Assimilation" ou "intégration", le sens politique des mots
| 20.12.10 | 15h07 • Mis à jour le 20.12.10 | 15h07 Le Monde
Le concept d'"assimilation" des immigrés est en train de prendre le pas sur celui d'"intégration" dans le langage politique français. On a pu l'entendre, le samedi 11 décembre, dans la bouche du premier ministre, François Fillon, lors du conseil national de l'UMP. Le lire, le 13 décembre, dans le cadre d'une interview accordée au Monde par le conseiller spécial du chef de l'Etat, Henri Guaino. Il est aussi présent dans plusieurs amendements du projet de loi immigration, actuellement en navette au Parlement.
Or, à en croire les spécialistes, ce regain du terme "assimilation" - il était tombé en désuétude dans les années 1980 - signifie, sur le fond, plus qu'un simple glissement sémantique. Même si dans leur emploi, les mots "intégration" et "assimilation" sont "assez proches", selon Pap Ndiaye, historien et maître de conférence à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), le premier "avait quelque chose de plus accueillant par rapport à la diversité". Pour lui, avec "l'assimilation", on demande aux immigrés "de se comporter en tous points pareillement que ceux que l'on appelle "Français"". C'est une vraie "injonction", note-t-il.
Or, déplore Patrick Simon, socio-démographe à l'Institut national d'études démographiques (INED), que l'on emploie ou pas le mot "assimilation", "il serait important de définir avant ce que l'on croit être l'intégration". Pour les immigrés dernièrement arrivés en France, "l'intégration telle qu'on l'entend, c'est-à-dire le fait de devenir invisible selon les modalités historiques que l'on a connu jusqu'à présent (comme les Italiens ou les Portugais, par exemple) ne va pas se produire". Notamment du fait de la "couleur de peau". "Les immigrés d'origine maghrébine ou subsaharienne, même s'ils le voulaient, ne le pourraient pas", rappelle-t-il.
DÉBAT "ABSURDE"
Pour Patrick Weil, historien, chercheur au CNRS et professeur associé à l'université Yale (Etats-Unis), le débat entre les mots "intégration" et "assimilation" est "absurde". Aux Etats-Unis, d'après lui, pays souvent pointé du doigt pour son modèle "communautariste", "il y a aussi de l'assimilation au sens littéral du terme, soit le fait de rendre semblable". Il prend pour exemple l'hymne américain, chanté à l'ouverture de chaque match de football.
La réalité, selon M. Weil, c'est qu'il "n'y a pas d'opposition entre "assimilation" et "diversité"". "Il y a des moments où chacun d'entre nous aspire à être traité comme ses semblables devant les institutions et d'autres où il demande à être reconnu dans sa particularité culturelle", résume-t-il.
Le problème, note encore M. Weil, rejoignant ainsi M. Simon, c'est que "les hommes politiques français ne savent pas ce qu'ils veulent assimiler". Or, d'après lui, "si l'intégration se produit bien dans la vie quotidienne, les autorités politiques entretiennent un climat qui a des effets plus ou moins négatifs".
Elise Vincent
Article paru dans l'édition du 21.12.10
mardi 21 décembre 2010
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