En vue des élections législatives de juin 2012, le PS présente 25 candidats estampillés " diversité ", afin d'afficher une meilleure représentation de la société française à l'Assemblée nationale. Le Monde a rencontré trois de ces socialistes candidats à la députation.
Pouria Amirshahi Secrétaire national à lacoopération, à la francophonie et aux droits de l'homme
Pouria Amirshahi a toujours sa tête de bon élève, l'allure sérieuse d'un fils d'immigré iranien qui a tout fait pour se couler dans le moule républicain. Il a même envisagé, quand il s'est fait naturaliser, à 24 ans, de franciser son nom en un banal Pierre Royal : " Pierre comme traduction de Pouria et Royal parce que mon nom persan veut dire "rois des rois" ", sourit-il.
Il parle de son " rêve de toujours d'être français comme les autres ". Mais, derrière cette façade policée, cette diction étudiée d'ancien bègue, se cache un malin. Filou comme ce gamin de cité HLM de la porte de Vanves qui " voyoute " avec ses copains algériens ou sénégalais, vole des scooters ou donne du poing à la sortie de l'école, sans que ses parents ne se doutent de rien.
Malin comme le lycéen qui en veut et se fait repérer par les amis de Jean-Christophe Cambadélis - aujourd'hui secrétaire national à l'Europe et aux relations internationales - lors du mouvement de grève des étudiants contre la réforme Devaquet, en 1986.
Puis un peu opportuniste quand l'étudiant de Paris-I est élu à la tête de l'UNEF-ID, contre ses amis, avec l'appui des ennemis d'hier, la " bande à Juju ", proches du cofondateur de SOS Racisme, Julien Dray. Il y reste quatre ans avant de prendre, en 1998, la présidence de la MNEF, la mutuelle étudiante.
M. Amirshahi a eu un pur parcours de jeune apparatchik socialiste des années 1990, naviguant au gré des alliances. Mais aujourd'hui, en fidèle du porte-parole du parti, Benoît Hamon, il peste contre un PS qui a renoncé à changer le monde. A presque 40 ans, son étoile a un peu pâli, même s'il est toujours un dirigeant socialiste - secrétaire national à la coopération, à la francophonie, à l'aide au développement et aux droits de l'homme - et dirige la fédération de la Charente. Sept ans après avoir quitté Paris pour ce département du Bassin aquitain, il lâche son boulot de directeur de centre social - son " établi à lui " - et la fédération socialiste qu'il avait arrachée aux caciques locaux. Il se retrouve candidat aux élections législatives de 2012 dans la 9e des Français de l'étranger, une circonscription " fléchée diversité ".
C'est une gageure pour ce secrétaire national qui s'est toujours battu pour défendre le dogme républicain contre les tenants de la discrimination positive. " Je n'apprécie pas d'être classé "diversité", mais je comprends que le parti ait besoin de cette visibilité ", lâche-t-il. Et lui d'être élu et reconnu.
Sabrina Ghallal Conseillère générale de la Marne
Elle l'a conquise toute seule, sa circonscription. Sabrina Ghallal, candidate dans la 1re de la Marne, ne veut pas laisser dire qu'elle a été aidée. Les militants ont voté " à 62 % sur - son - nom ", et pas parce qu'il sonne arabe. De la même façon qu'elle avait été désignée et élue lors des cantonales de 2008. " Je n'ai pas envie d'être enfermée dans une case ", lance cette femme de 30 ans, qui affiche fièrement ses années de militantisme.
Elle fait ses premières armes au Mouvement des jeunes socialistes (MJS) dans sa cité du Vert-Bois, à Saint-Dizier (Haute-Marne), où elle a vécu vingt ans avec ses parents, venus d'Algérie. Puis à l'UNEF de Reims, où elle dirige la fédération des cités universitaires.
Elle ne prendra sa carte au PS, avec une trentaine de ses " potes ", que le 22 avril 2002, au lendemain du premier tour de l'élection présidentielle qui a vu arriver Jean-Marie Le Pen en face de Jacques Chirac, évinçant Lionel Jospin de la course à l'Elysée. Seul un tiers d'entre eux est resté. " Le PS est trop fermé. On n'y trouve que des profs et des avocats. Et puis c'est toujours les mêmes depuis Mitterrand ! ", s'agace cette proche de M. Hamon.
A ses yeux, au PS comme au Palais-Bourbon, c'est d'abord un " problème de renouvellement " dont il s'agit. " Vouloir une représentation juste de la société à l'Assemblée nationale ne doit pas se restreindre à la couleur de la peau ", lâche-t-elle.
Alors, dans cette circonscription à cheval sur deux anciens fiefs UMP, la jeune élue veut d'abord s'appuyer sur son combat pour la reconversion de la base aérienne 112 et sur son travail en direction des quartiers de Reims. " C'est vrai qu'il faut se battre plus que d'autres, mais ce qui compte, c'est les idées ", assure la conseillère générale. Pour emporter cette " circo gagnable ", elle se démène avec un objectif : entrer dans l'Hémicycle comme benjamine du groupe PS, mais surtout en tant que fille de maçon communiste.
Seybah Dagoma
Adjointe au maire de Paris,chargée de l'économiesociale et solidaire
Elle dit qu'elle est arrivée à Paris par le RER, celui qui mène de Sarcelles (Val-d'Oise) aux Halles. Derrière son assurance d'avocate d'affaires, Seybah Dagoma a encore cette raideur, due au contrôle de soi, qui ne la lâche pas. Cette fille d'immigrés tchadiens, née à Nantes, élevée, avec ses trois frères et sa soeur, par sa mère cuisinière, a indéniablement réussi.
A 33 ans, Mme Dagoma peut aligner son contrat dans un des plus gros cabinets anglo-saxons, sa participation au club A gauche en Europe - où elle côtoie Michel Rocard, Dominique Strauss-Kahn et Pierre Moscovici -, son engagement comme membre fondatrice à Terra Nova, son élection en 2008 en tant qu'adjointe au maire de Paris... N'en jetez plus !
C'est une bûcheuse brillante, à l'élocution aisée, mais toujours sur ses gardes, ne livrant rien de personnel. Quand on évoque son parcours, ses appuis, elle se crispe de peur qu'on ne lui dénie sa capacité à se faire seule. " Je n'ai adhéré au PS qu'à 26 ans, alors que je me suis investie bien avant : je voulais d'abord bien connaître ce parti ", souligne-t-elle.
Pourtant, ce sont bien les socialistes sarcellois qui repèrent la jeune lycéenne, investie dans une association d'aide aux devoirs. Et c'est grâce à Bertrand Delanoë qu'elle sera présentée comme tête de liste dans le 1er arrondissement de Paris, en 2008, et élue adjointe à l'économie sociale et solidaire. Le maire avait compris qu'une jeune femme noire sur sa liste, c'était un plus.
Celle qui est devenue " la " figure de la diversité aux municipales de 2008 ne cache pas sa réticence à incarner ce que le PS lui réclame encore de représenter aux législatives. " Ce n'est pas mon sujet d'engagement ni d'expertise. La diversité qui me semble prioritaire à promouvoir est la diversité sociale ", lance-t-elle.
Sylvia Zappi
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire