LE MONDE | 28.02.11
C'est Alain Juppé qui, parmi les premiers, s'est inquiété des dégâts que pourrait causer le débat voulu par le président de la République et organisé par l'UMP sur la place de l'islam dans la société française.
La mise en garde est on ne peut plus claire. Lundi 28 février, le premier ministre, François Fillon, a prévenu sur RTL : si le débat sur l'islam devait conduire "à stigmatiser les musulmans", il s'y "opposera", ajoutant qu'il veillerait, "à la place qui est (la sienne), à ce que ce débat ne dérive pas".
C'est Alain Juppé qui, parmi les premiers, s'est inquiété des dégâts que pourrait causer le débat voulu par le président de la République et organisé par l'UMP sur la place de l'islam dans la société française. "Il faut maîtriser ce débat, car il n'est pas imaginable de stigmatiser la deuxième religion de France", avait déclaré M. Juppé, peu après l'annonce de ce nouveau chantier présidentiel, décidé mi-février dans la foulée des déclarations de la présidente du Front national sur les prières de rue.
Depuis, pas un jour ne s'est écoulé sans qu'un responsable politique de droite ne s'interroge sur l'opportunité de placer la focale politique sur les musulmans ; et ce, quelques mois après le discret enterrement du débat sur l'identité nationale, qui avait donné lieu à de multiples dérapages.
A plusieurs reprises, les anciennes ministres Rama Yade et Rachida Dati ont exprimé des réserves. "Six millions de musulmans vont se retrouver assignés à résidence religieuse alors qu'eux-mêmes ne se définissent pas d'abord comme musulmans", a prévenu Mme Yade dans Le Journal du dimanche. Mme Dati a rappelé : "Ce n'est pas l'islam qui pose un problème. Le problème, c'est de combattre ceux qui dévoient l'islam."
Plus étonnant, Christian Estrosi, maire de Nice et député UMP, partisan des discussions sur l'identité nationale, a estimé que la situation internationale "impose de différer" le débat sur l'islam : "Nous ne pouvons pas débattre de la laïcité au risque de stigmatiser l'islam, alors que le monde a les yeux tournés vers les peuples du monde arabe qui aspirent légitimement à plus de démocratie."
Le président du Sénat, Gérard Larcher, a aussi mis en garde le gouvernement et son propre parti : "Méfions-nous de jouer sur les peurs. Méfions-nous de ne pas affaiblir la laïcité dans un débat qui serait mal préparé, mal conduit, pour répondre à des temps d'opportunité politique." Attention de ne pas "rechercher de bouc émissaire", a aussi prévenu l'ancien premier ministre Dominique de Villepin. L'UMP Patrick Devedjian a, quant à lui, qualifié ce débat de "dangereux et désastreux".
Au rang des partisans, on compte les membres du gouvernement, Eric Besson ou Thierry Mariani. Et Jean-François Copé, secrétaire général de l'UMP, artisan du débat, qui a érigé ce sujet "en problème dont parlent le plus les Français". Il n'est pas sûr pourtant qu'après les soubresauts que vient de traverser le gouvernement, le sujet aille à son terme, fixé au 5 avril.
Stéphanie Le Bars
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