ce jeune parti qui revendique aujourd'hui un millier d'adhérents et 8000 sympathisants. Créé en novembre 2012, l'UDMF avait déjà attiré l'attention des médias français lors des municipales de mars 2015, quelques mois après les attentats de Charlie Hebdo et la sortie du livre très controversé de Houellebecq, en janvier 2015. Entretien avec Nizarr Bourchada, vice-président du parti et tête de liste pour les régionales d'Île-de-France.
Vous étiez membre de l'UDI (Union des démocrates et indépendants, centre droit), pourquoi avoir quitté ce parti pour l'UDMF qui est une formation politique plus petite?
Cette question est assez pertinente pour la simple et bonne raison que généralement on fait plutôt le parcours inverse, on quitte le petit parti pour aller vers le plus gros. Ce n'est pas ma vision de la politique, je ne fais pas de politique pour avoir un poste. Par contre, au sein de l'UDI, il était très difficile de porter certaines valeurs, l'après-Charlie et surtout la montée des actes islamophobes, puisque selon l'observatoire de l'islamophobie il y a eu en France une recrudescence de plus de 500% des agressions physiques, m'ont fait prendre conscience de la suite de mon engagement. J'étais un humaniste à l'UDI et je reste un humaniste au sein de l'UDFM. Les propositions et la portée de parole rayonne un peu plus dans un parti comme l'UDMF qu'au sein de l'UDI.
Où se situe l'UDMF sur l'échiquier politique français ?
En terme de positionnement, on répond que l'on n'est ni de droite, ni de gauche et encore moins du centre. Pour la simple et bonne raison que l'on a une liberté au niveau des propositions. Par exemple, pour les régionales, nous avons une proposition qui concerne les sans-abris, plutôt estampillée à gauche et une proposition sur la liberté et l'esprit d'entreprendre qui est plutôt estampillée à droite. Donc, nous nous accordons cette liberté. D'ailleurs à l'UDMF, nous avons des élus de gauche comme de droite, des Républicains qui nous ont rejoints et aujourd'hui, nous nous inspirons de chaque force et compétence pour faire des propositions qui concernent tout le monde sans distinction. Sur le terrain, nous nous apercevons que des personnes qui n'ont jamais voté et qui ne se reconnaissent ni à droite ni à gauche, retrouvent l'envie de voter. Donc notre première victoire, c'est de faire revenir aux urnes des abstentionnistes.
Vous êtes accusés de « communautarisme » par vos détracteurs, est-ce que vous ne leur donnez pas raison en faisant une référence directe à la religion dans l'appellation du parti ?
Non, au contraire, je pense qu'un groupe communautaire est un groupe qui se replie sur lui-même. Nous, nous avons une démarche qui est plutôt proactive vis-à-vis des propositions qui vont dans le sens de l'intérêt général. Participer à la vie politique aujourd'hui, c'est antinomique par rapport au communautarisme. Nous souhaitons prôner le vivre ensemble, et au-delà de ces critiques sur le communautarisme, j'aimerais les interpeller sur leur propre communautarisme. Quand on regarde l'Assemblée nationale notamment, ce sont des personnes âgées et ce sont des hommes en majorité blancs qui décident pour tout le monde.
Pensez-vous pouvoir rallier un électorat autre que l'électorat musulman ?
Sur nos 225 candidats, il y en a qui ne sont pas de confession musulmane et qui nous l'ont revendiqué. Quand nous recevons les candidatures, et sur la présentation de ces candidats, nous ne souhaitons pas indiquer la confession, peu importe si la personne est agnostique, athée, chrétienne, juive ou musulmane. Nous nous adressons à tous sans distinction. Il y a des candidats qui nous ont dit qu'ils n'étaient pas de confession musulmane, mais qu'ils comprenaient complètement le combat qui est celui de l'UDFM. Pour moi c'est une victoire. Ensuite, notre programme s'adresse à tous, nous œuvrons dans l'intérêt général, nous avons plusieurs propositions qui s'adressent à tous les français et pas seulement aux musulmans. Ces propositions sont accueillies sur le terrain d'une manière très forte, les gens nous comprennent. Si nous avons le mot musulman dans notre acronyme, nous avons également les mots « Union », « Démocrate » et surtout « Français », trois autres termes qui sont aussi importants que le mot « Musulman » et ça, l'ensemble des français le comprend très bien.
