mardi 25 février 2014

Pourquoi les enfants d’immigrés peinent davantage à l’école, 24 FÉVRIER 2014 | PAR MICHAËL HAJDENBERG MEDIACOM

Selon l'enquête Pisa, les enfants d'immigrés réussissent moins bien à l'école. Manque d'ambition des familles, poids des traditions, assignations dans l'orientation, impact de la crise, ghettoïsation croissante : les professeurs, proviseurs, assistantes sociales livrent leurs explications. 

Pour beaucoup, ce résultat constitue une surprise. Non, ils n'avaient pas remarqué qu'à niveau social égal, les enfants d'immigrés réussissaient moins bien à l'école. Oui, le résultat de l'étude Pisa (voir nos précédents articles) les interroge, les bouscule ; parfois les révolte, plus rarement les désespère.

Selon Pisa, « les élèves issus de l'immigration (1re et 2e génération) accusent des scores inférieurs de 37 points à ceux des élèves autochtones, soit presque l'équivalent d'une année d'études » (contre 21 points, en moyenne, dans les pays de l'OCDE).

Nous avons donc interrogé des professeurs, proviseurs, conseillers principaux d'éducation ou encore une assistante sociale pour qu'ils nous disent comment ils expliquent une telle différence. Parfois sous couvert d'anonymat, ils évoquent sans tabou le manque d'ambition de certaines familles immigrées, la ghettoïsation grandissante, l'impact de la crise, les assignations dans l'orientation, le poids des traditions, les zones de relégation. Plus rarement, d'éventuelles discriminations de l'institution.

Problèmes d'orientation, manque d'ambition

Le manque d'ambition pèse sur les résultats scolaires. Quand un élève sait qu'il ne postulera pas aux filières les plus élitistes, sa scolarité s'en ressent. Pisa teste le niveau des élèves de 15 ans. « Mais dès le début de la classe de 4e, il faut être honnête, tu sais qui ira en bac pro et qui ira vers une voie générale », témoigne Vincent, professeur d'anglais à Ivry, dans « un bahut qui compte environ 20 % d'élèves blancs ». Pour lui, la problématique ne concerne pas que les immigrés. « Plus personne ne croit en la progression sociale, la reproduction est entérinée. Mais c'est vrai que certaines familles immigrées trouvent fabuleux que leur enfant fasse un BTS alors que les parents français ne voudront pas que leurs enfants s'arrêtent avant le master. »

Pour Isabelle, assistante sociale depuis vingt-trois ans dans un établissement qui accueille à la fois des enfants de cités dures et des zones pavillonnaires de Seine-Saint-Denis, « les enfants d'immigrés vont plus qu'avant vers les filières professionnelles. Il y a dix ou quinze ans, je me souviens de parents qui poussaient vers le général. À présent, je dois convaincre des familles que leur enfant est capable d'y rester. Il y a une frilosité, une crainte de s'écrouler. Le bac pro paraît plus concret. Ils ne veulent plus d'études longues, aux débouchés lointains et incertains ».

À en croire Isabelle, la volonté d'indépendance serait également plus grande : « Je n'ai jamais vu autant de jeunes se marier aussi tôt. À 25 ans, il faut être marié. C'est vécu comme une ascension. Les études courtes vont le permettre. »

http://static.mediapart.fr/files/imagecache/770_pixels/Micha%C3%ABl%20Hajdenberg/pisa-classe.png© Reuters

La sécurité de l'emploi orienterait clairement vers certains métiers : « Ils parlent souvent du médecin comme du métier inaccessible. À l'inverse, lors du carrefour des métiers, la salle "police-pompiers-armée" a rencontré un succès de folie. Que ce soient les filles, les garçons, toutes communautés confondues… Ce sont des métiers carrés. Ce n'est pas compliqué de rentrer. » Isabelle y voit aussi une forme de renoncement à se lancer dans un parcours plus exigeant : « Le très bon élève n'y arrive pas. Pourquoi je m'y mettrais ? »

Imane, professeur dans un lycée professionnel à Vitry, perçoit de son côté une orientation subie. Dans le collège du quartier où elle travaille, elle estime qu'il y a 70 % d'élèves issus de l'immigration. Et dans son lycée pro, 90 %. Comment expliquer ce décalage ? « Les enfants de l'immigration ne choisissent pas vraiment leur filière. Ils vont vers la vente, l'accueil, le commerce. Pour eux, la réussite passe forcément par le tertiaire. Le manuel ramène au vécu des parents : il ne faut plus se salir les mains. Travailler derrière un bureau est déjà vécu comme une ascension sociale. »

Problème selon Imane : par manque d'informations, les adolescents « s'imaginent qu'avec une filière pro, ils vont pouvoir faire du commerce international. Ils n'ont aucune conscience de la concurrence ». À titre d'exemple, elle cite l'ébénisterie. « C'est une filière assez élitiste, considérée comme l'aristocratie ouvrière, où il existe des débouchés. Les parents français le savent notamment grâce à une histoire familiale, des connaissances en province... On y trouve donc très majoritairement des Blancs. Pour les immigrés, l'ébénisterie renvoie à ce qui se passe au bled. »

Comment pousser ses élèves ? Clémence, professeur dans un lycée des Yvelines à la population socialement mixte (cités de Sartrouville, bourgeoisie de Maisons-Laffitte), se pose souvent la question. « Un de mes élèves brillants a préféré l'an passé la voie technologique pour rester avec ses potes. C'est du gâchis. Du coup, alors qu'il avait fait un excellent début d'année, il a arrêté de travailler. Ni les parents ni l'école ne se sont battus pour qu'il fasse mieux. »

Les parents immigrés seraient plus « fatalistes. Ils montent moins au créneau. À la fin de la classe de seconde, il y a la décision d'orientation du conseil de classe. Mais ce n'est pas définitif. Les parents français font le forcing dans les deux semaines qui suivent pour forcer le passage vers le général. Et souvent, ça marche ».

Il arrive à Clémence de se heurter à un mur : « J'avais une élève brillante, mention TB au Bac, félicitations du jury. Tout pour être polytechnicienne. Elle a préféré la fac de maths. C'est troublant. Ce n'est pas toujours évident de faire comprendre l'intérêt de la prépa. Et c'est encore plus compliqué en lettres avec un discours très difficile à entendre du type : "Tu vas faire hypokhâgne, Khâgne, bon, tu ne seras sûrement pas prise à Normale Sup, mais ce ne sera pas grave." »

Reste une question taboue : l'école, inconsciemment, ne renvoie-t-elle pas elle-même les enfants d'immigrés vers des filières moins ambitieuses ? Ne les brime-t-elle pas dans leur scolarité et leurs ambitions ? « Parfois, je me demande si inconsciemment Ahmed n'est pas orienté vers une filière pro parce qu'il s'appelle Ahmed, avoue Clémence. Je ne sais pas. » Même interrogation, non tranchée, chez Imane : « Difficile de dire si on propose moins les classes de théâtre ou de musique aux immigrés. »  

Interrogée il y a dix-huit mois dans un précédent reportage, Danièle Mingone, conseillère principale d'éducation (CPE) au lycée Mounier de Grenoble, tenait un discours plus tranché : « Disons qu'on n'a pas la même représentation d'un élève d'origine européenne, fils de cadre, qui fait l'option musique, que d'un enfant d'origine étrangère habitant une cité. Et il y a un préjugé qu'à résultats égaux, ils n'auront pas la même capacité à réussir. On anticipe qu'ils n'auront pas les moyens d'aller jusqu'au bout de leur cursus, notamment en S, la filière peut-être la plus scolaire. »

Questionnés dans le cadre de l'enquête Teo, 15 % des descendants d'immigrés ressentent d'ailleurs une injustice liée à leurs origines dans l'orientation (contre 8 % qui en ressentent une dans la notation, la discipline ou les sanctions).

