SOCIÉTÉ
31 juillet 2012 à 22:06
- RÉCIT Des monos qui faisaient le ramadan ont été suspendus. Mais l'interdiction est levée pour août.
Marche arrière à la mairie de Gennevilliers (Hauts-de-Seine). Après avoir suspendu en juillet quatre animateurs de colonie de vacances qui faisaient le ramadan, le maire PCF a estimé que l'article de leur contrat de travail imposant de bien se nourrir a été «mal interprété». Jacques Bourgoin a donc décidé de ne pas l'imposer aux animateurs des colos du mois d'août. Mais les quatre restent suspendus.
Le problème ne date pas d'hier. La plaie est ouverte depuis le 25 août 2009. En séjour dans la Nièvre, cinq ados accompagnés de leur animatrice grimpent dans un minibus pour rejoindre le lac des Settons. L'allure est bonne, l'ambiance aussi. Il est 17 heures, l'animatrice s'endort au volant. Le minibus se couche dans un fossé. Les six passagers sont blessés, l'un d'entre eux grièvement. Aujourd'hui, il en garde des séquelles, son bras est à moitié paralysé. Un choc à Gennevilliers.
Contrôle. Les causes du malaise de l'animatrice ne sont pas connues, et ne le seront jamais. Toujours en procès avec les familles, la mairie retiendra seulement que la jeune femme était à jeun. L'accident s'est déroulé en pleine période de ramadan. Ni eau ni nourriture du coucher au lever du soleil.
Depuis, tous les contrats des animateurs ont été modifiés. Une clause nouvelle a fait son apparition, à l'article 6 : «L'animateur veille à ce que lui-même, ainsi que les enfants participant à la vie en centre de vacances, se restaurent et s'hydratent convenablement, en particulier durant ses repas, et doit être en pleine possession de ses moyens.» Même si le mot ramadan n'est jamais mentionné, ni dans les contrats ni lors des entretiens d'embauche, c'est bien de cela qu'il s'agit. Les quatre animateurs ont donc été suspendus au lendemain d'une visite de contrôle d'un responsable le 20 juillet, premier jour du ramadan. En off, la mairie explique : «Compte tenu de l'intensité et de la rythmique de la colo, ne pas s'alimenter et ne pas s'hydrater peut assez rapidement altérer la patience et favoriser l'irritabilité des encadrants, et donc avoir une incidence sur la qualité de la pédagogie du séjour.»
Au programme de la colo : surf, skate, rando à vélo… Les journées à Port-d'Albret (Landes) peuvent êtres longues, et les gamins, âgés de 9 à 15 ans, réclament l'attention des animateurs dès 7 heures du matin jusqu'à environ minuit. Mais Samir, l'un des quatre «suspendus», ne voit pas le ramadan comme un handicap. «C'est vrai qu'on peut avoir des petits moments de fatigue, mais c'est la même chose pour une personne qui a trop mangé à midi et qui aura un coup de barre vers 15 heures», dit l'instituteur de 28 ans. Avant de jouer habilement avec le contrat : «On a toujours respecté notre contrat. On s'est toujours bien hydratés pendant les repas. Un le matin et un le soir.»
Avant le revirement de la mairie, l'avocat des quatre jeunes menaçait de la traîner devant les prud'hommes. Pour Me Mohand Yanat, l'article 6 n'avait rien de légal. «Seuls trois motifs permettent de rompre un CDD : l'inaptitude physique, la faute grave ou la force majeure. Or, l'inaptitude physique doit être constatée par un médecin. Ce n'était pas le cas ici, aucun protocole n'a été respecté», explique-t-il. En attendant, «l'incompréhension» et la «colère» demeurent chez les quatre jeunes toujours suspendus, même si leurs salaires seront versés. Samir se dit pris dans une spirale : «Je suis complètement dépassé par la tournure des événements. Je ne m'attendais pas à une telle pression médiatique, je cherchais simplement à savoir si j'étais dans mon droit.»
Plainte. Hier, plusieurs associations sont venues les soutenir. Le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF) a même prévu une manifestation symbolique samedi soir : rompre le jeûne devant la mairie de Gennevilliers. De son côté, le Conseil français du culte musulman envisage une plainte pour discrimination. La mairie de Gennevilliers a ses soutiens, parfois inattendus, comme celui du Front national. Elle a reçu des appels de parents de toutes confessions disant «comprendre leur démarche». Pas sûr que ça suffise à éteindre le feu.
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