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mercredi 31 octobre 2012

Avec l'expulsion d'un imam, Valls prône la fermeté contre l'islam radical 31.10.12 | 21:01 | Le Monde.fr avec AFP

Manuel Valls, le 31 octobre à Paris. AFP/MIGUEL MEDINA

L'imam tunisien Mohammed Hammami, accusé d'appel au"djihad violent" et à la violence contre les femmes, ainsi que d'antisémitisme, a été expulsé de France mercredi 31 octobre, a annoncé le ministère de l'intérieur. La demande d'expulsion avait été faite par l'ancien ministre de l'intérieur Claude Guéant, dès le début de l'année 2012, puis finalement repoussée après l'élection présidentielle

"Nous avons décidé d'être intransigeants à l'égard de tous ceux qui profèrent des discours de haine à l'égard de la République et de nos valeurs et de procéder à l'expulsion de responsables, de militants religieux qui prônent un islam radical", a déclaré M. Valls à la presse. "Il ne peut pas y avoir de place dans la République, dans notre pays pour ces discours qui salissent l'islam de France, deuxième religion de notre pays qui a toute sa place dans notre pays", a-t-il insisté.

"PROVOCATIONS DÉLIBÉRÉES, RÉPÉTÉES ET INACCEPTABLES"

L'imam Hammami, 77 ans, installé en France depuis plusieurs décennies, était le responsable religieux de la mosquée Omar, située dans le 11e arrondissement de Paris, où selon des témoins il officiait ce vendredi pour l'aïd el-khebir. Il était une figure connue de l'association Foi et pratique, liée au mouvement piétiste missionnaire du Tabligh.

Il a été arrêté devant son domicile, à Savigny-le-Temple (Seine-et-Marne) par la police aux frontières (PAF), puis expulsé par avion pour Tunis, a-t-on appris au ministère de l'intérieur. "En application d'un arrêté du 8 octobre 2012, précise le ministère dans son communiqué, l'imam Mohamed Hammami a été éloigné vers la Tunisie, pays dont il est ressortissant", à la suite de"provocations, délibérées, répétées et inacceptables à la discrimination et à la violence".

"UNE SITUATION PARTICULIÈREMENT TENDUE"

Selon M. Valls, les propos de l'imam, "marqués par l'antisémitisme, l'appel au djihad et un discours dégradant à l'égard de la femme (...) étaient inacceptables". Il a précisé que l'imam "a[vait] déjà fait l'objet de mesures de surveillance, voire de mesures d'expulsion". Il "était connu et ma responsabilité et celle du gouvernement, c'est d'agir".

M. Valls a évoqué Mohammed Merah et le coup de filet contre une cellule islamiste soupçonnée d'une attaque antisémite à Sarcelles,"particulièrement dangereuse""Je vous rappelle que sans doute dans un certain nombre de nos quartiers, plusieurs dizaines d'individus qui sont dans ce processus de radicalisation, parfois à travers un passage en prison ou à travers Internet ou par la fréquentation de mosquées ou de centres religieux qui ne respectent pas nos valeurs, peuvent succomber au radicalisme et demain agir sur notre sol", a-t-il insisté. "Tout ça amène une situation particulièrement tendue qui nécessite une réponse très claire, très nette, de la République et de l'Etat", a déclaré le ministre de l'intérieur.

mardi 30 octobre 2012

L’acquisition de la nationalité française : ce qui va changer







(Alwihda) Fayçal Megherbi, avocat au Barreau de Paris - 29 Octobre 2012 modifié le 29 Octobre 2012 - 11:12


Par Fayçal Megherbi, avocat au Barreau de Paris 
E-mail : cabinetavocatfm@gmail.com 

Les deux circulaires du 16 octobre 2012 revoient les conditions d'acquisition de la nationalité française. Ces dernières annoncent des principes « transparents et justes » pour les étudiants, les diplômés, les travailleurs ainsi que les jeunes étrangers de moins de 25 ans. 

Les deux circulaires du ministre de l'intérieur français, Manuel Valls, sur l'acquisition de la nationalité française ont finalement été publiées, ce 18 octobre 2012. La circulaire n° NORINTK1207286C présente la procédure d'accès à la nationalité française. Elle clarifie « plusieurs des critères pris en compte dans l'examen des demandes d'accès à la nationalité française, portant en particulier sur l' insertion professionnelle et sur la régularité du séjour du postulant. Elle apporte des précisions sur la façon de mesurer la connaissance de l'histoire, de la culture et de la société françaises. » 

La circulaire n° NORINTV1234497C précise « les modalités d'application des dispositions de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité en ce qu'elles concernent la signature et la remise de la charte des droits et devoirs du citoyen français. » 

Elles établissent de nouveaux critères pour l'attribution de la nationalité française qui doivent être « plus transparents et justes ». L'objectif visé dans ce nouveau texte est d'éviter de léser des « personnes méritantes » à l'acquisition de la nationalité française. 

Ces deux circulaires ambitionnent à rouvrir plus largement l'accès à la nationalité française. Il s'agit pour le gouvernement de revenir sur « la très forte inflexion du nombre de naturalisations qui avait été mise en œuvre par l'ancienne majorité depuis 2010: entre 30 % à 45 % de moins. » 

Les travailleurs : 
A cette fin, l'appréciation de l'insertion professionnelle a été corrigée. La nouvelle circulaire revoit les critères liés au travail, responsables d'environ 40% des refus de naturalisations. 
La circulaire NORINTK1207286C stipule que « si l'insertion professionnelle constitue une condition essentielle de l'assimilation, elle ne saurait, dans un contexte de crise économique et sociale qui frappe un grand nombre de citoyens, écarter systématiquement de la naturalisation des personnes victimes d'une situation de l'emploi difficile, d'une période de non emploi ou d'un défaut de formation préalable. » 
La nature du contrat de travail (CDD, contrat d'intérim) ne devrait plus constituer un motif en soi pour ajourner ou rejeter la demande de naturalisation, « dès lors que l'activité permet de disposer de ressources suffisantes et stables ». 
L'administration doit apprécier l'ensemble du parcours professionnel du candidat. 

Les étudiants : 
La circulaire demande aussi aux préfets de se montrer plus souples sur les dossiers des étudiants étrangers, systématiquement, retoqués pour « manque de ressources ». 

