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vendredi 19 octobre 2012

Le président, l'opposition et un massacre à Paris


François Hollande le 17 octobre à l'Elysée. AFP/BERTRAND LANGLOIS

On peut ne pas partager mécaniquement l'enthousiasme de certains pour la "repentance" exprimée de temps à autre par de vieilles puissances coloniales à l'adresse de leur passé.

On peut lutter résolument contre la prétention de l'Etat, qu'il s'agisse d'un gouvernement ou du législateur, à dire l'histoire. Et, de ce point de vue, nombre de lois "mémorielles" sont critiquables, aussi bien intentionnées soient-elles.

On peut aussi se méfier de cet exercice, gratifiant mais facile, qui consiste à se situer, des dizaines d'années plus tard, du bon côté d'un événement que l'on n'a pas vécu et dont le temps a fini par dissiper la complexité.

On peut penser tout cela, et pourtant saluer le geste qu'a eu François Hollande, mercredi 17 octobre : il a reconnu pour la première fois la responsabilité de l'Etat dans la répression du 17 octobre 1961 à Paris. Il faut féliciter le président pour l'hommage ainsi rendu à la mémoire des victimes d'un des épisodes les plus sinistres de la guerre d'Algérie qui n'en manque pourtant pas, d'un côte comme de l'autre.

Ce jour-là, des dizaines de milliers d'Algériens manifestent à Paris et dans sa banlieue pour dénoncer le couvre-feu auquel ils sont soumis. A l'initiative du président, Charles de Gaulle, la France négocie déjà l'indépendance de l'Algérie avec le Front de libération nationale algérien (le FLN). C'est une période de troubles politiques graves.

Interdite, la manifestation est des plus pacifiques. Mais la police, sous les ordres du préfet Papon, va se livrer à une gigantesque ratonnade. Elle rafle, tabasse et tue. Quelques historiens tenaces ont cherché à établir le nombre des morts : leurs estimations vont de 40 à 250 sous les coups, par balles ou jetés dans la Seine.

Pourquoi ? Jusque-là, silence officiel de la République, archives de la police parisienne fermées et néant judiciaire. Un gros trou noir, une zone d'ombre malsaine, le drap d'une pudeur mal placée jeté sur un morceau d'histoire peu glorieux.

Aujourd'hui, le communiqué de l'Elysée est aussi sobre que prudent. Il indique : "La République reconnaît les faits avec lucidité."Elle admet que des manifestants l'Elysée ne se prononce pas sur leur nombre ont été massacrés dans la répression d'une manifestation pacifique.

M. Hollande se situe dans le droit-fil d'un président Jacques Chirac assumant la responsabilité de l'Etat dans la déportation des juifs de France. Il brise un silence officiel qui n'est que la forme atténuée d'une autre ignominie : le mensonge d'Etat.

Par l'un de ses porte-parole, le député Christian Jacob, chef de l'UMP à l'Assemblée, l'opposition a qualifié d'"intolérable" l'initiative du président. C'est une réaction basse et pathétique : celle d'une opposition incapable de s'élever au-dessus des conflits partisans ; celle d'une opposition qui eût préféré que l'on restât dans un silence de plomb indigne d'une République sûre d'elle.

M. Hollande a accompli un pas de plus dans la réconciliation de la France avec son histoire et avec l'Algérie. Il a bien fait.

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