Créée en 2002 pour contenir la poussée du Front national, l'UMP n'est pas seulement secouée par la guerre Copé-Fillon, qui connaît aujourd'hui son énième soubresaut. Elle vit aussi une mutation idéologique importante que Jérôme Fourquet, directeur du département opinion de l'IFOP, fait clairement apparaître en étudiant la géographie du vote des militants UMP, le 18 novembre.
En analysant département par département le score des six motions en compétition, le politologue met en évidence la droitisation du mouvement sur tout le territoire. Il démontre aussi que cette droitisation, fruit du sarkozysme, transcende le duel Copé-Fillon, ce qui rend la confrontation entre les deux hommes assez stérile si l'on se place du seul point de vue de la bataille des idées.
La droitisation de l'UMP résulte de la forte emprise que Nicolas Sarkozy continue d'exercer sur le mouvement. Elle se lit à travers le succès de la motion la Droite forte portée par deux trentenaires, Guillaume Peltier et Geoffroy Didier, disciples de Patrick Buisson. Se référant constamment à l'héritage de l'ancien président de la République, qu'ils promettent de défendre et faire vivre, les deux élus prônent la reconquête de l'électorat populaire par fusion de la "question sociale" et de la "question identitaire" avec référence appuyée aux racines chrétiennes de la France, défense de la laïcité et méfiance à l'égard de l'islam.
Leur texte, qui a recueilli 27,8 % des suffrages des militants, est arrivé en tête dans soixante départements métropolitains, dont 37 qui ont choisi Jean-François Copé et 23 qui ont opté pour François Fillon. Il est le seul à avoir obtenu plus de 10 % des voix dans tous les départements.
Les scores ont été particulièrement importants dans le quart sud-est de la France, où la concurrence de la Droite populaire (10,87 %) était pourtant forte. Mais ils l'ont été aussi, de façon plus inattendue, dans la Manche, en Charente-Maritime, dans le Morbihan, en Indre-et-Loire, en Gironde, dans le Loir-et-Cher ou encore dans l'Isère et le Bas-Rhin.
En fait, souligne Jérôme Fourquet, la percée a été manifeste dans les départements qui n'étaient pas tenus par les leaders des autres motions. Elle a trouvé son ressort dans la popularité toujours forte dont jouit l'ancien président de la République auprès des militants UMP.
Par contraste, deux sensibilités qui étaient centrales lors de la création de l'UMP il y a dix ans voient leur implantation reculer : le courant libéral emmené par l'ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin n'a obtenu que 18,2 % des suffrages, avec un maillage territorial faible, ce qui est décevant au regard du soutien que lui avaient apporté 104 parlementaires.
La déception est encore plus forte pour le courant gaulliste incarné par Michèle Alliot-Marie, qui n'a obtenu que 12,3 % des suffrages. Dans 27 fédérations, dont celle de la Corrèze de Jacques Chirac, cette sensibilité n'a pas dépassé le seuil des 10 % de suffrages exprimés.
En métropole, la motion n'est arrivée en tête que dans deux fédérations : le Territoire de Belfort et les Pyrénées-Atlantiques. La carte des soutiens n'a en réalité plus grand-chose à voir avec la géographie historique du courant gaulliste qui était fortement implanté dans la Manche, le Morbihan, la Vendée, le Bas-Rhin, la Moselle, la Meuse ou encore la Haute-Marne.
La droitisation de l'UMP transcende le duel Copé-Fillon.Au plus fort de sa bataille contre Jean-François Copé, François Fillon a annoncé son intention de créer un groupe dissident à l'Assemblée nationale, le RUMP, afin de défendre "le rassemblement de la droite et du centre, les valeurs républicaines, le service de l'intérêt général". Ce faisant, il a semblé s'élever contre la droitisation de son concurrent.
En réalité, les deux candidats ont recruté des soutiens dans toutes les familles de l'UMP. "Si le maire de Meaux s'est imposé dans les départements du grand pourtour francilien, où l'influence du FN est forte, constate Jérôme Fourquet, dans l'Est intérieur (Picardie, Champagne-Ardenne), c'est l'ancien premier ministre qui a viré en tête dans des zones, pourtant elles aussi très droitisées.
Inversement, Jean-François Copé a devancé son rival dans la plupart des départements du grand quart Sud-Ouest (Poitou-Charentes, Limousin, Aquitaine et Midi-Pyrénées), territoires de tradition modérée."
On comprend mieux à la lecture de ces résultats pourquoi l'un et l'autre éprouvent depuis deux semaines tant de difficultés à s'imposer : ils n'ont pas réussi à s'emparer du leadership idéologique qui reste entièrement aux mains de Nicolas Sarkozy.
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