vendredi 7 janvier 2011

Islam : Nicolas Sarkozy met en garde contre la "défiance"

Le Monde.fr | 07.01.11 | 13h28 • Mis à jour le 07.01.11 | 14h37

C'est dans un contexte géopolitique particulier et alors que les polémiques sur la place des religions dans l'espace public reviennent de manière récurrente dans le débat politique français, que le président de la République, Nicolas Sarkozy, a présenté, vendredi 7 janvier, ses vœux aux autorités religieuses.
Invités exceptionnels de cette cérémonie traditionnelle, les représentants des Eglises d'Orient, et notamment les responsables de la communauté copte, ont été l'objet d'un long et fort hommage de M. Sarkozy, une semaine tout juste après l'attentat qui a coûté la vie à 23 fidèles dans une église d'Alexandrie en Egypte. Il leur a présenté ses "condoléances personnelles et celles de la France".

Evoquant également les attentats qui endeuillent régulièrement les communautés chrétiennes de Bagdad en Irak, le chef de l'Etat a estimé que ces victimes étaient "nos martyrs". "Ils sont les martyrs de la liberté de conscience", a-t-il ajouté, rappelant aux responsables religieux que "la France condamne ces crimes avec la plus grande fermeté et qu'elle les condamnera depuis toutes les tribunes que lui offrent le droit international et son rang dans le monde".

Sans évoquer explicitement le supposé choc des cultures entre l'Orient et l'Occident, M. Sarkozy a estimé que "le sort des chrétiens d'Orient symbolise les enjeux du monde globalisé dans lequel nous sommes entrés, irréversiblement". "Nous ne pouvons pas accepter que cette diversité humaine, culturelle et religieuse qui est la norme en France, en Europe, disparaisse de cette partie du monde. Les droits qui sont garantis chez nous à toutes les religions doivent être réciproquement garantis dans les autres pays". "La liberté de culte et la liberté de conscience sont consubstantielles à la démocratie", a-t-il rappelé.

NE PAS S'ENFERMER "DANS L'AMALGAME"

Saluant le "rejet massif" par le monde musulman et les responsables de l'islam en France des attaques antichrétiennes, M. Sarkozy s'est néanmoins inquiété des conséquences de tels "massacres" sur les opinions occidentales. Le fait que l'islam soit considéré comme une "menace pour leur identité" par quelque 40% des Français et des Allemands, selon un sondage IFOP, publié par Le Monde, le "préoccupe".

"L'islam n'a évidemment rien à voir avec la face hideuse de ces fous de Dieu", a-t-il martelé, rappelant "l'accueil et la protection" accordés au cours de l'histoire par le monde musulman aux "gens du Livre". "Si telle religion est irrationnellement perçue, chez nous, comme une menace, nous devons combattre cette réaction irrationnelle par la connaissance mutuelle", condition pour que "les opinions occidentales ne s'enferment pas dans la défiance, dans la peur et dans l'amalgame".

En décembre 2009, M. Sarkozy, dans les colonnes du Monde, et en plein débat sur l'identité nationale, largement réduit à la place de l'islam dans la société française, reconnaissait l'existence d'une "sourde menace" que les gens "à tort ou à raison" sentaient peser sur leur identité.

"UN DIALOGUE PERMANENT AVEC LES RELIGIONS"

Sans jamais employer le terme de "laïcité positive", théorisée au début de son quinquennat, le chef de l'Etat a aussi, devant les responsables religieux, redit sa conception de ce principe républicain et du rôle des religions dans le débat public, estimant notamment que les croyants ne devaient pas être enfermés "dans leurs églises, leurs synagogues, leurs temples ou leurs mosquées".

"Une République laïque entretient un dialogue permanent avec les religions, de façon à les entendre et parfois, pourquoi pas à les écouter." Même si, précise-t-il, "la République ne laissera jamais aucune religion lui imposer sa loi".

Assumant sans la citer la loi interdisant le port du voile intégral, M. Sarkozy estime que la République doit en revanche intervenir "lorsque des pratiques, présentées souvent à tort comme religieuses portent atteinte à d'autres principes démocratiques". Il évoque enfin sans s'appesantir le paradoxe qui entoure la question de la construction des lieux de culte musulman et les récentes polémiques soulevées par Marine Le Pen sur "les prières de rue". "La République ne peut pas accepter qu'une religion investisse l'espace public sans son autorisation mais cela implique que la République tienne ses promesses en permettant que chacun puisse prier dans des lieux dignes", a-t-il indiqué, sans rappeler que la loi de 1905 interdit de subventionner les cultes.

Stéphanie Le Bars

Les cultes unis contre les violences antichrétiennes
Créée en novembre 2010, la Conférence des responsables de culte en France, reçue vendredi 7 janvier par Nicolas Sarkozy, a condamné "avec la plus grande vigueur les attentats" antichrétiens de Bagdad et d’Alexandrie. "Ces violences faites 'au nom de Dieu' contre d’autres croyants ne blessent pas seulement une religion mais l’humanité tout entière", soulignent les responsables chrétiens, juifs, musulmans et bouddhistes. "Nul ne peut se prévaloir des religions que nous représentons pour légitimer des violences, poursuivent-ils. Nous encourageons les fidèles à résister au repli et à la peur. Nous ne voulons pas que la religion soit instrumentalisée."
Article paru dans l'édition du 08.01.11

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