mercredi 30 novembre 2011

Jean-Pierre Raffarin prend ses distances avec Claude Guéant 30.11.11 | 08:03 | LEMONDE.FR Patrick Roger


Invité comme "grand témoin", mardi 29 novembre, de la deuxième convention nationale de l'UMP sur son projet pour 2012, Jean-Pierre Raffarin a fait entendre une voix singulière. Alors que le ministre de l'intérieur, Claude Guéant, affirme l'objectif de réduire "de 10 %" l'immigration légale, l'ancien premier ministre a mis en garde, au nom de l'"humanisme", contre le risque de faire des immigrés des "adversaires".

"Bien sûr, il faut maîtriser l'immigration, a plaidé le sénateur de la Vienne, mais l'immigré qui respecte la règle a aussi droit à notre considération. Ne soyons pas brutaux. Ne faisons pas des immigrés des adversaires globaux. L'immigré qui respecte la France est un ami de la République. Ne mélangeons pas tous les immigrés. S'ils respectent la règle, ils sont respectés par la règle. Ceux-là, la République les aime et ils aiment la République. Il faut qu'ils entendent notre message."

Le problème, dans cette convention de l'UMP, dite du "rassemblement", consacrée aux thèmes de l'éducation et des "valeurs républicaines", tenait précisément à la nature du message adressé. Claude Guéant, dans une intervention enregistrée, a fait du Guéant,"droit dans ses bottes". Jean-François Copé, le secrétaire général de l'UMP, alors que la gauche a décidé de "cibler" le ministre de l'intérieur, a tenu à rendre hommage à l'action de ce dernier en dénonçant la campagne"scandaleuse " dont il fait l'objet.

Après s'en être prise, lors de sa précédente convention, à l'"assistanat", l'UMP a cette fois mis l'accent sur le "fléau" de la délinquance des mineurs et sur le rappel des principes de sécurité et de laïcité face au "péril communautariste", en insistant sur la maîtrise des flux migratoires et la restriction de l'accès à certains droits. Bruno Le Maire, le coordonnateur du projet de l'UMP, a conclu en plaidant pour "une République des valeurs et des règles, une République du bon sens, pas une République du communautarisme".

Ce message-là, les militants rhône-alpins rassemblés dans la salle du Double mixte l'ont bien entendu. Auront-ils intégré le plaidoyer pour "un humanisme français avec Nicolas Sarkozy" lancé par M. Raffarin ? Est-ce réellement là l'ancrage de la future campagne du président de la République sortant ? Il est permis d'en douter. Les principaux responsables de l'UMP présents ont accueilli le discours avec un sourire de sympathie et un laconique : "C'est Jean-Pierre Raffarin. On connaît ses convictions."

Interrogé par Le Monde, celui-ci s'est néanmoins félicité d'avoir pu faire entendre une tonalité différente. "Il faut éviter de tenir un discours réducteur et veiller à ce que l'immigré en situation légale ne soit pas confondu avec l'immigré en situation illlégale, a réaffirmé M. Raffarin. Attention à ce qu'il n'y ait pas de caricature." Une précaution qui sonne comme une critique en creux de la posture adoptée par le ministre de l'intérieur.



lundi 28 novembre 2011

Etre laïque en terre d'islam 28.11.11 | 19:40 | LE MONDE Jean-François Bayart, directeur de recherche au CNRS


Face à l'islam, les Français vivent dans l'illusion d'une équation magique selon laquelle la République équivaut à la démocratie qui équivaut à la laïcité qui équivaut à l'égalité des sexes qui équivaut à la modernité qui équivaut à l'Occident qui équivaut au christianisme. L'équation, mal posée, est insoluble. Aucun de ses termes ne résiste à l'analyse de terrain.

Donnons un point à Brice Hortefeux, à l'époque ministre de l'intérieur. Un musulman, "quand il y en a un, ça va, c'est quand il y en a beaucoup qu'il y a des problèmes". En effet, ils ne sont pas deux à penser la même chose ! D'un point de vue politique, l'islam n'existe pas. Il est un vocabulaire politique islamique issu de la théologie, de la philosophie, du droit musulmans. Mais chacun de ses mots est polysémique.

De même, il y a des partis qui se réclament de l'islam. Les uns sont conservateurs et néolibéraux, les autres étatistes et/ou révolutionnaires, et tous sont nationalistes, donnant aux intérêts de l'Etat-nation la priorité sur ceux de la communauté des croyants. Un militant algérien l'avait expliqué au jeune historien et sociologue Maxime Rodinson, lors d'une Fête de L'Humanité, entre les deux guerres : "L'Oumma et L'Huma, c'est la même chose ."

