samedi 21 novembre 2015

Radia Bakkouch veut « redoubler d’effort » pour la coexistence

Étudiante à Sciences-Po, Radia Bakkouch, 23 ans, est la nouvelle présidente de l'association interreligieuse Coexister. Selon elle, ses membres doivent « redoubler d'efforts » en faveur de l'unité et de la fraternité.

La nouvelle présidente de l'association   Coexister veut lancer des initiatives...

Corinne SIMON/CIRIC

La nouvelle présidente de l'association Coexister veut lancer des initiatives d'unité.

Depuis vendredi 13 novembre, son téléphone n'arrête pas de sonner, les rendez-vous s'enchaînent. « Ces attaques, c'est un peu un échec de la coexistence active pour laquelle nous luttons, nous sommes plus que jamais mobilisés », assure Radia Bakkouch, qui n'imaginait certainement pas qu'elle aurait à faire face à une telle catastrophe un mois seulement après son élection à la tête de Coexister, le 11 octobre dernier.

« NE CÉDONS PAS AU PIÈGE DE DAECH »

Diffuser des messages positifs sur les réseaux sociaux, lancer des initiatives d'unité, donner la parole aux responsables musulmans : le programme est chargé depuis les attentats. Avec Samuel Grzybowski, fondateur de l'association interreligieuse, à qui elle succède, Radia s'est aussi attelée à la rédaction d'une tribune, « Nous sommes unis », publiée par Libération et signée par 40 responsables associatifs et politiques de différentes confessions. « Il nous faut redoubler d'efforts », relève la jeune femme de 23 ans. « Ne cédons pas au piège de Daech, dont l'objectif et d'utiliser les perdus de la société pour tous nous diviser. »

En tant que musulmane, Radia Bakkouch s'agace qu'on demande sans cesse à ses coreligionnaires de prendre leurs distances avec le groupe terroriste : « Pour moi, l'islam n'est qu'un élément secondaire de leur idéologie de haine. » Un islam bien lointain de celui qui anime cette étudiante à Sciences-Po. « On m'a inculqué un islam libéral, appuie-t-elle,je ne suis pas très pratiquante, mais ma foi m'aide au quotidien. »

« IL EST IMPORTANT DE REVENIR AUX RACINES »

Pas évident de reprendre la tête d'un mouvement de jeunes qui depuis sa création, en 2009, a pris de l'ampleur et compte aujourd'hui près de 2 000 membres. Mais cette petite brune aux manières posées et au regard vif ne semble pas s'en effrayer. Il faut aussi dire que ses racines familiales la prédestinaient à cette voie. Née au Maroc, fille d'un père marocain et d'une mère libano-palestinienne, tous deux médecins, Radia a grandi dans une atmosphère interculturelle : « Dans ma famille, on m'a toujours dit qu'il était important de revenir aux racines, de connaître le judaïsme et le christianisme avant de choisir l'islam. »

C'est sûrement cela qui l'a poussée, dans son cursus à Sciences-Po Paris, à choisir comme destination Israël. Une année à l'étranger qui a contribué à « réconcilier un peu » sa famille avec cette terre. « J'étais la première à revenir depuis 1948 (naissance de l'État d'Israël­, NDLR), j'ai retrouvé la maison de ma grand-mère, habitée aujourd'hui par une Israélienne de gauche qui m'a accueillie à bras ouverts », raconte Radia.

Très marquée par cette expérience, elle cherche, à son retour, à s'engager davantage dans le dialogue interreligieux, choisit Coexister, s'y implique de plus en plus… jusqu'à être pressentie comme candidate à la présidence. « Je rêve que la coexistence devienne un jour une valeur républicaine », affirme la jeune femme, qui se voit déjà volontiers s'investir dans l'éducation à la paix dans de grandes institutions internationales. Mais rien ne presse.

mercredi 11 novembre 2015

Le Néerlandais Wilders veut fermer les frontières pour arrêter "l'invasion islamique"

10 Nov. 2015
Geert Wilders le 30 avril 2015 à WashingtonGeert Wilders le 30 avril 2015 à Washington (AFP/BRENDAN SMIALOWSKI
)

Le député anti-Islam néerlandais Geert Wilders, en tête des sondages dans son pays, affirme dans un entretien à l'AFP vouloir fermer les frontières de son pays afin d'empêcher la venue de milliers de réfugiés, qu'il qualifie "d'invasion islamique".