Il n'en reste pas moins que dans l'éducation nationale, on ne voit pas les choses ainsi. « L'institution ne met pas à l'écart un certain type de population. Chacun a les moyens de réussir », assure par exemple Isabelle. Philippe Tournier, secré­taire géné­ral du SNPDEN, partage ce constat : « Peut-être que, parfois, on parie sur celui qui vient d'un milieu culturel plus élevé en se disant "il va s'y mettre", alors qu'on dira d'un élève d'un milieu plus populaire qu'il travaille déjà beaucoup et qu'il ne pourra pas faire plus. Mais je ne crois pas que cela ait à voir avec la couleur de peau. J'ai même l'impression que dans l'orientation, les jeunes issus de l'immigration qui bossent bien sont survalorisés… »

 

L'école renforce les ghettos

L'éducation nationale n'est quoi qu'il en soit pas exempte de toute responsabilité. Les établissements qui ont le plus souffert des politiques publiques au cours des dernières années se trouvent en effet être ceux où l'on trouve le plus d'enfants d'immigrés, dans les quartiers sensibles.

L'assouplissement de la carte scolaire est particulièrement pointé du doigt. « Depuis 2005, et surtout 2007, sous prétexte d'aider les méritants, il y a un tri gravement sélectif, juge Catherine Manciaux, secrétaire générale du SNUpden-FSU, proviseur en zone sensible depuis 1991. On donne moins et on extrait les meilleurs. Dans ces conditions, il est difficile de tirer vers le haut alors que parfois, il suffit d'un bon élève dans une classe. Mais voilà : on donne plus à quelques méritants, et moins à la plèbe. Dans ces conditions, comment faire pour garder une mixité scolaire et donner les moyens de réussir ? »

Le proviseur Philippe Tournier estime que « même dans des quartiers mixtes, on a de plus en plus de classes ethnicisées. La logique communautaire l'emporte sur la logique scolaire : les établissements se ghettoïsent socialement et sur base ethnique. Ce n'est ni mesuré ni mesurable, mais il suffit de se promener pour le voir. Cela a des conséquences sur la dynamique collective. Dans l'entre-soi, on n'avance pas ».

Pour Philippe Tournier, « l'école est dégradée, l'institution est "dégradatrice". Et le pire est à venir puisqu'il n'y a pas de mécanisme correcteur en place. L'assouplissement de la carte scolaire a attisé ces mécanismes, a polarisé les populations et déstabilisé les établissements du milieu. Dans une petite commune moyenne, à présent, on a un établissement qui va bien, et un établissement qui va mal. On a accentué les inégalités. Cette radicalisation des clivages scolaires touche forcément encore plus fortement les populations immigrées puisque les mieux intégrés sont partis. On a décapité des établissements ».

L'absence de mixité se diffuse parfois au sein des établissements, comme l'explique Imane : « Au sein d'un même collège, on peut trouver une classe avec 95 % de Blancs et les meilleurs élèves issus de l'immigration. Et dans une autre classe, 95 % d'élèves issus de l'immigration. L'élève blanc et médiocre a la chance d'être dans une classe d'élite. Cette façon de catégoriser les élèves ne se fait pas nécessairement consciemment. Et parfois, cela est dû au choix d'options : allemand, latin, etc. Il n'empêche : au final, l'école entérine la non-mixité. »

http://static.mediapart.fr/files/imagecache/770_pixels/Micha%C3%ABl%20Hajdenberg/Pisa-portraits.png© Reuters

Un constat alarmant alors que, selon Olivier, professeur dans un collège historiquement bourgeois du centre d'Avignon accueillant depuis peu des populations très pauvres en raison de la fermeture d'un établissement voisin, le mélange fonctionne très bien.« C'est beaucoup plus efficace que de sommer les ZEP de s'adapter à leur public, comme on le fait depuis dix ans. »

Le suivi familial

Pour comprendre la réussite scolaire, impossible de ne pas s'intéresser à ce qui se passe à la maison. « Dans les familles immigrées, il y a parfois un décalage entre l'enfant et ses parents, analyse Imane. On a beaucoup de parents très jeunes. Mais aussi très âgés, quand l'adolescent est en fin de fratrie. Cela crée des problèmes. D'abord parce que quand le père a l'âge d'un grand-père, il n'a plus la force d'éduquer son fils. Ensuite, quand le père a été éboueur, homme de ménage, dans le bâtiment, ou en accident longue durée, les enfants ne veulent pas lui ressembler. De même, des filles narguent leurs propres mères parce qu'elles sont habillées en boubou. La honte, la rage, se répercutent dans la scolarité. »  

À ce schéma, s'ajoutent d'autres difficultés. « Dans les familles d'origine subsaharienne, on a beaucoup de parents qui bossent de nuit ou qui ont des horaires décalés, notamment pour faire des ménages. Chez les Blancs de même niveau social, les mères sont plus souvent secrétaires dans une instance publique, une mairie, un dispensaire… Ce sont des lieux où on fréquente d'autres milieux, où l'on voit d'autres pratiques. Les horaires sont moins décalés, on a plus de temps pour le suivi des enfants… »

Selon Isabelle, assistante sociale, « les familles issues de l'immigration ont une grande confiance dans l'école française. Trop grande. Ça ne part pas d'une mauvaise intention, mais ils considèrent que le temps de l'école n'est pas le leur. Je reçois des parents illettrés, et je leur dis : "Ce n'est pas grave. Demandez-leur simplement ce qu'ils ont appris dans la journée." Mais ils sont intimidés. Si on avait le temps, on ferait des ateliers avec des parents. On leur expliquerait qu'il faut prendre le carnet de correspondances, le cahier de texte, et parler. »

Isabelle explique avoir « plus de souci avec les familles subsahariennes. La polygamie fait par exemple beaucoup de dégâts. C'est un schéma familial compliqué à vivre. Les femmes partent plus, et les familles explosent. Les mères, très courageuses, se retrouvent sans rien. Les pères sont absents. Cela crée des situations très compliquées pour les enfants ».

Des difficultés différentes selon les origines

Bien sûr, il existe nombre de problématiques communes. « Le niveau de maîtrise et de compréhension de la langue est discriminant, explique Michel Richard, principal à Versailles. Des élèves arrivent au collège sans les fondamentaux : lire, écrire, parler. Qu'ils soient coréens, japonais ou portugais, tous les enfants d'immigrés ont la même difficulté. »

Bien sûr, chacun de nos interlocuteurs prend grand soin de ne pas tomber dans de trop grandes généralités. Il existe cependant des problématiques spécifiques qu'il serait absurde de nier si l'on en croit plusieurs de nos témoins : « Avec la communauté turque, ce n'est pas simple, explique Isabelle. Ce sont des gamins qui ne font pas de bruit. Mais il y a beaucoup d'absentéisme, de nombreux décrochages scolaires. On rencontre des mères turques qui sont là depuis vingt-cinq ans et qui ne parlent toujours pas un mot de français. »

 

À chaque nouvelle vague d'immigration ses spécificités : « En ce moment, on a plein de familles d'origine maghrébine mais qui vivaient en Espagne, qui arrivent chez nous, où elles pensent être mieux protégées, raconte Isabelle, assistante sociale. Je viens de recevoir quatre familles en quinze jours. »

Beaucoup de professeurs nous ont dit ne jamais avoir regardé leurs élèves en fonction de leur origine, et donc ne pas pouvoir faire de diagnostic. Certains refusent par principe d'y réfléchir. La proviseur Catherine Manciaux reste elle aussi prudente. « Ça m'embête de stigmatiser les Subsahariens ou les Sri Lankais.» À notre demande, elle ne s'interdit toutefois pas d'aborder le sujet. « Ça fait cliché, mais c'est vrai que les enfants chinois réussissent bien. La situation est plus difficile pour les Africains, les Kurdes, les Tchétchènes et les Européens de l'Est en général. Chez les enfants qui ont connu la guerre, le traumatisme est terrible, il n'est pas assez pris en compte. On ne leur donne pas assez le temps de souffler dans des classes d'accueil. Si on ajoute que certains ne savent pas où ils dormiront le soir, pour cause d'expulsion, ou de relogement... »

Catherine Manciaux s'attarde toutefois sur le regard porté par les parents sur l'école.« Tous les adolescents essaient de contourner les règles et mentent. Mais certaines familles immigrées font confiance à leurs enfants. Elles se laissent emberlificoter, les croient sur parole. Quand on rencontre ces familles, des pères me disent : "Pourquoi vous nous convoquez ? Vous ne voulez pas qu'on les tape, donc qu'est-ce qu'on peut faire ?" J'ai déjà vu des pères sortir des ceinturons devant moi ! Il y a une forte incompréhension. J'essaie de leur expliquer que chacun a sa place, et que si leurs enfants arrêtent de leur mentir, on aura déjà fait 50 % du travail. Mais c'est compliqué. »

Selon Catherine Manciaux, nombre de parents sont en perte de confiance : « Depuis des années, on leur renvoie une image d'eux-mêmes de nuls, de laxistes, on dit qu'ils ne font rien pour leurs enfants. Mais moi je n'ai jamais vu de parents démissionnaires. Seulement des parents qui ne savent pas quoi faire, à qui j'essaie de redonner confiance. »

Et s'il suffisait de laisser le temps faire son œuvre ? Car bien évidemment, plus l'arrivée est récente, plus les problèmes sont importants. Pisa ne manque pas de souligner que quand ils sont nés en France (2e génération), les enfants d'immigrés obtiennent déjà de bien meilleurs résultats que les enfants immigrés nés à l'étranger – arriver d'un pays non francophone ne pouvant qu'accentuer les difficultés de départ.

Malheureusement, l'étude Pisa ne s'intéresse pas spécifiquement aux 3e et 4egénérations. La réussite grandissante des enfants d'origine maghrébine laisse cependant à penser que ce facteur temps est déterminant : « Ils sont nés en France, leurs parents sont nés en France. Une partie a déjà trouvé sa place, explique Philippe Tournier. La population d'origine subsaharienne est arrivée beaucoup plus récemment. et dans une situation économique beaucoup plus mauvaise, dans une précarité beaucoup plus marquée. » Il poursuit : « Aujourd'hui, les Maghrébins font d'ailleurs des pieds et des mains pour être en centre-ville ou dans le privé. Ne restent sur place que ceux qui ne croient plus que l'école va permettre de changer de situation. »

Vincent constate les mêmes différences à Ivry. « En quelques années, il y a une amélioration spectaculaire de la situation des jeunes d'origine maghrébine. Leurs parents ont été scolarisés en France, on n'a donc pas besoin de leur expliquer les problématiques d'orientation. »

Vincent note lui aussi que les parents subsahariens rencontre des difficultés : précarité, surpopulation, plus faible présence à l'école, illettrisme, parfois polygamie. Mais il se méfie des généralités : « Les Congolais et les Camerounais qui viennent, dont les parents sont issus de la classe moyenne, réussissent super bien ! Et on a aussi notre lot de "white trash" ("quart monde" blanc). Le facteur d'explication no1, c'est toujours le social. »

Aymeric, principal à Amiens, voit dans les difficultés de certains le fruit de l'isolement.« Les immigrés de l'Est (Géorgie, Biélorussie, etc.) qui échappent à des conflits ethniques sont cassés psychologiquement.  Ils ont tout quitté. Ici, ils n'ont pas de famille, pas de réseaux. Ils n'arrivent pas d'un pays francophone. C'est très dur pour les enfants. »

Enfin, peu évoquée, la question religieuse se pose. Car si certains soulignent la grande réussite des filles par rapport aux garçons, d'autres, comme Imane, rappellent que la religion peut enfermer. « Pour les filles, passé 16 ans, il est parfois difficile de poursuivre les études, difficile de se projeter dans autre chose que l'éducation des enfants. Dès qu'elles ont le bac, elles deviennent des "madames". Se voilent.  Sont fières d'avoir leur diplôme et s'en contentent, même si ça ne débouche sur rien. C'est fréquent et un peu flippant. »

La crise économique

« Par manque de place, les enfants issus de l'immigration ne travaillent pas chez eux, explique l'assistante sociale Isabelle. Les parents rament. En vingt-trois ans, je n'en ai jamais vu autant au chômage et en fin de droits. Et je n'ai jamais vu non plus autant de gamins à l'aide aux devoirs le soir à l'école. Mais nous aussi, on manque de moyens pour les aider. »

Isabelle fait partie d'une commission qui tente de débloquer des fonds pour les familles qui ne parviennent plus à payer la cantine ou à participer au voyage scolaire de leur enfant. « J'entends beaucoup "Papa ne travaille plus". Les pères sont souvent âgés, et quand ils travaillaient dans le bâtiment, ils ne retrouvent pas facilement d'emploi. Cela ne va pas sans déclencher de la morosité chez leurs enfants, quand ce n'est pas de la déprime. » Pour Isabelle, c'est une évidence, « les familles immigrées sont plus touchées par le chômage ».

La crise frappe cependant partout, y compris dans les zones rurales où l'on ne compte quasiment pas d'immigrés. Olivier, principal dans un collège de Picardie, perçoit les conséquences des suppressions de poste dans le flaconnage de verre et la serrurerie.« Avant, on n'entendait pas d'enfants dire "maman doit attendre la fin du mois pour m'acheter un nouveau cahier" ». Lui aussi a donc, alors qu'elles ne sont pas issues de l'immigration, des « familles du "quart monde", qui pensent avant tout à se nourrir, qui sont en rébellion par rapport aux institutions ». Mais « nous en avons relativement peu, peut-être 20 % des effectifs. La concentration de pauvreté n'est pas aussi forte que dans les zones urbaines sensibles. On a donc plus de temps pour elles. » Les résultats s'en ressentiraient.

