Baby Loup : «mise en cause de la laïcité», selon Valls
Mots clés : Manuel Valls, Baby Loup, Éric Ciotti
Par lefigaro.frPublié le 19/03/2013 à 20:56 Réactions (148)
Le ministre de l'Intérieur Manuel Valls, ce mois-ci à l'Elysée. Crédits photo : BERTRAND LANGLOIS/AFP
VIDÉO - La plus haute juridiction judiciaire française, la Cour de cassation, a annulé mardi le licenciement en 2008 d'une employée voilée d'une crèche privée, près de Paris. Une décision vivement commentée.
L'affaire «Baby Loup» suscite depuis ses débuts de nombreuses réactions politiques. Ce mardi, le ministre de l'Intérieur Manuel Valls, qui est aussi ministre des Cultes, ne s'est donc pas privé. Il a regretté à l'Assemblée nationale «la décision de la Cour de cassation» annulant le licenciement d'une employé voilée de la crèche «Baby Loup». «En sortant quelques secondes de mes fonctions, je veux vous dire combien je regrette la décision de la Cour de cassation aujourd'hui sur la crèche Baby-Loup et sur cette mise en cause de la laïcité», a ainsi déclaré le ministre, lors de la séance des questions au gouvernement.
Un commentaire d'une décision de justice qui n'émeut pas, à gauche. «Manuel Valls peut donner son avis sur un certain nombre d'éléments. Je remarque que cela a tout de suite été mis en exergue. Moi, cela ne m'a pas choqué que le ministre de l'Intérieur dise ce qu'il pense», a ainsi réagi le chef de file des députés socialistes, Bruno Le Roux, dans les couloirs de l'Assemblée. «Je suis comme Manuel Valls: à chaque fois qu'on donne l'impression de transiger sur les principes de laïcité, ce n'est pas bon pour le vivre ensemble, estime de son côté le socialiste Jérôme Guedj. Il faut respecter une décision de justice, mais cela veut dire qu'on a peut-être à se poser la question de l'adaptation de notre corpus législatif, pour partout et tout le temps préserver et sanctuariser la laïcité.»
Dans un communiqué, Eddie Aït, maire PRG de Carrières-sous-Poissy et conseiller régional d'Ile-de-France, ajoute que cette décisiond «est la preuve que la laïcité demeure un défi pour la République».
Eric Ciotti «déposera une proposition de loi»
A droite, la condamnation de cette décision de justice est unanime. Le président UMP du conseil général des Alpes-Maritimes, Éric Ciotti, annonce qu'il déposera une proposition de loi dans les prochains jours «afin de permettre le nécessaire respect de la neutralité et de la laïcité au sein des entreprises privées»:
«Surpris de voir à quel point le strict respect du droit peut paraitre aussi décalé avec la réalité d'une société comme avec les attentes des Français, nous déplorons une telle décision de justice qui constitue une véritable entrave à la laïcité et un encouragement au communautarisme», estime pour leur part Guillaume Peltier et Geoffroy Didier (UMP, Droite Forte) dans un communiqué.
Tandis que la député Front National Marion Maréchal-Le Pen «regrette qu'il y ait des femmes qui imposent de façon si visible leur appartenance religieuse», rappelant que «Marine Le Pen avait proposé que l'on interdise les signes religieux ostentatoires dans les rues», le vice-président du FN,Florian Philippot, dénonce lui sur Twitter une décision «très dangereuse»:
Baby-Loup : le licenciement de l'employée voilée annulé
Mots clés : Crèche, Baby-Loup, Voile, Laïcité, Yvelines
Par Angélique NégroniMis à jour le 20/03/2013 à 16:00 | publié le 19/03/2013 à 08:34 Réactions (627)
Le 13 décembre 2010, la directrice de la crèche Baby-Loup à Chanteloup-les-Vignes, Natalia Baleato, s'adresse aux journalistes au conseil des prud'hommes de Mantes-la-Jolie. Crédits photo : JACQUES DEMARTHON/AFP
La Cour de cassation a estimé que le licenciement de cette salariée, qui avait refusé d'ôter son voile islamique au retour d'un congé parental, constituait «une discrimination en raison des convictions religieuses».
L'affaire est vieille de cinq ans et la décision rendue mardi relance le débat sur le voile islamique en entreprise. La Cour de cassation a décidé mardi d'annuler l'arrêt de la cour d'appel de Versailles rendu en octobre 2011, qui avait confirmé le licenciement en 2008 d'une employée de crèche (la crèche Baby-Loup, située dans un quartier populaire de Chanteloup-les-Vignes, dans les Yvelines) parce qu'elle refusait d'ôter son foulard islamique au retour d'un congé parental.
