Quelle France pour demain ?
LEMONDE.FR | 31.05.11 |
Le monde connaît un bouleversement économique, social et culturel sans précédent, une mutation du rapport au temps, à l'espace, mais aussi à la communauté nationale. Si nous savons à quoi ressemblait la France d'hier, nous ignorons encore ce qu'elle sera demain. Mais la vraie question est: à quoi voulons-nous qu'elle ressemble ?
La France, disait Michelet, est plus qu'un pays, c'est une idée. Une certaine idée de la liberté, de l'égalité et de la fraternité humaine. La France, c'est aussi une civilisation unique en son genre, fière de son long passé d'efforts, de sacrifice et de dévouement, mais jamais repliée sur elle-même ni fermée à l'avenir.
Loin d'avoir menacé notre identité ou remis en cause notre cohésion nationale, les générations successives d'immigrés qui se sont établis dans notre pays au cours du temps ont toujours su partager notre conception du vivre-ensemble, notre histoire nationale et nos valeurs. Ils y ont même largement contribué.
Aujourd'hui, les Français, comme la plupart des peuples, sont en proie au doute. Ils s'interrogent sur leur avenir, leur place dans le monde. Ils se demandent si les grands principes de leur vie sociale, auxquels ils sont profondément attachés, seront préservés ou voleront en éclats, pour faire place à d'autres systèmes de valeurs, à d'autres références culturelles.
Il est du devoir des responsables politiques de répondre à leurs interrogations, et de leur dire clairement les choix qu'ils leur proposent. Ce serait un grand risque pour notre démocratie que de nier ces interrogations. Ce serait sans aucun doute la meilleure façon d'ouvrir la voie au populisme et à l'extrémisme qui envahissent la vie politique de beaucoup de nos voisins européens.
Notre société a toujours su s'adapter, s'ouvrir, accueillir. Sans rien perdre de son identité. Oui, le modèle français est à l'opposé de la conception communautariste qu'ont choisie certains de nos voisins. C'est le modèle d'une France sereine, unifiée, où chacun, peu importent ses origines ou sa religion, trouve sa place et partage, avec les autres, un même désir de vivre ensemble. Aujourd'hui, ce sont plus de 200 000 étrangers qui arrivent en France chaque année en toute légalité. A ces personnes, je veux dire que l'obtention de leur titre de séjour n'est pas une fin. Bien au contraire. Ce n'est que le début de la construction d'une histoire commune.
La France doit offrir à ceux à qui elle ouvre les bras les conditions d'une intégration, voire d'une assimilation réussie. L'apprentissage de la langue française, de l'histoire de France, des règles du vivre-ensemble qui sont les nôtres et plus largement de tout ce qui fait notre identité, sont des conditions indispensables à cette intégration qui, avec le temps, débouche sur une assimilation réussie, que j'appelle de mes vœux.
Cette réussite dépend, bien entendu, de la volonté des migrants eux-mêmes, mais aussi de nous. Il est, en effet, de notre responsabilité de nous assurer que ces nouveaux arrivants seront bien en mesure de construire la vie qu'ils sont venus chercher dans notre pays.
Les difficultés sociales rencontrées par nombre de personnes immigrées ou issues de l'immigration témoignent malheureusement de ce que notre politique d'intégration n'est pas aussi réussie qu'on se plaît souvent à le dire.
Les exemples ne manquent pas: problèmes de réussite scolaire, risque supplémentaire de tomber dans la précarité socio-économique, sans parler du chômage qui frappe particulièrement les étrangers provenant de pays hors de l'Union européenne. Plus de 23 % d'entre eux ne trouvent pas d'emploi.
La France est un pays ouvert, mais elle n'a pas vocation à accueillir des étrangers pour en faire des chômeurs. A cet égard, je pense qu'il est urgent d'adapter notre politique en matière d'immigration du travail à la réalité économique et sociale de notre pays. Si ce dernier point me paraît essentiel pour définir la politique migratoire qui doit être la nôtre, je voudrais insister également sur un sentiment sans doute plus subjectif, mais tout aussi primordial à mes yeux : la fierté d'être français ou de vouloir le devenir. La France doit être fière de donner leur chance à ces nouveaux venus et ceux-ci doivent être fiers d'être accueillis sur le territoire français.
Cela ne signifie pas que l'on demande à ces personnes de renoncer à leur culture, à leur passé, à leurs souvenirs, ni à l'attachement qu'ils ont pour leur pays d'origine. Mais cela implique d'adopter notre façon de vivre et nos valeurs cardinales.
Je parle d'intégration pour ceux qui ne projettent pas de rester en France, pour ceux qui gardent enfoui en eux-mêmes le rêve de retourner, un jour, sur la terre de leurs ancêtres. Je parle d'assimilation pour les autres, pour ceux qui arrivent dans notre pays avec la volonté de s'y établir durablement, d'y voir grandir leurs enfants, leurs petits-enfants.
S'assimiler, c'est aller plus loin, c'est épouser notre culture, c'est participer pleinement aux formes essentielles de la vie sociale et culturelle française. C'est se fondre dans un destin collectif. L'assimilation n'est pas la négation de la différence. Elle est simplement l'invitation à se sentir bien dans notre nation.
J'ai bien conscience qu'en faisant part de ces réflexions, j'exprime un vrai choix politique, puisque c'est un choix de société. C'est le choix de la France que nous voulons pour demain.
Et cette France de demain, je ne peux l'imaginer que comme un lieu d'harmonie entre tous ceux qui y vivent, un lieu débarrassé des crispations et des inquiétudes qu'entraîne immanquablement une immigration non maîtrisée.
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