SOMMAIRE

Rechercher dans ce blog

mardi 30 décembre 2014

Angela Merkel dénonce les manifestations anti-islam le Monde le 31 décembre 2014

Dans son discours de fin d'année, la chancelière allemande fustigera, mercredi, des organisateurs aux « coeurs » remplis « de haine ».

Angela Merkel appellera ses compatriotes à ne pas participer aux manifestations contre « l'islamisation de l'Occident », mercredi 31 décembre, dans son allocution de fin d'année. Ces rassemblements, organisés principalement à Dresde, et copiés sur le modèle de ceux qui ont conduit à la chute du mur de Berlin, embarrassent le pays depuis plusieurs semaines.

La chancelière les avait déjà condamnés une première fois à la mi-décembre, jugeant qu'il n'y avait pas de place en Allemagne « pour l'incitation à la haine et à la calomnie ». D'après le texte de son allocution de mercredi, la chancelière allemande pointera cette fois du doigt les organisateurs de ces manifestations.

« Je dis à tous ceux qui vont à ces manifestations : ne suivez pas ceux qui appellent à y participer ! Car trop souvent, leurs coeurs sont remplis de préjugés, de froideur, voire de haine »

CONTRE-MANIFESTATIONS

Les rassemblements, organisés par un groupe appelé les « Européens patriotes contre l'islamisation de l'Occident »(Pegida), ont réuni des milliers de personnes ces dernières semaines.

Manifestation anti-islam dans les rues allemandes 
Durée : 00:45  
Images : Reuters 

En parallèle, un mouvement d'opposition à Pegida s'est mis en place organisant des contre-manifestations. Le 22 décembre, alors que 17 500 personnes défilaient pour Pegida dans la capitale de Saxe, ils étaient ainsi 20 000 dans toute l'Allemagne, et notamment 12 000 à Munich (sud), à arpenter les rues contre le racisme et l'exclusion.

POUR APPROFONDIR

Lire (édition abonnés) :  En Allemagne, le discours raciste se banalise

mardi 23 décembre 2014

En Allemagne, le discours raciste se banalise Par Frédéric Lemaître, Le Monde le 16 décembre 2014


Des milliers d'Allemands se rassemblent chaque semaine contre l'« islamisation de l'Occident », à Dresde, à l'appel de l'extrême droite. Les slogans rappellent ceux des opposants à la RDA, en 1989.

Pegida, le mouvement des « patriotes européens contre l'islamisation de l'Occident » a réussi son pari. Lundi 15 décembre, au moins 15 000 personnes ont participé à sa neuvième manifestation hebdomadaire dans les rues de Dresde (Saxe). Elles étaient 10 000 la semaine précédente et à peine 200 lors du premier rassemblement, le 20 octobre. 

Si, à deux kilomètres de là, les « antinazis » emmenés par les deux co-présidents des Verts, Cem Özdemir et Simone Peter, ont mobilisé environ 6 000 personnes, la dynamique est incontestablement du côté de Pegida. Qu'il n'y ait que 2,1 % d'étrangers en Saxe et seulement 0,1 % de musulmans ne semble gêner personne sur le vaste terrain vague réquisitionné pour l'occasion.

« Pegida crée un peu de désordre »

« Nous venons parce qu'il y a trop de problèmes en Allemagne. Nous avons peur pour l'avenir de nos enfants. D'ailleurs, nous avons dû les mettre à l'école privée », témoigne un jeune couple de commerçants venu de Berlin et drapé dans un drapeau allemand. « Je n'ai rien contre les étrangers. Je suis fonctionnaire à la retraite, mais j'en ai marre de voir les impôts me prendre une partie de ma pension alors que l'argent n'est pas bien dépensé. Et au moins, Pegida crée un peu de désordre dans le système. N'oubliez pas que 50 % des gens ne votent pas aux élections », rappelle un sexagénaire. « Je suis venue pour la paix. C'est pour cela que j'ai une bougie, comme il y a vingt-cinq ans quand je manifestais pour la chute du Mur », explique une petite dame dans un élégant manteau.

Alors que les nombreux jeunes gens au crâne rasé refusent de parler aux journalistes, les pancartes brandies sont explicites : « Stop à l'immigration dans le système social »« Non à la haine, à la violence, au Coran »« Non à un gouvernement va-t-en-guerre »« OTAN, droit d'asile, Europe : un référendum ». Dans le défilé qui clôt la manifestation, deux phrases reviennent en boucle : « La presse ment » et « Nous sommes le peuple », le slogan des opposants à la RDA en 1989.

« AVANT, ON NE DÉFILAIT PAS AVEC LES NÉONAZIS. UN TABOU EST PEUT-ÊTRE EN TRAIN DE TOMBER », OBSERVE LE CHERCHEUR FABIAN VIRCHOW, DE L'UNIVERSITÉ DE DÜSSELDORF

A la tribune, le fondateur de Pegida, Lutz Bachmann et deux jeunes femmes galvanisent la foule, faisant siffler les noms de responsables politiques, se demandant pourquoi « on ne peut pas se dire de droite », ni « être fier de son identité allemande » et expliquent que « ce n'est pas être nazi que de vouloir le respect des lois ». Une affirmation audacieuse dans la bouche de Lutz Bachmann : à 41 ans, cet ancien cuisinier reconverti dans la communication a fui en Afrique du Sud pour échapper à la justice qui l'avait condamné à trois ans et huit mois de prison pour divers délits.

Après son extradition en Allemagne et un séjour de deux ans derrière les barreaux, ce partisan de la « tolérance zéro » pour les immigrés qui commettent des délits s'est fait à nouveau condamner pour détention de 40 grammes de cocaïne et est actuellement en liberté conditionnelle. Les manifestants ne semblent pas se faire d'illusion. Pour eux, l'important est que Lutz Bachmann est celui qui fait le mieux passer le message à Berlin « que ça ne va pas ».

Parties de Dresde, des manifestations de ce type gagnent depuis quelques semaines tout le pays : Düsseldorf, Cologne, Berlin, Wurtzbourg, Cassel, Bonn. Le scénario est souvent le même. Un groupuscule d'extrême droite, souvent un « Pegida » local, appelle à des manifestations contre de nouveaux foyers pour réfugiés et, fait nouveau, les citoyens « ordinaires » sont de plus en plus nombreux à répondre présents. « Avant, on ne défilait pas avec les néonazis. Un tabou est peut-être en train de tomber », observe le chercheur Fabian Virchow, de l'université de Düsseldorf dans la Süddeutsche Zeitung. A Cologne, 5 000 personnes ont répondu le 26 octobre à l'appel des « hooligans contre le salafisme », un succès qui a pris les responsables politiques de court. Le nouveau parti anti-euro, Alternative pour l'Allemagne (AfD), sert de passerelle et soutient ouvertement Pegida, renforçant sa crédibilité.