Aymeric, également chef d'établissement en Picardie mais à Amiens où il fréquente une population bien plus mixte dans ses origines, note un changement profond au cours des dernières années : « Il y a dix ans, on entendait dire des enfants d'immigrés que c'était une population vivante, bruyante, pénible, mais qui en voulait plus qu'en territoire rural. Aujourd'hui, c'est fini. Leurs aînés sont au chômage. Les classes laborieuses ne s'imaginent plus devenir profs. C'est l'ancrage du :"On n'y arrivera pas". » Comme ses collègues, il en revient au point central. « C'est plus lié à l'origine sociale que culturelle. »

 

dimanche 16 février 2014

A l'approche des municipales, l'UMP rêve de renouer avec «l'électorat musulman» LE MONDE | 13.02.2014 à 12h28


Par 


Jean-François Copé à Berlin, le 11 février.

A l'approche des élections municipales, Jean-François Copé cible tous les déçus de François Hollande, dans l'espoir de les détourner de la gauche. Dans cette catégorie, il se montre particulièrement attentif à ce qu'il considère comme un électorat musulman. Près de deux ans après la défaite de Nicolas Sarkozy, le président de l'UMP ne se cache pas de vouloir renouer avec cet électorat qui boude la droite et a voté à près de 90 % pour François Hollande à la présidentielle. « L'UMP tient un discours de vérité à nos compatriotes de confession musulmane, qui peuvent être en phase avec les valeurs que je propose : la liberté économique, l'autorité de l'Etat et l'égalité des chances », affirme M. Copé au Monde.

Le moment lui semble propice pour faire les yeux doux à ces électeurs car une partie d'entre eux se sont montrés déstabilisés par les réformes sociétales du gouvernement. Lors de la Manif pour tous du 2 février, ils n'étaient que quelques dizaines de manifestants à défiler sous une bannière« Les Français musulmans disent non au mariage homosexuel ». Mais M. Copé a surtout noté que certains d'entre eux ont répondu à l'appel au boycott de l'école pour protester contre un prétendu enseignement de la « théorie du genre ». Il a pu le constater dans sa ville à Meaux (Seine-et-Marne), où des dizaines de familles musulmanes ont participé à la Journée de retrait de l'école, le 27 janvier.

« Sur le terrain, ils me disent : "Hollande nous embête en bousculant nos valeurs" », affirme celui qui a lui-même alimenté les inquiétudes des parents, en allant jusqu'à dénoncer, le 9 février sur RTL, un ouvrage intituléTous à poil ! (Rouergue, 2011), qu'il a présenté comme « recommandé aux enseignants ». Une accusation hasardeuse, destinée à récupérer des voix avant les municipales. « Les projets du gouvernement sur la famille, cela permet à l'UMP de retrouver des électeurs pas forcément à gauche, qui ont voté pour François Hollande à la présidentielle », veut croire M. Copé.

« BEAUCOUP CRAIGNENT QUE L'ON S'ALLIE AVEC LE FN »

Pour lui, le temps est venu de restaurer une relation de confiance avec l'électorat musulman, qui tourne le dos à la droite depuis plusieurs décennies et encore plus depuis la présidence Sarkozy, à cause de discours jugés stigmatisants lors des débats sur l'identité nationale ou sur l'islam.

Un sentiment de défiance entretenu par M. Copé lui-même, notamment avec sa désormais fameuse histoire de « pain au chocolat ». Mais il parie que ses postures passées sur l'islam ne lui porteront pas préjudice dans son opération reconquête. Et développe son argumentaire, en assurant que l'offre politique de l'UMP colle avec les attentes de cet électorat : « Nos compatriotes de confession musulmane prennent conscience que seule une politique de droite moderne peut faciliter leur intégration car nous sommes intraitables face à l'intégrisme, nous sommes très fermes en matière de sécurité, nous prônons la liberté d'entreprendre et non le collectivisme comme le propose la gauche, et nous sommes intransigeants sur les valeurs en refusant la banalisation des cultures. »

Lire l'entretien avec Vincent Tiberj, chercheur au centre d'études européennes : « Il y a certaines valeurs communes entre la droite et les Français de confession musulmane »

« Notre politique en matière d'immigration leur plaît également car beaucoup me disent : "On ne veut pas plus d'immigrés. Occupez-vous déjà de nous, qui sommes déjà là" », poursuit-il. Avant de noter : « Le seul point sur lequel ils ont un doute, c'est notre rapport au FN. Beaucoup craignent que l'on s'allie avec ce parti même si je répète que cela ne se produira jamais. »

« VOLONTÉ DE DÉCRISPATION »

Si la droite ne parvient pas à les attirer, elle espère au moins les détourner du PS pour faire gonfler l'abstention des électeurs traditionnellement acquis à la gauche. « La première étape, c'est de faire en sorte que cet électorat ne vote plus pour le PS, afin de couper la gauche d'un de ses réservoirs de voix traditionnels. C'est ce qui est en train de se produire avec le mariage pour tous et la théorie du genre. Ensuite, la seconde étape, c'est qu'ils votent pour nous », veut croire un stratège de l'UMP.

A droite, certains ténors se félicitent de cette « volonté de décrispation »avec les musulmans, jugeant que la droite ne peut pas se payer le luxe de se couper de ce vote pour les élections futures. Beaucoup ont observé avec attention les résultats de la dernière élection présidentielle américaine, lors de laquelle les républicains ont en partie perdu à cause d'un déficit de voix venant des Américains issus de l'immigration, notamment des « latinos ».

Même s'il regrette que « la droite se réveille un peu tard sur le sujet », le député UMP Gérald Darmanin (Nord) se réjouit que son camp veuille reconquérir cet électorat. « C'est un énorme gâchis que près de 90 % des Français musulmans votent contre notre famille politique alors que, culturellement, la plupart sont de droite, en étant conservateurs sur les sujets de société et libéraux en économie », juge ce petit-fils de harki.

Lire également : Municipales : les sondeurs prévoient une poussée du Front national

Si l'UMP tente de ratisser large en essayant de rallier le suffrage de tous les déçus de François Hollande, les Français de confession musulmane représentent une cible stratégique car ils constituent un fort réservoir de voix. Leur poids électoral, conséquent, peut en effet avoir des répercussions décisives sur un scrutin. D'après une étude du Centre de recherches scientifiques de Sciences Po (Cevipof) datant de décembre 2011, ces électeurs pèsent environ 5 % du corps électoral. Cela représente 1,5 point dans le résultat final, selon une étude de l'IFOP de juillet 2013.

mercredi 12 février 2014

Le Pen et Estrosi favorables à un référendum sur l'immigration 12.02.2014 à 21:27 | Le Monde.fr avec AFP


Christian Estrosi, maire UMP de Nice, avec Nora Berra et Brice Hortefeux lors d'une rencontre des "amis de Nicolas Sarkozy", le 29 janvier. AFP/FRED DUFOUR

Visiblement inspirés par l'exemple suisse, Christian Estrosi (UMP) et Marine Le Pen (FN) se sont prononcés le même jour, mercredi 12 février, pour l'organisation d'un référendum sur l'immigration en France. La similitude des deux propositions a, sans surprise, provoqué l'ire des socialistes.

