vendredi 27 septembre 2013

Islamophobie, du fantasme à la réalité 27.09.2013 à 11:59 | LE MONDE

Islamophobie : longtemps, le terme a été controversé, tant il apparaissait comme un instrument propre à invalider toute critique de l'intégrisme musulman.

Il commence pourtant à être admis par des responsables politiques et des intellectuels : la réalité des actes commis contre des lieux de culte ou des citoyens musulmans est désormais reconnue par les plus hautes instances de l'Etat. Cette reconnaissance est bienvenue. Nommer et identifier un problème ne peut que contribuer à sa résolution.

Bien des facteurs ont contribué à cette évolution. La médiatisation d'agressions de femmes voilées prises à partie sans autre raison que l'affichage de leur appartenance religieuse. Mais aussi le travail d'associations qui ont mis en lumière des faits jusque-là passés sous silence ou assimilés à du "racisme ordinaire". Ou encore la publication de statistiques validées par le ministère de l'intérieur, faisant état d'une augmentation régulière des plaintes liées à des actes anti-musulmans, qu'il s'agisse d'agressions physiques ou verbales contre des personnes ou de dégradations de lieux de culte. Ou, enfin, la condamnation politique unanime des profanations à répétition de tombes militaires (ou civiles) musulmanes.

Mais le simple constat ne suffit pas. Encore faut-il connaître les causes de ces nouvelles tensions, qui malmènent la deuxième religion de France. Mais aussi, et surtout, éviter les pièges de l'instrumentalisation à laquelle ce sujet est propice.

Les ressorts de l'islamophobie sont nombreux : anticléricalisme, rejet de la différence, lecture géopolitique de l'islam, assimilé à l'islamisme radical et au terrorisme, revendications identitaires et religieuses jugées exorbitantes par la société française, remise en cause de certaines lois de la République par des pratiquants… Il est de la responsabilité de chacun : observateurs, responsables politiques, militants de la lutte contre l'islamophobie, de discerner la validité de chacune de ses causes dans le contexte français.

D'autant que des soupçons pèsent sur la légitimité de ce combat, qui ne serait qu'un prétexte pour invalider toute critique de la religion musulmane et instaurer, au bout du compte, un délit de blasphème. Cette crainte – qui a contribué à disqualifier le terme même d'islamophobie – est fondée. Pendant des années, l'Organisation de la coopération islamique a défendu à l'ONU l'inscription de la diffamation des religions dans le droit international. Elle n'y est pas parvenue. Mais la confusion demeure dans les esprits les plus radicaux.

D'autres voient aussi dans ce combat une volonté chez certains musulmans de s'inscrire dans une concurrence victimaire avec les juifs, afin de "minimiser" l'antisémitisme. Là encore, une définition claire de la lutte contre l'islamophobie permettra de couper court à toute instrumentalisation.

Enfin, sur le plan politique, une attention sans faille doit être portée aux discours présentant les musulmans et l'islam en général comme un "problème". Selon la plupart des observateurs, cette tentation de l'amalgame favorise le passage à l'acte.

Dans ce contexte, les politiques doivent veiller à ce que la laïcité, convoquée de l'extrême droite à l'extrême gauche, ne soit pas à son tour instrumentalisée pour justifier le rejet global d'une religion.


Manuel Valls impose sa ligne avec la bénédiction de l'Elysée 27.09.2013 à 13:57 | LE MONDE David Revault d'Allonnes

Le ministère de l'intérieur, Manuel Valls, le 25 septembre.AFP/FRED DUFOUR

A mesure qu'il étend son influence, les crispations que suscite Manuel Valls se font chaque jour plus vives dans le gouvernement. La dernière sortie du ministre de l'intérieur, qui a estimé, mardi 24 septembre, que les Roms "ont des modes de vie extrêmement différents des nôtres" et qu'"une minorité de familles veut s'intégrer en France",a causé quarante-huit heures plus tard une intense réplique de la ministre écologiste du logement Cécile Duflot. Laquelle l'a accusé d'être "allé au-delà de ce qui met en danger le pacte républicain".

