Virage à droite pour François Hollande ? A neuf jours du second tour, le candidat socialiste a fortement durci, vendredi 27 avril, son discours sur l'immigration et la sécurité. Alors qu'il n'avait pas souhaité, jeudi soir, répondre à la question de savoir s'il jugeait qu'il y avait "trop d'étrangers en France", M. Hollande a indiqué sur RTL qu'il comptait "limiter l'immigration légale" en France.
"Il y a, depuis dix ans, 200 000 nouvelles entrées de personnes étrangères sur notre territoire, ce qu'on appelle l'immigration légale. Je considère, pour ce qui me concerne, qu'il n'y aura jamais d'immigration zéro, donc il y aura toujours une immigration légale, a expliqué le candidat socialiste. Est-ce que l'on peut en réduire le nombre ? C'est le débat."
Et il a conclu en indiquant qu'il n'était "pas favorable" à la limitation du nombre d'étudiants étrangers entrant en France, "car ils sont une chance" pour la France. Mais "après, il y a l'immigration économique. Dans une période de crise, que nous connaissons, la limitation de l'immigration économique est nécessaire, indispensable. Et je veux même lutter contre l'immigration clandestine sur le plan économique", a-t-il ajouté.
- Réduction de 30 % de l'immigration économique ?
Et le candidat PS de préciser : "Sur l'immigration économique, chaque année, le Parlement fixera le chiffre en fonction des besoins de l'économie. Aujourd'hui, c'est 30 000, ça été diminué à 20 000, ça sera des chiffres qui seront de toute façon maîtrisés à mon avis dans une période de crise. Ça sera de cet ordre de grandeur-là."
On distingue, dans l'immigration légale, l'immigration "de travail" des autres types d'immigration, par exemple le regroupement familial. Selon les chiffres de l'Office français pour l'immigration et l'intégration, en 2010, on comptait, sur 203 017 étrangers accueillis légalement, 65 842 étudiants (32,4 %), 84 126 personnes arrivées pour motifs familiaux (regroupement familial essentiellement, soit 41,4 %) et 31 152 personnes (26,2 %) entrées en France pour motif économique.
L'immigration économique n'est donc que le troisième motif d'entrée légale de migrants sur le territoire, derrière les études et le regroupement familial. M. Hollande envisage donc de réduire ce chiffre de 30 %, pour passer de 30 000 à 20 000.
- L'immigration légale, jusqu'ici peu abordée par le candidat
M. Hollande n'avait que très peu évoqué, jusqu'ici, une réduction de l'immigration légale en fonction des besoins économiques, un concept qui rappelle celui d'"immigration choisie" promu par Nicolas Sarkozy : au Parlement de définir, en fonction des besoins du pays, le nombre d'immigrés autorisés à y rentrer.
Sandrine Mazetier, députée PS de Paris et secrétaire nationale de son parti aux questions d'immigrations, assure qu'il n'y a pas de "durcissement ou de raffermissement" de François Hollande sur ces questions : "Il a dit depuis longtemps qu'il souhaitait qu'ait lieu au Parlement un débat annuel sur l'immigration économique."
Elle réfute par ailleurs que cette approche soit similaire à celle de M. Sarkozy : "La rhétorique de l'immigration choisie, qui visait 50 % d'immigration de travail, a disparu des discours de Nicolas Sarkozy ou Claude Guéant, car les cycles économiques pèsent. Aucun pays n'est parvenu à atteindre 50 % d'immigration de travail. En outre, il n'y a pas de distinction rigide à faire entre une personne venue travailler et son conjoint qui le rejoint, et qui peut être amené à travailler quelques mois plus tard."
Sans être nouveau, ce concept n'était pas très mis en avant par le candidat socialiste jusqu'ici. Il avait surtout été questionné sur la question des migrants illégaux (sans papiers), et renvoyait au Parlement la responsabilité de fixer des"critères clairs et transparents" de régularisation avec une loi de programmation.Son programme mentionne juste : "Je sécuriserai l'immigration légale."
Mais, rappelle Mme Mazetier, "François Hollande a toujours dit, dès les débats de la primaire, qu'il fallait poser des principes de régularisation sur critères, de débats sur l'immigration économique et de respect des principes internationaux". Pour elle, la visibilité nouvelle de ce pan du programme de François Hollande est due à un "effet de loupe", les médias s'intéressant davantage à ces questions en raison du bon score de Marine Le Pen.
- Police, cannabis... d'autres gestes de "fermeté"
M. Hollande affiche aussi une certaine fermeté en matière de sécurité. Le candidat PS a ainsi affiché clairement son soutien aux policiers qui manifestent en raison de la mise en examen pour "homicide volontaire" d'un officier ayant abattu dans des circonstances encore non éclairées un délinquant en Seine-Saint-Denis.
Le candidat du PS a aussi réaffirmé, lors de l'émission "Des paroles et des actes", jeudi 26 avril, que "le cannabis doit rester un interdit", s'inscrivant en faux contre le sénateur et maire de Dijon, François Rebsamen, qui avait évoqué l'idée d'en punir la consommation d'une simple contravention. Lors de la campagne de la primaire socialiste, M. Hollande avait pourtant été moins ferme, évoquant une "commission à l'échelle de l'Europe" qui pourrait formuler "une proposition à l'échelle de l'Europe entière".
Samuel Laurent
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