La circulaire affirme qu'« il ne doit plus être considéré que la nature du titre de séjour « étudiant » conduit automatiquement à une décision défavorable. » 

Les jeunes de moins de 25 ans qui demandent la naturalisation : 
Dans l'examen des demandes d'acquisition de la nationalité française, la circulaire intègre la notion de la « présomption d'assimilation au bénéfice des jeunes de moins de 25 ans ». Deux conditions sont exigées pour l'appréciation de ce principe : résidence en France depuis au moins de 10 ans et y ayant suivi une scolarité continue d'au moins 5 ans. 

La circulaire incite les préfets à une meilleure prise en compte des potentiels des jeunes diplômés, des étudiants et professionnels de haut niveau et des titulaires d'un diplôme de médecine étranger. 

Elle dispense les personnes de plus de 65 ans de la production d'une attestation de maîtrise de la langue française délivrée par un organisme certificateur ou un organisme de formation labellisé « Français langue d'intégration ». Le niveau de connaissance de la langue française sera apprécié lors de l'entretien d'assimilation. 

Par contre, elle prévoit une évaluation de la connaissance de l'histoire, de la culture et de la société françaises et de l'adhésion aux principes et valeurs essentiels de la République française. 

Enfin, la circulaire NORINTV1234497C entrevoit la nécessité de faire « signer la "charte des droits et des devoirs'' »  aux nouveaux Français. 

Ce nouveau cap reste provisoire puisque le ministre de l'intérieur envisage une troisième circulaire sur l'acquisition de la nationalité française en début de l'année 2013. 


Par Fayçal Megherbi, avocat au Barreau de Paris 
E-mail : cabinetavocatfm@gmail.com




lundi 29 octobre 2012

Une proposition de loi relance le débat sur la commémoration de la guerre d'Algérie


LE MONDE | 24.10.2012 

Par Thomas Wieder

Des adhérents à la Fnaca portant des drapeaux tricolores, assistent, le 19 mars 1999 à Paris, devant la tombe du soldat inconnu, à la cérémonie de commémoration du 37e anniversaire du cessez-le-feu qui avait mis fin officiellement le 19 mars 1962 à la guerre d'Algérie.

C'est un débat dont François Hollande se serait bien passé. A quelques semaines du voyage du président de la République en Algérie, prévu d'ici à la fin de l'année, le Sénat doit examiner, jeudi 25 octobre, une proposition de loi à forte charge polémique : la reconnaissance du 19 mars comme "journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc". La gauche est pour, la droite est contre, et le gouvernement, conscient de la passion avec laquelle chaque camp défend sa position, est très embarrassé.

Comment commémorer la guerre d'Algérie ? Voilà cinquante ans que la question est posée, sans qu'aucune réponse consensuelle n'ait été trouvée. Depuis la fin du conflit, le combat pour la reconnaissance du 19 mars est porté par la principale association de vétérans, la Fédération nationale des anciens combattants en Algérie, Maroc et Tunisie (Fnaca), qui revendique 358 000 adhérents.

L'argument est le suivant : jour de l'entrée en vigueur du cessez-le-feu au lendemain de la signature des accords d'Evian, le 19 mars 1962 marque une"étape importante" vers "la paix", la guerre étant qualifiée de "cauchemar", selon les termes employés lors du congrès de la Fnaca, en 1963.


A l'origine, la date ne faisait pas réellement polémique. Le 19 mars 1964, quand la Fnaca organisa une cérémonie à l'Arc de Triomphe, les pouvoirs publics autorisèrent la présence d'une musique militaire. Le général de Gaulle, artisan des accords d'Evian, pouvait difficilement s'opposer à ceux qui voulaient les célébrer. Mais il lui était pour autant difficile d'officialiser une telle date : c'eût été reconnaître que les "événements" d'Algérie n'étaient pas, comme on le disait à l'époque, de simples "opérations de maintien de l'ordre". Rappelons qu'il fallut attendre 1999 pour que la France reconnaisse qu'il y avait bien eu une "guerre"...

CHERCHER UNE ALTERNATIVE

C'est dans les années 1970 que la bataille autour du 19 mars s'est politisée. En 1971, la Fnaca lance une campagne nationale en direction des municipalités pour que celles-ci baptisent des "rues du 19-mars-1962" (il y en a environ 1 700 aujourd'hui, essentiellement dans des communes de gauche). A droite, la contre-offensive est notamment menée par deux jeunes députés, Alain Griotteray et Charles Pasqua. Cette mobilisation est efficace : en 1975, un an après son élection à la présidence de la République, Valéry Giscard d'Estaing interdit la présence d'une musique militaire lors des cérémonies organisées le 19 mars.

Conscients toutefois qu'ils ne peuvent avoir gain de cause s'ils n'imposent pas une alternative, les détracteurs du 19 mars cherchent une autre date. Mais laquelle ? En 1977, un événement vient à leur secours : le 16 octobre de cette année-là, un"soldat inconnu des combats d'Afrique du Nord" est inhumé à la nécropole nationale Notre-Dame-de-Lorette d'Ablain-Saint-Nazaire (Pas-de-Calais).

Il y rejoint les corps de 20 000 anciens combattants tombés en 1915 lors de la bataille d'Artois, ainsi que ceux d'un soldat inconnu de la guerre de 1939-1945 et d'un déporté inconnu de la seconde guerre mondiale. A travers cette cérémonie, la guerre d'Algérie est symboliquement reliée aux grandes guerres du passé. Ses vétérans s'inscrivent dans la lignée des précédentes "générations du feu". Dans les années suivantes, le 16 octobre aura la faveur d'une partie des milieux anciens combattants, pour qui la date a l'avantage de rappeler l'héroïsme des soldats et non une défaite de l'armée française.

Pas plus que le 19 mars, toutefois, le 16 octobre ne fait l'unanimité. Pour réconcilier les mémoires, une troisième date fait l'objet d'un décret en 2003 : celle du 5 décembre. Elle ne correspond à rien, sinon à l'inauguration par Jacques Chirac, un an plus tôt, d'un mémorial aux combattants d'Afrique du Nord, quai Branly à Paris. Aujourd'hui, à l'exception de la Fnaca, les associations d'anciens combattants, qui regroupent environ un million de personnes, auxquelles s'ajoutent les associations de rapatriés et de harkis, veulent maintenir le 5 décembre, moins par attachement à celui-ci que par rejet du 19 mars.

"UNE OFFENSE AUX VICTIMES DE LA GUERRE D'ALGÉRIE"

C'est la position que défendra, jeudi 24 octobre, le sénateur UMP de la Sarthe, Marcel-Pierre Cléach : "On peut comprendre que les anciens du contingent , soient attachés au 19 mars, qui fut pour eux un soulagement. Mais pour les militaires d'active, ce jour est un échec. Et pour les harkis et les pieds-noirs, c'est un jour de grand deuil, la fin de l'Algérie française, le jour où ils n'ont plus eu le choix qu'entre la valise et le cercueil", explique M. Cléach.