Parallèlement aux manifestations, on recense de plus en plus d'attaques contre les foyers qui abritent des réfugiés. En neuf mois, la police a recensé 86 tentatives d'incendies ou inscriptions de croix gammées sur les murs contre 58 pour toute l'année 2013 et 24 en 2012.

« Honte pour l'Allemagne »

La société civile se mobilise contre ces manifestations. A Berlin, à Düsseldorf, à Bonn et jusqu'à la semaine dernière à Dresde, les contre-manifestants sont presque toujours plus nombreux que les « pegidistes ». Dans une Allemagne devenue en 2013 le deuxième pays d'immigration de l'Organisation de coopération et de développement économiques après les Etats-Unis, les dirigeants des partis traditionnels s'inquiètent et se divisent.

Angela Merkel a répété lundi 15 décembre qu'il n'y avait pas de place en Allemagne pour « l'incitation à la haine et la calomnie » envers les étrangers. Mais, pour avoir qualifié ces manifestations de « honte pour l'Allemagne », Heiko Maas (Parti social-démocrate), ministre de la justice, a été critiqué par l'Union chrétienne-sociale (CSU, conservatrice) bavaroise. Ce parti lui reproche de « gravement dénigrer des gens qui manifestent pacifiquement pour faire part de leurs soucis ». Il y a dix jours, la CSU a été au centre d'une polémique pour avoir voulu – avant de faire marche arrière – encourager les étrangers à parler allemand, y compris chez eux.

Longtemps peu touchée par la montée de l'extrême droite, l'Allemagne doit maintenant faire face à un cocktail qui pourrait être explosif. Sur fond de croissance économique très faible, l'afflux de réfugiés ou d'immigrants attirés par le « miracle allemand » souligne à la fois la frustration des « laissés-pour-compte » de ce même « miracle » et les difficultés que soulève depuis des années l'intégration des étrangers.

En Allemagne, le patronat prend position dans le débat sur l'immigration Le Monde.fr avec AFP, le 23 décembre 2014 à 15h27

Le président de la Fédération allemande de l'industrie rappelle que l'Allemagne, pays dont la population est vieillissante, a besoin d'une main-d'œuvre qualifiée étrangère.

En 2013, l'Allemagne comptait quelque 7,6 millions d'étrangers sur son sol, sur une population de quelque 81 millions d'habitants, soit un niveau record depuis la mise en place de statistiques. | REUTERS/HANNIBAL HANSCHKE

Alors que le pays connaît une vague de protestation anti-islam, Ulrich Grillo, le président de la Fédération allemande de l'industrie (BDI), qui rassemble plus de cent mille entreprises, employant au total huit millions de salariés, estime, dans un entretien à l'agence de presse allemande DPA que l'Allemagne devait accueillir plus de réfugiés.

« Nous sommes depuis longtemps un pays d'immigration et nous devons le rester. En tant que pays prospère et aussi par amour chrétien de son prochain, notre pays devrait se permettre d'accueillir plus de réfugiés. Je me distancie très clairement des néonazis et des racistes qui se rassemblent à Dresde et ailleurs. Nous devons nous opposer à toutes les formes de xénophobie. »

LA PEUR DES MANIFESTANTS

M. Grillo souligne que l'Allemagne, pays dont la population est vieillissante, a besoin de main-d'œuvre qualifiée étrangère. « En raison de notre évolution démographique, nous assurons de la croissance et de la prospérité avec l'immigration. »

En 2013, l'Allemagne comptait environ 7,6 millions d'étrangers sur son sol, sur une population de 81 millions d'habitants, soit un niveau record depuis la mise en place de statistiques. Le pays, réputé pour sa bonne santé économique actuelle, notamment son faible taux de chômage, est devenu la principale destination d'immigration en Europe.

« Je me distancie très clairement des néo-nazis et des racistes qui se rassemblent à Dresde et ailleurs. Nous devons nous opposer à toutes les formes de xénophobie », a dit Ulrich Grillo.

« Je me distancie très clairement des néo-nazis et des racistes qui se rassemblent à Dresde et ailleurs. Nous devons nous opposer à toutes les formes de xénophobie », a dit Ulrich Grillo. | AFP/ODD ANDERSEN

Pour la chargée des questions d'intégration au sein du gouvernement, Aydan Özoguz, lutter contre le racisme passe par un travail préventif. « Nous devons faire davantage en matière de diffusion du savoir. Cela nécessite certes plus de temps, mais cela a un impact plus durable. » Elle se dit « inquiète »du profil des manifestants :

« Qui ont peur personnellement du déclassement social, qui craignent de devenir des étrangers dans leur pays, en passant par ceux qui ont une haine diffuse à l'égard de l'islam ».

MULTIPLES MANIFESTATIONS CONTRE « L'ISLAMISATION EN ALLEMAGNE »

Depuis plusieurs semaines, des manifestations contre « l'islamisation en Allemagne » se sont multipliées et ont gagné en intensité. A Dresde, le mouvement Pegida, un acronyme pour « Européens patriotes contre l'islamisation de l'Occident », à l'initative des rassemblement, organise ainsi chaque semaine des « manifs du lundi », sur le modèle de celles qui, il y a vingt-cinq ans, ont fait tomber le mur de Berlin.

Lundi 22 décembre, pour leur dixième manifestation d'affilée, les pro-Pegida sont parvenus à réunir quelque 17 500 personnes, 2 500 de plus que la semaine précédente. Au fil des semaines, le mouvement a pris de plus en plus d'ampleur, rassemblant des néonazis et des militants d'extrême droite, mais aussi et surtout de simples citoyens, inquiets face à l'afflux de réfugiés.

Le gouvernement allemand a condamné ces mobilisations, à l'instar de la chancelière conservatrice, Angela Merkel, pour qui il n'y a pas de place en Allemagne « pour l'incitation à la haine et la calomnie ». Diverses contre-manifestations ont également vu le jour. Lundi soir, 12 000 personnes, selon la police, ont ainsi défilé contre Pegida à Munich avec pour mot d'ordre « les réfugiés sont les bienvenus ».

lundi 22 décembre 2014

À Dijon, le conducteur criait «Allah Akbar !» Par Angélique Négroni, Le Figaro 22/12/2014 |

Au lendemain de cette course folle, au cours de laquelle un chauffard de 40 ans a lancé, à plusieurs reprises, son véhicule sur des grappes de passants pour les tuer, la population dijonnaise est sous le choc.

Envoyée spéciale à Dijon

Ce devait être un dimanche soir tranquille à Dijon, où chacun s'apprêtait à rentrer chez soi, après des achats dans des magasins restés exceptionnellement ouverts. Et ce fut, en réalité, près de cinquante minutes de peur et d'horreur.

Au lendemain de cette course folle, au cours de laquelle un chauffard de 40 ans a lancé, à plusieurs reprises, sa Clio noire sur des grappes de passants pour les tuer, la population est sous le choc. À commencer par Abdel, agent de sécurité dans un magasin, qui a assisté à une partie de la scène. Vers 20 heures, quand a débuté cette virée qui se voulait meurtrière, cet homme de 30 ans se trouvait place Wilson, au cœur des quartiers huppés et à deux pas des rues piétonnes de la vieille ville, joyeusement décorées pour les fêtes de Noël.

«Des passants, deux hommes et deux femmes, traversaient la rue en empruntant le passage protégé et c'est alors que le véhicule a accéléré et a foncé sur eux. Le conducteur a même dû monter sur le trottoir pour les percuter et il a ensuite poursuivi sa course», dit-il, encore sidéré par la violence de la scène. Posté à environ 200 mètres, selon lui, Abdel a aussitôt appelé la police et est allé secourir les victimes. «L'une d'elles était particulièrement touchée et avait le visage en sang. Ces agressions font peur», poursuit-il en ne sachant pas comment qualifier le chauffard qui conduisait - comme il l'a su plus tard - vêtu d'une djellaba en criant «Allah akbar!». Un déséquilibré, un fanatique religieux?

Avec prudence d'ailleurs, les Dijonnais analysaient ce lundi matin la portée de ce geste. Avant que la procureure de la ville, lors d'une conférence de presse, mette en avant les graves troubles psychiatriques de l'agresseur, commerçants et habitants, eux-mêmes, évoquaient en priorité un geste de folie, en s'interrogeant ensuite sur le profil intégriste de l'individu. Mais Mohamed, lui, est plus catégorique. Pour lui, ce type d'agressions où l'on mêle la religion porte tort à la population musulmane. Ce dimanche soir, il était d'ailleurs dans son restaurant rue Monge lorsque la Clio noire a fait soudain irruption. «J'ai entendu un bruit violent. J'ai ensuite compris que c'était des passants qui venaient d'être fauchés. J'ai alors vu le véhicule qui était bloqué par un bus monter sur le trottoir et filer à vive allure. Quand il est passé devant mon établissement, j'ai entendu le conducteur qui roulait vitres ouvertes crier "Allah akbar!"», raconte-t-il, désolé et meurtri.

Quant à Nicole, une retraitée de 66 ans, elle se dit effrayée, prise désormais d'une peur qui transforme un geste simple, comme traverser une rue, en épreuve insurmontable. Elle se trouvait, elle aussi, dimanche soir, près de la place Wilson. Seulement elle est arrivée quelques minutes après le drame. «J'ai vu les blessés à terre et j'aurais pu en faire partie», dit-elle, encore secouée par cet épisode «d'une violence extrême», comme l'a ainsi qualifié le ministre de l'Intérieur, venu ce lundi à Dijon au chevet des victimes. Au total, onze personnes ont été blessées, dont certaines grièvement. Mais aucune n'a péri sous les roues de ce déséquilibré qui, pris en chasse par la police, a été arrêté dès dimanche soir. Lors de sa garde à vue, ce dernier n'a pas contesté qu'il souhaitait mener un périple meurtrier. Un dessein terrible au nom, a-t-il dit encore, «des enfants de la Palestine».

La rédaction vous conseille :
 Joué-lès-Tours, Dijon: «L'islamisme radical est devenu le véhicule de tous les déséquilibrés»
 Attaque en voiture: le procureur de Dijon exclut l'acte terroriste

Joué-lès-Tours, Dijon : «L'islamisme radical est devenu le véhicule de tous les déséquilibrés» Par Eugénie Bastié, Le Figaro 22/12/2014

INTERVIEW - C'est en criant «Allah akbar» que, dans le même week-end, un chauffard a fauché 13 personnes, un autre a attaqué un commissariat. Ces affaires sont-elles comparables ? Réponse d'Hugues Moutouh, ex-conseiller au ministère de l'Intérieur et spécialiste du terrorisme.

LE FIGARO. - Ces deux affaires vous paraissent-elles comparables?

Hugues MOUTOUH*. - Le point commun de ces affaires est la figure du loup solitaire, c'est-à-dire de personnes isolées (même si il peut y avoir des complicités), décidant de leur propre chef de commettre un attentat sans en référer à une hiérarchie, et sans être rattachées et financées par une organisation. 

Les affaires récentes (aux États-Unis, à Sydney, en France) montrent une mutation du terrorisme global. On est passé de l'islamo-délinquance à l'islamo-psychiatrie. De plus en plus de ces attaques sont conduites par des individus fragiles psychologiquement, souffrant de défaillances mentales. Ce public fragile est réceptif aux appels au meurtre de l'Etat islamique. 

Est-ce à dire que l'islam n'est qu'un prétexte à la violence?L'islamisme radical est devenu le véhicule de tous les déséquilibrés qui n'attendent qu'un prétexte pour passer à l'acte. Mais attention, cela ne signifie pas qu'il faille réduire le phénomène à une simple dimension psychiatrique. Le terrain favorable est une conjonction de plusieurs facteurs: un milieu propice à la réception d'un discours islamiste radical conjugué à un profil psychiatrique déséquilibré. Les individus doivent être un minimum politisés, sensibles à un discours antisémite ou à l'importation du conflit israélo-palestinien. Mais il faut bien comprendre que l'islam radical n'est pour ces gens qu'une idéologie d'emprunt, un prétexte pour basculer dans la violence. 

Comment a évolué la menace terroriste depuis le 11 septembre?

Ces nouveaux terroristes n'ont rien à voir avec ceux du 11 septembre. Les attentats de 2001, comme ceux de 2004 à Madrid et ceux de 2005 à Londres relevaient de l'action terroriste classique, telle qu'elle s'est développée au XXe siècle. Il s'agissait d'actions planifiées, financées en amont, pratiquées par des hommes entrainés pendant des mois. Ce mode d'action ne différait pas de celui des organisations terroristes séparatistes (ETA..) ou de mouvement politiques (Action directe..). Ensuite, le terrorisme global est entré dans une seconde phase, celle de la régionalisation. Al-Qaida s'est décliné en «franchises» pour commettre ses actions aux quatre coins du monde. Mais, depuis 2005, en Occident, il n'y a eu aucun attentat à la bombe de grande ampleur. On est entré depuis dans une troisième phase, celle des «loups solitaires» (lone wolf en anglais). Leur doctrine a été élaborée dans les années 1990 par le FBI pour désigner aux États-Unis les attaques terroristes des suprémacistes blancs (type Oklahoma City en 1995). Cette stratégie a été reprise très tôt dans les discours islamistes. 

Le loup solitaire est une adaptation du terrorisme à la lutte antiterroriste. L'objectif du loup solitaire est de sortir des radars du contrôle globalisé. Avec le contrôle tous azimuts des flux financiers, il est devenu de plus en plus difficile de faire financer un attentat de grande ampleur par une organisation terroriste. Le recours à l'autofinancement permet d'échapper à la traque. Merah braque une bijouterie quelques jours avant de commettre son attentat: c'est bien plus discret qu'un transfert d'un compte qatari ou saoudien. 

Ces affaires récentes sont-elles comparables à l'affaire Merah? 

Mohamed Merah n'était pas fou, mais l'enquête a révélé qu'il avait le profil d'un tueur en série psychopathe. Dans le cas de l'affaire Merah, on avait affaire à des attentats ciblés, élaborés et planifiés, comme dans le cas de Nemmouche en Belgique. Contrairement à ce semi-professionnalisme, à Joué-lès-Tours et à Dijon, on atteint le paroxysme du loup solitaire: n'importe qui peut attaquer un commissariat ou prendre sa voiture et foncer en criant «Allah akbar». Ces personnes sont totalement imprévisibles, et leurs actions sont impossibles à anticiper. On était bien loin d'imaginer que des déséquilibrés puissent prendre au pied de la lettre les appels de l'Etat islamique. Cela rend possible des vagues de meurtres à répétition. Les forces de l'ordre deviennent des cibles, on peut craindre des enlèvements…

Comment la France peut-elle faire face à cette mutation de l'action terroriste? 

Personne n'est équipé pour répondre à une menace par essence imprévisible et diffuse. Il faut un travail de détection extrêmement précoce, qui exige un débat public sur les moyens que nous voulons mettre en œuvre pour contrer le terrorisme. Aujourd'hui, le travail de détection est assez efficace, mais le suivi l'est beaucoup moins. Il faut 25 personnes pour surveiller un individu 24 heures sur 24. La question est celle de l'internement préventif des individus dangereux. Sommes-nous prêts à renoncer à une partie de nos libertés individuelles pour assurer l'ordre public? Ce sera tout le débat des années à venir. Mais de toute façon, la réponse policière, si elle est indispensable, ne sera pas suffisante. La lutte contre le terrorisme est aussi un enjeu social. 

* Hugues Moutouh a été conseiller spécial du ministre de l'Intérieur. Il est désormais avocat. Il est l'auteur de 168 heures chrono: la traque de Mohamed Merah.


La rédaction vous conseille :
 Attaque au commissariat de Joué-lès-Tours: la piste terroriste privilégiée
 Les forces de l'ordre invitées à la vigilance après l'attaque de Joué-lès-Tours

dimanche 21 décembre 2014

Un déséquilibré renverse une dizaine de piétons à Dijon Le Monde.fr avec AFP, le 22 décembre 2014 à 00h18

Selon une source proche de l'enquête, l'homme, qui aurait crié « Allah Akbar » lors de son acte, serait « suivi en hôpital psychiatrique ».

Un automobiliste, probablement déséquilibré, a volontairement fauché une dizaine de piétons, dans la soirée du dimanche 21 décembre à Dijon. Il a blessé onze personnes dont deux gravement avant d'être arrêté, selon une source proche de l'enquête. Interpellé au terme d'une course-poursuite, il a été placé en garde à vue.

Selon cette source, qui s'est confiée à l'Agence France-Presse (AFP), « l'homme, né en 1974, présente le profil d'un déséquilibré et serait suivi en hôpital psychiatrique ». Il est connu de la police pour des faits de droit commun remontant aux années 1990. « Pour l'heure ses revendications semblent encore floues », selon la source de l'AFP.

Vers 20 heures, dans le centre-ville, il a foncé à cinq endroits différents sur des passants au volant d'une Clio. Selon les témoignages recueillis par la police, « l'homme a crié "Allah Akbar" [« Dieu est le plus grand » en arabe] et a dit avoir agi pour les enfants de Palestine ».

Seules les investigations de la justice « pourront déterminer les motivations exactes de cet acte », a estimé la place Beauvau, précisant que le ministre de l'intérieur, Bernard Cazeneuve, se rendrait lundi à Dijon. Le premier ministre, Manuel Valls, a exprimé dimanche soir sa « solidarité à l'égard des victimes » et son « soutien aux familles ».


Cette agression survient au lendemain de l'attaque du commissariat de Joué-les-Tours(Indre-et-Loire), où l'assaillant avait agressé des policiers en criant « Allah Akbar ». Dimanche soir sur TF1, M. Cazeneuve, a estimé que l'agresseur de Joué-lès-Tours, qui s'était converti à l'islam, semblait « à la fois très mystérieux et très déstabilisé ».

vendredi 19 décembre 2014

i-Télé met fin à sa collaboration mour

Par Alexandre Piquard, Le Monde 

A la suite d'une interview dans le « Corriere della Sera », dans laquelle il critique les musulmans, la chaîne a décidé de mettre fin à « Ça se dispute ».

L'émission « Ça se dispute » ne sera pas diffusée vendredi 19 décembre, et elle ne reprendra pas. La décision a été prise par la direction d'i-Télé au terme d'une semaine d'une polémique à propos de l'interview donnée au Corriere della Sera dans laquelle Eric Zemmour critique les musulmans. Le chroniqueur intervenait dans cette émission hebdomadaire de débat depuis une dizaine d'années, et était opposé cette saison au journaliste Nicolas Domenach.

« Nous avons perçu du trouble et de la colère autour des propos d'Eric Zemmour, mais nous n'avons pas voulu agir dans la précipitation, pour ne pas qu'on puisse dire que nous avons été manipulés ou instrumentalisés », a expliqué au Monde la directrice de la rédaction, Céline Pigalle. Ces derniers jours, la société des journalistes d'i-Télé a relayé en interne l'indignation de membres de la rédaction, demandant à la direction de s'exprimer devant la rédaction.

