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vendredi 6 juillet 2012

La mosquée de Cergy, modèle d'un islam de France apaisé


Le Monde, 7 juillet 2012



La nouvelle mosquée de Cergy (Val-d'Oise), surplombée d'un minaret de 20 mètres, pourra accueillir 1 500 fidèles.

LIONEL PAGÈS/VILLE DE CERGY

L'édifice est inauguré par le ministre chargé des cultes vendredi 6 juillet




Des milliers de musulmans de Cergy (Val-d'Oise) et des environs ont déjà foulé les tapis de la nouvelle mosquée de la ville, le 29 juin. Vendredi 6 juillet, l'inauguration officielle de l'édifice surplombé d'un minaret de 20 mètres et d'une coupole verte devait être pour le ministre de l'intérieur, chargé des cultes, Manuel Valls, l'occasion de s'adresser à la communauté musulmane pour la première fois depuis son entrée en fonctions.

En se rendant à Cergy, M. Valls met en avant un projet " au processus exemplaire ", selon le maire de la ville et député (PS) du Val-d'Oise, Dominique Lefebvre. L'élu socialiste, qui a convaincu le ministre de l'intérêt de s'adresser aux musulmans à quelques jours du début du ramadan (le 20 ou 21 juillet) fait partie de ces élus, de droite comme de gauche, qui ne craignent pas d'organiser l'islam dans leur ville. M. Lefebvre revendique donc un rôle dans la naissance de cette mosquée-cathédrale, prévue pour accueillir 1 500 fidèles et dotée d'un centre culturel, d'un salon de thé, d'une salle funéraire, de salles de cours. " Nicolas Sarkozy a beaucoup parlé de l'islam de France, moi je l'ai fait ! ", lance M. Lefebvre entre boutade et pique politique.

Pour répondre à la demande " naturelle et légitime " de ses concitoyens musulmans, qui, depuis la fin des années 1980, souhaitaient édifier un lieu de culte, l'édile élu en 1996 a utilisé tous les moyens à sa disposition dans le cadre de la loi de 1905, qui interdit la subvention publique des cultes. Il a concédé aux responsables musulmans un bail emphytéotique sur un terrain viabilisé de 2 000 m2 - le loyer d'un euro symbolique proposé dans un premier temps a été attaqué en justice et remplacé par un loyer modique de 728,50 euros par an -, et la mairie a garanti, à hauteur de 50 %, l'emprunt de 2,5 millions d'euros contracté par les responsables musulmans pour financer leur projet évalué à 3,7 millions. Le reste est assuré par les dons des fidèles.

Mais, comme préalable à son soutien, il a demandé à la dizaine d'associations musulmanes émanant des pays d'origine présentes sur cette ville, dont 45 % de la population est d'origine étrangère, de s'unir. " Nous avons créé la fédération en 2003, témoigne Hamida Maïga, son président d'origine malienne. Et toutes les associations, qu'elles soient maghrébines, pakistanaises, africaines... ont signé une charte qui reconnaît la nécessité d'avoir un interlocuteur unique face aux pouvoirs publics. " Une telle entente est loin de s'imposer partout. A Cergy, seuls les Turcs sont restés à l'écart.

Autre condition négociée avec la mairie, le respect de la charte qui engage les membres de la fédération à " l'exercice du culte musulman dans des conditions de dignité et de transparence, au respect et à la promotion des règles républicaines et de la laïcité, à la poursuite du dialogue interreligieux, à la promotion du bilinguisme arabe/français et du français comme langue véhiculaire, à la valorisation du statut de la femme "" L'islam à ciel ouvert est l'antidote à l'intégrisme ", veut croire le maire, pour qui la reconnaissance du fait musulman participe d'une politique d'intégration.

L'ouverture de la grande mosquée de Cergy s'inscrit dans un processus général d'installation de ces édifices dans le paysage urbain et de normalisation des rapports entre associations musulmanes et pouvoirs publics. D'autres grands projets devraient aboutir dans les prochaines années, au gré des financements. Au total, quelque 200 constructions d'envergures diverses sont en cours, assurant peu à peu le maillage du territoire.

Dans la majorité des cas, ce nouveau contexte permet une implantation sereine, mais le modèle privilégié à Cergy, soutien et accompagnement politique conditionnés, n'est pas général. L'inauguration de la grande mosquée de Saint-Etienne, le 19 juin, illustre cette diversité dans l'organisation et le financement de l'islam de France.

A Saint-Etienne, c'est le Maroc qui a payé la mosquée en apportant 6 des 8 millions d'euros qu'a coûtés l'édifice. Le ministre des affaires religieuses du royaume chérifien a assisté à l'inauguration. Et, contre l'avis de certains musulmans eux-mêmes, la mosquée porte le nom de Mohammed VI. L'imam a été nommé par le gouvernement marocain, dont il demeure un salarié.

Face aux besoins, le Maroc, l'Algérie, la Turquie et la Tunisie mettent en effet des dizaines d'imams à disposition des associations musulmanes françaises. Les religieux sont censés demeurer quatre à cinq ans sur place. L'ancien imam de Saint-Etienne, évincé lors de l'ouverture de la mosquée, était en place depuis dix-sept ans. A Cergy, c'est " un appel à candidature " qui a permis de sélectionner l'imam. Un universitaire français d'origine algérienne, Tahar Mahdi, a été retenu. Lui sera payé par la mosquée. Inutile de préciser que le maire de Cergy préfère son modèle à tout autre.

Stéphanie Le Bars

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