Son parti pour la liberté (PVV) est plus populaire que jamais, surfant sur la pire crise migratoire que l'Europe ait connue depuis la Seconde Guerre mondiale, et Geert Wilders ne quitte pas des yeux l'horizon 2017, avec desélections législatives et un possible poste de Premier ministre.
"La seule et unique manière de gérer la crise des réfugiés est de retrouver notre souveraineté nationale", assure-t-il lors d'un entretien à l'AFP du parlement néerlandais, à La Haye.
"Je ne demande rien d'insensé, je demande que notre gouvernement ferme ses portes, tout comme la Hongrie, que nous fermions nos frontières à ceux que nous considérons comme des migrants économiques et non comme des réfugiés".
Les formules lapidaires de Geert Wilders font souvent mouche au sein des milieux ouvriers ou de la classe moyenne, qui craignent des bouleversements sociaux si des milliers de demandeurs d'asile venus de Syrie, Afghanistan ou Irak s'installent au pays des moulins.
Les Pays-Bas ont accueilli 1.800 réfugiés la semaine dernière, selon le gouvernement néerlandais.
- 'Gens en colère' -
La question des réfugiés polarise un pays qui se targue pourtant de tolérance multiculturelle : les débats locaux et nationaux ont été marqués par des échanges d'insultes, des lettres de menaces, des violences physiques...
Le roi Willem-Alexander et les chefs de file des partis néerlandais, dont Geert Wilders, ont dès lors lancé un appel au calme.
"Les gens sont en colère, ils sont effrayés, ils veulent une politique différente et l'élite au pouvoir ne les écoute pas, soutient Geert Wilders, c'est pourquoi les partis comme le mien deviennent de plus en plus populaires".
Chef de file du PVV qu'il a créé en 2006, le député de 52 ans, aux cheveux blonds décolorés coiffés en arrière, est l'héritier politique du populiste néerlandais Pim Fortuyn, assassiné en 2002.
Selon les derniers sondages, le PVV remporterait 38 sièges de députés sur 150 si des élections étaient organisées maintenant. Un record pour le PVV.
M. Wilders avait obtenu son plus grand succès politique aux législatives de 2010 : son parti avait alors décroché 24 sièges de députés. Deux ans plus tard, tenu responsable de la chute de ce gouvernement, le PVV n'obtenait que 15 sièges.
S'il devait remporter les élections, Geert Wilders voudrait "lancer le processus pour quitter l'UE".
Selon le haut commissariat de l'ONU aux réfugiés (HCR), 752.000 migrants sont arrivés en Europe via la Méditerranée depuis le début de l'année.
Une crise migratoire qui cause d'amères tensions au sein de l'UE et que Geert Wilders qualifie à répétition "d"invasion islamique".
La chancelière allemande Angela Merkel avait ouvert les portes de l'Allemagne aux réfugiés syriens : "nous ne devrions pas payer pour la stupidité d'Angela Merkel", assure le député.
- Incitation à la haine -
Tout n'est toutefois pas rose pour Geert Wilders : il doit être jugé en 2016 pour incitation à la discrimination et à la haine.
Lors d'une soirée après les municipales de mars 2014, Geert Wilders avait harangué ses partisans à La Haye, leur demandant s'ils voulaient "plus ou moins de Marocains dans votre ville et aux Pays-Bas".
"Moins! Moins! Moins!", avaient scandé les partisans, ce à quoi Geert Wilders avait répondu: "Nous allons nous en charger". Résultat : plus de 6.000 plaintes avaient été déposées.
Politicien le mieux protégé des Pays-Bas depuis l?assassinat en 2004 du réalisateur controversé et virulent critique de l'Islam Théo van Gogh, Geert Wilders serait sur la liste noire d'Al-Qaïda.
Le chef du PVV dit être opposé à toute violence, ce inclus contre les musulmans, bien que ses commentaires sur le Coran et l'Islam soient perçus comme très insultants par de nombreux musulmans modérés.
"Si les gens menacent d'utiliser la violence contre qui que ce soit, une personne ou une institution, ils doivent être traînés devant un tribunal et emprisonnés pour un long moment", soutient le populiste, quelques minutes avant de quitter le lieu de l'entretien accompagné d'une équipe de gardes du corps.