L'entretien d'Eric Zemmour au quotidien italienparu le 30 octobre, a fait polémique en France après que le coprésident du Parti de gauche Jean-Luc Mélenchon l'eut épinglé sur son blog dans une note du 15 décembre intitulée « Zemmour se lâche en Italie : déporter cinq millions de musulmans ? Ça peut se voir ! » Mais le chroniqueur-journaliste-auteur-idéologue n'y prononce pas lui-même le mot de « déportation », comme l'a plus tard expliqué à Figaro Vox le journaliste qui a réalisé l'entretien.Sur RTL, jeudi, Eric Zemmour a donc dénoncé une « manipulation fantastique ». 

« Le dialogue est devenu de plus en plus difficile »

« Nous avons vu le journaliste du Corriere della Sera, puis nous avons sollicité et filmé un entretien avec Eric Zemmour, pour qu'il puisse exposer ses arguments. Mais les réponses qu'il a apportées n'ont pas dissipé le trouble », raconte Mme Pigalle.L'entretien, un temps prévu pour être diffusé vendredi soir à la place de « Ça se dispute », ne le sera pas, par souci de« cohérence ».

« Nous sommes très soucieux de respecter la liberté d'expression. Et nous avons défendu celle d'Eric [Zemmour] pendant plus de dix ans, pour que ses idées soient prises en compte, contredites et débattues. Mais aujourd'hui, on a l'impression que c'est lui qui fixe les règles et de quoi on parle. On a de moins en moins le sentiment qu'on peut débattre. Le dialogue est devenu de plus en plus difficile, voire impossible. On a l'impression qu'il se parle à lui-même et à son public », explique Céline Pigalle, rappelant que « Ça se dispute » était une émission de débat.

Le FN dénonce une « censure »

La chaîne est consciente du risque de donner à Eric Zemmour l'occasion de se poser en victime ou comme frappé par la censure. « On a tout fait pour aller jusqu'au bout, en écoutant Eric [Zemmour], mais là, on était au bout », explique Mme Pigalle, selon qui i-Télé doit être la « chaîne du monde ouvert »« On prend nos responsabilités. »

Eric Zemmour peut compter sur le soutien des élus du Front national. Sitôt l'annonce de l'annulation de l'émission du polémiste par i-Télé, la présidente du parti, Marine Le Pen, a dénoncé sur Twitter une « censure » tandis que Louis Aliot « ray[ait] i-Télé de [s]es sources d'information » en raison de cette « atteinte au pluralisme des idées ».

mercredi 17 décembre 2014

Muhammad ou George : bataille de prénoms en Grande-Bretagne Par Philippe Bernard, Le Monde le 17 décembre 2014

Un sondage du « Daily Mail » prétend que le prénom Muhammad serait en train de détrôner les tradionnels George, Oliver ou Jack. La polémique est ouverte.
"Damned !", entre 2013 et 2014, les prénoms George (celui du "royal baby", dernier-né des Windsor), Oliver ou Jack seraient délaissés au Royaume-Uni au profit de Muhammad, selon un sondage du Daily Mail, qui fait polémique.

"Damned !", entre 2013 et 2014, les prénoms George (celui du "royal baby", dernier-né des Windsor), Oliver ou Jack seraient délaissés au Royaume-Uni au profit de Muhammad, selon un sondage du Daily Mail, qui fait polémique. | LEON NEAL/AFP

Lettre de Londres.Périodiquement, la même information fait trembler le Royaume-Uni : Muhammad y serait le prénom le plus couramment donné aux nouveau-nés de sexe masculin. Le tabloïd Daily Mail s'en est à nouveau ému, début décembre, pointant « une énorme poussée dans les prénoms arabes » au détriment des classiques Oliver ou Jack. Entre 2013 et 2014, le nom du Prophète a gagné vingt-sept places au classement des prénoms les plus choisis par les parents, tandis que Omar, Ali et Ibrahim faisaient leur entrée au « top 100 ».

L'article avait beau être illustré par deux petits pieds de nourrisson se tortillant dans une couverture de laine, le message était clairement alarmant. L'information, selon ­laquelle les parents britanniques boudaient George, pourtant choisi pour baptiser le royal baby, était traitée bien plus succinctement. De même, l'engouement pour les ­prénoms Emilia et Daenerys, actrice et héroïne de la ­série « Game of Thrones », était jugé bien moins significatif que ce nouveau signe ­prétendu d'islamisation de la société britannique.

« L'Angleterre est fichue »

Les lecteurs du Mail ne s'y sont d'ailleurs pas trompés. « Ils sont seulement 4 % de la population, et Muhammad est tout de même le prénom le plus populaire : l'Angleterre est fichue ! », a commenté l'un d'eux. « C'est une honte que notre gouvernement laisse faire », s'est étranglé un autre, avant que le journal ne ferme un forum en plein dérapage.

Certains journaux ont dénoncé une « manipulation » : le classement plaçant en tête Muhammad résultant d'un simple sondage effectué parmi 56 000 parents volontaires par le site Babycentre, consacré à l'information sur la naissance et la petite enfance.

Les dernières statistiques de l'état civil pour 2013, les seules à donner une vue exhaustive, relèguent le nom du Prophète au 15e rang en Angleterre et au 52e en Ecosse. Elles placent Oliver, Jack et Harry largement en tête, avec chacun moins de 2 % du total. En fait, si Muhammad perce relativement (0,5 % en 2013), c'est d'abord en raison de la coutume, de plus en plus en vogue, consistant à donner à tout fils aîné le prénom de Muhammad, en Grande-Bretagne comme dans tout le monde musulman.

Mais le débat n'était pas clos pour autant : pour justifier son titre accrocheur, le Daily Mailavait agrégé toutes les transcriptions de l'arabe pour Mohamed, depuis Muhammad jusqu'à Mohammed, alors que le recensement les comptabilise comme s'il s'agissait de prénoms différents. Certains n'ont pas manqué d'y voir une volonté maligne de masquer un phénomène sensible. Un porte-parole du Centre arabe de Grande-Bretagne a jugé cette dissociation « injuste ».

D'autres ont fait remarquer que l'on pouvait aussi obtenir des résultats différents en confondant Oliver avec sa variante Ollie ou Harry avec Henry. L'intérêt de cette discussion dépasse évidemment la conversation sans fin sur le charme de tel ou tel prénom ou les modes en la matière. Quel poids a l'islam au Royaume-Uni ? Telle est la question à peine masquée derrière la bataille d'Oliver contre Muhammad.