Depuis la tribune des journées parlementaires d'Europe Ecologie-Les Verts, à Angers, où elle siégeait aux côtés de deux ministres socialistes, Philippe Martin (écologie) et Alain Vidalies (relations avec le Parlement), et près du président PS de l'Assemblée nationale, Claude Bartolone, Mme Duflot a sorti l'arme lourde. Au point de tracer le parallèle entre les usages sarkozyste et vallsiste du ministère de l'intérieur : "Quand, tous, nous avons dit que le discours de Grenoble était un scandale absolu, nous ne pouvons pas laisser penser que nous pourrions utiliser les mêmes méthodes", a-t-elle lâché au nez de ces trois responsables socialistes stupéfaits et passablement embarrassés.

>> Lire aussi (abonnés) : Duflot ressoude les rangs écologistes en attaquant Valls sur les Roms

La ministre du logement, qui s'était déjà confrontée à M. Valls pendant l'été 2012 sur ce dossier et qui n'a pas digéré sa dernière sortie, en a même appelé à l'arbitrage du chef de l'Etat : "Ce n'est pas la responsabilité des ministres, c'est la responsabilité du président de la République", a lancé Mme Duflot, qui, à la fin du conseil des ministres de la veille, avait déjà eu une discussion qualifiée de franche avec le président. Après cette charge, la plus lourde portée contre le ministre de l'intérieur par un de ses collègues depuis le début du quinquennat, le premier ministre Jean-Marc Ayrault tentait d'évacuer en renvoyant à la circulaire interministérielle d'août 2012.

"IL Y A UN CONSENSUS SUR LA RÉALITÉ"

Cette escalade a néanmoins percuté de plein fouet le déplacement hautement symbolique qu'effectuait, le même jour à Florange, le chef de l'Etat, dont le staff, prenant connaissance des propos de Mme Duflot à la sortie d'une visite à l'usine Crown Bevcan de Pompey (Meurthe-et-Moselle), se montrait exaspéré de voir ainsi "bousiller la séquence du jour". S'adressant à la presse, le président insistait sur l'espoir que pouvait redonner l'Etat, face à la montée de l'extrême droite, dans les régions touchées par la crise. Mais tournait les talons à peine la question des Roms abordée : "Je ne suis pas là pour commenter les phrases des uns et des autres…"

Pas de commentaire mais une certitude : l'Elysée, qui juge inconcevable, dans les conditions actuelles, que Roumanie et Bulgarie entrent dans l'espace Schengen 2014, n'a nullement l'intention de démentir la place Beauvau. "Arrêtons les débats sémantiques, il y a un consensus sur la réalité", glisse-t-on dans l'entourage du président. "Les Roms ne sont globalement pas dans une logique d'intégration",ajoute un conseiller. "Fermeté et humanité" : la ligne définie à l'orée du quinquennat, officiellement, demeure.

Cependant, comme sur la réforme pénale ou l'affaire du bijoutier de Nice, les atours de l'équilibre ne camouflent plus un positionnement présidentiel de plus en plus tourné vers le terme le plus sécuritaire de l'alternative. Même si François Hollande laisse à son ministre de l'intérieur le soin de clamer avec fracas ce qu'il envisage tout bas. "C'est le président qui fait passer sa ligne à travers Valls, estime-t-on place Beauvau. On a le mauvais rôle. Mais le boulot, il faut le faire."

"LA FORCE VA À LA FORCE, DONC À VALLS"

Comme à l'accoutumée, M. Valls a beau jeu de dissimuler l'énormité des transgressions sous la blouse immaculée du meilleur élève de la classe hollandaise. Dans l'équipe du ministre de l'intérieur, où l'on accuse Mme Duflot d'"allumer un contre-feu pour ne pas parler de ses difficultés, comme le départ de Noël Mamère ou la place des Verts au gouvernement", on pousse même le vice jusqu'à souligner que M. Valls, pour sa part, avait calé exprès la présentation de son plan anticambriolage la veille du déplacement présidentiel à Florange, afin de ne pas perturber celui-ci.