Au Palais du Luxembourg, jeudi, le 19 mars aura pour principal avocat Alain Néri, sénateur socialiste du Puy-de-Dôme. En 2002, alors député, il avait déjà défendu une proposition de loi en faveur de cette date, dont Jean-Marc Ayrault et François Hollande comptaient parmi les signataires. Celle-ci avait été votée par 57 % des députés présents, dont quelques-uns de droite, mais jamais adoptée par le Sénat.

Pour M. Néri, "il est temps de revenir sur le 5 décembre, qui est une offense aux victimes de la guerre d'Algérie, car elle n'a aucune valeur historique ou symbolique". Pour lui, le choix du 19 mars s'impose : "La guerre d'Algérie est restée trop longtemps une guerre sans nom. Elle ne peut pas rester indéfiniment une guerre sans date."


Thomas Wieder

17 octobre 1961 : le Sénat reconnaît la répression

Le Sénat a adopté, mardi 23 octobre, par 174 voix contre 168, une résolution reconnaissant la répression de la manifestation du 17 octobre 1961 à Paris. Présenté par le groupe communiste et combattu par la droite, le texte a été voté six jours après la reconnaissance, par M. Hollande, de la "sanglante répression" dont furent victimes les indépendantistes algériens.

dimanche 28 octobre 2012

Patrick Weil, Le statut des musulmans en Algérie coloniale. Une nationalité française dénaturée

Doit-on oublier qu'un sujet n'est qu'un rebelle en disponibilité ?1
in La Justice en Algérie 1830-1962, La Documentation française, Collection
Histoire de la Justice, Paris, 2005, pp.95-109.

http://www4.ac-lille.fr/~immigration/ressources/IMG/pdf/Statut_musul_alg.pdf

vendredi 26 octobre 2012

France-Algérie, la mémoire lourde


 

Le Monde – 24 octobre 2012

Parce qu'elle s'y inscrit et l'écrit au quotidien, parce que le récit de son action pèse autant que sa réalité, parce que l'imaginaire est l'un de ses ressorts, la politique entretient avec l'Histoire des rapports jaloux, volontiers manipulateurs, voire incestueux.

En France plus qu'ailleurs, dit-on. " Nous sommes un pays de mémoire lourde. Nous passons une partie de notre temps à commémorer nos libérations et nos victoires, mais aussi nos haines civiles, à remuer le couteau dans la plaie vive de nos rancunes, à reconstruire le passé au gré de nos passions ", écrit ainsi l'historien Michel Winock, dans Parlez-moi de la France (Perrin, 2010).

Il n'est guère d'épisode de notre histoire contemporaine où cette mémoire lourde soit plus évidente que dans le douloureux chapitre de la guerre d'Algérie.

François Hollande vient d'en apporter une nouvelle démonstration. On pouvait pourtant difficilement imaginer communiqué plus lapidaire que celui publié par l'Elysée, la semaine passée : " Le 17 octobre 1961, des Algériens qui manifestaient pour le droit à l'indépendance ont été tués lors d'une sanglante répression. La République reconnaît avec lucidité ces faits. Cinquante et un ans après cette tragédie, je rends hommage à la mémoire des victimes. "

C'est presque aussi sec et minimaliste qu'un constat d'huissier, validant les recherches menées depuis une vingtaine d'années par quelques historiens courageux et tenaces. Et évitant - trop prudemment diront certains -, de pointer du doigt responsables ou coupables, en l'occurrence la police parisienne et ses chefs de l'époque, à commencer par le préfet Maurice Papon.

Mais il a suffi que le président de la République rompe un silence officiel d'un demi-siècle pour déclencher les foudres de la droite. Il est " intolérable de mettre en cause la police républicaine et avec elle la République tout entière ", a dénoncé Christian Jacob, le président du groupe UMP à l'Assemblée, sans se soucier de savoir ce qui fut le plus " intolérable ", les faits ou leur occultation, au prix d'un mensonge d'Etat.

Candidat à la présidence de l'UMP, François Fillon n'y est pas non plus allé par quatre chemins : " J'en ai assez que tous les quinze jours, la France se découvre une nouvelle responsabilité, mette en avant sa culpabilité permanente. " La présidente du Front national, Marine Le Pen, lui a emboîté le pas : " Je commence à en avoir soupé de ces représentants de la France qui n'ont de cesse que de la salir ", avant de qualifier de " bobard " la terrible répression du 17 octobre 1961 et d'" acte de lâcheté absolue " le communiqué présidentiel.

Rien ne surprend vraiment dans ces réactions pavloviennes. Ni la défense aveugle des oeuvres complètes du général de Gaulle, en dépit de ses parts d'ombre. Ni la condamnation de la " repentance " (cette " mode exécrable " que dénonçait déjà Nicolas Sarkozy en 2007), sans s'aviser qu'il n'y en a précisément pas trace dans le communiqué de M. Hollande. Ni la vitupération contre l'anti-France, ou peu s'en faut, qui est depuis toujours l'un des procès simplistes dont raffole l'extrême droite.

Il est vrai que la vérité de la tragédie algérienne blesse cruellement la mémoire - ou plutôt les mémoires. " Tragédie " ? Raymond Aron employait le mot dès 1957. Comment qualifier autrement cette histoire de violence, de mort et de mépris qui s'est écrite pendant cent trente ans : depuis les longues années d'une conquête féroce qui coûta à l'Algérie, en 1830 et 1860, le tiers de sa population, puis d'une colonisation brutale où le moindre soulèvement se soldait par une implacable répression, jusqu'à ces huit années d'une " guerre " qui n'osa dire son nom qu'en 1999, trente-sept ans après la proclamation de l'indépendance algérienne.

Si aucun de ceux qui l'ont vécue - et bien souvent leurs enfants - n'a oublié les drames de cette séparation sanglante, beaucoup n'en ont pas fait le deuil, murés dans d'indicibles souvenirs, enfermés dans des mythes rassurants autant que dans les silences officiels des responsables des deux pays.

Pour la France, cela aura été le second grand traumatisme national du siècle, après l'effondrement de 1940. Pas seulement pour le million de rapatriés dont l'Algérie était la patrie, à défaut d'avoir su y construire une nation. Mais aussi pour les deux millions d'appelés qui eurent 20 ans dans les Aurès. Enfin pour l'ensemble d'un pays qui vécut là, entre massacres et torture, le dernier épisode d'une histoire coloniale - et d'une puissance impériale - où la République avait trouvé l'un de ses fondements et la France une part de sa " grandeur ".

En outre, aujourd'hui encore, comment ne pas voir dans le refoulement de ce drame l'origine de ce que l'historien Benjamin Stora a appelé " le transfert de mémoire " : l'importation, en " métropole " d'une mémoire coloniale où se mêle la peur du " petit blanc " et le sentiment d'abandon qui lui est lié, son angoisse identitaire face à l'islam, son racisme anti-maghrébin et les crispations identitaires antagonistes qui en résultent.

Pour l'Algérie, le traumatisme fut tout aussi profond, même s'il était celui d'une libération. La violence du nationalisme algérien - contre la France bien sûr, mais aussi contre une partie des Algériens, dissidents ou harkis -, la suprématie alors conquise par ceux qui imposaient une conception policière de l'action, le boulet d'une histoire officielle immuable, tout cela a engendré les drames et les paralysies dont l'Algérie reste, aujourd'hui encore, prisonnière.

Comme ce fut longtemps le cas à propos de Vichy, la vérité fait mal. Il fallut un demi-siècle pour que Jacques Chirac dise, en 1995, la responsabilité de l'Etat français dans la rafle du Vel'd'Hiv et dénonce la collaboration avec l'occupant nazi. Il aura fallu aussi longtemps pour que François Hollande reconnaisse la réalité de ce sinistre 17 octobre 1961.

Paul Ricoeur faisait précisément de la " reconnaissance " la condition de ce " petit miracle, une mémoire heureuse ". La France et l'Algérie en sont encore loin, mais le travail des historiens, autant que la lucidité des dirigeants tracent la voie. Français et Algériens ont un trop long passé commun, fût-il dramatique, pour ne pas savoir inventer un avenir partagé et assumé.

par Gérard Courtois

mardi 23 octobre 2012

Turquie : des livres scolaires antisémites font scandale

http://www.crif.org/fr/revuedepresse/turquie-des-livres-scolaires-antis%C3%A9mites-font-scandale/33056
 
 
Une série de livres destinés aux écoles primaires fait scandale ces jours-ci en Turquie, nous apprend le «Financial Times» dans son édition du week-end. Plusieurs grands personnages historiques y sont décrits dans des termes férocement antisémites, à commencer par Charles Darwin, qui au passage n'était pas juif.
« On peut y lire qu'Albert Einstein était «sale et négligé» et qu'il mangeait du savon »
Ces manuels scolaires distribués dans le district stambouliote de Maltepe nous expliquent donc que le père de la théorie évolutionniste «avait deux problèmes: premièrement, il était juif ; deuxièmement, il haïssait son front proéminent, son grand nez et ses dents difformes.»
 
On lit aussi qu'Albert Einstein était «sale et négligé» et qu'il mangeait du savon, et que «pendant cette même période la Gestapo mettait des juifs dans des fours et les transformait en savon».
 
Que ces descriptifs absurdes portent sur des scientifiques n'est pas forcément un hasard. La théorie de l'évolution est de plus en plus contestée en Turquie et le gouvernement de l'AKP, parti que les kémalistes historiques considèrent comme islamiste et anti-laïc, tend à favoriser l'enseignement religieux.
 
«Le système éducatif devient réactionnaire, estime Mehmet Aydogan, représentant d'une organisation de professeurs qui a exigé le retrait des manuels. Les imams enseignent la religion dans les écoles. Ces livres discréditent des artistes et des savants mondialement reconnus et poussent les étudiants à penser  contre la science.»
 
Devant la bronca, les responsables pédagogiques locaux qui ont approuvé la mise en circulation des manuels, et qui dépendent directement du gouvernement, ont nié avoir pris connaissance de leur contenu.
 
On lit aussi dans ces livres scolaires d'un genre nouveau que Darwin préférait traîner dans les zoos avec des singes qu'aller à l'école. Si c'est vrai, il n'avait pas forcément tort: la fréquentation des orangs-outans rend parfois moins bête que celle de certains manuels.
 



dimanche 21 octobre 2012

Le coup de com' de militants d'extrême-droite sur le chantier de la mosquée de Poitiers 20.10.12 | 13:23 | Blog : Droite(s) extrême(s)

Samedi 20 octobre au petit matin, plusieurs dizaines de militants du Bloc identitaire, ont occupé pendant quelques heures, le toit de la future mosquée de Poitiers, avec force slogans évoquant Charles Martel.

Les dirigeants du Bloc, Philippe Vardon en tête, ont ainsi  voulu lancer en grandes pompes Génération identitaire, la nouvelle branche jeunesse de cette formation d'extrême droite radicale, avec un buzz dont ils ont le secret. Cette nouvelle "marque" jeune doit en effet remplacer la précédente "Une autre jeunesse" qui n'a jamais connu le succès escompté.

L'idée est également de relancer l'intérêt autour des Identitaires à deux semaines de leur Convention qui se tiendra à Orange et fêtera leur 10 ans d'existence. Il faut dire que le Bloc identitaire n'aborde pas cet anniversaire au mieux de sa forme.

Il vient de connaitre une scission suite à la tentative de putsch avorté de Philippe Milliau. Suite au départ de ce dernier, des militants ont pris le large, notamment en Languedoc-Roussillon derrière Richard Roudier ou en Bretagne avec Yann Vallerie. A Toulouse, sa section est en déliquescence depuis que son leader a été placé en détention provisoire suite à une agression extrêmement violente contre un étudiant chilien. Et son éphémère candidat à la présidentielle, Arnaud Gouillon,  un peu échaudé par le rôle de lièvre qu'on lui a fait jouer, préfère aujourd'hui bouder chez les Serbes du Kosovo.

Pas de stratégie claire

Par ailleurs, les Jeunesses nationalistes d'Alexandre Gabriac commencent à occuper le terrain de l'activisme jeune et à piétiner quelques plates-bandes. Il y a quelques jours, ces derniers ont en effet mené une action contre un chantier de construction de mosquée à Beauvais.

Quant aux  contacts étrangers du Bloc identitaire, ils lui  préfèrent désormais de plus en plus le Front national. Le Bloc, qui n'a toujours pas de stratégie claire, hésite pèle-mêle entre travail "métapolitique" comme le prônent certains de ses mentors grécistes, activisme de rue et/ou participation aux élections. Il doit donc refaire parler de lui.

