"Je suis stressé à mort !" Deux minutes avant 20 heures, Laurent Brice, secrétaire départemental du Pas-de-Calais, ne cache pas sa nervosité. Personne ne sait si Marine Le Pen est élue dans la 11e circonscription du Pas-de-Calais. Une seule certitude : ce sera serré. Les responsables du Front national ne communiquent pas. Les chiffres contradictoires s'enchaînent depuis une bonne heure, personne ne sait où est la vérité.
Quand la projection en sièges apparaît sur l'écran géant installé dans la salle du Colysée, à Hénin-Beaumont, tout le monde est persuadé que, parmi les deux élus FN mentionnés, il y a la présidente du parti. Las ! Les militants et sympathisants frontistes déchantent vite. Mme Le Pen a perdu. Ils l'apprennent en regardant la télévision. C'est la stupeur. Cette victoire, ils y croyaient. "Je suis déçue et triste... On s'est bien battus", reconnaît Noémie Florent, 18 ans, adhérente depuis un an.
"CÔTÉ ALÉATOIRE"
Mais la déception est contrebalancée par le fait d'avoir des élus au Palais-Bourbon. "On a des députés. On ne se fera pas oublier pendant cinq ans", veut-elle croire. "C'est le côté aléatoire de la démocratie. Un coup on perd, un coup on gagne, philosophe Stas, 63 ans. Quand c'est aussi serré, c'est presque un tirage au sort."
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Tous s'accordent pour dénoncer "le système antidémocratique", c'est-à-dire le mode de scrutin majoritaire, qui empêche, selon eux, le FN d'être "bien représenté à l'Assemblée". Laurent Brice, lui, paraît KO debout. "C'est rageant. Pour à peine 100 voix d'écart... C'est bizarre, ce soir, je n'ai ni le goût de la victoire ni celui de la défaite", reconnaît-il.
Les militants attendent leur présidente en regardant TF1 sur le grand écran. A chaque apparition de Jean-Luc Mélenchon, candidat du Front de gauche arrivé troisième lors du premier tour, c'est la bronca. 20 h 45 : Mme Le Pen est annoncée dans quelques minutes.
On dit que l'on va faire recompter les voix en préfecture. Une information rapidement démentie. Le recomptage des voix ne peut en effet porter que sur les bulletins litigieux, comptabilisés parmi les 2 206 votes blancs et nuls, si un candidat fait appel devant le Conseil constitutionnel, a précisé la préfecture du Pas-de-Calais. Par la suite, le secrétaire général du parti, Steeve Briois, a annoncé qu'un recours serait déposé.
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Les conseillers en communication de Mme Le Pen, Frédéric Chatillon et Jildaz Mahé, arrivent. Ils ont le masque. Quand la présidente du FN prend la parole, elle a l'air ravi, malgré sa défaite sur le fil, 49,89 % des voix contre 50,11 %. "Nous n'avons que des raisons de nous réjouir", lance-t-elle. "C'est un soir de victoire pour le Rassemblement bleu Marine (...). Le mouvement national fait à nouveau son entrée à l'Assemblée nationale, et c'est un énorme succès", dit-elle encore. La salle exulte.
"DES YOUYOUS"
Mme Le Pen prend rendez-vous notamment pour les municipales : à Hénin-Beaumont même, elle recueille 56 % des voix. Elle fait monter Steeve Briois à ses côtés. Le secrétaire général du parti portera les couleurs frontistes dans la ville aux municipales de 2014. Il a les yeux qui brillent d'émotion. La présidente du FN l'affirme : "La vie commence toujours demain..."
M. Briois est amer, même s'il ne veut pas le laisser paraître. Pour lui, si la gauche a gagné, c'est notamment à cause "du vote communautaire". Comprendre : maghrébin. "On entend les youyous dans la rue", affirme-t-il. Il évoque "des drapeaux algériens". " Ça fout les boules", conclut-il.
"NIQUE LA FRANCE"
Dehors, pourtant, ce que l'on voit est tout autre. Les voitures qui fêtent la victoire de Philippe Kemel, le candidat socialiste, n'arrêtent pas de klaxonner. Un petit attroupement s'est formé à un jet de pierre de la salle. Beaucoup de jeunes d'origine maghrébine justement. L'ambiance est rieuse et bon enfant. Ils ont des drapeaux tricolores, bleu blanc rouge. Quand Mme Le Pen s'engouffe dans sa voiture et part, ils la sifflent. Ils restent, et se moquent des militants frontistes. Ils agitent leur drapeau et crient "Vive la Fance et vive la République".
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