Dans la chronique, déjà longue, des menées expansionnistes du ministre, ce nouveau scandale est un pas de plus dans l'extension du domaine de Manuel Valls sur la ligne gouvernementale. Un conseiller ministériel résume :"Valls énerve une partie du gouvernement et de la majorité, mais il est intouchable. Il est populaire, efficace et l'opinion est de son côté, y compris dans l'électorat de gauche. La force va à la force, donc à Valls." A l'orée d'une campagne municipale qui s'annonce axée avant tout sur la sécurité, nul socialiste ne semble en mesure de contester sa ligne.

Certes, l'irritation gagne dans la majorité, comme aux journées parlementaires du PS à Bordeaux."Une fois de plus, on est réunis entre socialistes et une fois de plus, on parle de Valls qui déplace le sujet sur un terrain qui n'était pas prévu", pestait un député. Mais même sur l'aile gauche, les protestations restent ténues sur ce sujet localement sensible. Ainsi Arnaud Montebourg, qui avait semblé désavouer Manuel Valls en estimant mercredi "qu'il n'existe pas de théorie selon laquelle tel peuple, telle personne de telle origine ne pourraient jamais au grand jamais s'intégrer", dînait encore avec lui jeudi soir.

LE MINISTRE A QUARTIER LIBRE

Fort de l'approbation de nombreux maires socialistes et du soutien du président, le ministre a quartier libre. "J'ai le devoir d'écouter l'exaspération, les colères, les souffrances de notre peuple", a-t-il maintenu jeudi 26 septembre.

Déjà fort sollicité pour les municipales, toujours très haut dans l'opinion là où François Hollande s'effrite encore, le ministre de l'intérieur, dans la mission de l'envoyé spécial sur le front du FN, compte déjà sur la campagne pour faire prospérer ses vues. "Nous sommes en train de faire gagner une gauche social-démocrate, en prise avec la réalité, contre une gauche dogmatique et incantatoire", jubile un proche de M. Valls. Avec toutefois ce risque, mis en avant par un conseiller ministériel : "Il ne faut pas perdre nos mairies, bien sûr. Mais il ne faut pas non plus perdre totalement notre électorat."

jeudi 19 septembre 2013

Les Québécois divisés sur la question des signes religieux ostentatoires 18.09.2013 à 18:38 | Le Monde.fr


Pauline Marois et le ministre responsable des institutions démocratiques et de la participation citoyenne, Bernard Drainville, présentent la Charte des valeurs québécoises à l'Assemblée nationale du Québec, le 10 septembre à Québec. MATHIEU BELANGER/REUTERS

Le Québec vit une rentrée politique très mouvementée autour du projet de loi gouvernemental qui vise à instaurer une "charte des valeurs québécoises" qui entend encadrer le port de signes religieux ostentatoires pour les employés de la fonction publique. Une nouvelle législation proche de celle que connaît la France, mais qui provoque une rupture vis-à-vis de la tradition multiculturaliste du Canada et révèle des divisions profondes entre francophones et anglophones au Québec.

>> Lire aussi Manifestation à Montréal contre le projet de loi sur la laïcité

Un test politique. A la fin du mois d'août, des fuites dans la presse québécoise – en forme de test de l'opinion – amènent le Parti québécois (PQ, indépendantistes), au pouvoir dans la province depuis l'élection générale de septembre 2012, à défendre un projet de loi dont l'élaboration n'était pas complètement achevée. Depuis trois semaines, le feu nourri des critiques se concentre sur Bernard Drainville, ministre responsable des institutions démocratiques et de la participation citoyenne, qui défend mordicus le projet de loi.