SMS reçu samedi matin, alertant sur l'opération à Poitiers © DR

Samedi matin en tous cas, tout a été bien pensé. A 6 h 21 du matin, M. Vardon envoyait un texto à quelques journalistes. Il y était écrit que "le chantier de la grande mosquée de Poitiers" était occupé "par 70 militants de Génération identitaire." "Ils sont montés sur le toit, accompagnés des équipes de RMC et de BFMTV". La machine télé et radio était lancée.

Restaient les réseaux sociaux. Toute la matinée de samedi, Fabrice Robert, président du Bloc, Philippe Vardon, le compte (en français et en anglais) de Génération identitaire ont arrosé Twitter de messages relayant leur action. Jusqu'à ce que cela soit repris par de grands médias. Reprise dont les identitaires se sont immédiatement réjoui, d'ailleurs, comme on peut le voir sur ce tweet.

Tweet de Génération identitaire © DR.

L'on notera par ailleurs qu'il y avait assez peu de poitevins parmi les militants du BI samedi matin, mais qu'en revanche Cannes et Nice étaient visiblement fort bien représentés.




Occupation d'une mosquée : Valls dénonce une "provocation haineuse et inadmissible" 20.10.12 | 19:50 | Le Monde.fr avec AFP

Un groupe de militants d'extrême droite a déployé une bannière sur le toit de la mosquée de Poitiers en chantier, samedi 20 octobre. AFP/COR

L'évacuation d'environ 70 militants du Bloc identitaire, un groupe d'extrême droite qui a déployé sa banderole sur le chantier d'une mosquée en construction de Poitiers, s'est terminée samedi 20 octobre peu avant 13 heures, et trois des occupants ont été placés en garde à vue, ont indiqué la préfecture et le parquet qui a ouvert une enquête. "L'évacuation est complète, il n'y a plus personne", a-t-on indiqué à la préfecture, tandis que le parquet annonçait le placement en garde à vue de trois des organisateurs de l'occupation.

Sur place, le calme est revenu dans les alentours du grand bâtiment gris doté d'un minaret, situé en banlieue de Poitiers, à Buxerolles, sur le chantier duquel le groupe se revendiquant de Génération identitaire s'était installé vers 8 heures. Le procureur de la République de Poitiers, Nicolas Jacquet, a pour sa part annoncé l'ouverture d'une enquête pour "manifestation non autorisée, provocation à la haine raciale, participation à un groupement en vue de la préparation de dégradation de biens en réunion".

La qualification de "vol et dégradation en réunion" est également retenue notamment concernant une dizaine de tapis de prière déplacés de la mosquée sur le toit et très fortement endommagés par la pluie. "Trois personnes se présentant comme des organisateurs ont été placés en garde à vue", a-t-il précisé.

>> Lire notre post de blog sur Droite(s) extrême(s) : "Le coup de com' de militants d'extrême-droite sur le chantier de la mosquée de Poitiers"

UNE "PROVOCATION HAINEUSE ET INADMISSIBLE"

Le premier ministre Jean-Marc Ayrault a "condamné fermement"cette action, samedi, en marge d'un déplacement à Manille. "Je condamne fermement cette provocation qui révèle une haine religieuse inacceptable", a-t-il déclaré, ajoutant que cet envahissement était "une agression contre la République et ses valeurs""Un tel acte est inacceptable car il bafoue les valeurs de notre République laïque, parmi lesquelles la liberté d'exercice des cultes", a ajouté M. Ayrault.

Le ministre de l'intérieur Manuel Valls a lui aussi réagi en dénonçant "la provocation haineuse et inadmissible" et "les amalgames douteux" du Bloc identitaire. M. Valls "garantit que l'Etat fera preuve de la plus grande fermeté face aux manifestations d'intolérance qui déchirent le pacte social", ajoute un communiqué du ministre de l'intérieur. "Le ministre en charge des cultes réfute les amalgames douteux dont procèdent leurs slogans et rappelle que la République garantit à tous le libre exercice du culte dans le respect des règles de la laïcité", ajoute-t-il.

De son côté, la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra) a dénoncé cette "démonstration de haine""Leur référence à Charles Martel en dit long sur le caractère provocateur de leur coup de force", a estimé dans un communiqué le président de la Licra, Alain Jakubowicz. "Ce sont eux qui constituent un danger pour la France, pas les musulmans de Poitiers qui ne demandent qu'à pouvoir disposer d'un lieu de culte décent", a ajouté la Licra.

"CE GROUPUSCULE DOIT ÊTRE DISSOUS"

Le PS, par la voix de son nouveau premier secrétaire Harlem Désir, et le PCF, ont demandé samedi "la dissolution" du groupe d'extrême droite Génération identitaire, à l'origine de l'occupation du chantier. "Je demande la dissolution de ce groupuscule fanatique dont les agissements violents sont une menace pour l'ordre public, la sécurité des personnes et pour la cohésion républicaine", écrit dans un communiqué Harlem Désir, ancien président de SOS Racisme, qui dénonce un "acte de haine commis par des fanatiques violents". Pour lui, ces militants d'extrême droite, dont il condamne les agissements"avec la plus grande vigueur","agressent non seulement les musulmans de France mais aussi la République qui garantit la liberté de culte et le principe de laïcité".

De son côté, le Parti communiste français (PCF) affirme dans un communiqué que "cette provocation stupide et pleine de fiel est inacceptable""Ce groupuscule doit être dissous et ses responsables poursuivis pour provocation à la haine raciale", ajoute le communiqué. "Cette provocation est la provocation de trop (...) Il faut que les pouvoirs publics se ressaisissent au plus vite", estime le PCF.

Un appel repris par Jean-Luc Mélenchon, co-président du Parti de gauche (PG), qui a demandé samedi la dissolution des "groupes impliqués" dans l'occupation du chantier de la mosquée de Poitiers, une action qui selon lui "marque un franchissement de seuil dans la violence politique de l'extrême droite en France""Dorénavant, en plus de l'antisémitisme rampant ou ouvert qui l'a toujours infecté, elle milite ouvertement pour la haine des musulmans. Adepte du 'choc des civilisations', elle voudrait diviser les Français selon leurs religions. Mme Le Pen, qui voulait interdire les kippas et les foulards dans la rue, a été entendue. Dans la même veine ses émules sont passées aux actes contre des bâtiments.", déclare l'ex-candidat à la présidentielle.

"ATTAQUES IGNOBLES CONTRE LA RÉPUBLIQUE"

Le président du Parti radical Jean-Louis Borloo, et le secrétaire général Laurent Hénart, se sont élevés contre "des attaques ignobles contre la République""La France est un état laïque qui garantit la liberté de la pratique du culte quand celle-ci se fait dans le respect de la loi. Tous les appels à la haine et toutes les stigmatisations d'une religion sont des poisons qui divisent notre société. Nous condamnons ces propos et ces actes qui sont des attaques ignobles contre notre République", affirment les deux hommes dans un communiqué.