« La religion, source de préjugés »

La montée de ce dernier prénom est souvent interprétée comme le signe le plus tangible d'une préoccupante évolution démographique. Selon le recensement de 2011, qui comportait une question sur la religion (à laquelle 7 % des personnes ont choisi de ne pas répondre), l'Angleterre et le pays de Galles comptent 4,8 % de musulmans, mais cette proportion s'élève à 9,1 % parmi les 0-5 ans.

Ce dynamisme démographique est tempéré par un biais statistique : 34 % des enfants de moins de 5 ans ont été déclarés « sans religion » par leurs parents, renforçant le poids relatif des autres. Selon les projections de l'institut Pew, la présence musulmane au Royaume-Uni devrait se renforcer relativement à l'avenir pour atteindre 8 % de la population en 2030.

L'affaire des prénoms renvoie aussi à l'analyse de Nabil Khattab, sociologue à l'université de Bristol, selon laquelle « la religion est davantage source de préjugés que la couleur de la peau ». Les musulmans, « perçus comme déloyaux et menaçants », sont aujourd'hui, dans la société britannique, les premières victimes de discrimination pour l'accès à l'emploi, a-t-il établi. Quant aux agressions islamophobes, elles connaissent une recrudescence depuis l'assassinat en plein Londres, par deux islamistes, du soldat Lee Rigby en 2013.

Mais la « crise de l'identité britannique », thème récurrent dans le débat public actuel, est loin de se limiter à la place de l'islam. Le référendum sur l'Ecosse a largement alimenté l'inquiétude ; l'avenir du lien avec l'Union européenne, en permanente discussion en attendant un éventuel référendum, questionne aussi la britishness à laquelle Muhammad et Mohamed sont appelés à contribuer.

dimanche 14 décembre 2014

ANALYSE François Hollande va-t-il infléchir le pragmatisme de la gauche sur l’immigration ? Par Maryline Baumard, Le Monde le 14 décembre 2014 à 19h45

Lundi 15 décembre après-midi, le chef d'Etat prononcera son premier discours du quinquennat sur l'immigration. François Hollande a donné rendez-vous aux associations au Musée de l'histoire de l'immigration, dans le Palais de la Porte Dorée, à Paris. Le même jour, le Collectif Livre noir manifestera contre le traitement réservé par la France aux étrangers. C'est à l'aube que les défenseurs du droit des étrangers ont prévu de se retrouver, devant la préfecture de Bobigny.

Le nombre de rendez-vous quotidiens est tellement réduit à la préfecture de Seine-Saint-Denis que les étrangers dorment sur place pour espérer être reçus. Pourtant, le gouvernement Valls a donné des consignes aux préfectures, fait faire un audit sur l'accueil des étrangers… sans empêcher qu'ici ou là les vieilles habitudes affleurent à nouveau, ramenant certains lieux à « un fonctionnement pas si éloigné de l'ère Sarkozy », comme le dénoncent certains avocats. A la limite près, tout de même, que plus aucun migrant venu demander un titre de séjour ne repart encadré par des policiers comme c'était le cas sous la mandature précédente.

La politique menée par la gauche depuis 2012 se caractérise par cette réalité de terrain mitigée : un petit mieux, qui ne ressemble pas à un vrai changement. Le gouvernement veut apparaître plus humain que la droite au pouvoir entre 2007 et 2012, mais est terrorisé par l'idée qu'on puisse le qualifier de laxiste sur ce sujet qui hystérise le pays. Tout ce qui s'est passé depuis mai 2012 est gravé du sceau de cette extrême prudence, qui fait pencher successivement les actes d'un côté puis de l'autre.

Lire le décryptage : Sept idées reçues sur l'immigration et les immigrés

Ambiguïté du positionnement gouvernemental.

L'affaire Leonarda, en octobre 2013, illustre bien toute l'ambiguïté du positionnement gouvernemental. Oui, la loi a bien été respectée, mais Leonarda Dibrani, adolescente renvoyée avec sa famille au Kosovo, s'est ensuite vue proposer de revenir seule en France, par le chef de l'Etat en personne.

Quelques mois auparavant, Manuel Valls, alors ministre de l'intérieur, avait précisé que« les Roms qui vivent en campement refusent de s'intégrer et ont vocation à revenir en Roumanie ou en Bulgarie ». C'est le même homme qui avait abrogé la circulaire Guéant qui restreignait la possibilité de travailler en France pour les étudiants étrangers diplômés. Le même aussi qui avait promulgué la circulaire du 28 novembre 2012 donnant droit à des titres de séjours à certains parents d'enfants scolarisés en France ; avait même discuté avec les associations à l'été 2012 un texte promettant la fin des évacuations de camps de Roms.

On peut attribuer la gêne du gouvernement au clivage qui divise ses deux ailes, droite et gauche. Reste que la frilosité du chef de l'Etat sur le sujet a aussi des répercutions évidentes sur la politique menée.

Dans son programme de campagne, en 2012, François Hollande avait inscrit la promesse d'autoriser le droit de vote aux étrangers pour les élections locales, et de mettre fin à la présence d'enfants en centres de rétention. L'« oubli » de la proposition 50 sur le vote, doublé de l'absence durant trente et un mois d'un discours assumé sur l'immigration ont terriblement déçu le milieu associatif. D'autant que la loi sur l'asile a été repoussée de mois en mois, tout comme celle plus générale sur l'immigration.

Lire le décryptage : La France connaît-elle vraiment une vague d'immigration clandestine ?

Lois asile et immigration

Cette fois, les choses redémarrent. La loi sur l'asile vient de passer en première lecture à l'Assemblée nationale, et la loi immigration est attendue au printemps 2015. La première devrait permettre un traitement plus digne (à condition que les moyens suivent) aux candidats au statut de réfugié en France, sans pour autant accroître le nombre de titres délivrés au nom du droit d'asile.

La seconde fait déjà grincer des dents, avant même sa discussion. L'octroi du titre de séjour restera tout aussi restrictif – il a concerné moins de 12 000 personnes en 2013. Certes, des titres de séjours pluriannuels, de trois ou quatre ans, vont voir le jour, mais, la carte de résident de dix ans, qui avait été créée en 1984 sous François Mitterrand pour permettre l'intégration des immigrés, n'est pratiquement plus délivrée et ne fera pas son retour à cette occasion. C'est pourtant ce qu'attendaient certaines associations de la part d'un gouvernement de gauche. En 2013, à peine 17 000 cartes ont été accordées, contre 40 000 vingt ans avant.