Pourquoi un parti musulman participe pour la première fois aux régionales en France

13:53  mercredi 11 novembre 2015 | Par Zahra Rahmouni | Actualité 
Nizarr Bourchada - TSA Algérie

L'Union des démocrates musulmans français (UDMF) présentera pour la première fois une liste lors des prochaines élections régionales françaises. Le scrutin, dont le premier tour se déroulera le 6 décembre prochain, met une nouvelle fois en lumière ce jeune parti qui revendique aujourd'hui un millier d'adhérents et 8000 sympathisants. Créé en novembre 2012, l'UDMF avait déjà attiré l'attention des médias français lors des municipales de mars 2015, quelques mois après les attentats de Charlie Hebdo et la sortie du livre très controversé de Houellebecq, en janvier 2015. Entretien avec Nizarr Bourchada, vice-président du parti et tête de liste pour les régionales d'Île-de-France.

Vous étiez membre de l'UDI (Union des démocrates et indépendants, centre droit), pourquoi avoir quitté ce parti pour l'UDMF qui est une formation politique plus petite?

Cette question est assez pertinente pour la simple et bonne raison que généralement on fait plutôt le parcours inverse, on quitte le petit parti pour aller vers le plus gros. Ce n'est pas ma vision de la politique, je ne fais pas de politique pour avoir un poste. Par contre, au sein de l'UDI, il était très difficile de porter certaines valeurs, l'après-Charlie et surtout la montée des actes islamophobes, puisque selon l'observatoire de l'islamophobie il y a eu en France une recrudescence de plus de 500% des agressions physiques, m'ont fait prendre conscience de la suite de mon engagement. J'étais un humaniste à l'UDI et je reste un humaniste au sein de l'UDFM. Les propositions et la portée de parole rayonne un peu plus dans un parti comme l'UDMF qu'au sein de l'UDI.

Où se situe l'UDMF sur l'échiquier politique français ?

En terme de positionnement, on répond que l'on n'est ni de droite, ni de gauche et encore moins du centre. Pour la simple et bonne raison que l'on a une liberté au niveau des propositions. Par exemple, pour les régionales, nous avons une proposition qui concerne les sans-abris, plutôt estampillée à gauche et une proposition sur la liberté et l'esprit d'entreprendre qui est plutôt estampillée à droite. Donc, nous nous accordons cette liberté. D'ailleurs à l'UDMF, nous avons des élus de gauche comme de droite, des Républicains qui nous ont rejoints et aujourd'hui, nous nous inspirons de chaque force et compétence pour faire des propositions qui concernent tout le monde sans distinction. Sur le terrain, nous nous apercevons que des personnes qui n'ont jamais voté et qui ne se reconnaissent ni à droite ni à gauche, retrouvent l'envie de voter. Donc notre première victoire, c'est de faire revenir aux urnes des abstentionnistes.

Vous êtes accusés de « communautarisme » par vos détracteurs, est-ce que vous ne leur donnez pas raison en faisant une référence directe à la religion dans l'appellation du parti ?

Non, au contraire, je pense qu'un groupe communautaire est un groupe qui se replie sur lui-même. Nous, nous avons une démarche qui est plutôt proactive vis-à-vis des propositions qui vont dans le sens de l'intérêt général. Participer à la vie politique aujourd'hui, c'est antinomique par rapport au communautarisme. Nous souhaitons prôner le vivre ensemble, et au-delà de ces critiques sur le communautarisme, j'aimerais les interpeller sur leur propre communautarisme. Quand on regarde l'Assemblée nationale notamment, ce sont des personnes âgées et ce sont des hommes en majorité blancs qui décident pour tout le monde.

Pensez-vous pouvoir rallier un électorat autre que l'électorat musulman ?

Sur nos 225 candidats, il y en a qui ne sont pas de confession musulmane et qui nous l'ont revendiqué. Quand nous recevons les candidatures, et sur la présentation de ces candidats, nous ne souhaitons pas indiquer la confession, peu importe si la personne est agnostique, athée, chrétienne, juive ou musulmane. Nous nous adressons à tous sans distinction. Il y a des candidats qui nous ont dit qu'ils n'étaient pas de confession musulmane, mais qu'ils comprenaient complètement le combat qui est celui de l'UDFM. Pour moi c'est une victoire. Ensuite, notre programme s'adresse à tous, nous œuvrons dans l'intérêt général, nous avons plusieurs propositions qui s'adressent à tous les français et pas seulement aux musulmans. Ces propositions sont accueillies sur le terrain d'une manière très forte, les gens nous comprennent. Si nous avons le mot musulman dans notre acronyme, nous avons également les mots « Union », « Démocrate » et surtout « Français », trois autres termes qui sont aussi importants que le mot « Musulman » et ça, l'ensemble des français le comprend très bien.

