Promis : 2012 ne ressemblera pas aux deux années précédentes. Ni polémiques ni " empoignades " au sujet de l'islam ou de la présence des musulmans en France. A quelques semaines de la présidentielle, le gouvernement ne souhaite apparemment pas susciter de nouvelles crispations dans la communauté musulmane.
Tirant un bilan " positif " de l'action gouvernementale sur ces sujets, le ministre de l'intérieur, Claude Guéant, s'efforce à un certain apaisement. L'islam est une religion " ouverte, tolérante, pleinement insérée dans notre société ", assure le ministre, qui établit une claire distinction avec " l'islam radical ", qualifié " d'intolérable ". Quant aux musulmans respectueux des " règles républicaines ", ils " ont besoin de la compréhension " de la société. Plus symboliquement, M. Guéant estime désormais à " 4 millions, dont 800 000 pratiquants " le nombre de musulmans en France. Il avait évoqué en avril une communauté " de 5 millions à 10 millions de personnes ", fourchette généralement avancée par l'extrême droite.
Il n'est pas certain que cette tonalité suffise à " décrisper " une partie des musulmans, qui retient surtout de la période récente une volonté politique de restreindre l'expression religieuse des pratiquant(e)s dans l'espace public. Ce que M. Guéant résume à sa manière : " La laïcité fait que les religions se vivent de manière discrète. "
Plusieurs incidents impliquant des femmes portant le voile intégral se sont produits ces dernières semaines, à Paris, en Bretagne ou à Marseille. Faut-il en conclure que la loi interdisant la dissimulation du visage, entrée en vigueur en avril 2011, n'est pas respectée ?
La loi s'applique sereinement, en dépit d'incidents en petit nombre. Il nous semble que le port du voile intégral est nettement moins fréquent. Si la loi n'a pas encore entraîné sa disparition totale, elle remplit quand même son objectif.
Depuis le mois d'avril, 286 contrôles ont été effectués, qui ont donné lieu à 237 verbalisations. Ces procédures ont débouché sur six jugements, entraînant six condamnations à une amende. Pour l'instant, aucun stage de citoyenneté n'a été mis en oeuvre. Il est frappant de constater que près du quart des personnes contrôlées sont des converties. On peut y voir une volonté d'afficher une identité nouvelle mais aussi une certaine provocation.
Cette loi était censée lutter contre l'émergence d'une forme radicale de l'islam mais elle ne vise que les femmes. Plus largement, quelles sont les marges de manoeuvre du gouvernement face à l'extrémisme religieux ?
La question est de savoir si on laisse faire ou pas. A l'initiative de notre majorité, ce fut l'honneur du Parlement que d'avoir clairement signifié qu'il y avait un certain nombre de comportements attentatoires aux principes les plus fondamentaux de la République, notamment la laïcité et l'égalité entre les hommes et les femmes.
La laïcité fait que les religions se vivent de façon discrète en France. Or il est clair qu'un certain nombre de nos compatriotes se sentent provoqués et mal à l'aise par rapport à des comportements, tels que le port du voile intégral ou les prières de rue, auxquels nous avons souhaité mettre un terme. Le devoir d'un gouvernement est de faire en sorte de résorber les tensions et de maintenir l'harmonie entre les diverses composantes de la société. A cet égard, je rappelle que les premiers à souffrir des amalgames sur l'islam sont nos compatriotes de confession musulmane ou des étrangers vivant régulièrement sur notre sol, alors qu'eux-mêmes sont des adeptes d'une religion ouverte, tolérante, vivante, pleinement insérée dans notre société.
Par ailleurs, face à la montée de discours radicaux qui nous remontent depuis quelques mois du terrain, il faut réagir. Ce sont des comportements, certes marginaux, mais qui agressent et minent notre pacte républicain. Ils sont intolérables.
Lorsqu'un imam se laisse aller à des prêches antisémites, anti-Occidentaux ou discriminatoires, et qu'il est de nationalité étrangère, nous mettons en oeuvre une procédure d'expulsion. Une telle procédure est actuellement envisagée à l'encontre d'un imam et devrait déboucher courant janvier. Lorsqu'il s'agit de prédicateurs français, c'est le code pénal qui s'applique.
Les débats sur la laïcité et l'islam qui se sont succédé depuis 2010 ont suscité polémiques et crispations. Quel bilan tirez-vous de cette séquence ?
Je ne méconnais pas les difficultés qui ont pu survenir et le sentiment de malaise que certains musulmans ont pu rencontrer lors de ces débats. Mais je pense que le bilan de ces derniers mois est plutôt positif. D'abord, les débats ont permis de rappeler ce qu'était la laïcité en France et à quel point elle devait gouverner notre vie publique, je pense notamment à l'édition du " code " de la laïcité et de la liberté religieuse.
Et puis, les musulmans se sont rendu compte que personne en France ne voulait autre chose que de les voir vivre paisiblement leur religion. Ce qu'on demande finalement, c'est que les expressions religieuses de certains ne soient pas ressenties comme provocatrices par l'ensemble des Français.
Ces polémiques sur l'islam en France ne risquent-elles pas de ressurgir lors de la campagne pour l'élection présidentielle, alors que le Front national en fait l'un de ses thèmes de prédilection ?
Je ne le souhaite pas. Très clairement. Dès avant l'été, j'ai marqué mon souci que les problèmes se posant à propos de l'islam, comme les prières de rue, soient réglés bien en amont des élections présidentielle et législatives. Je ne veux pas que ce thème soit un sujet d'empoignades. Et, si ce devait être le cas, cela ne viendra certainement pas de notre formation politique. Notre but est que nos concitoyens de différentes origines s'entendent bien et se sentent bien en France.
Pour vous, le dossier " islam " est clos ?
A notre sens, il faut désormais éviter de légiférer de manière supplémentaire. La jurisprudence qui se dessine - qu'il s'agisse des femmes voilées travaillant dans les crèches, dans les structures privées assurant une mission de service public ou des mères accompagnant les sorties scolaires - est suffisante et nous convient.
Quand j'ai dit que l'accroissement du nombre de fidèles posait problème, certains y ont vu de la stigmatisation, mais c'était exactement l'inverse. Je faisais référence à une donnée objective : la situation n'est plus celle de 1905. Il s'agit donc d'aider à régler leurs problèmes. Le fait est que la religion musulmane est désormais la deuxième religion de France, avec 4 millions de personnes, dont 800 000 pratiquants réguliers. Il faut faire en sorte que les choses se passent au mieux pour l'immense majorité des musulmans qui respectent les règles républicaines et adoptent nos valeurs, qui ont besoin de lieux de culte et d'une compréhension de la société.
Propos recueillis par Stéphanie Le Bars
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire