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samedi 21 novembre 2015

Radia Bakkouch veut « redoubler d’effort » pour la coexistence

Étudiante à Sciences-Po, Radia Bakkouch, 23 ans, est la nouvelle présidente de l'association interreligieuse Coexister. Selon elle, ses membres doivent « redoubler d'efforts » en faveur de l'unité et de la fraternité.

La nouvelle présidente de l'association   Coexister veut lancer des initiatives...

Corinne SIMON/CIRIC

La nouvelle présidente de l'association Coexister veut lancer des initiatives d'unité.

Depuis vendredi 13 novembre, son téléphone n'arrête pas de sonner, les rendez-vous s'enchaînent. « Ces attaques, c'est un peu un échec de la coexistence active pour laquelle nous luttons, nous sommes plus que jamais mobilisés », assure Radia Bakkouch, qui n'imaginait certainement pas qu'elle aurait à faire face à une telle catastrophe un mois seulement après son élection à la tête de Coexister, le 11 octobre dernier.

« NE CÉDONS PAS AU PIÈGE DE DAECH »

Diffuser des messages positifs sur les réseaux sociaux, lancer des initiatives d'unité, donner la parole aux responsables musulmans : le programme est chargé depuis les attentats. Avec Samuel Grzybowski, fondateur de l'association interreligieuse, à qui elle succède, Radia s'est aussi attelée à la rédaction d'une tribune, « Nous sommes unis », publiée par Libération et signée par 40 responsables associatifs et politiques de différentes confessions. « Il nous faut redoubler d'efforts », relève la jeune femme de 23 ans. « Ne cédons pas au piège de Daech, dont l'objectif et d'utiliser les perdus de la société pour tous nous diviser. »

En tant que musulmane, Radia Bakkouch s'agace qu'on demande sans cesse à ses coreligionnaires de prendre leurs distances avec le groupe terroriste : « Pour moi, l'islam n'est qu'un élément secondaire de leur idéologie de haine. » Un islam bien lointain de celui qui anime cette étudiante à Sciences-Po. « On m'a inculqué un islam libéral, appuie-t-elle,je ne suis pas très pratiquante, mais ma foi m'aide au quotidien. »

« IL EST IMPORTANT DE REVENIR AUX RACINES »

Pas évident de reprendre la tête d'un mouvement de jeunes qui depuis sa création, en 2009, a pris de l'ampleur et compte aujourd'hui près de 2 000 membres. Mais cette petite brune aux manières posées et au regard vif ne semble pas s'en effrayer. Il faut aussi dire que ses racines familiales la prédestinaient à cette voie. Née au Maroc, fille d'un père marocain et d'une mère libano-palestinienne, tous deux médecins, Radia a grandi dans une atmosphère interculturelle : « Dans ma famille, on m'a toujours dit qu'il était important de revenir aux racines, de connaître le judaïsme et le christianisme avant de choisir l'islam. »

C'est sûrement cela qui l'a poussée, dans son cursus à Sciences-Po Paris, à choisir comme destination Israël. Une année à l'étranger qui a contribué à « réconcilier un peu » sa famille avec cette terre. « J'étais la première à revenir depuis 1948 (naissance de l'État d'Israël­, NDLR), j'ai retrouvé la maison de ma grand-mère, habitée aujourd'hui par une Israélienne de gauche qui m'a accueillie à bras ouverts », raconte Radia.

Très marquée par cette expérience, elle cherche, à son retour, à s'engager davantage dans le dialogue interreligieux, choisit Coexister, s'y implique de plus en plus… jusqu'à être pressentie comme candidate à la présidence. « Je rêve que la coexistence devienne un jour une valeur républicaine », affirme la jeune femme, qui se voit déjà volontiers s'investir dans l'éducation à la paix dans de grandes institutions internationales. Mais rien ne presse.

mercredi 11 novembre 2015

Le Néerlandais Wilders veut fermer les frontières pour arrêter "l'invasion islamique"

10 Nov. 2015
Geert Wilders le 30 avril 2015 à WashingtonGeert Wilders le 30 avril 2015 à Washington (AFP/BRENDAN SMIALOWSKI
)

Le député anti-Islam néerlandais Geert Wilders, en tête des sondages dans son pays, affirme dans un entretien à l'AFP vouloir fermer les frontières de son pays afin d'empêcher la venue de milliers de réfugiés, qu'il qualifie "d'invasion islamique".


Son parti pour la liberté (PVV) est plus populaire que jamais, surfant sur la pire crise migratoire que l'Europe ait connue depuis la Seconde Guerre mondiale, et Geert Wilders ne quitte pas des yeux l'horizon 2017, avec desélections législatives et un possible poste de Premier ministre.
"La seule et unique manière de gérer la crise des réfugiés est de retrouver notre souveraineté nationale", assure-t-il lors d'un entretien à l'AFP du parlement néerlandais, à La Haye.
"Je ne demande rien d'insensé, je demande que notre gouvernement ferme ses portes, tout comme la Hongrie, que nous fermions nos frontières à ceux que nous considérons comme des migrants économiques et non comme des réfugiés".
Les formules lapidaires de Geert Wilders font souvent mouche au sein des milieux ouvriers ou de la classe moyenne, qui craignent des bouleversements sociaux si des milliers de demandeurs d'asile venus de Syrie, Afghanistan ou Irak s'installent au pays des moulins.
Les Pays-Bas ont accueilli 1.800 réfugiés la semaine dernière, selon le gouvernement néerlandais.
- 'Gens en colère' -
La question des réfugiés polarise un pays qui se targue pourtant de tolérance multiculturelle : les débats locaux et nationaux ont été marqués par des échanges d'insultes, des lettres de menaces, des violences physiques...
Le roi Willem-Alexander et les chefs de file des partis néerlandais, dont Geert Wilders, ont dès lors lancé un appel au calme.
"Les gens sont en colère, ils sont effrayés, ils veulent une politique différente et l'élite au pouvoir ne les écoute pas, soutient Geert Wilders, c'est pourquoi les partis comme le mien deviennent de plus en plus populaires".
Chef de file du PVV qu'il a créé en 2006, le député de 52 ans, aux cheveux blonds décolorés coiffés en arrière, est l'héritier politique du populiste néerlandais Pim Fortuyn, assassiné en 2002.
Selon les derniers sondages, le PVV remporterait 38 sièges de députés sur 150 si des élections étaient organisées maintenant. Un record pour le PVV.
M. Wilders avait obtenu son plus grand succès politique aux législatives de 2010 : son parti avait alors décroché 24 sièges de députés. Deux ans plus tard, tenu responsable de la chute de ce gouvernement, le PVV n'obtenait que 15 sièges.
S'il devait remporter les élections, Geert Wilders voudrait "lancer le processus pour quitter l'UE".
Selon le haut commissariat de l'ONU aux réfugiés (HCR), 752.000 migrants sont arrivés en Europe via la Méditerranée depuis le début de l'année.
Une crise migratoire qui cause d'amères tensions au sein de l'UE et que Geert Wilders qualifie à répétition "d"invasion islamique".
La chancelière allemande Angela Merkel avait ouvert les portes de l'Allemagne aux réfugiés syriens : "nous ne devrions pas payer pour la stupidité d'Angela Merkel", assure le député.
- Incitation à la haine -
Tout n'est toutefois pas rose pour Geert Wilders : il doit être jugé en 2016 pour incitation à la discrimination et à la haine.
Lors d'une soirée après les municipales de mars 2014, Geert Wilders avait harangué ses partisans à La Haye, leur demandant s'ils voulaient "plus ou moins de Marocains dans votre ville et aux Pays-Bas".
"Moins! Moins! Moins!", avaient scandé les partisans, ce à quoi Geert Wilders avait répondu: "Nous allons nous en charger". Résultat : plus de 6.000 plaintes avaient été déposées.
Politicien le mieux protégé des Pays-Bas depuis l?assassinat en 2004 du réalisateur controversé et virulent critique de l'Islam Théo van Gogh, Geert Wilders serait sur la liste noire d'Al-Qaïda.
Le chef du PVV dit être opposé à toute violence, ce inclus contre les musulmans, bien que ses commentaires sur le Coran et l'Islam soient perçus comme très insultants par de nombreux musulmans modérés.
"Si les gens menacent d'utiliser la violence contre qui que ce soit, une personne ou une institution, ils doivent être traînés devant un tribunal et emprisonnés pour un long moment", soutient le populiste, quelques minutes avant de quitter le lieu de l'entretien accompagné d'une équipe de gardes du corps.


Pourquoi un parti musulman participe pour la première fois aux régionales en France

13:53  mercredi 11 novembre 2015 | Par Zahra Rahmouni | Actualité 
Nizarr Bourchada - TSA Algérie

L'Union des démocrates musulmans français (UDMF) présentera pour la première fois une liste lors des prochaines élections régionales françaises. Le scrutin, dont le premier tour se déroulera le 6 décembre prochain, met une nouvelle fois en lumière ce jeune parti qui revendique aujourd'hui un millier d'adhérents et 8000 sympathisants. Créé en novembre 2012, l'UDMF avait déjà attiré l'attention des médias français lors des municipales de mars 2015, quelques mois après les attentats de Charlie Hebdo et la sortie du livre très controversé de Houellebecq, en janvier 2015. Entretien avec Nizarr Bourchada, vice-président du parti et tête de liste pour les régionales d'Île-de-France.

Vous étiez membre de l'UDI (Union des démocrates et indépendants, centre droit), pourquoi avoir quitté ce parti pour l'UDMF qui est une formation politique plus petite?

Cette question est assez pertinente pour la simple et bonne raison que généralement on fait plutôt le parcours inverse, on quitte le petit parti pour aller vers le plus gros. Ce n'est pas ma vision de la politique, je ne fais pas de politique pour avoir un poste. Par contre, au sein de l'UDI, il était très difficile de porter certaines valeurs, l'après-Charlie et surtout la montée des actes islamophobes, puisque selon l'observatoire de l'islamophobie il y a eu en France une recrudescence de plus de 500% des agressions physiques, m'ont fait prendre conscience de la suite de mon engagement. J'étais un humaniste à l'UDI et je reste un humaniste au sein de l'UDFM. Les propositions et la portée de parole rayonne un peu plus dans un parti comme l'UDMF qu'au sein de l'UDI.

Où se situe l'UDMF sur l'échiquier politique français ?

En terme de positionnement, on répond que l'on n'est ni de droite, ni de gauche et encore moins du centre. Pour la simple et bonne raison que l'on a une liberté au niveau des propositions. Par exemple, pour les régionales, nous avons une proposition qui concerne les sans-abris, plutôt estampillée à gauche et une proposition sur la liberté et l'esprit d'entreprendre qui est plutôt estampillée à droite. Donc, nous nous accordons cette liberté. D'ailleurs à l'UDMF, nous avons des élus de gauche comme de droite, des Républicains qui nous ont rejoints et aujourd'hui, nous nous inspirons de chaque force et compétence pour faire des propositions qui concernent tout le monde sans distinction. Sur le terrain, nous nous apercevons que des personnes qui n'ont jamais voté et qui ne se reconnaissent ni à droite ni à gauche, retrouvent l'envie de voter. Donc notre première victoire, c'est de faire revenir aux urnes des abstentionnistes.

Vous êtes accusés de « communautarisme » par vos détracteurs, est-ce que vous ne leur donnez pas raison en faisant une référence directe à la religion dans l'appellation du parti ?

Non, au contraire, je pense qu'un groupe communautaire est un groupe qui se replie sur lui-même. Nous, nous avons une démarche qui est plutôt proactive vis-à-vis des propositions qui vont dans le sens de l'intérêt général. Participer à la vie politique aujourd'hui, c'est antinomique par rapport au communautarisme. Nous souhaitons prôner le vivre ensemble, et au-delà de ces critiques sur le communautarisme, j'aimerais les interpeller sur leur propre communautarisme. Quand on regarde l'Assemblée nationale notamment, ce sont des personnes âgées et ce sont des hommes en majorité blancs qui décident pour tout le monde.

Pensez-vous pouvoir rallier un électorat autre que l'électorat musulman ?