Et cette même chose relève de l'utopie. En conséquence, les conflits qui déchirent les sociétés islamiques sont internes à celles-ci. Ils opposent les musulmans entre eux, plutôt que ceux-ci à l'Occident. Ainsi du Pakistan, de l'Afghanistan, de l'Irak, ou encore, dans le contexte des "printemps arabes", de la Syrie, de l'Egypte, de la Libye.

L'islam est un mot-valise qui n'interdit en rien aux musulmans concrets d'être des adeptes de la laïcité, pas plus que le christianisme ne prédisposait les chrétiens à le devenir. Mais la laïcité est elle-même une catégorie vide de sens politique précis.

En France, elle désigne la séparation pragmatique des cultes et de l'Etat, au nom d'une conception universaliste de la citoyenneté. En Turquie, elle signifie son antipode : la subordination politique et bureaucratique du religieux à l'Etat, dans le contexte d'une définition ethnoconfessionnelle de la citoyenneté.

Encore faut-il se garder de figer chacune des deux trajectoires dans un modèle anhistorique. La France demeure habitée par une représentation ethnoconfessionnelle de l'appartenance à la nation, comme l'a démontré la collaboration de Vichy avec les nazis après cinquante ans d'antisémitisme républicain, et comme le rappellent aujourd'hui les propos nauséabonds de ministres au détriment des Français de confession ou d'origine familiale musulmane, voire juive.

Dans le même temps, des Turcs plaident en faveur d'une refondation universaliste de leur République afin qu'elle assure l'égalité réelle des droits à tous les citoyens - une mue dont la reconnaissance du génocide des Arméniens est le prix d'entrée.

La plupart des pays du Moyen-Orient se situent à la confluence de ces deux modèles de laïcité et de citoyenneté, pour avoir été successivement des provinces ottomanes et des colonies françaises ou britanniques. Il en est de la sorte en Algérie, en Tunisie, en Egypte, au Liban, en Syrie, en Irak. Mais cela est aussi vrai de la Grèce, des républiques de l'ancienne Yougoslavie ou d'Israël...

Derechef, l'islam explique moins que ne le fait l'histoire, et notamment le passage d'un monde impérial inclusif de l'aire ottomane à un monde d'Etats-nations fonctionnant selon des logiques d'exclusion.

Un autre distinguo s'impose. La laïcité est une politique publique, relative à l'organisation légale ou administrative des champs religieux et politique. La sécularisation est un processus social de dissociation des affaires de la cité et des convictions religieuses. La laïcité de l'Etat, alla franca ou alla turca, n'est pas une condition nécessaire à la sécularisation de la société, ainsi que le démontre l'expérience des régimes occidentaux confessionnels, du Maroc ou de la République islamique d'Iran.

De même, elle n'exclut pas l'arrivée au pouvoir, par le biais des urnes, d'un parti islamique, comme en Turquie et en Tunisie, sans que cette alternance remette obligatoirement en cause le caractère laïque des institutions ni la sécularisation de la société. C'est que les électeurs ont souvent voté pour ces partis selon des raisons non religieuses, par exemple pour sortir les sortants et renvoyer l'armée dans ses casernes en Turquie, ou pour rompre avec l'ancien régime en Tunisie.

Autrement dit, il n'est de laïcité, en terre d'islam, que par rapport à des histoires et des contextes singuliers, au regard des pratiques ou des stratégies effectives des acteurs sociaux. D'une situation à l'autre, cette idée est un élément de la domination politique et de la distinction sociale, en bref un langage de classe.

En outre, pour une minorité de musulmans qui, pour être minoritaires, n'en sont pas moins respectables ni moins musulmans, elle est accolée à certaines libertés publiques, comme celles de la conscience ou du gosier. Et, pour une majorité d'entre eux, elle est le nom respectable de l'islamophobie dans laquelle se vautre désormais l'Europe.

Dès lors que la laïcité est un "événement", historiquement situé, plutôt qu'une "essence", pour reprendre la distinction du philosophe Gilles Deleuze sur ce que doit dire un concept, elle n'entretient pas, avec le politique ou le religieux, un rapport fixe. L'islam a été peu présent dans le déclenchement des "printemps arabes". Il s'y est vite (ré)inséré. Mais n'énonçons pas ces recompositions selon un jeu à somme nulle.

