Mohamed Mechmache à la tête de la concertation avec les habitants sur la politique de la ville ? L'idée pourrait faire sourire, tant le responsable de la remuante association AC Le feu qui a vu le jour au lendemain des émeutes urbaines de 2005 ne passe pas pour un courtisan du pouvoir. C'est pourtant lui ainsi que l'urbaniste Marie-Hélène Bacqué que le ministre a convaincu de prendre en charge une mission sur la participation des habitants. L'annonce devrait se faire officiellement mardi 18 décembre.
Voici deux mois que François Lamy a lancé sa grande consultation intitulée "Quartiers, engageons le changement". Grand raout à Roubaix, réunions de groupes de travail, plénières d'étape... le show est huilé et le ministre avance ses pions pour parvenir à une réforme de la géographie prioritaire comme dans l'obtention de nouveaux crédits pour les banlieues pauvres. Mais il manquait un acteur les habitants de cités et cela commençait à se voir. Quatre tables rondes ont donc été programmées tout au long du mois de janvier dans les villes de Bobigny, Rennes, la Seyne-sur-Mer et Strasbourg. Une agence de communication l'incontournable Campana et Eleb, l'agence chère aux mairies communistes est chargée de les mettre en scène.
Pas de numéro de claquettes
Mais cela ne suffisait pas, lui disaient ses contacts dans le monde associatif. Car le ministre reçoit beaucoup. Outre une quantité incroyable d'élus de banlieue, des responsables associatifs ont été invités au ministère. C'est ainsi que le ministre a consulté Salah Amokrane, directeur de l'association toulousaine Tactikollectif, et Mohamed Mechmache, de Clichy-sous-Bois, tous deux animateurs et cofondateurs du Forum social des quartiers populaires. Les deux militants des quartiers lui ont dit l'importance d'associer les habitants à toute opération les concernant. "Le gros problème de la politique de la ville, c'est qu'on n'écoute que les élus et les techniciens de la ville. Il faut prendre le temps d'écouter et d'accompagner les initiatives autonomes", explique le Toulousain. M. Mechmache a insisté pour ne pas s'en tenir à de simples rencontres alibi : "Les quartiers n'ont pas besoin de réunions où le ministre vient faire son numéro de claquettes comme on l'a vu avec Fadela Amara."
Après une campagne présidentielle où la banlieue a eu l'impression d'avoir été la grande oubliée, c'est peu dire que la frange active des quartiers regardait avec méfiance cette nouvelle consultation. Conscient que la gauche devait se refaire une image auprès des militants des cités, le ministre de la ville a décidé d'afficher cette nouvelle priorité. Depuis trente ans, la politique de la ville a toujours échoué dans ce domaine, comme le faisait remarquer le sociologue Renaud Epstein lors du colloque sur la politique de la ville du Centre d'analyse stratégique mercredi 12 décembre à Sciences Po : "En France, il y a beaucoup de rhétorique participative mais peu de pratique."
Savoir entendre et associer
C'est ce défi que Mohamed Mechmache et Marie-Hélène Bacqué sont chargés de relever pour une mission de quatre mois, au terme de laquelle ils doivent rendre des propositions de structures pérennes et des outils permettant l'expression des habitants et des associations. "On ne peut pas faire des opérations de politique de la ville sans se préoccuper de ceux à qui cela s'adresse", assure M. Lamy. A ses yeux, de nombreuses opérations de rénovation urbaines ou de contrats de ville ont été ratés par manque de collaboration avec les habitants et les associations.
"On le voit lors des opérations de démolition/reconstruction : on a à la fois des rêves de désenclavement et en même temps un attachement à un lieu de lien social. Il faut savoir l'entendre et associer les habitants au montage des projets et à leur évolution", insiste encore le ministre. Un début d'"empowerment" à l'américaine, rendant les citoyens acteurs de leur changement. "Il nous a entendu", sourit M. Mechmache. Reste maintenant à allouer les moyens pour que cela ne devienne pas un gadget.
Sylvia Zappi
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