L'immigration est un sujet légitime dans une campagne présidentielle. A l'heure de la mondialisation et de la crise économique, c'est même un des sujets qui doivent faire partie du débat électoral. Au moment où ils se préparent à élire leur président, les Français sont en droit d'attendre des candidats qu'ils leur exposent leur conception d'une politique d'immigration juste, efficace et acceptable pour la société. C'est un débat difficile, mais qu'on aurait tort d'esquiver.
Malheureusement, dans cette campagne 2012, les candidats en ont laissé l'initiative à Marine Le Pen, la présidente du Front national, dont c'est, depuis toujours, le fonds de commerce. Et Mme Le Pen l'a abordé de la pire manière possible : par une polémique malsaine sur la viande halal. En difficulté dans les sondages, le président Sarkozy cherche à récupérer des voix sur l'extrême droite. Il est tombé dans le piège, en demandant lui-même, à Bordeaux, le 3 mars, l'étiquetage de la viande et en laissant le premier ministre tenir sur le sujet des propos guère plus glorieux que ceux de Mme Le Pen. Se ravisant, il a déploré, mardi soir sur France 2, " cette polémique qui n'a aucun intérêt ".
Le chef de l'Etat a opportunément replacé le débat dans le cadre qu'il mérite, celui de l'immigration et de l'intégration. Mais il l'a fait de manière réductrice, par le biais d'une approche quantitative qui permet d'éluder les questions de fond, sociales, économiques et démographiques.
Il est, d'abord, choquant pour un chef d'Etat français, qui plus est lui-même fils d'immigré, d'affirmer aussi clairement qu'il " y a trop d'étrangers sur notre territoire ". Avec 2,9 millions d'immigrés sur une population totale de 65 millions, qu'est-ce qui est" trop " ?
" Notre système d'intégration fonctionne de plus en plus mal ", dit M. Sarkozy. Sur ce point, on ne peut lui donner tort. Il est vrai aussi, comme il le souligne, que la généreuse protection sociale française attire, au moins à la marge, l'immigration. Mais l'examen de l'échec de l'intégration des immigrés mérite mieux que l'explication par leur nombre.
Le problème de l'intégration en France commence par la ségrégation géographique des immigrés. Une politique inadaptée du logement a favorisé le regroupement des populations immigrées dans quelques dizaines de quartiers, donnant naissance à des ghettos, d'où la République s'est retirée. Dans les cités les plus reléguées, cet effacement de la République a laissé la voie libre à la montée de l'islam, comme l'a montré la récente étude dirigée par Gilles Kepel.
Pendant la campagne de 2007, le candidat Sarkozy avait promis un " plan Marshall pour les banlieues ". Il n'a, malheureusement, pas été mis en oeuvre, faute de moyens et de volonté politique. Face à ce problème qui inquiète, à juste titre, bon nombre d'électeurs, ni l'offre du candidat Sarkozy de réduire de moitié le nombre d'immigrés ni les ambiguïtés de " l'immigration intelligente " du candidat socialiste François Hollande n'apportent de vraies réponses. Pour un sujet aussi grave, c'est un triste constat.
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