Toute la politique du gouvernement tient dans cette retenue. A l'heure où la lutte contre l'immigration clandestine est jugée tout à fait importante par un français sur deux (sondage IFOP d'avril), le ministre de l'intérieur, Bernard Cazeneuve, préfère communiquer sur les renvois de clandestins et le démantèlement de filières plutôt que d'appliquer une politique en ligne avec toutes les pétitions que la gauche a pu signer durant son séjour dans l'opposition.

La gauche au pouvoir essaie, sur ce sujet comme sur d'autres, l'exercice périlleux de tenir en équilibre dans une position de grand écart entre ses fondamentaux et le pragmatisme de ce qu'elle estime être la gestion des affaires.

Regarder la vidéo : Droit d'asile : comprendre les enjeux de la réforme

 


samedi 13 décembre 2014

A Lunel, embarras et déni après la mort en Syrie de cinq djihadistes Par Romain Geoffroy, Le Monde le 13 décembre 2014

Les habitants de Lunel (Hérault), une ville de 26 000 habitants aux allures de gros village, aimeraient ne pas parler du djihad. Pourtant dans la commune, beaucoup de jeunes ont connu Hamza et Karim – leur nom de famille n'a pas été communiqué. Le premier était le fils de l'ancien président de l'Union des musulmans de Lunel, il avait 19 ans. Karim, lui, était plus âgé, il tenait « Le Bahut », un bar à chicha fréquenté par des adolescents du fait de sa proximité avec le collège et le lycée du sud de la ville. L'homme de 28 ans serait l'un des premiers Lunellois à être partis en Syrie, en 2013, à Rakka puis à Deir Ez Zor. Plusieurs jeunes de la commune suivront le même chemin.

Une triste réalité est venue se rappeler aux habitants de la ville quand Le Midi libre a annoncé, mardi 9 décembre au soir, la mort de Karim et Hamza, deux Lunellois partis faire le djihad en Syrie. Ces morts s'ajoutent à celles, survenues fin octobre, de trois djihadistes lunellois lors d'un bombardement de l'armée syrienne. Dans cette même ville, ils seraient au total une dizaine à être ainsi partis pour combattre en Syrie. Une enquête judiciaire est actuellement en cours. La police cherche à établir si ces départs sont liés à l'existence d'une filière djihadiste organisée entre Nîmes et Montpellier.

Lire aussi : « Plus de 80 % des victimes du djihadisme sont des musulmans »

Près du bar à chicha aujourd'hui fermé, des jeunes viennent s'installer aux snacks qui bordent la route départementale. Medine et Yacine viennent du quartier de l'Abrivado, dont au moins quatre djihadistes partis en Syrie étaient originaires. Un quartier du sud-ouest de la ville plutôt agréable, qui allie verdure et immeubles ne dépassant pas les cinq étages. Ils connaissaient Karim, avaient joué au foot ensemble, un« mec normal » qui « aimait voyager » et n'avait « jamais évoqué publiquement ses intentions », assurent-ils. Tous deux ont 20 ans, l'un est encore au lycée, l'autre est à la recherche d'un emploi, comme 20 % des moins de 25 ans à Lunel.

« Profond sentiment d'injustice »

Après l'annonce des trois morts fin octobre, les caméras de toutes les télévisions s'étaient braquées sur la ville de l'Hérault. Une histoire qui s'est répétée avec la mort de Karim et Hamza et qui pousse les habitants de Lunel et les institutions locales à se retrancher dans le silence.

La mairie s'est contentée de publier un communiqué mardi soir. « Les Lunellois vivent à juste titre comme un profond sentiment d'injustice le fait que leur ville soit ainsi stigmatisée », tente de justifier Claude Arnaud, maire (divers droite) de la ville depuis 2001.

Face à ces radicalisations, la mairie, la préfecture et la mosquée se renvoient la balle. M. Arnaud demande aux services de l'Etat « d'agir au mieux et au plus vite ». Du côté de la préfecture, on assure avoir mis en oeuvre plusieurs moyens, en plus du classement de la ville en zone de sécurité prioritaire (ZSP) pour répondre à une montée de la délinquance en 2011.

Silence de la mairie et des institutions religieuses

Fin octobre, l'équipe municipale et le directeur de cabinet du préfet, Frédéric Loiseau, se sont réunis pour évoquer le problème du djihad.« On a l'impression que le maire est dans l'attente d'une intervention de l'Etat alors que la solution à ces problèmes se trouvera dans la cogestion, explique-t-on à la préfecture.Une enquête judiciaire est en cours, mais la prévention, c'est à la mairie de la mettre en pratique. »

Dans les rues étroites autour de la place des Martyrs de la Résistance, des commerçants s'interrogent sur ce qui a conduit une dizaine de« gosses » à rejoindre un pays en guerre. Philippe Moissonnier, conseiller municipal socialiste, a connu deux des jeunes partis faire le djihad. Il déplore de ne pas avoir vu ce qui se passait plus tôt. Il est aussi l'un des rares élus à être sorti du mutisme dans lequel sont cloitrés les Lunellois, pensant que ce silence « ne ferait pas avancer la situation ».

« Quand on a appris les premières morts en octobre, il y a eu un silence de la part de la mairie et des institutions religieuses, parce que des deux côtés ils ont eu peur d'être stigmatisés. Peur que l'on pointe du doigt Lunel comme une ville de djihadistes et peur que l'on face l'amalgame avec la communauté musulmane ».

« Cas isolés »

Les représentants des musulmans, incarnés essentiellement par l'Union des musulmans de Lunel, l'association qui gère la mosquée inaugurée en 2010 dans une zone commerciale au nord-est de la ville, sont eux aussi longtemps restés muets face à la radicalisation de quelques-uns. Le maire, dans son communiqué, a souhaité qu'ils « s'expriment clairement pour condamner fermement ces départs », et évoqué une rencontre prochaine.

Cette condamnation, les responsables de la mosquée s'y refusent, considérant cette dizaine de djihadistes comme« des cas isolés »« Sur les 6 000 musulmans de Lunel, on nous parle d'une dizaine de départs, ça représente une infime minorité », s'indigne Lahoucine Goumri, président de l'association.

Pour lui, la mosquée n'est pas responsable de la radicalisation de ces jeunes. Il refuse également d'agir sur le terrain de la prévention, et semble étonné de la demande de la mairie. « Qui réclamerait à une synagogue de rendre des comptes sur des franco-israéliens partis servir dans l'armée israélienne lors de la dernière guerre à Gaza ? Et il faudrait que nous nous excusions ? », explique-t-il.