Cinq propositions majeures. Sur le site Internet consacré à la promotion de la charte des valeurs québécoises, M. Drainville évoque un texte "favorisant la cohésion et la paix sociale". Le contenu des cinq propositions présentées par le ministre rappelle ce que la France, laïque, applique déjà :

  • inscription de la neutralité religieuse de l'Etat et du caractère laïque des institutions publiques dans la Charte des droits et libertés de la personne ;
  • instauration d'un devoir de réserve et de neutralité religieuse pour les fonctionnaires pendant leurs heures de travail ;
  • encadrement du port de signes religieux ostentatoires pour le personnel de l'Etat dans l'exercice de ses fonctions ;
  • obligation de donner et de recevoir les services de l'Etat "à visage découvert" ;
  • les ministères et organismes de l'Etat s'engagent à élaborer une procédure de mise en œuvre de la neutralité religieuse et pour gérer les accommodements religieux.

Pour Eric Bédard, historien québécois spécialiste de l'histoire du Québec, le terreau de ce projet a été préparé au début des années 2000, au moment de la crise "des accommodements raisonnables",lorsqu'un "certain nombre de concessions avaient été faites à des personnes issues de cultures religieuses différentes" (bains séparés, viande halal dans les garderies publiques, refus d'être soigné par une femme médecin, etc.). "Cela échappait à la parole démocratique. Le gouvernement a voulu prendre tout cela de front en encadrant les accommodements raisonnables", juge-t-il.

Les Québécois partagés. La population québécoise reste très divisée sur les enjeux de ce texte qui entend graver dans le marbre les valeurs du Québec tel qu'il est perçu par le gouvernement du PQ. En souhaitant "rassembler" les habitants autour de "valeurs communes", les indépendantistes cherchent à légiférer sur le "vivre ensemble" du Québec.

Près de la moitié des habitants se déclare ouvertement opposée au projet de loi dans un sondagepublié par Le Journal de Montréal.Le même document met en évidence une division profonde des Québécois sur la question des"valeurs communes" : 49 %  des francophones, qui représentent environ les trois quarts des habitants du Québec, seraient favorables au texte quand 72 % des anglophones se sont prononcés contre. A l'échelle du pays, près de 42 % des Canadiens se sont dits favorables à la charte des valeurs québécoises.

Autre point important, il existe un consensus (90 %) sur la proposition numéro quatre de Bernard Drainville, qui consiste à rendre "obligatoire le visage découvert lorsqu'on donne ou reçoit un service de l'Etat".

Valérie Amiraux, professeur de sociologie au département de l'Université de Montréal, s'alarme du climat politique dans lequel se déroulent les débats sur place : "En comparaison de la virulence actuelle des débats québécois, la discussion sur la burqa en France semble presque angélique… Les propos racistes sont explicites. La manipulation politique à des fins électoralistes est outrancière." La sociologue désigne ce texte comme une "aberration historique" pour le Québec qui"s'est illustré comme un Etat dans lequel le vivre ensemble était possible".

Manifestation, le 14 septembre à Montréal, contre le projet de loi défendu par Pauline Marois, premier ministre du Québec. CHRISTINNE MUSCHI/REUTERS

Autre signe de tension, plusieurs milliers de personnes, dont de nombreux musulmans, ont investi le centre-ville de Montréal, le 14 septembre, pour protester contre un projet de loi qu'ils jugent raciste et discriminatoire.

Un crucifix à l'Assemblée nationale. En plein débat sur la neutralité de l'Etat et des fonctionnaires, le crucifix installé au-dessus du siège du président de l'Assemblée nationale,  suscite des interrogations.

Lors de sa prise de fonction en 1936, le premier ministre Maurice Duplessis décide de lier le destin de la province à celui de l'Eglise en instaurant plusieurs symboles encore en vigueur aujourd'hui. C'est le cas, entre autres, du drapeau du Québec et du crucifix installé au-dessus du fauteuil du président de l'Assemblée nationale, à Québec.