>> Lire (édition abonnés) : Les dirigeants européens alertent la Suisse sur les conséquences de son vote

C'est le député et maire de Nice, en campagne pour sa réélection, qui a ouvert le feu sur France 2 en évoquant les électeurs helvètes qui ont approuvé dimanche, à une courte majorité, de 50,3 %, une limitation de l'immigration :

« Moi, je serais favorable à ce qu'il y ait un référendum similaire en France. Puisque nous aurons des élections européennes et que le problème est d'abord européen avec les règles de Schengen qui sont très défavorables à la France, je verrais bien à ce qu'il y ait aussi une question qui soit posée avec un referendum aux Français le même jour que les élections européennes, le 25 mai prochain. »

La président du FN, Marine Le Pen, a eu la même idée, y ajoutant la question de la « priorité nationale », une thématique classique du Front national.Interrogée par Les Echosla présidente du FN a ainsi évoqué le droit des peuples européens :

« Les peuples ont le droit de maîtriser leurs frontières, de décider qui rentre chez eux, qui y travaille, et accessoirement, selon le contexte, de limiter totalement l'immigration, de l'ouvrir un peu, de décider à qui ils l'ouvrent, et c'est ça l'enjeu du vote suisse. L'autre enjeu, c'est la priorité nationale, caricaturée en France. A compétence égale, c'est un Suisse qui a la priorité sur un travailleur étranger. J'appelle les Français à réclamer un référendum sur le sujet. »

Au même moment, une pétition a été lancée sur le site Internet du Front national  : « Exigeons, nous aussi, un référendum sur l'immigration ».

« DÉRIVE INDIGNE »

Un communiqué du PS a aussitôt pointé cette similitude entre un dirigeant de l'UMP et la présidente du FN. « A quelques heures d'intervalle, l'UMP M. [Christian] Estrosi et la présidente du Front national ont fait part d'une proposition identique : un référendum sur l'immigration en France », souligne son porte-parole, Eduardo Rihan Cypel. « On connaissait la tendance de l'UMP à courir derrière le Front national. La nouveauté c'est, qu'aujourd'hui, l'UMP précède le FN sur le terrain de l'extrême droite », écrit le député de Seine-et-Marne, ajoutant qu'il s'agit d'une « dérive indigne d'un parti qui se réclame du gaullisme ».

Plus tôt dans la journée, le PS et l'UMP s'étaient affrontés sur les déclarations récentes de Jean-François Copé à propos du livreTous à poil !. Michel Sapin avait ainsi accusé le président de l'UMP de tenir « exactement le même langage » que le FN.



jeudi 6 février 2014

Intégration des immigrés: Matignon veut dessaisir Valls, MEDIAPART, 06 FÉVRIER 2014 | PAR CARINE FOUTEAU

Jean-Marc Ayrault souhaite sortir les questions d'intégration des immigrés de la tutelle du ministère de l'intérieur. Il devrait présider mardi prochain une réunion interministérielle sur ce sujet. Un organisme public, rattaché au premier ministre, serait créé. Mediapart publie la feuille de route du gouvernement.

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Malgré le peu de soutien affiché par les ministres de son gouvernement, en premier lieu Manuel Valls, Jean-Marc Ayrault creuse son sillon sur les questions d'intégration, qu'il a préemptées depuis qu'il a lancé, avant l'été, une concertation, avec cinq groupes de travail composés d'experts. La réunion interministérielle annoncée avant Noël, et reportée à la suite de la polémique suscitée par Le Figaro à propos de certaines des préconisations issues des travaux préparatoires, devrait avoir lieu mardi 11 février.

La feuille de route de Matignon, dont i-Télé a évoqué les grandes lignes et que Mediapart présente dans son intégralité (à consulter en cliquant ici), montre que le premier ministre n'a pas renoncé à avancer sur ce dossier inflammable à quelques semaines des élections municipales, quitte à prendre le risque de chauffer à blanc l'opposition, extrêmement remontée sur tout ce qui touche aux « valeurs républicaines »du pays.

Ce document de 33 pages n'est pas définitif, ce qui veut dire que certaines des 44 mesures pourraient être retranchées et d'autres ajoutées. Mais l'architecture générale devrait rester inchangée. Le gouvernement rappelle son ambition de « renouveler en profondeur l'approche des questions d'intégration dans un esprit de responsabilité et avec le souci constant du respect des valeurs de la République », qualifiée de démocratique, laïque et sociale. L'appartenance à la nation, insiste-t-il, se définit par l'adhésion à des « valeurs communes et non négociables qui fondent la cohésion républicaine » à savoir la liberté, l'égalité, la dignité, la laïcité et la langue française.

Le fil directeur de cette « nouvelle » politique est d'en finir avec la « confusion entre immigration et intégration »« S'il est indispensable de mettre en œuvre des politiques d'accueil volontaristes pour les primo-arrivants, il faut cesser de renvoyer à un fait migratoire des familles et des citoyens français installés parfois depuis des générations, et qui n'aspirent qu'à être considérés comme des Français comme les autres », indique le texte, qui révèle, dans son ensemble, une volonté d'éviter les couacs. Les références aux dispositions les plus clivantes contenues dans les conclusions des groupes de travail ont en effet été gommées. Il n'est plus question ni de remise en cause de la loi de 2004 sur le voile à l'école, ni de reconnaissance de la part « arabo-orientale » de la France. La référence au multiculturalisme est jugée inappropriée. « Le multiculturalisme ne fait pas partie des valeurs de la République française. La France doit toutefois reconnaître l'héritage légué par les migrants au fil des âges, et leur participation quotidienne au dynamisme de notre nation », indique ce plan, qui consiste à mettre en musique les dispositifs existants et en cours d'adoption (réforme Peillon sur l'éducation prioritaire, loi Duflot pour l'accès au logement, loi Lamy sur la politique de la ville). Pas de solution miracle, donc, mais un renforcement des politiques allant dans le sens du droit commun (limiter autant que possible les mesures spécifiques, tout en s'assurant que les populations concernées aient effectivement accès aux services publics prévus pour tous).

Premier pilier : l'apprentissage du « socle commun » aux « primo-arrivants », c'est-à-dire aux étrangers nouvellement arrivés souhaitant s'établir durablement en France, passe par la mise en place d'un « réel parcours d'installation des personnes » via un service public renforcé de l'accueil.

Deuxième pilier : le renouvellement de la politique d'égalité des droits suppose un élargissement de la lutte contre les discriminations liées à l'origine à l'école, dans l'emploi, en matière de santé et dans le logement. « Bien sûr, l'intégration à la française fonctionne au fil des générations : les enfants de migrants ont un niveau de vie deux fois supérieur à celui de leurs parents et les deux tiers d'entre eux vivent avec un conjoint d'une culture différente. Mais elle se heurte à la persistance des stéréotypes liés à l'origine réelle ou supposée, qui pénalisent les personnes qui en sont victimes dans leur vie quotidienne comme dans leur parcours professionnel », souligne le document. L'ensemble des volets de l'action publique doit être concerné, insiste le gouvernement.

