Prière du vendredi. Ici, à la mosquée de Tremblay-en-France (93), ouverte en avril 2010, qui peut accueillir jusqu'à 1 500 fidèles.
Après le nombre de burqa qui circulent dans l'Hexagone, voici le nouveau sujet de débat qui agite la France : combien y a-t-il de musulmans « en plein air » chaque vendredi ? Le débat lancé par Marine Le Pen, qui, comme d’autres, semble vouloir remplacer l’image du bolchévik portant un couteau entre les dents par celle du musulman barbu et enturbanné, enrichit une production phantasmatique déjà riche.
Les murs n’ont pas des oreilles, mais les rues de nos villes sont envahies de mahométans ! Tout un chacun peut le constater. Déjà, dans les années 1980, son père prophétisait que les musulmans transformeraient la cathédrale Notre-Dame de Paris en mosquée, Marine Le Pen voit plus loin, en annonçant presque la colonisation de nos rues tel le parvis de la mosquée de La Mecque lors du pèlerinage.
La probable future candidate du Front national aux élections présidentielles, qui, à l’heure actuelle, cherche à récupérer le fauteuil paternel, copie ses recettes avec succès. Petit à petit, elle « marinise » les esprits ; peu importe les moyens, peu importe la solidité des arguments.
Gageons qu’il adviendra de cette histoire de mosquée comme de celle de la burqa : pour moins de 500 voiles intégraux (chiffre des renseignements généraux), des mois de débats et de polémiques et finalement une loi, dont on attend encore de voir comment elle sera appliquée alors que la fameuse amende de Nantes, qui avait tout déclenché, vient d’être invalidée…
Peu importe la réalité, seul comptent l’effet produit et l’« anxyogénisation » du rapport à l’islam avec, en arrière-pensée, une vraie volonté de perturber le rapport à l’étranger.
Et, pourtant, ramenons les choses à leur juste proportion. 5 millions de musulmans en France, moins de 1 million pratiquant les cinq piliers, dont la prière, et combien d’entre eux sur la voie publique, bloquant les rues chaque semaine ? 5 millions de musulmans et combien de mètres carrés pour qu’ils puissent prier ? Pas plus de 200 000 à 300 000 mètres carrés actuellement, et sans doute proportionnellement encore moins dans les quelques endroits à forte densité de fidèles posant problème.
Si l'on considère qu’il faut tout au moins un mètre carré pour prier, il faudrait donc des surfaces au moins 3 à 4 fois plus grandes, comment s’étonner alors que le contenant trop petit laisse déborder le contenu, c’est ce qui se produit toujours dans ce cas, qu’il s’agisse d’une mosquée ou d’une boîte de nuit !
Ce n’est d’ailleurs pas un phénomène récent, nombreux sont ceux qui gardent le souvenir des grandes prières de l’Aïd à la Grande Mosquée de Paris dans les années 180, quand les jardins une fois pleins voyaient les trottoirs avoisinants du 5e arrondissement se couvrir de tapis sous le regard bonhomme des policiers et des badauds. Les choses ont bien changé, l’extrême droite, la crise, la pauvreté du discours politique, mais aussi le terrorisme, l’islamisme agressif sont passés par là.
Les musulmans ont eux aussi changé : ils sont français, à l’état civil mais aussi dans leur âme et dans leur tête ; et ils ne supportent pas cette discrimination supplémentaire qu’ils associent aux autres, que certains d’entre eux vivent déjà pour leur couleur de peau, leur nom ou leur quartier de résidence. Ils ne comprennent pas pourquoi, à l’instar de leurs compatriotes israélites, catholiques, protestants, ils ne peuvent pratiquer leur culte dans la dignité.
Imagine-t-on d’ailleurs que ces gens-là aient une particulière affection pour le caniveau et le macadam ? Quel mépris pour eux de vouloir faire croire qu’ils le font par choix avec une obscure planification de conquête de l’espace à la manière de panzers enturbannés ? Bien au contraire, on peut penser que nombre d’entre eux refusent de prier pour ne pas se trouver exposer à cette humiliation que constitue la pratique de l’acte religieux sous le regard de tous, dans un pays qui n’est pas culture musulmane et où il y a peu d’empathie pour le phénomène.
Les musulmans de France ne sont pas différents des autres habitants de ce pays, ils ne sont, à l’évidence, pas moins pudiques ni plus hystériques. Nombre d’entre eux cultivent d’ailleurs une certaine forme de discrétion, héritée du désir de transparence qu’ont pu avoir pendant longtemps ici les immigrés.
Que faire donc ? Demander à l’État d’aider à la construction des moquées ? Impossible : la loi de 1905 ne le permettrait pas. Tout au plus les collectivités locales peuvent-elles, pour peu qu’elles le veuillent et qu’elles n’aient pas peur d’une sanction dans les urnes, concéder des baux emphytéotiques aux associations cultuelles, à qui elles peuvent aussi accorder des subventions. Faire appel à des financements non publics ? Pourquoi pas, cela semble logique. Mais on voit alors resurgir le spectre, probablement aussi fantasmagorique que la théorie de la cinquième colonne propagée par les tenants de l’invasion, de la mainmise de l’étranger.
Nouvel écueil à la construction de lieux de culte bien commode tout de même, car on ne s’est, semble-t-il, jamais posé ces questions lors de la construction d’une synagogue, d’un temple bouddhiste, ou lorsque l’on a vu un certain nombre de cinémas, par exemple, transformés en temples évangéliques, fréquentés souvent par des populations aux moyens aussi modestes que la plupart des musulmans.
Il faut donc, pour sortir de la quadrature du cercle qui veut que l’on ne puisse faire appel ni à de l’argent public ni à de l’argent venu d’outre-Méditerranée, qu’on laisse financer qui le veut et qui le peut ces mosquées qui manquent tant. Charge aux pouvoirs publics de promouvoir la formation d’imams par les universités ou en partenariat avec les instituts de théologie ; et aux renseignements généraux… qui ne se privent déjà pas de le faire, de surveiller ce qui s’y dira ou fera dans le secret du minbar. Ou, alors, serait-ce que l’on préfère l’islam des caves, invisible, lui ?
Il serait temps aussi de changer ce regard soit compassé, soit anxieux, souvent hostile, que l’on peut avoir sur les 5 millions de musulmans de France : ils n’ont vocation ni à changer l’identité culturelle de notre pays – ce que font peut-être plus sûrement les multinationales de l’agroalimentaire ou de l’entertainment – ni, à plus forte raison, à lui nuire. Ils demandent à être assimilés et non pas intégrés.
Si on ne veut plus les voir dans les rues, qu’on les mette à leur place… dans les mosquées !
* Madjid Si Hocine est médecin, militant associatif et animateur du site www.legalitedabord.fr
dimanche 26 décembre 2010
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Pas sûr que les 5 millions souhaitent être assimilés ou alors tout dépend de ce que l'on met derrière ce mot?
RépondreSupprimerQuid de l'autofinancement des mosquées? 5 millions de musulmans, même à niveau de vie modeste devraient pouvoir dégager quelques moyens.
"Si on ne veut plus les voir dans les rues, qu’on les mette à leur place… dans les mosquées !" - leur place pourrait être ailleurs, dans les bibliothèques, l'action sociale, loisirs, etc.
L'utilisation de la rue, une fois par semaine pendant 2 heures pourrait être négociée avec la collectivité. C'est une solution économique par rapport à l'agrandissement de mosquées. Le pb est lié à la méfiance vis à vis de l'Islam et au regard porté sur les musulmans qui doit changer.