Le concept " d'immigration intelligente ", lâché de façon un peu impromptue par François Hollande, jeudi 27 janvier, à l'occasion du débat qui l'opposait à l'ancien premier ministre Alain Juppé sur le plateau de l'émission " Des paroles et des actes ", sur France 2, ne cesse d'interroger, depuis, tous ceux qui s'intéressent à la question migratoire en France.
Dit avec l'air bonhomme de M. Hollande, ce beau mot est d'abord apparu nettement moins clivant que les concepts d'immigrations " choisie " ou " subie ", développés par Nicolas Sarkozy en 2007. Mais au regard du programme du candidat socialiste sur l'immigration, constitué en tout et pour tout de quatre phrases et sept lignes, il est aussi venu mettre en exergue la malléabilité de l'adjectif.
Sur le plan du discours, certes, la ligne semble claire : M. Hollande " n'aura pas besoin de stigmatiser pour parler immigration ", assure Mireille Le Corre, en charge du pôle " immigration-intégration " dans l'équipe de campagne du candidat socialiste. La volonté de M. Hollande d'accorder le droit de vote aux élections locales aux étrangers devrait l'obliger, effectivement, à adopter un ton plus consensuel que Nicolas Sarkozy.
Cette proposition d'ordre surtout symbolique se trouve toutefois contrebalancée par une position plus rigide sur la " lutte contre l'immigration irrégulière ". Le candidat socialiste la décrit dans son programme comme " implacable ". Des accents sécuritaires nouveaux dans sa bouche, qui n'ont rien à envier à ceux de la majorité et dénotent une volonté d'éviter les procès en angélisme tout en rassurant l'électorat le moins libéral sur ce thème. " Il n'y aura pas d'objectifs chiffrés " mais " il y aura des éloignements - des expulsions - ", défend ainsi Mme Le Corre, en prononçant un mot que peu de socialistes se risquent à lâcher alors que beaucoup, dont M. Hollande, ont longtemps dénoncé la brutalité de cette procédure. A ce titre, aucune proposition d'aménagement de la très polémique " rétention administrative " n'apparaît non plus dans son programme.
" Au cas par cas "
La proposition de " régulariser " les étrangers en situation irrégulière " au cas par cas sur la base de critères objectifs ", témoigne du même exercice d'équilibrisme. Le " cas par cas " est aujourd'hui la règle appliquée par toutes les préfectures. C'est elle qui donne lieu à l'" arbitraire " tant dénoncé par les associations.
Mais pour ménager à l'inverse, les inquiétudes de son électorat le plus humaniste, M. Hollande propose dans le même temps des critères " objectifs " à ce traitement. Ces critères reposeront sur " la durée de résidence, le lien avec l'emploi et les attaches familiales, notamment la scolarisation des enfants ", détaille Mme Le Corre. Mais, là encore, ce sont déjà ces critères qui sont pris en compte par les préfectures.
L'enjeu, si M. Hollande est élu, résidera donc dans le degré de précision de ces paramètres. Ce sont eux qui permettront - ou pas - une régularisation " large ", comme l'appelait de ses voeux le Parti socialiste dans sa dernière motion sur l'immigration adoptée en novembre 2009. Le mot a disparu du vocabulaire lors des primaires de 2011.
L'ambiguïté demeure enfin, dans le programme de M. Hollande, sur ce qui constitue pourtant, aujourd'hui, le coeur des difficultés des nouveaux immigrés en France : la politique des titres de séjour. En raison de leur durée limitée (généralement un an renouvelable), ils maintiennent éloignés des bons logements et du crédit leurs titulaires et renforcent les concentrations dans les quartiers défavorisés.
Sur ce sujet, le candidat socialiste se contente d'annoncer qu'il " sécurisera " l'immigration légale. Reprendra-t-il, plus tard, les propositions de son porte-parole Manuel Valls qui prônait encore, à l'automne, l'instauration de cartes de cinq ans et dix ans renouvelables automatiquement ? Rien ne le dit. L'immigration c'est la mondialisation, et sur ce dernier sujet, le candidat Hollande, pour l'heure, apparaît toujours tenté par le protectionnisme.
E. V.
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