Le secrétaire général de l'UMPJean-François Copé "condamne"lui aussi cette action. "La République laïque est la garante de la liberté de culte dans notre pays : elle ne peut tolérer aucune agression envers une religion, ni aucune forme d'intégrisme", écrit le numéro un du principal parti d'opposition dans un communiqué publié samedi. Selon M. Copé, "la défense de la laïcité est la clé du vivre-ensemble""C'est un combat que l'UMP mène sans relâche depuis des années et qu'elle n'abandonnera pas face aux provocations d'une minorité d'extrémistes de tous bords", assure-t-il.

samedi 20 octobre 2012

17 octobre 1961: "un geste vis à vis des Français d'origine algérienne"

INTERVIEW


Propos recueillis par , publié le 18/10/2012 à 11:05, mis à jour à 11:43

En reconnaissant mercredi le massacre d'Algériens lors de la manifestation pacifiste du 17 octobre 1961, François Hollande a d'abord voulu s'adresser aux enfants des manifestants, estime Akram Belkaïd. Mais son geste est aussi un message politique à l'Algérie. 

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17 octobre 1961: "un geste vis à vis des Français d'origine algérienne"

GUERRE D'ALGERIE - 1500 Algériens arrêtés lors de la manifestation pacifique organisée à Paris le 17 octobre 1961 furent expulsés dans les 48 heures depuis l'aéroport d'Orly vers l'Algérie. Les quelques 20 000 manifestants furent victimes d'une répression violente qui fit de nombreux morts.

AFP

Journaliste, écrivain, auteur de plusieurs ouvrages sur l'Algérie (1), Akram Belkaïd réagit à l'hommage rendu par François Hollandeaux victimes de la répression de la manifestation du 17 octobre 1961 à Paris au cours de laquelle des indépendantistes algériens avaient été tués par la police, dirigée à l'époque par le préfetMaurice Papon. 

Cette reconnaissance du massacre du 17 octobre 1961 était-elle une revendication des Algériens?

Certainement chez les Algériens de France. Le souvenir du 17 octobre reste profondément ancré dans l'imaginaire collectif de cette communauté, les enfants en ont entendu parler par leurs parents. C'est un peu plus compliqué du l'autre côté de la Méditerranée. Cela sera bien sûr considéré comme un geste positif mais en réalité on ne peut pas parler d'une revendication récurrente. L'événement a d'ailleurs longtemps été passé sous silence par l'historiographie officielle algérienne. La manifestation était organisée par la fédération du France du FLN. Considérée à l'époque comme la 7ème willaya (préfecture ndlr) de l'Algérie combattante, elle a ensuite été tenue à distance par les autorités qui ne tenaient pas vraiment à rappeler le rôle qui avait été le sien pendant la guerre. 

Que sait-on de ce qui s'est réellement passé?

Longtemps, la tragédie a été occultée en France. En réalité ce n'est qu'après la publication des travaux de Jean-Luc Einaudi (2), qui font état de près de 400 morts, que le 17 octobre 1961 a ressurgi, y compris dans l'imaginaire français. Ce n'est qu'à ce moment que l'on a appris, ou réappris, ce qui s'était passé, et que beaucoup de Français ont cessé de confondre ce massacre avec celui du métro Charonne au début de 1962. 

François Hollande a opté pour une reconnaissance sans repentance. Aurait-il dû aller plus loin ?

Certains s'en contenteront, d'autres pas. Je me méfie un peu pour ma part du discours sur la repentance. On en parle beaucoup plus en France qu'en Algérie. Et elle n'est pas à mon sens une revendication réelle des Algériens. Tout est parti de cette loi française de 2005 (abrogée depuis ndlr) qui reconnaissait le "rôle positif " de la colonisation. C'est ce texte qui a déclenché la polémique, alors que personne ne demandait rien. Ensuite, certains groupes algériens, notamment l'aile la plus conservatrice du FLN, s'en sont saisis. 

Quant à l'acte de reconnaissance de François Hollande, il s'inscrit d'abord à mon sens dans un contexte franco-français. Il s'agit un geste de réconciliation qui s'adresse aux Français d'origine algérienne. Car les enfants des manifestants de 1961 sont des citoyens français. Le président a voulu apaiser les choses. D'autant que depuis plusieurs années il y avait autour du massacre du 17 octobre et de sa non-reconnaissance une certaine crispation en France chez les jeunes gens issus de l'immigration. 

N'est-ce pas aussi un geste politique vis à vis de l'Algérie officielle et du président Abdelaziz Bouteflika auquel François Hollande a prévu de rendre visiste prochainement ?

Si bien sûr, c'est aussi cela. Hollande veut indiquer à travers ce message à l'Algérie officielle qu'il est moins crispé que Nicolas Sarkozy sur ces questionslà. 

Est-ce qu'il faut aller plus loin? Ouvrir, par exemple, les archives du ministère de l'intérieur?

Ouvrir les archives, certainement. C'est indispensable. Il faut que les historiens puissent travailler sur cette période. Qui a donné l'ordre de tirer? Quel a été le rôle réel de Maurice Papon? Celui deMichel Debré, Premier ministre? Et celui de De Gaulle? Il y a beaucoup de zones d'ombres qui méritent d'être éclaircies. 

(1) Dernier ouvrage publié : La France vue par un blédard, janvier 2012, aux Editions du Cygne 

(2) La bataille de Paris-17 octobre 1961, publié en 1991 aux éditions du Seuil. 

17 octobre 1961 : Fillon s’élève contre "la culpabilité permanente"


Le 18 octobre 2012 à 10h23

Le président de la Maison de l'union méditerranéenne Aresky Dahmani (c), le 17 octobre 2012 à Paris lors de la commémoration de la répression contre des manifestants algériens le 17 octobre 1961

Le président de la Maison de l'union méditerranéenne Aresky Dahmani (c), le 17 octobre 2012 à Paris lors de la commémoration de la répression contre des manifestants algériens le 17 octobre 1961, © 2012 AFP


L'ex-Premier ministre François Fillon s'est élevé jeudi contre "la culpabilité permanente" assénée dans une France "en dépression nerveuse quasi permanente", après la reconnaissance par François Hollande de la "sanglante répression" du 17 octobre 1961 contre des manifestants algériens.

"J'en ai assez que tous les quinze jours la France se découvre une nouvelle responsabilité, mette en avant sa culpabilité permanente. On est déjà dans un pays en dépression nerveuse quasi permanente, on n'a pas besoin de ça ! ", a déclaré M. Fillon sur Europe 1.