Depuis, le crucifix n'a jamais quitté son emplacement d'origine. Il a même été décidé de le maintenir en 2008 rappelle Valérie Amiraux : "La commission Bouchard-Taylor, qui avait interrogé des centaines de personnes pendant des mois sur les pratiques d'accommodement reliées aux différences culturelles, indiquait qu'il n'y avait aucun problème mais que les représentations étaient problématiques." La commission a donc recommandé d'enlever le crucifix. En réponse, les députés ont soutenu à l'unanimité une motion du gouvernement prônant son maintien au-dessus du siège du président de l'Assemblée.

Interrogé récemment par la télévision québécoise sur cette question, M. Drainville a réfuté d'emblée la possibilité que ce symbole du "parcours historique"du Québec soit retiré de l'Assemblée nationale, malgré le projet de loi sur la laïcité : "Le crucifix est là pour rester. On va tenir compte de notre parcours historique. On a une histoire au Québec, on a une culture et on va la respecter. Il y aura un débat, mais on a déjà pris cette décision."Comme le ministre, environ 54 % des Québécois se déclarent favorables au maintien de ce symbole religieux au Parlement.

Ce n'est pas une surprise pour Eric Bédard : "Les Québécois n'ont pas la nostalgie d'un régime conservateur ou d'une époque mais souhaitent que l'on reconnaisse le rôle joué par l'Eglise catholique dans l'histoire du Québec. Ce patrimoine religieux rattache le Québec à l'Occident."

Ottawa et les libéraux montent au créneau. L'affirmation par le Québec de "ses valeurs" vise indirectement à le dissocier du Canada où Ottawa réagit avec un mélange d'agacement et perplexité. Lundi, rapporte la presse québécoise, le premier ministre canadien, Stephen Harper, a émis des doutes sur la capacité du gouvernement du PQ, minoritaire à l'Assemblée nationale, à faire adopter le projet de charte sans l'appui des autres partis politiques qui ont déjà manifesté leur hostilité.

Par ailleurs, l'Etat canadien, attaché à son modèle multiculturaliste, n'a pas caché qu'il userait des moyens légaux nécessaires à l'application des textes fédéraux.

Au Québec, le combat du gouvernement de Pauline Marois prend la forme d'une gageure. Entré en force à l'Assemblée nationale il y a à peine un an, le Parti québécois arrivait en seconde position, dimanche 15 septembre, dans les intentions de votes aux prochaines élections provinciales. Un désaveux populaire pourrait provoquer une paralysie politique et contraindre à une nouvelle dissolution de l'Assemblée nationale, comme cela avait  été le cas lors des manifestations contre la hausse importante des droits de scolarité en 2012.

En embuscade, le Parti libéral du Québec pourrait désavouer la charte et profiter de la zizanie politique pour se refaire avant la prochaine échéance électorale. Mardi 17 septembre au Parlement, Jean-Marc Fournier, ancien ministre de la justice et chef des libéraux, a recommandé au gouvernement de "laisser tomber"ce projet de charte qui "divise" les Québécois.

Rodolphe Baron

lundi 9 septembre 2013

La charte sur la laïcité remporte une large adhésion politique 09.09.2013 à 19:12 | Le Monde.fr avec AFP Philippe Euzen


Vincent Peillon, lors de l'installation de la charte de la laïcité dans un lycée de Seine-et-Marne, le 9 septembre.AFP/BERTRAND GUAY

En installant la première charte laïque à l'école, lundi 9 septembre, à La Ferté-sous-Jouarre (Seine-et-Marne), le ministre de l'éducation nationale, Vincent Peillon, a cru bon de souligner que la laïcité est"un combat non pas pour opposer les uns et les autres, mais un combat contre ceux qui veulent opposer les uns et les autres". Une définition qui lui permet, dans un même élan – bien que son texte remporte une très large adhésion dans la classe politique –, de répondre aux tenants d'une laïcité offensive, et de rassurer les communautés qui pourraient se sentir stigmatisées par ce texte.

