Le Monde | 04.01.11 | 13h53
BERLIN CORRESPONDANT - Selon une étude réalisée pour l'université de Münster en décembre 2010 dans cinq pays européens (Allemagne, France, Pays-Bas, Portugal et Danemark), ce sont les Allemands qui ont l'opinion la plus négative sur les musulmans. D'après cette enquête menée auprès de 1 000 personnes dans chacun des pays par l'institut TNS Emnid, un tiers seulement des Allemands ont une opinion positive des musulmans, contre 56 % des Français et 62 % des Néerlandais. Plus de la moitié des Allemands associent l'islam à la discrimination contre les femmes, au fanatisme et à l'intolérance. Detlef Pollack, le sociologue auteur de ce travail, note que les résultats sont pires à l'est qu'à l'ouest de l'Allemagne. Pour lui, "plus vous fréquentez les musulmans, plus votre opinion tend à être positive".
Les résultats de cette enquête ont été indirectement corroborés par le succès phénoménal du livre de Thilo Sarrazin, Deutschland schafft sich ab ("L'Allemagne court à sa perte"), publié début septembre 2010. En quatre mois, cet ouvrage qui décrit une Allemagne condamnée au déclin en raison du poids pris par les musulmans, pauvres et donc, selon lui, moins intelligents, s'est vendu à plus de 1,2 million d'exemplaires.
2,5 millions de Turcs
D'abord condamnées par la quasi-totalité de la classe politique, ses thèses ont néanmoins été bien accueillies par une partie de l'opinion, incitant les dirigeants à nuancer leurs propos. Après avoir critiqué ce livre, la chancelière, Angela Merkel, a estimé que le multiculturalisme "avait échoué". Le président de la République, Christian Wulff, lui aussi membre de la CDU, a suscité un tollé à droite en affirmant que "l'islam fait partie de l'Allemagne". Le SPD, dont Thilo Sarrazin est membre, a de son côté les plus grandes difficultés à l'exclure de ses rangs, comme le souhaitait à l'origine Sigmar Gabriel, président du parti.
Alors que l'Allemagne compte 15,4 millions de personnes immigrées ou dont un des parents est immigré, le débat porte essentiellement sur les 2,5 millions de Turcs. Les critiques insistent sur leur méconnaissance de la langue allemande, une réalité exacerbée par le manque de places pour accueillir les plus jeunes dans les crèches et les jardins d'enfants.
Ce débat pourrait provoquer la naissance d'un parti anti-musulman, à la droite des chrétiens-démocrates. C'est en tout cas ce qu'essaie de faire René Stadtkewitz, un ancien responsable berlinois de la CDU qui vient de créer un groupuscule "La Liberté", s'inspirant du leader populiste néerlandais Geert Wilders. Tous les experts politiques jugent qu'il y a là un créneau mais qu'aucun leader n'est jusqu'à présent capable de l'exploiter.
Frédéric Lemaître
Article paru dans l'édition du 05.01.11
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