D'abord, parce que les armées, ou les régimes sous tutelle militaire, ont, la main sur le coeur de la laïcité, beaucoup concédé à l'islam pour lutter contre la gauche ou les revendications régionalistes, notamment en Algérie, en Egypte et en Turquie, dans les années 1960-1990.

Ensuite, parce que les mobilisations de 2011 ont fourni aux jeunes militants laïques et islamistes l'opportunité de lutter ensemble, de partager l'espace public au prix de compromis mutuels, et d'imposer aux aînés de leurs camps respectifs de nouvelles visions de la cité. Selon le politologue marocain Mohamed Tozy, devrait en découler une offre islamique d'Etat séculier, dont le vocabulaire musulman, prompt à effaroucher les opinions occidentales, avec ses notions de "charia" ou de "califat", pourrait ne rien dire d'autre qu'Etat civil de droit, bonne gouvernance et privatisation de la solidarité sociale.

L'idée hexagonale de laïcité n'a pas aidé les Français à admettre l'iniquité des Etats moyen-orientaux qui s'en réclamaient ni à pressentir l'éclosion des "printemps arabes". Elle menace maintenant de les faire passer à côté des recompositions en cours. Le vrai problème a moins trait aux rapports de la religion et du politique qu'à la relation au néolibéralisme des partis issus de l'islamisme.

Si les peuples dits arabes ou musulmans ont apporté la preuve de leur capacité à secouer le joug de l'oppression politique, ils n'ont pas encore - pas plus que les Européens - su apporter une réponse à la crise structurelle qui frappe l'économie mondiale. Certes, la Turquie de l'AKP caracole avec ses 8 % de croissance. Mais pour combien de temps, et en quoi ce succès est-il reproductible sous prétexte d'islam ?

Quid du prétendu miracle tunisien qui n'était qu'un mirage, sans même parler de la vulnérabilité du décollage du Maroc, des trompe-l'oeil pharaoniques du Golfe ou des piètres performances de l'Egypte et de la Syrie ?

La question à laquelle sont confrontés les musulmans, islamistes et laïcistes confondus, est sociale et non religieuse. Et, pour la résoudre, le "petit père Combes" (il avait préparé le projet de loi de séparation de l'Eglise et de l'Etatqui sera votée en 1905)leur sera moins utile que l'économiste Keynes.


Les étrangers naturalisés en France devront signer une "charte des droits et devoirs" 16.11.11 | 08:39 | LEMONDE.FR avec AFP



Les étrangers naturalisés signeront à partir du 1er janvier 2012 une"charte des droits et devoirs du citoyen français" élaborée par le Haut Conseil à l'intégration (HCI) et remise mardi 15 novembre au ministre de l'intérieur, Claude Guéant. Le texte, voulu par la loi du 16 juin 2011 sur l'immigration et l'intégration, doit être transmis sous forme de décret au Conseil d'Etat pour être appliqué au début de l'année prochaine.

"Vous souhaitez devenir français. C'est une décision importante et réfléchie. Devenir français n'est pas une simple démarche administrative. Acquérir la nationalité française est une décision qui vous engage et, au-delà de vous, engage vos descendants", souligne la charte dans son préambule. "En devenant français, vous ne pourrez plus vous réclamer d'une autre nationalité", insiste la charte, qui rappelle les principes, valeurs et symboles de la République française, comme l'égalité entre les hommes et les femmes.

Le document doit être signé à l'issue de l'entretien d'assimilation par les étrangers qui accèdent à la nationalité française par naturalisation (90 000 environ) et non par ceux qui l'obtiennent par le mariage (17 000) et par le droit du sol (27 000). "Il faudra que la loi corrige ce qui a été un oubli", a dit Claude Guéant à ce propos."Intellectualiser ces principes, en prendre une conscience plus claire, plus juridique est très important", a commenté le ministre de l'intérieur.