La plus haute juridiction judiciaire a estimé que «s'agissant d'une crèche privée», le licenciement constituait «une discrimination en raison des convictions religieuses» et devait être «déclaré nul». L'affaire sera par conséquent rejugée devant la cour d'appel de Paris, ont précisé les avocats.
Lors de ce feuilleton judiciaire, l'employée a été déboutée par deux fois. Tout d'abord, le conseil de prud'hommes de Mantes-la-Jolie (Yvelines) avait considéré en décembre 2010 qu'elle avait fait preuve «d'insubordination caractérisée et répétée», ce qui avait justifié son licenciement pour «faute grave» le 19 décembre 2008. Puis, en octobre 2011, la cour d'appel de Versailles avait confirmé cette décision, estimant que «les enfants n'ont pas à être confrontés à des manifestations ostentatoires d'appartenance religieuse». Lors de l'audience devant la chambre sociale de la Cour de cassation, le 12 février dernier, l'avocat général avait préconisé le rejet du pourvoi de l'employée.
Définir les champs d'application de la laïcité
Les enjeux de la décision rendue en début d'après-midi portent sur le champ d'application de la laïcité que doivent aujourd'hui respecter les fonctionnaires. Faut-il l'étendre à la sphère privée? La décision de la cour d'appel, qui allait dans ce sens-là, avait satisfait Me Richard Malka, défenseur de la crèche, mais aussi Jeannette Bougrab, ancienne présidente de la Halde, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité. «La laïcité a vocation à s'appliquer y compris dans les quartiers dits sensibles et peut-être davantage dans ces quartiers-là», avait-elle déclaré à l'époque.
Mais la Cour de cassation remet en cause cet élargissement du principe de laïcité. Elle a jugé que ce principe ne peut être invoqué pour priver les «salariés des employeurs de droit privé qui ne gèrent pas un service public» (…) «des protections que leur assurent les dispositions du Code du travail».
Manuel Valls a aussitôt regretté cette décision, y voyant une «mise en cause de la laïcité».
Signes religieux et mission de service public: ce que dit la loi
Mots clés : Laïcité, Service Public, Entreprises, FRANCE
Par Cécilia GabizonMis à jour le 09/11/2010 à 08:18 | publié le 08/11/2010 à 08:17
Crèches, écoles privées sous contrat, cliniques privées, fédérations sportives, entreprises et professionnels de la jeunesse sont soumis à différentes règles concernant le port de signes religieux.
La Croix-Rouge, Les Restos du cœur ou encore les crèches associatives… servent l'intérêt général. L'État les aide avec des subventions. Et pourtant, juridiquement, ces structures n'accomplissent pas une mission de service public. Pour obtenir une délégation de service public, une organisation privée doit agir pour «le compte d'une personne morale de droit public, qui la contrôle», précise un conseiller d'État.
Crèches: il n'existe pas un service public de crèches. Car cela obligerait l'État à accueillir tous les enfants dans ces structures. En revanche, certaines garderies sont municipales et obéissent aux règles du service public, dont la neutralité de leurs agents.
Écoles privées sous contrat: elles participent au service public en respectant les programmes de l'éducation nationale. En revanche, la loi Debré de 1959leur reconnaît un caractère propre, et notamment religieux. Les professeurs peuvent enseigner en tenue religieuse. Le règlement intérieur fixe les signes religieux acceptés pour les élèves. Beaucoup d'établissements catholiques sous contrat accueillent aujourd'hui des jeunes filles voilées.
Cliniques privées associées au service public: le personnel est «a priori» soumis aux mêmes règles de neutralité que dans le public, selon la Fédération de l'hospitalisation privée. Le patient peut manifester ses convictions religieuses. Il peut notamment choisir son médecin (lui seul peut exprimer ce choix, pas un proche) hors cas d'urgence, si cela ne trouble pas le bon fonctionnement du service.
Les fédérations sportives: elles sont laïques lorsqu'elles ont reçu une délégation de service public. Les arbitres ne peuvent afficher leur conviction religieuse sur le terrain. Cela ne vaut pas pour les clubs sportifs privés.