UNE DÉMARCHE "PLUTÔT INTÉRESSANTE"

Pour la candidate à la mairie de Paris, Nathalie Kosciusko-Morizet, invitée de France Bleu Paris, lundi 9 septembre, "cette démarche est plutôt intéressante". "Le mot laïcité est très présent dans le discours politique mais c'est un mot pas très facile, pas très facile pour les enfants et parfois pour les adultes. Lorsqu'il y a eu le débat sur l'identité nationale, l'une des conclusions avait été de dire qu'il y aurait un code de la laïcité notamment à l'égard des élus, j'avais trouvé ça bien aussi."

Le président de l'UDI, Jean-Louis Borloo, déclare quant à lui, sur France Inter, que c'est "un bon texte". "C'est un rappel de principes qui me paraît opportun". "Ils ont évité les pièges principaux, ce n'est pas donneur de leçons et je pense que c'est un bon texte", ajoute l'ancien ministre.

Plus mesuré, Luc Chatel, estime que "c'est un pas dans la bonne direction mais [que cela] ne changera pas forcément les choses".

Robert Badinter, ancien président du Conseil constitutionnel et ancien garde des sceaux, a estimé que "la laïcité fait partie de l'ADN de la République". Et Jean-Louis Bianco, président de l'Observatoire de la laïcité, a relevé qu'à "plus de 100 ans, elle est incroyablement moderne". La charte à l'école "ne résoudra pas tous les problèmes. Mais les gens ont besoin de repères, qu'on rappelle les principes qui ne sont pas si bien connus que cela", a dit M. Bianco. "Et on a besoin de rechercher des solutions qui vont dans le sens de l'apaisement, du vivre ensemble, qui mettent l'école à l'écart des violences qui traversent notre société".

Le défenseur des droits,Dominique Baudis, a décidé de saisir le Conseil d'Etat afin d'obtenir des "clarifications nécessaires" sur l'application du principe de laïcité. "Il est urgent de préciser la 'règle du jeu'", explique-t-il. Ciblant deux points en particulier : "les collaborateurs bénévoles ou occasionnels du service public", M. Baudis donne l'exemple des mères voilées accompagnant les enfants lors de sorties scolaires, et les "salariés du secteur privé agissant en lien avec les pouvoirs publics", citant l'exemple des crèches privées.

UN "GADGET" POUR LE PARTI DE GAUCHE

A l'opposé des déclarations du Conseil français du culte musulman (CFCM) qui a vu dans ce texte des "allusions" à l'islam qui risquent de renforcer le sentiment de "stigmatisation", la présidente du Front national (FN), Marine Le Pen, déplore, dans un communiqué, "qu'aucune mesure véritable n'a été annoncée pour lutter concrètement contre les avancées du communautarisme"."La laïcité n'est plus à écrire, elle est à faire" en raison du"développement inquiétant du communautarisme et des revendications politico-religieuses", ajoute-t-elle.

"La laïcité n'est pas une valeur qui se proclame, c'est un concept qui se décline concrètement par des prises de décisions courageuses", estime le Parti de gauche dans un communiqué. La charte est présentée comme un "gadget" qui ne doit pas faire oublier les décisions concrètes. La formation de Jean-Luc Mélenchon plaide ainsi pour le rétablissement de la gratuité de l'éducation ou encore pour la récupération des "18,7 % du budget de l'éducation nationale qui partent chaque année dans les écoles privées".

Pour Pierre Dharréville, Responsable de la commission démocratie au PCF, "la laïcité appelle à une plus grande ambition". Il estime que la charte"a le mérite de rompre avec l'escalade permanente de ces dernières années. On pourra discuter la légitimité de ce texte mais il semble viser un objectif d'apaisement que nous partageons".