Dans une ville où vit une importante population d'origine maghrébine, mais qui a aussi vu le Front national arriver deuxième aux dernières élections municipales, tous se regardent en chiens de faïence, rejetant sur l'autre la responsabilité d'une dérive que personne n'a su pressentir. Les Lunellois craignent surtout l'annonce de nouvelles morts, qui relancerait les débats et les interrogations. Et ternirait un peu plus l'image de la ville.

mercredi 10 décembre 2014

Propos sur la torture : « La gégène est dans les gènes des Le Pen » Le Monde.fr avec AFP, le 10 décembre 2014 à 16h45 Les déclarations de la présidente du Front national sur la torture ont suscité des réactions indignées au sein de la classe politique. Marine le Pen sur la torture : « Il est utile de faire parler la personne » Durée : 00:37 Images : Reuters / BFMTV Les propos de la présidente du Front national sur la torture ont suscité de vives réactions, mercredi 10 décembre. Interrogée par BFM-TV et RMC sur le rapport américain détaillant les sévices infligés par la CIA à des personnes suspectées de terrorisme, Marine Le Pen a notamment déclaré : « Moi, je ne condamne pas (…) Sur ces sujets-là, il est assez facile de venir sur un plateau de télévision pour dire : “Ouh la la ! C'est mal”. » Peu après son interview, Marine Le Pen a récusé avoir défendu le recours à la torture, dénonçant une « interprétation malveillante » de ses déclarations. Mais, malgré ce démenti, les réponses se sont multipliées au sein de la classe politique. POUR APPROFONDIR Lire l'analyse : Les propos de Marine Le Pen sur la torture, dans la lignée de son père « UN RETOUR SUR LES FONDEMENTS DE LA RÉPUBLIQUE » Dans l'après-midi, le député radical de gauche Alain Tourret a qualifié ces propos de « scandale absolu » et a demandé à la ministre de la justice d'engager des poursuites à l'encontre. « C'est un retour sur les fondements mêmes de la République », a lancé M. Tourret, avocat de profession. « C'est la première fois depuis la guerre d'Algérie qu'un responsable politique s'exprime ainsi. » Le Parti socialiste a vu de la « désinvolture » et de la « légèreté » dans les déclarations de Marine Le Pen. Le chef de file des députés socialistes, Bruno Le Roux, a estimé que cette dernière avait « réagi avec ce qu'elle est. La gégène est dans les gènes des Le Pen. Pour elle, c'est très très normal ». Avant d'ajouter : « Quand on est dans un parti qui fonctionne sur la préférence familiale, il y a une politique qui se fait de façon génétique. » COLLARD DÉFEND LA TORTURE COMME « RECOURS ULTIME » POUR « SAUVER DES VIES » Malgré le démenti de la présidente du FN, le député frontiste Gilbert Collard interrogé sur i-Télé a cautionné ce type de sévices dans certaines situations. « C'est vrai que la torture doit être le recours ultime quand il faut sauver des vies, la torture pour la torture, c'est ignoble, mais cette espèce de lâcheté qui consiste à dire : “Tant pis que les innocents meurent pourvu que j'ai les mains propres…” », a lancé l'avocat. « Si pour sauver vingt, ou dix, ou deux ou une vie, je dois malmener un tortionnaire, je le fais, je le fais avec dégoût, mais ces choix sont absolument courageux », a-t-il soutenu : « On ne peut pas être pour la torture. La seule chose qu'on peut dire, c'est qu'à un moment, on a un problème de choix : on laisse mourir des innocents, ou on fait tout ce qu'on peut pour savoir où est la bombe. » Le Monde.fr avec AFP, le 10 décembre 2014 à 16h45

Les déclarations de la présidente du Front national sur la torture ont suscité des réactions indignées au sein de la classe politique.

Marine le Pen sur la torture : « Il est utile de faire parler la personne » 
Durée : 00:37 
Images : Reuters / BFMTV

Les propos de la présidente du Front national sur la tortureont suscité de vives réactions, mercredi 10 décembre. Interrogée par BFM-TV et RMC sur le rapport américaindétaillant les sévices infligés par la CIA à des personnes suspectées de terrorisme, Marine Le Pen a notamment déclaré :

« Moi, je ne condamne pas (…) Sur ces sujets-là, il est assez facile de venir sur un plateau de télévision pour dire : "Ouh la la ! C'est mal". »

Peu après son interview, Marine Le Pen a récusé avoir défendu le recours à la torture, dénonçant une « interprétation malveillante » de ses déclarations. Mais, malgré ce démenti, les réponses se sont multipliées au sein de la classe politique. 

« UN RETOUR SUR LES FONDEMENTS DE LA RÉPUBLIQUE »

Dans l'après-midi, le député radical de gauche Alain Tourret a qualifié ces propos de« scandale absolu » et a demandé à la ministre de la justice d'engager des poursuites à l'encontre. « C'est un retour sur les fondements mêmes de la République », a lancé M. Tourret, avocat de profession.

« C'est la première fois depuis la guerre d'Algériequ'un responsable politique s'exprime ainsi. »

Le Parti socialiste a vu de la« désinvolture » et de la« légèreté » dans les déclarations de Marine Le Pen. Le chef de file des députés socialistes, Bruno Le Roux, a estimé que cette dernière avait« réagi avec ce qu'elle est. La gégène est dans les gènes des Le Pen. Pour elle, c'est très très normal ». Avant d'ajouter : « Quand on est dans un parti qui fonctionne sur la préférence familiale, il y a une politique qui se fait de façon génétique. »

COLLARD DÉFEND LA TORTURE COMME « RECOURS ULTIME » POUR « SAUVER DES VIES »

Malgré le démenti de la présidente du FN, le député frontiste Gilbert Collard interrogé sur i-Télé a cautionné ce type de sévices dans certaines situations.

« C'est vrai que la torture doit être le recours ultime quand il faut sauver des vies, la torture pour la torture, c'est ignoble, mais cette espèce de lâcheté qui consiste à dire : "Tant pis que les innocents meurent pourvu que j'ai les mains propres…" », a lancé l'avocat.

« Si pour sauver vingt, ou dix, ou deux ou une vie, je dois malmener un tortionnaire, je le fais, je le fais avec dégoût, mais ces choix sont absolument courageux », a-t-il soutenu :

« On ne peut pas être pour la torture. La seule chose qu'on peut dire, c'est qu'à un moment, on a un problème de choix : on laisse mourir des innocents, ou on fait tout ce qu'on peut pour savoir où est la bombe. »