L'Éducation nationale est en première ligne. Afin de lutter contre le « plafond de verre », Matignon propose de développer la formation des personnels éducatifs, d'améliorer la coopération entre les parents et l'institution scolaire, par exemple en instaurant un accueil du matin en école primaire et au collège, de favoriser la scolarisation des enfants de moins de trois ans, de consacrer du temps pour le suivi des élèves et le travail en équipe et de lutter contre le décrochage scolaire. Le tout, en s'appuyant sur la récente réforme de l'éducation prioritaire, qui concentre les moyens sur les établissements les plus en difficulté.

Côté emploi, les agents de Pôle emploi devraient être formés aux « risques discriminatoires ». Les techniques de recrutement fondées sur l'appréciation in situ des compétences des candidats devraient être privilégiées. Pour dénoncer des discriminations, des actions collectives pourraient être menées, à l'initiative des syndicats de l'entreprise, avec l'accord des personnes concernées. La fonction publique devrait faire des efforts particuliers en « démocratisant » ses concours et en développant l'apprentissage.

En matière d'accès aux droits sociaux, le gouvernement rappelle son souhait de lutter contre les refus de soins, d'homogénéiser les durées de séjour exigées selon la nature des prestations, de simplifier l'accès à l'assurance vieillesse des migrants âgés, de sensibiliser les travailleurs sociaux aux discriminations « à caractère ethno-racial » et de recourir à des interprètes dans les lieux d'accueil.

Pour améliorer les procédures d'attribution de logements sociaux, le gouvernement s'en remet aux dispositions de la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (Alur) en cours d'adoption au Parlement. La Garantie universelle des loyers, prévue dans ce texte, devrait, quant à elle, permettre de lutter contre les discriminations dans l'accès au logement privé, en empêchant certaines pratiques de contournement de la législation.

Revendication récurrente, la création de carrés musulmans dans les cimetières devrait être encouragée. « De nombreux immigrés finissent leur vie sur le territoire française, mais ils ne peuvent obtenir un lieu de sépulture sur place faute d'espace adapté », regrette le document. Pour restaurer la confiance entre les citoyens et les forces de l'ordre, le gouvernement entérine les dispositifs mis en place par Manuel Valls avec le nouveau code de déontologie et le retour d'un numéro d'immatriculation sur l'uniforme des policiers et gendarmes, sans aller au-delà (la mise en place d'un récépissé pour empêcher les contrôles au faciès).

Troisième pilier : le gouvernement entend favoriser une « politique d'échange et de mémoire », assumant l'apport de l'immigration et valorisant « l'ouverture internationale de notre pays ». La cité nationale de l'histoire de l'immigration serait relancée, la contribution des soldats issus de l'immigration et d'outre-mer valorisée, des figures de l'histoire de l'immigration mises en avant. L'école inciterait à l'apprentissage des langues parlées « dans les grands pôles démographiques de la mondialisation » comme l'arabe, le mandarin et le hindi, aux côtés des enseignements classiques (anglais, espagnol, allemand et italien). Mais la « langue française est au cœur de l'unité nationale », souligne le gouvernement pour contrecarrer les critiques lui reprochant de brader la langue française. Sur le modèle des offices franco-allemands et franco-québécois, un office franco-maghrébin pour la jeunesse pourrait être créé pour développer les échanges linguistiques et culturels « des deux côtés de la Méditerranée, à partir du socle commun que constitue la francophonie ».

La gouvernance de cet ensemble est encore sujette à discussion. Mais, selon des informations de Libération, le premier ministre devrait annoncer la création d'un commissariat général ou d'un haut-commissariat consacré à l'intégration, à la lutte contre les discriminations et à l'égalité, placé sous l'autorité de Matignon et piloté par un haut fonctionnaire. Ce faisant, le périmètre du ministre de l'intérieur s'en trouverait rétréci.

Depuis la création controversée du ministère de l'immigration, de l'intégration et de l'identité nationale en 2007 par Nicolas Sarkozy, l'ensemble des attributions concernant l'entrée et le séjour des étrangers en France ainsi que l'intégration des immigrés, autrefois partagées par les ministères des affaires sociales, de l'emploi, de l'intérieur et des affaires étrangères, avaient été rassemblées. Sous la pression du secteur associatif, révulsé par l'intitulé et la politique de ce ministère, ainsi que d'une partie de l'opposition de gauche et du monde universitaire, l'ex-président de la République avait fini par céder. En 2010, il avait renoncé à son initiative, sans pour autant revenir à l'organisation antérieure: l'ensemble de ces fonctions étaient revenues au ministre de l'intérieur, c'est-à-dire au premier flic de France, ce qui avait provoqué le mécontentement des détracteurs du ministère de l'identité nationale. Élu à l'Élysée, François Hollande n'avait pas modifié ce dispositif. Selon le décret relatif à ses attributions, Manuel Valls est ainsi invité à préparer et mettre en œuvre la politique du gouvernement en matière d'immigration (légale et illégale), d'asile, d'intégration des populations immigrées et de naturalisation.

Les conséquences de la nouvelle organisation sont encore floues, y compris en matière budgétaire : une partie de la tutelle de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) va-t-elle échapper à Beauvau ? Moins impacté, le ministère de la ville, confié à François Lamy, devrait-il lâcher la supervision de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (Acsé) ? De son côté, le ministre de l'intérieur fait savoir qu'il gardera la responsabilité de la gestion du contrat d'accueil et d'intégration (CAI), c'est-à-dire du suivi des nouveaux détenteurs d'un titre de séjour durant leurs cinq premières années en France. Le Haut conseil à l'intégration (HCI) ne devrait, quant à lui, pas survivre.

Dernière question en suspens : quel haut fonctionnaire serait susceptible d'orchestrer cette politique ? De Jean-Michel Belorgey, ancien président du Fonds d'aide et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations (Fasild) à Thierry Tuot, auteur d'un récent rapport remarqué sur l'intégration, en passant par Jean-Marie Delarue, ex-contrôleur général des lieux de privation de liberté, les profils compétents ne manquent pas.

Du communautarisme à l'assimilation, les visages de l'immigration à Saint-Etienne

LE MONDE | 06.02.2014 à 11h31 • Mis à jour le 06.02.2014 à 12h27 |Par 


Mouloud Kinzi, 52 ans, Kabyle d'origine algérienne, dans le quartier Beaubrun de Saint-Etienne où il vit, le 4 février 2014.

Grâce à son tissu industriel, ses mines, Saint-Etienne a été, depuis le début du XXe siècle, un bassin d'emploi important pour toute une main-d'oeuvre étrangère : italienne, espagnole, polonaise, algérienne… L'immigration représente aujourd'hui environ 7 % de la population, un peu moins que la moyenne nationale (8,5 %).

Comme ailleurs en France, depuis les années 1970, la désindustrialisation frappe de plein fouet le tissu économique stéphanois – le taux de chômage y est d'environ 10 %, la moyenne nationale. Les familles immigrées sont parmi les plus affectées.

En l'absence de statistiques ethniques – interdites en France –, nous avons rencontré des responsables associatifs, des élus, des habitants, pour tenter de dégager des parcours types et donner des visages à la question de l'intégration en France. Des parcours qui pointent que l'intégration est une notion à géométrie variable. Et que, plus que la religion, la maîtrise du français ou le racisme, c'est le facteur travail qui a été la clé de la réussite ou de l'échec des personnes rencontrées.