Plusieurs propositions portent sur la finance islamique, un retour sur l'interdiction du voile, le développement du marché du Halal, l'enseignement de la colonisation et de la langue arabe. Quelle est la mesure principale portée par le parti ?

Aujourd'hui, il y a une professionnalisation de la politique avec des élus qui en font leur métier. Nous souhaitons apporter plus d'éthique. L'ensemble de nos candidats a signé une charte qui stipule, entre autre, que tous les élus de l'UDMF parraineront une association. Nous reverserons donc 50% de nos indemnités à une association qui respecte nos valeurs éthiques, par exemple une association de défense des sans-abris en Île-de-France, des associations comme les coopératives éthiques qui offrent des micro-crédits à certains entrepreneurs notamment des femmes. Aujourd'hui, nous considérons que 2800€ net pour siéger une fois par mois et pour faire quelques déplacements, c'est beaucoup trop pour un élu. Nous, nous sommes là pour servir et non pour nous servir. Une élue comme Valérie Pécresse (tête de liste « Les Républicains » pour la même région, NDLR) explique dans Le Parisien qu'elle a passé trois jours de stage dans une entreprise. Nous, nous sommes dans les entreprises tous les jours et nous faisons partie intégrante de la vie sociétale.

Le 6 novembre dernier, vous avez remis une liste de 225 noms pour les régionales en Île-de-France, est-ce que vous comptez présenter d'autres listes dans d'autres régions ?

Non, nous ne comptons pas présenter de candidats pour les autres régions, l'UDMF est un parti politique jeune. Il faut rester réaliste, nous avons décidé de nous concentrer sur la région Île-de-France.

Lors des élections municipales de mars 2015, l'UDMF avait fait marche arrière suite à des « pressions » et au manque de financements. Subissez-vous ce même genre de pression avant les régionales de décembre ?

Entre mars 2015 et aujourd'hui, l'UDMF s'est renforcée et s'est professionnalisée avec des élus de gauche, du centre et de droite qui nous ont rejoints et qui ont cette expérience, des médias notamment. Ce qui s'est passé avec les départementales ne s'est pas reproduit avec les régionales, car nous avons pu et su protéger les personnes qui étaient assez craintives et qui n'ont pas l'expérience des médias. Nous avons su mettre en avant les bonnes personnalités, les bons profils pour pouvoir répondre à certains détracteurs et à ce déferlement médiatique qui s'est d'ailleurs apaisé lors des régionales. Concernant les financements, ils proviennent essentiellement des dons de sympathisants et de cotisations des adhérents.

Comment pensez-vous réussir là où d'autres partis, comme le Parti musulman de France (PMF), ont échoué avant vous ?

Ces partis se sont présentés comme des partis musulmans seulement. L'UDMF n'est pas un parti musulman, c'est un parti laïc et républicain. Mais aujourd'hui, la laïcité est utilisée comme un outil pour combattre les religions et c'est ce que nous souhaitons dénoncer. Une des lignes directrices de notre formation sera d'alerter sur cette déformation de la laïcité. La laïcité en France ne devrait être en aucune mesure utilisée pour stigmatiser, elle devrait être un outil pour combattre les inégalités. Pour nous, la République est indivisible, nous sommes républicains et comme l'indique nos statuts, un parti laïc, non-confessionnel. Nous affichons bien entendu une certaine éthique et nous demandons à l'ensemble de nos candidats de respecter cette éthique-là. Quelle que soit leur confession, c'est une éthique basée sur des valeurs universelles partagées, des valeurs qui sont issues bien entendu de l'Islam. Par exemple, si on prend le triptyque républicain de la France : « Liberté, égalité, fraternité » ce sont des valeurs qui moi, ne me gênent pas et qui ne sont absolument pas en contradiction avec ma foi, notamment.

C'est la première participation de l'UDMF à une élection en France. Est-ce que le parti envisage de présenter un candidat aux présidentielles de 2017 ?

Bien sûr, nous avons l'ambition de présenter un candidat pour les élections de 2017 et pour les législatives qui suivront.

Zahra Rahmouni

@ZahraaRhm

Journaliste à TSA-Algérie, en transit, ici et là, au gré de perpétuelles pérégrinations