La Poste: on y trouve aussi bien des fonctionnaires que des contractuels. Car la poste a changé de statut. La cour administrative d'appel de Lyon a estimé, en 2003, que «le principe de neutralité s'applique à tous les fonctionnaires et agents publics (…) ainsi qu'à tous les agents qui concourent à l'exécution du service public : contractuels, internes…»
Les professionnels de la jeunesse qui ne travaillent pas pour le service public: aucun texte législatif ne stipule qu'ils doivent être neutres. Cependant, l'anthropologue Dounia Bouzar, qui vient de publier Laïcité, mode d'emploi, rappelle que, pour assurer l'apprentissage de principes fondamentaux, comme l'égalité, la mixité, la laïcité, le «Code de l'action sociale et des familles» estime que les structures peuvent exiger la discrétion religieuse et politique de leurs animateurs.
Entreprises privées: la liberté de conscience prévaut, mais peut être encadrée. Le port de signes religieux peut être interdit pour des raisons d'hygiène et de sécurité, ou commerciales. Le contact avec du public ne suffit pas à prohiber le foulard. Il faut justifier la gêne. La commission Stasi avait proposé en 2003 que les entreprises puissent le proscrire au nom de la paix sociale. Une idée reprise en 2010 par le Haut Conseil à l'intégration. Le législateur n'a pas donné suite. À ce jour, le règlement intérieur ne peut poser d'interdit général des signes religieux.
L'affaire Baby Loup crée des remous au sein de la Halde
Mots clés : Crèche, Voile, Laïcité, FRANCE, Chanteloup-Les-Vignes, Jeannette Bougrab, Halde, Baby Loup
Par Thomas VampouilleMis à jour le 09/11/2010 à 21:59 | publié le 09/11/2010 à 21:58
Le service juridique de l'institution a rendu mardi un avis favorable à une salariée voilée licenciée par cette crèche associative des Yvelines. Il contredit ainsi sa présidente Jeannette Bougrab, qui avait défendu la veille le principe de laïcité.
Dans l'affaire Baby Loup, deux voix se font entendre à la Halde. Le service juridique de la Haute autorité de lutte contre les discriminations a produit mardi, selon Le Monde, une note favorable à la salariée licenciée en 2008 par cette crèche associative de Chanteloup-les-Vignes, dans les Yvelines, au motif qu'elle souhaitait porter le voile au travail. Cet avis désavoue la présidente de la Halde en personne, Jeannette Bougrab, qui avait pris lundi le parti de l'établissement.
La note du service juridique, indique le quotidien, juge que la crèche Baby Loup «relève du droit privé» et «ne peut être considérée une 'association transparente', une association créée par une collectivité pour endosser des missions de service public». Les juristes «rappellent que la création de Baby Loup résulte d'une initiative privée, qu'aucun moyen matériel ou humain n'est mis à sa disposition par la mairie et que, même si les subventions des collectivités locales et de la CAF représente plus de la moitié de ses ressources, il s'agit là de sommes correspondant au mécanisme habituel de financement des crèches». Ce qui induit que la crèche n'est pas soumise au principe de laïcité auquel doit se plier tout organisme dépendant de l'État.
«L'option philosophique de la laïcité»
Cette note vient confirmer l'avis rendu en mars par la Halde dans cette affaire, déjà favorable à la salariée. Celle-ci avait fait part en 2008 à la directrice de la crèche de sa volonté de porter le voile. Or, au nom du principe de «neutralité», le règlement intérieur de la structure interdit le port de signes religieux.
Mais en avril, Jeannette Bougrab prend la tête de la Halde. Et quelques mois plus tard, en octobre, elle contredit l'avis de l'institution en annonçant un réexamen du cas. Pour elle, ce dossier ne soulève «pas une question administrative ou de procédure mais porte sur un principe fondamental de notre République qui est la laïcité». Une position qu'elle a réitérée lundi, en marge de l'audience du conseil des prud'hommes, à laquelle elle a assisté. «Il n'y a pas de raison que la laïcité soit moins bien protégée que la liberté religieuse, ce sont deux principes de valeur constitutionnelle», a-t-elle alors déclaré, défendant la possibilité pour la crèche incriminée de choisir «l'option philosophique de la laïcité».
Contactée par l'agence France-Presse, la Haute autorité de lutte contre les discriminations a indiqué que Jeannette Bougrab allait adresser une mise au point au Monde. Le jugement de cette affaire a été mis lundi en délibéré au 13 décembre.
Voile islamique : malaise dans les entreprises
Mots clés : Affaire Baby Loup, Voile Islamique, Signe Religieux, FRANCE, HALde
Par Cécilia GabizonMis à jour le 07/02/2011 à 22:22 | publié le 06/02/2011 à 23:48
La question des signes religieux préoccupe aujourd'hui les chefs d'entreprise.
La Halde s'est réunie lundi pour préciser sa doctrine sur le port de signes religieux dans le privé, notamment dans les crèches et les maisons de retraite.