"Bien sûr qu'on peut reconnaître !", a-t-il toutefois ajouté, "mais chacun sait qu'il y a aussi les crimes de l'Algérie au lendemain de l'indépendance, le massacre des harkis, la questions des archives algériennes jamais ouvertes".

"Ou on met tout sur la table ou on ne le fait pas", a-t-il demandé, réagissant à une déclaration de François Hollande. 

Le président de la République a officiellement reconnu mercredi la "sanglante répression" des manifestations d'Algériens le 17 octobre 1961 à Paris, rompant avec un silence de 51 ans de l'Etat sur les événements.

Par ailleurs, le candidat à la présidence de l'UMP a affirmé avoir "déjà été choqué il y a un mois par les déclarations du président de la République sur la France responsable des crimes commis pendant l'Occupation sur son territoire".

"Il y a une espèce d'escalade : au début c'était le gouvernement de Vichy, c'est le vrai responsable. Jacques Chirac est allé un peu plus loin en parlant d'Etat français, je veux bien à la rigueur l'admettre, mais pas la France ", s'est exclamé le nouveau député de Paris.

"Ce n'est pas au président de faire en permanence ce discours de culpabilité qui vient sur un pays dont vous sentez bien qu'il est fragilisé, divisé de façon profonde", a-t-il estimé, se prononçant pour l'ouverture "de toutes les archives" pour que les historiens s'en emparent "mais pas les responsables politiques, qu'ils s'occupent du présent, c'est déjà assez difficile comme ça".

Interrogé sur LCI, le député Laurent Wauquiez (UMP) a aussi estimé que la France était "allée très loin dans son travail d'introspection". "Je ne vois pas les pas qui ont été faits sur l'Algérie pour travailler sur sa propre histoire et qui est notre histoire commune", a-t-il noté.

"Qu'un président soit uniquement tourné vers la repentance, c'est une chose mais on attend aussi de lui une capacité de dire où sera la France dans 20 ans et là je trouve moins d'énergie et de vision", a regretté l'ancien ministre du gouvernement Fillon, dont il est l'un des soutiens dans la course à la présidence de l'UMP.

Tous droits de reproduction et de représentation réservés. © 2012 Agence France-Presse.

Les photos du 17 Octobre 1961

http://abonnes.lemonde.fr/societe/infographe/2011/10/17/les-photos-inedites-du-17-octobre-1961_1586457_3224.html

17 octobre 1961 : "Ce massacre a été occulté de la mémoire collective"


Le Monde.fr | 17.10.2011 à 09h37 • Mis à jour le 17.10.2012 à 17h38


Propos recueillis par Soren Seelow

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Un Algérien blessé est emmené par le photographe Elie Kagan et un journaliste américain à l'hôpital de Nanterre, le 17 octobre 1961.

A cinq mois de la fin de la guerre d'Algérie, le 17 octobre 1961, Paris a été le lieu d'un des plus grands massacres de gens du peuple de l'histoire contemporaine de l'Europe occidentale. Ce jour-là, des dizaines de milliers d'Algériens manifestent pacifiquement contre le couvre-feu qui les vise depuis le 5 octobre et la répression organisée par le préfet de police de la Seine, Maurice Papon. La réponse policière sera terrible. Des dizaines d'Algériens, peut-être entre 150 et 200, sont exécutés. Certains corps sont retrouvés dans la Seine. Pendant plusieurs décennies, la mémoire de ce épisode majeur de la guerre d'Algérie sera occultée.

 

L'historien Gilles Manceron, auteur de La Triple Occultation d'un massacre (publié avec Le 17 octobre des Algériens, de Maurice et Paulette Péju, éd. La Découverte), explique les mécanismes qui ont contribué à cette amnésie organisée.

Portfolio sonore : Les photos inédites du 17 octobre

Chronologie : La bataille de Paris racontée par les archives du "Monde"

Pourquoi la répression de la manifestation du 17 octobre 1961 a-t-elle été occultée pendant si longtemps ?

Il s'agit d'un événement d'une gravité exceptionnelle, dont le nombre de morts a fait dire à deux historiens britanniques [Jim House et Neil MacMaster, Les Algériens, la République et la terreur d'Etat, Tallandier, 2008] qu'il s'agit de la répression d'Etat la plus violente qu'ait jamais provoquée une manifestation de rue en Europe occidentale dans l'histoire contemporaine.

Comment une répression de cette ampleur a-t-elle pu ne pas être considérée pendant plusieurs décennies comme un événement de notre histoire ? L'historien Pierre Vidal-Naquet a employé le terme d'"énigme". Je me suis interrogé sur les facteurs qui permettent d'expliquer comment ce massacre a été occulté de la mémoire collective.

Il me semble tout d'abord qu'il y a une volonté de faire le silence de la part des autorités françaises. En premier lieu, bien sûr, les autorités impliquées dans l'organisation de cette répression : le préfet de police de la Seine, Maurice Papon, le premier ministre, Michel Debré, ainsi que Roger Frey, ministre de l'intérieur. Mais également le général de Gaulle, qui de toute évidence a pourtant été très irrité par cet épisode. Il a néanmoins voulu tirer le rideau sur cette affaire et fait en sorte que les Français passent à autre chose.

Par quels moyens le pouvoir a-t-il réussi à imposer le silence, et donc cette amnésie ?

Sur le moment, il y a eu censure de la presse, avec l'empêchement des journalistes à se rendre sur les lieux de détention des Algériens, par exemple. Et puis très vite, les instructions judiciaires ont été closes sans aboutir. Il y en a eu une soixantaine, elles ont toutes débouché sur des non-lieux. Une volonté d'oubli judiciaire, qui s'est combinée avec les décrets d'amnistie, qui couvraient les faits de maintien de l'ordre en France, une difficulté à accéder aux archives, l'épuration d'un certain nombre de fonds... tout cela a contribué à ce phénomène d'occultation jusqu'à la fin des années 1970.

Par la suite, d'autres facteurs ont pris le relais. En 1961, Gaston Deferre, à l'époque sénateur, avait protesté de façon très vigoureuse contre la répression policière. Mais quand Jean-Louis Béninou, journaliste à Libération, va le voir pour lui demander de faire la lumière sur cet événement, au début des années 1980, M. Deferre, devenu ministre de l'intérieur, lui répond qu'il n'en est pas question. Il a fait le choix de ne pas ouvrir ce dossier.

