Le doublage des passages anti-islam est parfaitement visible sur les 14 minutes du film diffusées sur Internet, où des mots sont grossièrement insérés au beau milieu de séquences.
L'homme, qui s'était présenté aux médias comme un agent immobilier américano-israélien s'appelant Sam Bacile, est en réalité un Californien copte au passé trouble nommé Nakoula Basseley Nakoula.
Mais qui est Sam Bacile, le réalisateur d'Innocence of Muslims, le film anti-islam qui a suscité une vague de manifestations anti-américaines au Moyen-Orient? Tous les médias ont enquêté fébrilement sur la question avant d'arriver à la même conclusion: Sam Bacile n'existe pas. L'agence Associated Press (AP) va plus loin en révélant jeudi après-midi que derrière ce pseudonyme se cache en réalité un Californien copte au passé trouble et connu de la justice américaine pour fraude bancaire: Nakoula Basseley Nakoula. Retour sur une enquête minutieuse.
Après l'attaque, mardi, de l'ambassade américaine au Caire et du consulat à Benghazi, l'agence a contacté Morris Sadek, un chrétien conservateur copte qui a fait la promotion d'Innocence of Muslims sur Internet. Celui-ci donne le numéro du dénommé «Sam Bacile» qui apparaît au générique. Aux journalistes, l'homme confirme être le réalisateur du film et s'avoue dépassé par les événements. Il explique que son drame à 5 millions de dollars aurait été financé par des donateurs juifs. Il se présente comme un agent immobilier américano-israélien de 56 ans basé en Californie qui vit caché depuis le récent déchaînement de violences.
Un habitué des alias
Aucun élément ne permet toutefois de confirmer ces affirmations. Sur son profil YouTube, Sam Bacile prétend en effet avoir 74 ans. Les autorités israéliennes ne connaissent par ailleurs aucun citoyen israélien s'appelant Bacile. Le patronyme n'apparaît pas non plus dans les bases de données californiennes, notamment celles recensant les agents immobiliers. Un soi-disant consultant sur le script, Steve Klein, fini par confirmer aux journalistes que Bacile est bien un alias. «Toutes les personnes impliquées dans le film viennent de Syrie, de Turquie, du Pakistan. Certaines sont des coptes égyptiens. Elles sont terrifiées et ne me donnent pas leur vraie identité», explique-t-il. Il ajoute qu'aucun Israélien n'a collaboré à Innocence of Muslims.
Associated Press trouve alors l'adresse postale liée au numéro de téléphone de Bacile. Elle mène au domicile d'un certain Nakoula Basseley Nakoula, 55 ans. Ce Californien copte nie dans un premier temps être le réalisateur d'Innocence of Muslims ou s'être fait passer pour «Sam Bacile». En revanche, il reconnaît avoir été le responsable logistique de la compagnie de production du film. L'agence AP découvre alors que l'homme est coutumier des alias. En 2010, il a été condamné à 21 mois de prison pour escroquerie bancaire. Parmi les fausses identités qu'il utilisait pour ouvrir des comptes se trouve Nicola Bacily, un patronyme dont la consonance rappelle «Sam Bacile».
Un officiel américain finit donc par avouer aux journalistes, sous couvert d'anonymat, que l'homme est bien à l'origine du film. L'Agence France Presse, qui s'est également rendue chez Nakoula dans la banlieue de Los Angeles, note par ailleurs que la porte d'entrée, devant laquelle sont stationnés plusieurs véhicules de police, présente une similitude flagrante avec une porte apparaissant dans plusieurs scènes du film.
Les acteurs horrifiés disent avoir été trompés
Les journalistes ne sont pas les seuls à qui Nakoula a menti. L'équipe du film estime elle aussi dans le Los Angeles Times s'être fait rouler. Les participants, horrifiés par les événements de mardi, disent avoir été recrutés pour un drame historique se déroulant en Arabie intitulé Desert Warriors. Selon eux, les propos anti-islam auraient été enregistrés après le tournage et superposés aux dialogues initiaux. Jamais les mots Mahomet ou musulmans n'ont figuré dans le script, assure une actrice. Le héros du film s'appelait Maître Georges et était décrit «comme un dirigeant tyrannique». Le doublage est d'ailleurs parfaitement visible sur les 14 minutes du film diffusées sur Internet, où des mots sont grossièrement insérés au beau milieu de séquences.
Dernière touche à ce scénario aussi abracadabrantesque qu'un roman d'espionnage,Innocence of Muslims n'était même pas le titre envisagé à la base. D'après Steve Klein, on avait songé à baptiser le film Innocence of Ben Laden pour attirer des sympathisants djihadistes dans les salles obscures. S'identifiant à un «James Bond non sophistiqué», Klein se décrit comme un spécialiste du débusquage de cellules dormantes d'al-Qaida. Personnage tout aussi trouble que «Sam Bacile», cet ancien marine est un chrétien lié à des milieux d'extrême droite.
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