"LE MAINTIEN DE NOTRE COHÉSION NATIONALE"

Pour ce dernier, la signature de la charte "est un moment de solennité entre la nation accueillante et la personne accueillie""L'assimiliation est tout à fait nécessaire. Elle doit se faire par la langue et par l'adhésion aux valeurs essentielles de notre démocratie", a-t-il ajouté. "Le maintien de notre cohésion nationale, dans des périodes difficiles comme aujourd'hui, ainsi que la réussite du processus d'intégration des immigrés, dépend de notre propre foi en nos propres valeurs", a déclaré le président du HCI, Patrick Gaubert.,

Le texte, qui n'a pas de valeur coercitive, "donnera un esprit dynamique à la naturalisation considérée jusque-là comme une procédure administrative", a affirmé de son côté le député UMP Claude Goasguen, selon qui le droit de la nationalité est appelé à évoluer. La signature de la charte marque une nouvelle étape dans les conditions de naturalisation, avec l'exigence d'un meilleur niveau de la langue et d'une plus grande connaissance de l'histoire et de la culture de la France.

En 2009, plus de 108 000 étrangers ont été naturalisés français, pour 44 % des Maghrébins, suivis des Turc et des Russes. Une vingtaine de refus sont prononcés chaque année pour"défaut d'assimilation" du postulant.


dimanche 27 novembre 2011

La France accueille "trop" d'étrangers en situation régulière, selon Guéant 27.11.11 | 18:09 | LEMONDE.FR avec AFP


Le ministre de l'intérieur, Claude Guéant, a estimé dimanche 27 novembre que la France acceptait"trop" d'étrangers en situation régulière chaque année. "Nous acceptons sur notre sol chaque année 200 000 étrangers en situation régulière. C'est l'équivalent d'une ville comme Rennes, c'est deux fois Perpignan", a-t-il déclaré lors de l'émission "Le Grand rendez-vous" d'Europe 1, I-télé, Le Parisien.

"Moi aussi je trouve que c'est trop", a dit M. Guéant alors qu'on lui rappelait le point de vue de la présidente du Front national, Marine Le Pen, à cet égard."Pourquoi est-ce trop ? Parce que je souhaite comme le gouvernement, comme le président de la République, que les étrangers qui viennent chez nous soient intégrés, adoptent nos lois, adoptent notre mode de vie", a dit le ministre.

Il a rappelé son "objectif de diminuer en un an de 10 % de 20 000 [cette immigration légale] et nous allons tenir cet objectif", a-t-il ajouté. "La France n'est pas fermée, la France n'est pas un pays xénophobe", a martelé M. Guéant.

CROISEMENT DES FICHIERS DES ÉTRANGERS ET DE LA SÉCU

Le ministre de l'intérieur a annoncé qu'à partir de janvier 2012 le fichier des étrangers résidant en France et celui de la Sécurité sociale seraient croisés, offrant des"moyens plus efficaces" pour lutter contre les fraudes sociales imputables aux étrangers.

"Tous les ministres doivent prendre leur part" à la lutte contre la fraude, a estimé M. Guéant, la sienne portant sur "les mesures spécifiques aux étrangers".

A titre d'exemple, le ministre de l'intérieur a cité le versement des allocations familiales, soumis à une condition de résidence sur le territoire, alors qu'"il y a un certain nombre, que je ne peux pas chiffrer, de ressortissants étrangers qui résident régulièrement sur notre sol [et] qui touchent des allocations familiales pour des enfants qui ne vivent pas en France".

"LES ÉTRANGERS SONT CIBLÉS COMME TOUS LES FRAUDEURS"

Il a également désigné les ressortissants étrangers qui font"des allers et retours entre la France et leur pays d'origine, passent plus de temps dans leur pays d'origine qu'en France et touchent des allocations logement ou des allocations d'adulte handicapé en France".

Tout cela "n'est pas normal", a estimé Claude Guéant, tout en affirmant que "les étrangers ne sont pas ciblés plus que les autres, les étrangers sont ciblés comme tous les fraudeurs".

"IL Y A BEAUCOUP D'ABUS DANS LES MARIAGES"

Interrogé sur le regroupement familial, le ministre a rappelé qu'il y avait "déjà eu une réforme importante", mais qu'il y en avait"encore à faire en ce qui concerne le rapprochement familial", c'est-à-dire "les personnes de nationalité française qui vivent en France et qui cherchent à faire venir des familles venant de l'étranger", a expliqué M. Guéant.

Or, a-t-il noté, "les mêmes règles ne s'appliquent pas, les conditions de ressources, de logement, ne sont pas les mêmes et je crois que c'est une perspective qu'il faut avoir parce qu'il y a beaucoup d'abus, de la même façon qu'il y a beaucoup d'abus dans les mariages".

"Beaucoup de mariages sont frauduleux. Il faut, qu'avec le ministre de la Justice, nous veillons à ce que les mariages soient des vrais mariages", a conclu le ministre.