Balises
Hollande a-t-il compris les Algériens ?
le 22.12.12 | 10h00 Réagissez
La visite d'Etat de deux jours que vient d'effectuer en Algérie, mercredi et jeudi, le président français François Hollande a-t-elle tenu ses promesses ?
Il est trop tôt pour se prononcer sur les retombées pratiques de cette visite marquée du côté français par la volonté de bâtir avec l'Algérie un «partenariat d'exception» tourné vers l'avenir, il demeure qu'avec l'arrivée de Hollande aux affaires dans l'Hexagone, un déclic s'est produit dans le regard que se portent mutuellement les deux parties. Le président français, qui connaît bien «les attentes des Algériens sur l'histoire» ainsi qu'il l'a réitéré lors de son séjour dans notre pays, a commencé à déblayer et à déminer le terrain des relations algéro-françaises marquées par le poids de l'histoire coloniale en osant ce qu'aucun de ses prédécesseurs n'avait fait avant lui, en qualifiant les événements d'Octobre 1961 à Paris de «crime». Sa visite à Alger, quelques semaines avant l'annonce officielle de sa candidature à la présidentielle, fut un autre gage que François Hollande avait tenu à faire en direction de l'Algérie pour témoigner de l'importance qu'il accordait à des relations rénovées et débarrassées du paternalisme de ses prédécesseurs.
Et au risque de froisser d'ailleurs les susceptibilités à fleur de peau du Maroc, qui ne peut pas s'empêcher de ne pas voir l'Algérie lorsqu'il se regarde dans le miroir, le président français a choisi l'Algérie pour sa première visite officielle dans la région, laissant le soin à son Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, de se rendre au Maroc à la veille de sa visite à Alger pour rassurer le partenaire marocain et signifier que la France tient à des relations équilibrées avec les pays du Maghreb. Et pour lever toute équivoque, on annonce déjà à Paris une prochaine visite de François Hollande au Maroc. Par rapport à la présidence de Nicolas Sarkozy, qui aura été le président français de la Ve République qui a le plus plombé les relations algéro-françaises, avec notamment l'épisode de la loi vantant les bienfaits de la colonisation qui avait failli mettre le feu aux poudres, François Hollande bénéficie de préjugés plutôt favorables en Algérie autant au niveau de la classe politique qu'au sein de l'opinion publique. L'accueil digne des hôtes de marque qui lui a été réservé, où les autorités algériennes ont rivalisé d'imagination et de gestes symboliques, visait à faire passer à M. Hollande le message que les Algériens sont prêts à tendre la main et à ouvrir le cœur aux dirigeants français qui cherchent à faire l'effort de nous comprendre, d'assumer le passé et de construire l'avenir sur de nouvelles bases.
Des regrets, il y en a eu certainement, tant l'attente aura été longue du côté algérien et des forces de paix en France qui ont soutenu le combat de l'Algérie pour son indépendance. Les excuses et la repentance pour les crimes commis en Algérie par l'armée française ne furent pas au rendez-vous à l'occasion de cette visite, comme l'espérait les Algériens. Mais force est d'admettre que le regard et le ton nouveau du discours de M. Hollande sur la colonisation constituent une notable avancée dans l'appréciation du fait colonial par les autorités françaises. Le président français, dont la cote de popularité est en baisse dans les sondages en France, sait que l'opposition et les nostalgiques de l'Algérie française affûtent leurs couteaux pour en user avec délectation à la moindre déclaration et position qui s'écarteraient de la ligne officielle et de la vérité historique défendue par les gouvernements français successifs. C'est à ce souci que le président Bouteflika semble avoir souscrit et accédé en ne demandant pas à son homologue français de ne pas aller aussi loin qu'il ne peut.
Le fait que la partie algérienne n'ait pas sollicité du président français des excuses officielles sur les crimes commis durant la colonisation a donné à cette visite qualifiée d'historique un caractère ordinaire, mettant en sourdine le lourd contentieux de la mémoire qui a empoisonné les relations entre les deux pays. Signe des temps : les forces dites nationalistes qui ne rataient aucune occasion pour faire entendre leur voix sur le dossier de l'histoire ainsi que sur les questions identitaires, notamment celle de la langue couvrant d'opprobre les partisans du «parti de la France» étaient présentes aux différentes cérémonies, dans les délégations officielles algériennes qui ont reçu les hôtes français. L'avenir nous dira si le couple algéro-français qui a été scellé à la faveur de la visite de François Hollande en Algérie peut réellement résister aux vicissitudes de l'histoire, si c'est une union bâtie pour le meilleur et pour le pire ou s'il s'agit seulement d'un amour éphémère, intéressé.
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