  • Mouloud Kinzi, le Kabyle

A 52 ans, Mouloud Kinzi incarne à sa façon la situation délicate de toute une génération d'immigrés issus du Maghreb, d'Afrique subsaharienne ou de Turquie, arrivés en France depuis les années 1970. Des difficultés sociales identifiées par de nombreuses études, à Saint-Etienne comme à l'échelle nationale (notamment en termes d'insertion sur le marché du travail). Mais des difficultés qui font malgré tout dire à M. Kinzi de façon un peu brutale :« Je suis en échec social, mais j'ai réussi mon intégration. »

Divorcé, sans emploi, ce natif de Kabylie arrivé en France en 1999 dépend de l'allocation handicapé pour boucler ses mois après une agression. Il habite en cité HLM. Et il a perdu l'un de ses deux enfants – son fils –, mort d'une overdose. Des échecs en partie liés, pense-t-il, à ses années sans papiers à travailler dans le bâtiment, puis à celles de contrats précaires dans l'associatif. Le racisme, qu'il expérimente régulièrement, n'a pas été un « critère déterminant », assure-t-il.

En même temps, M. Kinzi estime avoir, au fil des ans, largement fait la preuve de son « respect à la langue, à la culture et aux traditions françaises ». Il se dit en effet « laïc ». Parle parfaitement français et avec très peu d'accent. Il écrit aussi régulièrement en français pour les besoins de son militantisme de la culture berbère. Un militantisme qu'il voit comme un vecteur « d'intégration ». Car « revendiquer sa culture, c'est la partager avec l'autre », plaide-t-il.

M. Kinzi défend à ce titre sa « double culture ». Ces habitudes qui l'amènent à rarement rater l'occasion de passer au marché, chaque semaine, « pour prendre des nouvelles du bled ». Une double culture qui lui a aussi permis de décrocher certains emplois. Comme celui de surveillant de lycée ou en tant qu'animateur en prévention routière pour la ville : « J'avais les codes avec les jeunes et ça rassurait ceux qui m'embauchaient », explique-t-il.

Sophie Zoltaszek, 82 ans, d'origine polonaise, dans son logement de la cité Marseille, au Chambon-Feugerolles, le 4 février 2014.

  • Sophie Zoltaszek, la Polonaise

Pour Sophie Zoltaszek comme pour beaucoup de personnes issues de l'immigration polonaise arrivées à partir des années 1930-1940, « intégration » et « communautarisme » ne sont pas des concepts incompatibles. Un parcours à mi-chemin de celui des Italiens et des Maghrébins.

Agée de 82 ans, Mme Zoltaszek est une dynamique grand-mère qui a vécu toute sa jeunesse dans un environnement exclusivement polonais. Mais cela n'a pas entravé la réussite de sa descendance, à commencer par ses quatre petits-enfants, estime-t-elle : « ingénieur, kinésithérapeute, instituteur, préparateur en pharmacie », énumère-t-elle fièrement, de ses yeux bleus pétillants.

Mme Zoltaszek est née en France un an après que ses parents ont quitté la Pologne pour l'Alsace. Là-bas, les mines de sel avaient besoin de main-d'oeuvre. Et en Alsace, comme dans les mines de charbon stéphanoises que la famille va très vite rejoindre, la diaspora polonaise avait développé tout un mode de vie en « communauté ».

La faute aux patrons des mines, selon elle : « On nous parquait. » Un entre-soi qui a favorisé la rencontre avec son mari, mineur et polonais : « Pour ma mère, qui ne parlait pas un mot de français, il aurait été impensable que je ramène un petit ami français ! »

Mme Zoltaszek admet les limites de ce système. « Comme on ne parlait que polonais à la maison, les Polonais étaient toujours en queue de peloton en classe et, à 14 ans, la plupart arrêtaient. » Ce qu'elle a d'ailleurs fait. Elle dit avoir seulement « trois amies » qui « sont allées loin » : en l'occurrence jusqu'au bac.

Heureusement, les « trente glorieuses » jetaient leurs derniers feux et Mme Zoltaszek sait tout ce qu'elle leur doit. A commencer par la maisonnette que la mine avait allouée à ses parents et dans laquelle elle vit aujourd'hui. Le fait, surtout, qu'elle ait pu commencer à travailler, à 40 ans passés, dans une usine d'outillage, pour financer les études de ses enfants devenus majeurs.

Mme Zoltaszek compare ainsi souvent, avec compassion, l'aventure des immigrés polonais avec celle, plus récente, des Maghrébins. « Cela faisait un peu comme les Arabes : les Français nous détestaient !, s'exclame-t-elle.Mais nous, au moins, on avait du travail… » Et de conclure : « Pour notre intégration, il aura juste fallu du temps au temps. »

Hamid Benaabella, 42 ans, d'origine marocaine, au Chambon-Feugerolles, près de Saint-Etienne, le 4 février 2014.

  • Hamid Benaabella, le Marocain

Hamid Benaabella est-il un « leurre », comme le lui disent parfois ses amis ? Une réussite sociale trop exceptionnelle comparée à la moyenne de sa génération issue de l'immigration marocaine ? A 42 ans, ce professeur d'électronique à l'IUT de Saint-Etienne, qui partira au ski à La Plagne cet hiver et est l'heureux propriétaire d'un pavillon tout neuf, refuse de le croire. « Ceux qui ont réussi sont plutôt discrets, j'ai plein d'amis ingénieurs et commerciaux… », justifie-t-il.

Avec sa chemise blanche, ses petites lunettes fines et son fort accent stéphanois, M. Benaabella admet qu'il cache bien ses origines sociales. Son père est arrivé à Saint-Etienne en 1952 pour travailler à la mine. Il a rencontré sa mère lors d'un aller-retour au pays. Et c'est très vite qu'il l'a ramenée en France, où ils ont eu trois enfants.

Toute son enfance, M. Benaabella a donc connu les « vacances au bled » et le mois de jeûne du ramadan. Tout en étant fier de ses origines, M. Benaabella se dit toutefois très peu sensible à la reconnaissance des« différences culturelles ». « Complètement athée », il est seulement pacsé avec la mère de ses deux enfants, une institutrice issue d'une famille stéphanoise.

Les raisons de sa sortie du lot, M. Benaabella les attribue à deux facteurs. Un professeur d'histoire qui l'a beaucoup aidé dans son orientation. Et la farouche volonté de ses parents analphabètes de lui « faire passer des valeurs »« Ma mère tenait tellement à ses cours de français au centre social qu'elle me laissait dans mon berceau et mon père montait s'assurer de temps en temps que tout allait bien. » Après la mine, le père de M. Benaabella a en effet repris un bistrot et la famille logeait juste au-dessus.

