Le Monde.fr avec AFP et Reuters | 15.10.2012 à 07h53 • Mis à jour le 15.10.2012 à 12h10
Matignon a assuré lundi, au lendemain des déclarations du ministre de l'éducation, Vincent Peillon, en faveur d'un débat sur le cannabis, qu'il n'y aurait "pas de dépénalisation" de cette drogue douce. "Le premier ministre et M. Peillon se sont parlé au téléphone ce matin (lundi), il n'y aura pas de dépénalisation du cannabis", a assuré Matignon à la presse lundi matin.
Vincent Peillon a affirmé dans un communiqué que sa déclaration la veille était une"réflexion personnelle" et "ne contrevient pas à sa solidarité totale et entière" avec le gouvernement. "Il n'y a donc pas lieu à polémique", affirme le communiqué du ministère de l'éducation nationale.
Le ministre de l'éducation a créé la polémique en se prononçant dimanche soir lors de l'émission "Tous politiques" France Inter/AFP/Le Monde en faveur d'un"débat" sur cette question. Le président François Hollande et Jean-Marc Ayrault s'étaient déjà déclarés opposés en juin à toute dépénalisation du cannabis.
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"C'est un sujet majeur", avait dit Vincent Peillon. "Je vois maintenant quasiment tous les soirs sur nos chaînes de télévision des reportages pour montrer les trafics illicites de nos banlieues et le danger dans lequel vivent nos concitoyens, y compris les enfants des écoles." "Comme ministre de l'éducation nationale, c'est un sujet qui concerne directement notre jeunesse. Il y a une économie parallèle dans ce pays, c'est l'économie de la drogue. Alors, on peut lutter par les moyens de la répression, je suis absolument pour", avait-il avancé. "Mais en même temps, je vois que les résultats ne sont pas très efficaces, parce que ça fait combien d'années et combien de lois qu'on nous dit ça ?", avait argumenté le ministre.
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"Donc la question est posée, et je souhaite qu'on puisse avancer sereinement", avait-il ajouté. Il avait alors rappelé que l'ancien ministre socialiste de l'intérieur Daniel Vaillant avait rouvert le débat début octobre en proposant notamment une légalisation du cannabis à usage thérapeutique, ajoutant : "Je lui ai donné raison à l'époque. Je le fais encore aujourd'hui". "Cette question [de la dépénalisation] est posée et je souhaite que l'on puisse avancer sereinement". "Je suis très étonné parfois du côté un peu retardataire de la France sur un sujet qui, pour moi, est d'ampleur", avait encore dit Vincent Peillon.
COPÉ DEMANDE À HOLLANDE DE TRANCHER
Lundi, Jean-François Copé, secrétaire général de l'UMP, a quant à lui demandé"solennellement à François Hollande de trancher dans la journée" sur la question de la dépénalisation du cannabis. "Cela ne peut pas rester en l'état", a ajouté M. Copé sur France Info.
"La dépénalisation des drogues douces, dites douces, est simplement inacceptable. Je suis désolé de devoir rappeler ce que des dizaines et des dizaines de chercheurs ont évoqué dans des rapports scientifiques incontestables sur les ravages sur la santé physique, psychique, psychologique, sur l'ensemble des être humains et notamment les plus jeunes des effets du cannabis", a ajouté le député-maire de Meaux. M. Copé a dit vouloir "que ce débat flottant, rouvert régulièrement, soit immédiatement tranché". "Si ce n'est pas le cas, je lance à partir de demain une campagne de pétition et un appel à témoignages de parents d'enfants victimes de la drogue", a-t-il prévenu.
Dans un communiqué, le député de Paris et ex-premier ministre UMP François Fillon "condamne les propos irresponsables et dangereux" du ministre de l'éducation nationale, "à l'heure où notre société a plus que jamais besoin de repères". "Alors que le président de la République expliquait il y a quelques jours que l'éducation serait une priorité nationale, le ministre de l'éducation engage un débat qui va à l'encontre de l'école du respect et de l'autorité qu'il convient de mettre en place", estime le candidat à la présidence de l'UMP. "Une fois de plus, la cacophonie gouvernementale est à l'œuvre, dans un secteur où tous les parents d'élèves de France attendent du sérieux, de l'autorité", ajoute-t-il. M. Fillon se demande "jusqu'où l'amateurisme" qui préside au "destin de notre pays va se développer, jusqu'où ceux qui ont en charge des responsabilités nationales joueront les apprentis-sorciers". "L'interdiction de la consommation de cannabis en France demeure plus que jamais nécessaire pour protéger nos enfants", conclut l'ancien chef de gouvernement.
"INVRAISEMBLABLE", "IRRESPONSABLE", "INQUIÉTANT"
François Baroin (UMP) a jugé lundi "irresponsable" de rouvrir le débat sur la dépénalisation du cannabis comme l'a fait Vincent Peillon, car il lui paraît indispensable de maintenir la "barrière" de la loi contre un produit dangereux.
Sur RTL, l'ancien ministre de l'économie a appelé à "se référer aux expertises médicales. On sait que le cannabis, c'est une drogue. Il n'y a pas de drogue douce ou dure".
Sur BFMTV et RMC, l'ex-garde des sceaux Rachida Dati a jugé la position du ministre de l'éducation "grave et irresponsable". "La montée du communautarisme et du radicalisme dans certains quartiers, ça a été une lâcheté des politiques. Sur le cannabis, la gauche veut recommettre cette lâcheté vis-à-vis du cannabis." "Je trouve que Vincent Peillon se comporte de manière lâche vis-à-vis de la toxicomanie. Et c'est irresponsable vis-à-vis de nos jeunes en France. On a autre chose à nous proposer que de pouvoir se droguer légalement", a insisté Mme Dati.
François Bayrou a jugé sur France Inter "étonnant" et "un peu inquiétant" le souhait de Vincent Peillon, pour une question de "cohérence gouvernementale" et parce qu'un ministre de l'éducation doit être avec ceux qui luttent contre la drogue.
"Ceux qui se battent contre les drogues et leurs usages, ce sont les éducateurs, ce sont les professeurs, les parents. Et, le ministre de l'éducation doit être à côté d'eux et ne pas ignorer qu'une déclaration en ce sens va atteindre beaucoup d'esprits, beaucoup d'enfants, beaucoup de jeunes", a-t-il souligné.
Le député UMP Lionnel Luca, membre de la Droite populaire, a lui jugé dans un tweet dimanche "invraisemblable et scandaleux que le ministre de l'éducation défende la dépénalisation du cannabis."
Valérie Pécresse a, elle-aussi fait usage d'un tweet pour révéler son indignation :"Du jamais vu ! Un ministre de l'éducation nationale irresponsable prêche la dépénalisation du cannabis. Quel impact sur l'échec scolaire ?"
Denis Baupin, député EELV et vice-président de l'Assemblée nationale, a estimé "courageux" d'ouvrir le débat, lundi sur Europe 1. "C'est justement parce que nous n'avons aucune complaisance vis-à-vis des trafics d'armes, de drogue, etc., que nous pensons que la prohibition en matière de cannabis est en échec", a-t-il dit. La dépénalisation, "c'est ce qui marche dans d'autres pays européens", a fait valoir M. Baupin.
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