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vendredi 8 février 2013

Manuel Valls en quête de l'islam modéré auprès de l'imam de Drancy


Article paru dans l'édition du Monde du 06.02.13
Devant une assemblée hétéroclite, le ministre de l'intérieur a appelé, lundi 4 février, les musulmans de France « à s'organiser » et à la mobilisation contre la « menace » de l'islam radical




'est devant une assemblée hétéroclite, réunie à Drancy (Seine-Saint-Denis) par l'imam de la ville, Hassen Chalghoumi, que le ministre de l'intérieur, Manuel Valls, chargé des relations avec les cultes, a choisi, lundi 4 février, de marteler les messages qu'il adresse régulièrement aux musulmans de France. « L'islam a toute sa place en France », a-t-il assuré, à condition que « l'islam vive en harmonie avec les autres religions et qu'il soit l'héritier de l'islam des Lumières ». Plaidant une nouvelle fois pour « un islam de France », le ministre a insisté : « Nous ne voulons pas que l'argent venu de l'étranger change la nature de l'islam de France comme c'est souvent le cas dans d'autres pays. »

Dénonçant un « salafisme dévoyé, venu notamment d'Egypte », M. Valls a aussi appelé à la mobilisation « de la société tout entière » contre « la menace permanente » de l'islam radical. Visiblement inquiet de la défiance de 74 % des Français envers l'islam, selon un sondage récent d'Ipsos pour Le Monde, il a aussi reconnu « qu'il y a parfois des doutes sur la compatibilité absolue de l'islam avec les valeurs de la République, la laïcité, l'égalité homme-femme ».

Comme en écho à cette mise en garde, trois Franco-Congolais et un Malien ont été interpellés, mardi matin, en région parisienne. Cette opération intervient dans le cadre d'une enquête sur une filière de jihadistes vers le Sahel.

Après s'être recueilli en compagnie de quelques imams et de représentants de la communauté juive devant le mémorial commémorant la déportation de 70 000 juifs d'Ile-de-France entre 1941 et 1944, le ministre a assisté à une soirée donnée pour la naissance du prophète de l'islam, à l'invitation de M. Chalghoumi. Entrecoupé de chants religieux et de discours saluant « le dialogue et la tolérance », ce long dîner a réuni quelque 300 personnes, parmi lesquelles, une vingtaine d'imams (contre une centaine annoncée), quelques rabbins, des représentants de la communauté copte - catholiques et protestants ayant fait le choix de ne pas être présents -, Latifa Ibn Ziaten, la mère d'un soldat tué par Mohamed Merah, l'ancienne ministre Valérie Pécresse, « amie de Chalghoumi », l'ambassadeur d'Israël en France, Marek Halter, soutien indéfectible de l'imam ou encore le théologien Tareq Oubrou, venu apporter sa caution d'intellectuel musulman à la soirée. L'événement était en partie financé par la chaîne de télévision tunisienne Nessma, qui donne régulièrement la parole à M. Chalghoumi dans ses programmes. Ses responsables, attaqués par les salafistes tunisiens ces derniers mois, ont annoncé le lancement de Nessma en France d'ici fin 2013...

Controversé auprès d'une partie des musulmans pour sa proximité avec le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), ses voyages en Israël, son « instrumentalisation » par les politiques français et tunisiens, ou ses prises de positions frontales contre l'islam radical, menacé par les plus extrémistes, M. Chalghoumi, sous protection policière, peaufine depuis quatre ans son image de « musulman modéré », prisé des gouvernements successifs.

« Courageux », « visionnaire », selon les présidents du CRIF et du Consistoire, « pacificateur » selon M. Valls, l'imam a remercié le président de la République pour « l'intervention française au Mali qui a libéré nos frères ». Dans un français toujours heurté, il a plaidé pour que les musulmans soient des « citoyens modèles », respectueux de « l'espace public ». « Il faut barrer la route aux extrémistes de tous bords », a-t-il lancé, heureux d'associer à son combat « contre les fachos » les représentants des Moudjahidins du peuple en France (opposants iraniens en exil), invités au dîner.

La présence « à cette soirée républicaine » de M. Valls et de la conseillère du président de la République sur les questions de laïcité, Constance Rivière, s'inscrit dans une démarche récurrente des pouvoirs publics pour promouvoir des figures « modérées » de l'islam en France, face au manque de représentativité avéré des responsables institutionnels que sont le président du Conseil français du culte musulman et le recteur de la grande mosquée de Paris, absents de Drancy. « L'islam de France doit s'organiser pour représenter l'immense majorité des musulmans et laisser parler les voix les plus modernes », a donc à nouveau souligné M. Valls.

En dépit du symbole de concorde voulu par les organisateurs, on peut toutefois se demander si cette soirée était pour M. Valls le meilleur choix pour être entendu de la communauté musulmane.

Stéphanie Le Bars

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