Très loin des débats parisiens, M. Benaabella aimerait que, au vu de son histoire, on parle désormais moins des questions d'« intégration » que d'« assimilation ». Un mot qu'il aime bien et trouve plus adapté à sa génération. « Le seul problème qui reste à régler pour nous, aujourd'hui, c'est de faire qu'un Mohamed bronzé un peu comme moi puisse être confondu dans la rue avec un Jean-Marc. »

  • M. Riva, l'Italien

A Saint-Etienne, une catégorie d'immigrés et leurs enfants ont très bien tiré leur épingle de l'équation à mille inconnues qu'est l'intégration : les Italiens et les Arméniens. La plupart sont arrivés dans les années 1920 et 1930. Beaucoup étaient sans bagage scolaire. Mais le plein-emploi a compensé toutes leurs faiblesses.

A 83 ans, M. Riva le raconte sans ambages : des études, il n'en a pas fait beaucoup. Ce retraité jovial né à Saint-Etienne en 1931 de parents italiens, aîné de cinq enfants, le répète : ses parents avaient à peine été scolarisés. « Ma mère ne savait pratiquement pas lire et écrire », dit-il. Aussi, quand il a décidé d'abandonner en cours de route son apprentissage de menuisier, son père « n'a presque rien dit »

Le plein-emploi a sauvé M. Riva. Son père travaillait pour une grande entreprise locale : Limousin (ex-Eiffage). « "Tu vas venir avec moi", m'a-t-il dit. Et il m'a fait entrer. » Il va y faire toute sa carrière. Il égrène les échelons franchis, comme autant de primes au mérite : « Ouvrier qualifié, chef d'équipe, chef de chantier principal… » De quoi s'acheter, il y a huit ans, un 100 m2 dans une résidence située sur la plus belle avenue de Saint-Etienne : le cours Fauriel. « Un aboutissement », confirme son épouse.

Chez M. Riva, l'intégration a si bien fonctionné qu'elle a fini par effacer la plupart des liens avec ses origines italiennes. M. Riva ne se souvient plus que dans les grandes lignes du parcours familial. Il n'a été que deux fois en Italie avec son épouse « pour visiter » Florence et Venise. Et quand, le jour de son mariage, on lui a demandé de chanter en italien, il n'a « pas pu »,raconte-t-il en riant.

Comment Matignon veut relancer le dossier miné de l'intégration

LE MONDE | 06.02.2014 à 10h58 • Mis à jour le 06.02.2014 à 12h04 |Par 


Jean-Marc Ayrault, premier ministre, et Manuel Valls, ministre de l'intérieur, à l'Assemblée nationale, le 23 octobre 2013.

Après de longues semaines de tergiversations, Matignon s'est finalement décidé, jeudi 6 février, à remettre sur la table le dossier de l'intégration. Le sujet avait été enterré mi-décembre 2013 après la polémique née de la divulgation de certaines propositions des cinq rapports commandés par le premier ministre sur le sujet. Une réunion est désormais prévue, mardi 11 février, à Matignon, avec une proposition phare : la création d'un organisme public consacré à l'intégration et à la lutte contre les discriminations, rattaché au premier ministre.

« Haut commissariat, secrétariat général, délégué interministériel », son statut n'est pas encore tranché, mais il devrait l'être lors de la réunion du 11 février. « Ce sera une structure légère chargée de coordonner et d'évaluer les différentes politiques publiques d'intégration. Comme cela concerne plusieurs ministères, c'est logique que cela soit arbitré et piloté directement depuis Matignon », explique-t-on aussi rue de Varenne.

LUTTE DE PÉRIMÈTRE

Les projets de Matignon pour relancer le thème de l'intégration s'avèrent toutefois une nouvelle fois périlleux, tant le sujet est sensible sur le fond, dans l'opinion et, sur la forme, au sein du gouvernement. L'idée de M. Ayrault cache, en sous-main, une lutte de périmètre qui a tendu, ces dernières semaines, les relations entre le premier ministre et son ministre de l'intérieur, Manuel Valls. Depuis les années Sarkozy et la création du ministère de l'immigration, de l'intégration et de l'identité nationale, la Place Beauvau a seule la main sur l'ensemble des questions d'intégration.

Même si la structure voulue par M. Ayrault voit le jour, le ministère de l'intérieur devrait toutefois conserver la gestion du contrat d'accueil et d'intégration (CAI). Soit le suivi de tous les nouveaux détenteurs d'un titre de séjour, durant leurs cinq premières années en France. C'est dans ce cadre que les primo-arrivants peuvent avoir des cours de français ou se voir enseigner les « valeurs » de la République.

« Les premières années sont absolument déterminantes pour les étrangers, c'est là que le ministre de l'intérieur est légitime car il a les titres de séjour », défend-on Place Beauvau. Le CAI est à ce titre depuis longtemps jugé peu efficace au ministère, et il est prévu de le revoir. « Dans le paysage interministériel, M. Valls n'a jamais eu l'intention de traiter l'intégration seul. Aucun ministre ne le peut », souligne-t-on dans son entourage.

ÉVITER DE CRÉER UNE « COQUILLE VIDE »

Il n'y aurait pas de « front anti-Valls », au sein du gouvernement, mais un débat musclé pour une politique « cohérente » d'intégration et de lutte contre les discriminations. « La personne qui arrive en France doit s'intégrer, mais il faut aussi que la société française accepte de l'intégrer par l'accès à l'emploi, au logement, à la santé, etc. », explique un ministre qui a participé aux différentes réunions interministérielles.

Reste à connaître les moyens précis et la ligne budgétaire qui seront affectés au futur organisme voulu par Matignon. « Si la future structure ne dispose pas de l'ensemble des leviers, elle risque de devenir rapidement une coquille vide », prévient-on au sein du gouvernement.

Lire aussi : A Saint-Etienne, les visages de l'immigration, ducommunautarisme à l'assimilation

D'autres mesures devraient être annoncées mardi. Pour les primo-arrivants, l'idée serait de parvenir à définir des méthodes pour qu'ils « maîtrisent mieux le français », qu'ils soient mieux « accompagnés pour accéder au droit commun » et qu'une réflexion soit engagée sur la façon dont on leur « transmet le socle républicain », confie-t-on chez M. Ayrault. Pour les immigrés de deuxième génération, Matignon souhaiterait que soient mises en avant des mesures destinées à favoriser « l'égalité ». Une attention particulière pourrait notamment être portée sur les recrutements dans la fonction publique.

L'ABOUTISSEMENT D'UN LONG SERPENT DE MER

Sur ce sujet sensible qu'est l'intégration, Matignon assure vouloir dans tous les cas délivrer « deux messages ». L'un en direction de « l'ensemble des Français à qui l'ont montre surtout les échecs » de l'intégration. « Il faut leur dire que le gouvernement va traiter à la racine le problème », explique-t-on chez M. Ayrault. Le second message doit aller « vers tous ceux qui expriment un sentiment de discrimination ». Tout un discours devrait être bâti, mardi, autour du thème de « l'égalité ».

Cette réunion est en tout cas l'aboutissement d'un long serpent de mer pour le gouvernement. L'exécutif avait, dès 2012, commandé un rapport sur l'intégration à un conseiller d'Etat, Thierry Tuot. Celui-ci devait normalement servir de guide à l'amélioration de la politique d'intégration. Mais ce rapport, remis en février et intitulé « La grande nation, pour une société inclusive », avait été enterré aussi vite qu'il avait été rédigé. Fourmillant de propositions aussi disparates que celles des derniers groupes de travail, il n'avait pas été jugé à la hauteur des enjeux.