Étudiante à Sciences-Po, Radia Bakkouch, 23 ans, est la nouvelle présidente de l'association interreligieuse Coexister. Selon elle, ses membres doivent « redoubler d'efforts » en faveur de l'unité et de la fraternité.
Corinne SIMON/CIRIC
Depuis vendredi 13 novembre, son téléphone n'arrête pas de sonner, les rendez-vous s'enchaînent. « Ces attaques, c'est un peu un échec de la coexistence active pour laquelle nous luttons, nous sommes plus que jamais mobilisés », assure Radia Bakkouch, qui n'imaginait certainement pas qu'elle aurait à faire face à une telle catastrophe un mois seulement après son élection à la tête de Coexister, le 11 octobre dernier.
« NE CÉDONS PAS AU PIÈGE DE DAECH »
Diffuser des messages positifs sur les réseaux sociaux, lancer des initiatives d'unité, donner la parole aux responsables musulmans : le programme est chargé depuis les attentats. Avec Samuel Grzybowski, fondateur de l'association interreligieuse, à qui elle succède, Radia s'est aussi attelée à la rédaction d'une tribune, « Nous sommes unis », publiée par Libération et signée par 40 responsables associatifs et politiques de différentes confessions. « Il nous faut redoubler d'efforts », relève la jeune femme de 23 ans. « Ne cédons pas au piège de Daech, dont l'objectif et d'utiliser les perdus de la société pour tous nous diviser. »
En tant que musulmane, Radia Bakkouch s'agace qu'on demande sans cesse à ses coreligionnaires de prendre leurs distances avec le groupe terroriste : « Pour moi, l'islam n'est qu'un élément secondaire de leur idéologie de haine. » Un islam bien lointain de celui qui anime cette étudiante à Sciences-Po. « On m'a inculqué un islam libéral, appuie-t-elle,je ne suis pas très pratiquante, mais ma foi m'aide au quotidien. »
« IL EST IMPORTANT DE REVENIR AUX RACINES »
Pas évident de reprendre la tête d'un mouvement de jeunes qui depuis sa création, en 2009, a pris de l'ampleur et compte aujourd'hui près de 2 000 membres. Mais cette petite brune aux manières posées et au regard vif ne semble pas s'en effrayer. Il faut aussi dire que ses racines familiales la prédestinaient à cette voie. Née au Maroc, fille d'un père marocain et d'une mère libano-palestinienne, tous deux médecins, Radia a grandi dans une atmosphère interculturelle : « Dans ma famille, on m'a toujours dit qu'il était important de revenir aux racines, de connaître le judaïsme et le christianisme avant de choisir l'islam. »
C'est sûrement cela qui l'a poussée, dans son cursus à Sciences-Po Paris, à choisir comme destination Israël. Une année à l'étranger qui a contribué à « réconcilier un peu » sa famille avec cette terre. « J'étais la première à revenir depuis 1948 (naissance de l'État d'Israël, NDLR), j'ai retrouvé la maison de ma grand-mère, habitée aujourd'hui par une Israélienne de gauche qui m'a accueillie à bras ouverts », raconte Radia.
Très marquée par cette expérience, elle cherche, à son retour, à s'engager davantage dans le dialogue interreligieux, choisit Coexister, s'y implique de plus en plus… jusqu'à être pressentie comme candidate à la présidence. « Je rêve que la coexistence devienne un jour une valeur républicaine », affirme la jeune femme, qui se voit déjà volontiers s'investir dans l'éducation à la paix dans de grandes institutions internationales. Mais rien ne presse.
Marie Malzac
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