Plusieurs propositions portent sur la finance islamique, un retour sur l'interdiction du voile, le développement du marché du Halal, l'enseignement de la colonisation et de la langue arabe. Quelle est la mesure principale portée par le parti ?
Aujourd'hui, il y a une professionnalisation de la politique avec des élus qui en font leur métier. Nous souhaitons apporter plus d'éthique. L'ensemble de nos candidats a signé une charte qui stipule, entre autre, que tous les élus de l'UDMF parraineront une association. Nous reverserons donc 50% de nos indemnités à une association qui respecte nos valeurs éthiques, par exemple une association de défense des sans-abris en Île-de-France, des associations comme les coopératives éthiques qui offrent des micro-crédits à certains entrepreneurs notamment des femmes. Aujourd'hui, nous considérons que 2800€ net pour siéger une fois par mois et pour faire quelques déplacements, c'est beaucoup trop pour un élu. Nous, nous sommes là pour servir et non pour nous servir. Une élue comme Valérie Pécresse (tête de liste « Les Républicains » pour la même région, NDLR) explique dans Le Parisien qu'elle a passé trois jours de stage dans une entreprise. Nous, nous sommes dans les entreprises tous les jours et nous faisons partie intégrante de la vie sociétale.
Le 6 novembre dernier, vous avez remis une liste de 225 noms pour les régionales en Île-de-France, est-ce que vous comptez présenter d'autres listes dans d'autres régions ?
Non, nous ne comptons pas présenter de candidats pour les autres régions, l'UDMF est un parti politique jeune. Il faut rester réaliste, nous avons décidé de nous concentrer sur la région Île-de-France.
Lors des élections municipales de mars 2015, l'UDMF avait fait marche arrière suite à des « pressions » et au manque de financements. Subissez-vous ce même genre de pression avant les régionales de décembre ?
Entre mars 2015 et aujourd'hui, l'UDMF s'est renforcée et s'est professionnalisée avec des élus de gauche, du centre et de droite qui nous ont rejoints et qui ont cette expérience, des médias notamment. Ce qui s'est passé avec les départementales ne s'est pas reproduit avec les régionales, car nous avons pu et su protéger les personnes qui étaient assez craintives et qui n'ont pas l'expérience des médias. Nous avons su mettre en avant les bonnes personnalités, les bons profils pour pouvoir répondre à certains détracteurs et à ce déferlement médiatique qui s'est d'ailleurs apaisé lors des régionales. Concernant les financements, ils proviennent essentiellement des dons de sympathisants et de cotisations des adhérents.
Comment pensez-vous réussir là où d'autres partis, comme le Parti musulman de France (PMF), ont échoué avant vous ?
Ces partis se sont présentés comme des partis musulmans seulement. L'UDMF n'est pas un parti musulman, c'est un parti laïc et républicain. Mais aujourd'hui, la laïcité est utilisée comme un outil pour combattre les religions et c'est ce que nous souhaitons dénoncer. Une des lignes directrices de notre formation sera d'alerter sur cette déformation de la laïcité. La laïcité en France ne devrait être en aucune mesure utilisée pour stigmatiser, elle devrait être un outil pour combattre les inégalités. Pour nous, la République est indivisible, nous sommes républicains et comme l'indique nos statuts, un parti laïc, non-confessionnel. Nous affichons bien entendu une certaine éthique et nous demandons à l'ensemble de nos candidats de respecter cette éthique-là. Quelle que soit leur confession, c'est une éthique basée sur des valeurs universelles partagées, des valeurs qui sont issues bien entendu de l'Islam. Par exemple, si on prend le triptyque républicain de la France : « Liberté, égalité, fraternité » ce sont des valeurs qui moi, ne me gênent pas et qui ne sont absolument pas en contradiction avec ma foi, notamment.
C'est la première participation de l'UDMF à une élection en France. Est-ce que le parti envisage de présenter un candidat aux présidentielles de 2017 ?
Bien sûr, nous avons l'ambition de présenter un candidat pour les élections de 2017 et pour les législatives qui suivront.
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