Cinquante ans plus tard, il existe encore une confusion entre le 17 octobre 1961 et la manifestation de Charonne, le 8 février 1962, au terme de laquelle neuf personnes ont trouvé la mort...

La mémoire de Charonne, une manifestation pour la paix en Algérie et contre les attentats de l'OAS – mais pas pour l'indépendance ! –, s'est en effet superposée à celle d'octobre 1961. Il faut dire que la gauche française a eu plus de réactivité par rapport à la violence qui s'est déployée lors de la manifestation de Charonne, qu'elle avait organisée. Cette attitude a été celle du PCF, mais également de la Ligue des droits de l'homme, qui a décidé la constitution d'une commission d'enquête après Charonne alors qu'elle ne l'avait pas fait au lendemain du 17 octobre.

On voit là les limites de l'engagement de la gauche française de l'époque. A l'exception du petit PSU et de l'UNEF, rares étaient les partis qui étaient réceptifs à l'idée d'une indépendance algérienne.

Le plus surprenant, c'est que la mémoire de Charonne ait occulté celle du 17 octobre y compris au sein de certaines familles algériennes...

Oui. La famille d'une des victimes du 17 octobre, une jeune lycéenne, qui devait avoir 15 ou 16 ans, Fatima Bédar, dont on avait retrouvé le corps dans le canal Saint-Martin, a longtemps cru et répété qu'elle était morte à Charonne. Au sein même de l'immigration algérienne, le mot de "Charonne" était plus présent que la référence au 17 octobre.

Au lendemain de l'indépendance, comment cet événement a-t-il été utilisé par les nouvelles autorités algériennes ?

C'est ici qu'un troisième facteur d'occultation a joué : la volonté du pouvoir algérien de ne pas mettre en valeur une initiative prise par la Fédération de France du FLN, qui avait organisé la manifestation du 17 octobre.

La Fédération de France était en effet devenu un fief d'opposition au nouveau pouvoir en raison de son ouverture aux idéaux et aux valeurs de la gauche européenne, syndicale et politique. Lors de la crise de l'été 1962 qui vit s'affronter, au sein du FLN, les prétendants au pouvoir, elle avait misé sur les civils du GPRA[le gouvernement du FLN en exil] contre les militaires de l'armée des frontières du colonel Boumediene. Elle se retrouva ainsi dans le camp des vaincus et les autorités de la nouvelle République algérienne évitèrent de lui faire de la publicité, en passant plus ou moins sous silence la répression du 17 octobre...

Comment s'est finalement faite toute la lumière sur l'ampleur du massacre ?

A travers des publications, notamment. Le roman policier de Didier Daeninckx [Meurtres pour mémoire, Gallimard, 1984], qui associe la recherche sur le passé de Maurice Papon sous l'Occupation à son rôle en 1961, ou des travaux d'historiens comme La Bataille de Paris, de Jean-luc Einaudi [1990, Seuil], ont joué un rôle. Et puis avec la constitution d'une association, Au nom de la mémoire, par des enfants issus de l'immigration algérienne, la mémoire a commencé à émerger.

La procès de Maurice Papon pour complicité de crimes contre l'humanité en tant que secrétaire général de la préfecture de la Gironde pendant l'Occupation a certainement contribué à ouvrir le dossier du 17 octobre 1961 et à le faire surgir dans l'espace médiatique. Lors du procès Papon en 1997-1998, des témoins ont parlé de sa personnalité, de son rôle en Algérie et à la préfecture de police de Paris. Parmi eux, Jean-Luc Einaudi, qui a publié une tribune dans Le Monde du 20 mai 1998, où il employait le terme de "massacre" à propos du 17 octobre. Papon a trouvé bon de poursuivre Einaudi pour diffamation. Il a été débouté de sa plainte. Le terme de "massacre" a été considéré comme légitime par le tribunal. C'est un véritable tournant.

Cinquante ans après les faits, l'Etat français a-t-il reconnu sa responsabilité ?

Il y a une reconnaissance de la part de collectivités locales, notamment la mairie de Paris en 2001 qui a fait un geste fort avec l'apposition d'une plaque commémorative sur le pont St-Michel. D'autres communes de la banlieue ont fait des gestes similaires. Et le cinquantenaire, cette année, va être marqué par toute une série d'initiatives, dont un boulevard du 17-Octobre devant la préfecture des Hauts-de-Seine, à Nanterre. Mais de la part de l'Etat, il n'y a toujours aucun signe de reconnaissance.

Comment expliquer que cette répression ait eu lieu alors que venaient de s'ouvrir les négociations d'Evian, qui allaient aboutir à l'indépendance de l'Algérie ?

Les négociations d'Evian entre des représentants français et ceux du FLN s'ouvrent en mai 1961. A ce moment-là, on pouvait penser que le sort de la guerre ne pouvait déboucher que sur une indépendance. C'était la volonté du général de Gaulle, approuvée par les Français et les Algériens. En janvier 1961 un référendum avait donné une très nette majorité (75 %) en France métropolitaine comme en Algérie en faveur de ce processus.

Mais cette politique était contestée par un certain nombre de forces, parfois au sein même de l'appareil d'Etat. Le premier ministre, Michel Debré, qui avait été dessaisi du dossier algérien par de Gaulle, avait insisté pour qu'on lui laisse celui du maintien de l'ordre en France métropolitaine, et il a pu déployer une action qui prenait le contre-pied de l'action mise en œuvre par le général de Gaulle.

Pour ce faire, il s'entoura de Roger Frey, nommé au ministère de l'intérieur en mai 1961 au moment où s'ouvrent les négociations d'Evian, en remplacement de Pierre Chafenet. Surtout, il obtient le remplacement fin août d'Edmond Michelet, le garde des sceaux, qui s'opposait aux méthodes brutales et illégales mises en œuvre par Papon. Il sera remplacé par Bernard Chenot, un homme jugé plus accommodant, ce qui laissera les mains libres à Papon pour se livrer à la répression du 17 octobre.

Le général de Gaulle, qui est arrivé au pouvoir avec l'aide de Michel Debré en 1958, est un peu prisonnier des conditions de son accession au pouvoir. Il essaye de préserver l'essentiel, c'est-à-dire la fin de la guerre via les négociations, et fait des concessions. Il cherche à garder à ses côtés des gens qui lui sont fidèles, quand bien même ces derniers désapprouveraient sa politique algérienne. Il fait donc savoir son mécontentement à Michel Debré au lendemain du 17 octobre, mais s'abstient de rendre publique sa désapprobation. Il garde le silence, et prolonge d'une certaine manière l'occultation de cet événement.

Propos recueillis par Soren Seelow