La salariée voilée contre la crèche laïque: l'affaire Baby Loup avait révélé au grand jour des tensions d'ordinaire étouffées dans les prétoires. Les prud'hommes ont finalement approuvé le licenciement et la Halde, qui avait soutenu la salariée en foulard, a senti combien sa «position, fondée en droit, pouvait passer à côté de l'enjeu du vivre-ensemble». Sous la houlette de son nouveau président, Éric Molinié, son collège s'est donc réuni lundi matin pour peaufiner sa doctrine sur les pratiques religieuses dans le secteur privé. Elle a rendu ces dernières années une dizaine de délibérations concernant les signes religieux. «Maintenant, nous devons donner une lisibilité à nos décisions: tracer la ligne rouge entre les accommodements raisonnables et ceux qui vont entamer le modèle français, dégrader la cohésion nationale. Il ne faut pas laisser la question de la laïcité se résoudre uniquement devant les tribunaux», explique Éric Molinié.
Protéger les «publics sensibles»
Des questions nouvelles ont surgi, dans une société où les droits individuels ont pris le pas sur les règles collectives. Désormais, ce qui n'est pas interdit est considéré comme autorisé. Pour répondre à ces nouvelles revendications religieuses et combler parfois un vide juridique, la Halde pourrait proposer des modifications législatives, «si elles sont nécessaires». «Le collège doit encore forger son opinion», insiste Éric Molinié . Lui aimerait élargir l'obligation de neutralité aux personnels qui s'occupent d'enfants, dans les crèches, mais aussi les colonies. «Lorsque le caractère religieux est explicite, comme pour les scouts, les parents font un choix. En revanche, s'ils envoient leurs enfants dans des structures laïques, alors il faut éviter le prosélytisme.»
Le président de la Halde souhaiterait plus largement protéger les «publics sensibles», comme les malades, les personnes âgées. On lui a signalé des difficultés dans les maisons de retraite. Des pensionnaires déstabilisées face à des employées portant le foulard, nombreuses dans ce secteur. «À cet âge, je ne crois pas qu'on puisse leur demander de s'ouvrir à la diversité.» Une femme de service a porté plainte pour discrimination, car la direction lui demandait de porter une charlotte en cuisine et un voile léger pour s'occuper des patients. La Halde n'y a pas vu discrimination. La notion de «public sensible» reste cependant à préciser en droit. La neutralité pourrait concerner les lieux qui accueillent des personnes dépendantes. Comme les maisons de retraite ou encore les instituts de soins privés.
La question des signes religieux préoccupe également les chefs d'entreprise. Vingt représentants réunis à la Halde la semaine dernière ont évoqué la montée en puissance des revendications, notamment ces femmes qui décident de travailler voilées après un congé maternité. Les entreprises réclament des conseils, des éclaircissements. Beaucoup redoutent que «le voile ne trouble les clients ou qu'il nuise à la cohésion interne, qu'il prélude à un engrenage religieux», reconnaît Pascal Bernard, qui mène un groupe de travail sur la diversité au sein de l'Association nationale des directeurs de ressources humaines. Faute d'un droit clair, chacun bricole alors des réponses. Dans un audit étonnant, le cabinet de conseil First & 42nd évoque la disparité des pratiques, voire une certaine improvisation dès qu'il s'agit d'islam. Un tiers des entreprises se montrent laxistes, «cédant à toutes les revendications religieuses pour éviter les complications», selon la consultante Anne Lamour, qui a réalisé l'étude.
Des salariés ont ainsi demandé s'ils pouvaient prier dans une salle de réunion inoccupée. Le chef a obtempéré. Quelques semaines plus tard, la salle avait été transformée en mosquée. «La société s'est demandé quand elle aurait dû intervenir: dès le début, en stoppant toute tentative de prière, ou au premier tapis laissé dans la salle?» raconte encore l'auteur du rapport.
À côté des entreprises qui aménagent les horaires pour le ramadan et les prières et adaptent les menus de la cantine, d'autres interdisent tout. Elles invoquent notamment le principe de «neutralité» pour prohiber le foulard alors que cette obligation ne concerne que les fonctionnaires! D'autres s'abritent derrière le «principe de laïcité» pour interdire les signes religieux… Ignorant là aussi la loi sur l'école ne vaut que pour les mineurs, dans le cadre scolaire, pour protéger les consciences de tout prosélytisme. Que la laïcité n'impose guère d'obligation dans le cadre privé. Enfin, un tiers des sociétés privées s'accommodent au cas par cas, ce que recommande d'ailleurs l'association des DRH.
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