Comme d'autres partis conservateurs européens, l'UMP connaît un débat sur l'opportunité de revendiquer un ancrage à droite.
Un des objectifs de la Droite forte, comme de Jean-François Copé, est de rompre avec le complexe qui, depuis 1944, faisait des conservateurs des hommes de droite honteux, se présentant sous des étiquettes dont l'intitulé avait pour seul objet de dissiper tout soupçon de filiation avec les ligues, Vichy, le nationalisme, les valeurs d'ordre et de tradition.
La volonté gaulliste de transcender les clivages idéologiques a elle aussi conduit à l'abandon de la référence à la droite.
LIBÉRALE, CONSERVATRICE ET CENTRISTE
La présidence de Nicolas Sarkozy a mis fin à cette ambiguïté en revendiquant le devoir d'évoquer tous les thèmes jusqu'alors accaparés par le Front national : la sécurité, l'identité nationale, l'immigration, la viabilité d'une société multiculturelle, la compatibilité de l'islam avec les valeurs républicaines.
Sur toutes ces questions, un seul obstacle demeurait pour qu'émerge une droite "décomplexée", assumée : l'existence de l'UMP, sous sa forme antérieure au 18 novembre.
Il n'avait échappé à personne qu'il s'agissait là d'une union de circonstance entre des sous-familles idéologiques - libérale, conservatrice et centriste - qui ne pouvaient durablement vivre sous le même toit.
Elles n'étaient unies que par la capacité personnelle de l'ancien chef de l'Etat à en faire la synthèse par son charisme et sa personne.
Quand l'homme providentiel s'en va, les divergences remontent. L'UMP tente donc de redéfinir ses valeurs et son positionnement dans un contexte très particulier : celui où le schéma des trois droites élaboré par l'historien René Rémond est devenu caduc.
En effet, la droite traditionaliste, la plus vivace intellectuellement, n'a plus qu'un écho politique réduit dont témoignent le discours sur les "racines chrétiennes de la France" et la valorisation de la parole du "pays réel" par rapport à celles des élites autoproclamées.
C'est l'écho assourdi de Charles Maurras et d'un catholicisme sécularisé, moyen d'assimilation, facteur d'ordre et de pérennité de la France.
LE CENTRISME EST BIEN UNE DROITE
Si cette droite-là n'est plus qu'un reste, une autre apparaît : le centrisme est bien une droite et constituera demain, sans doute, le pôle vers lequel convergeront les élus UMP qui refusent les orientations de Jean-François Copé.
Encore faut-il dire que ce centre-droit n'est plus la droite libérale traditionnelle. Fidèle à ses fondamentaux, économie de marché, intégration européenne et Etat minimum, celle-ci s'est aussi laissé entraîner, depuis la disparition de l'UDF, vers un conservatisme identitaire et social qui rejoint souvent l'orientation nationale-conservatrice de la droite bonapartiste.
Droite libérale centriste et droite nationale-conservatrice ou identitaire se partagent donc le champ de l'UMP. La seconde composante s'est engagée dans un processus qui, sous le couvert de la reconquête de l'électorat du FN, débouche sur un effet d'imitation dont rien ne garantit le succès.
POROSITÉ DES ÉLECTORATS UMP ET FN
Dans cette course-poursuite entamée depuis déjà vingt ans au moins, la quatrième droite des années 2000, nationale-populiste, néo-étatiste, oscillant entre laïcisme assimilationniste et ethno-différentialisme, le parti de Marine Le Pen donc, conserve l'avantage de l'antériorité et de la non-participation au système. La porosité des électorats UMP et FN est avérée.
Toutefois, sur la sécurité, les électeurs les plus droitiers préféreront le rétablissement de la peine de mort à la tolérance zéro. Sur l'immigration, son arrêt total, voire l'inversion des flux migratoires, à la simple maîtrise des flux.
Et sur l'identité nationale, l'affirmation de la fracture ethnique au nationalisme républicain et autoritaire de la Droite forte. Elaborer un nouveau "logiciel" idéologique susceptible de ramener la quatrième droite nationale-populiste à un étiage de l'ordre de 10 % est, pour l'UMP, un impératif.
M. Fillon ne pouvant s'accorder avec M. Copé sur les moyens d'y parvenir, sans doute Nicolas Sarkozy voit-il pour lui une seconde chance d'y arriver.
Il faudrait alors qu'il décide de briser le monopole frontiste sur une des trois idées phares qui rapprochent la base des deux partis : la préférence nationale, la limitation légale de la liberté de culte de l'islam ou l'immigration zéro. Autant dire : mission impossible.