Sur nos 225 candidats, il y en a qui ne sont pas de confession musulmane et qui nous l'ont revendiqué. Quand nous recevons les candidatures, et sur la présentation de ces candidats, nous ne souhaitons pas indiquer la confession, peu importe si la personne est agnostique, athée, chrétienne, juive ou musulmane. Nous nous adressons à tous sans distinction. Il y a des candidats qui nous ont dit qu'ils n'étaient pas de confession musulmane, mais qu'ils comprenaient complètement le combat qui est celui de l'UDFM. Pour moi c'est une victoire. Ensuite, notre programme s'adresse à tous, nous œuvrons dans l'intérêt général, nous avons plusieurs propositions qui s'adressent à tous les français et pas seulement aux musulmans. Ces propositions sont accueillies sur le terrain d'une manière très forte, les gens nous comprennent. Si nous avons le mot musulman dans notre acronyme, nous avons également les mots « Union », « Démocrate » et surtout « Français », trois autres termes qui sont aussi importants que le mot « Musulman » et ça, l'ensemble des français le comprend très bien.

Plusieurs propositions portent sur la finance islamique, un retour sur l'interdiction du voile, le développement du marché du Halal, l'enseignement de la colonisation et de la langue arabe. Quelle est la mesure principale portée par le parti ?

Aujourd'hui, il y a une professionnalisation de la politique avec des élus qui en font leur métier. Nous souhaitons apporter plus d'éthique. L'ensemble de nos candidats a signé une charte qui stipule, entre autre, que tous les élus de l'UDMF parraineront une association. Nous reverserons donc 50% de nos indemnités à une association qui respecte nos valeurs éthiques, par exemple une association de défense des sans-abris en Île-de-France, des associations comme les coopératives éthiques qui offrent des micro-crédits à certains entrepreneurs notamment des femmes. Aujourd'hui, nous considérons que 2800€ net pour siéger une fois par mois et pour faire quelques déplacements, c'est beaucoup trop pour un élu. Nous, nous sommes là pour servir et non pour nous servir. Une élue comme Valérie Pécresse (tête de liste « Les Républicains » pour la même région, NDLR) explique dans Le Parisien qu'elle a passé trois jours de stage dans une entreprise. Nous, nous sommes dans les entreprises tous les jours et nous faisons partie intégrante de la vie sociétale.

Le 6 novembre dernier, vous avez remis une liste de 225 noms pour les régionales en Île-de-France, est-ce que vous comptez présenter d'autres listes dans d'autres régions ?

Non, nous ne comptons pas présenter de candidats pour les autres régions, l'UDMF est un parti politique jeune. Il faut rester réaliste, nous avons décidé de nous concentrer sur la région Île-de-France.

Lors des élections municipales de mars 2015, l'UDMF avait fait marche arrière suite à des « pressions » et au manque de financements. Subissez-vous ce même genre de pression avant les régionales de décembre ?

Entre mars 2015 et aujourd'hui, l'UDMF s'est renforcée et s'est professionnalisée avec des élus de gauche, du centre et de droite qui nous ont rejoints et qui ont cette expérience, des médias notamment. Ce qui s'est passé avec les départementales ne s'est pas reproduit avec les régionales, car nous avons pu et su protéger les personnes qui étaient assez craintives et qui n'ont pas l'expérience des médias. Nous avons su mettre en avant les bonnes personnalités, les bons profils pour pouvoir répondre à certains détracteurs et à ce déferlement médiatique qui s'est d'ailleurs apaisé lors des régionales. Concernant les financements, ils proviennent essentiellement des dons de sympathisants et de cotisations des adhérents.

Comment pensez-vous réussir là où d'autres partis, comme le Parti musulman de France (PMF), ont échoué avant vous ?

Ces partis se sont présentés comme des partis musulmans seulement. L'UDMF n'est pas un parti musulman, c'est un parti laïc et républicain. Mais aujourd'hui, la laïcité est utilisée comme un outil pour combattre les religions et c'est ce que nous souhaitons dénoncer. Une des lignes directrices de notre formation sera d'alerter sur cette déformation de la laïcité. La laïcité en France ne devrait être en aucune mesure utilisée pour stigmatiser, elle devrait être un outil pour combattre les inégalités. Pour nous, la République est indivisible, nous sommes républicains et comme l'indique nos statuts, un parti laïc, non-confessionnel. Nous affichons bien entendu une certaine éthique et nous demandons à l'ensemble de nos candidats de respecter cette éthique-là. Quelle que soit leur confession, c'est une éthique basée sur des valeurs universelles partagées, des valeurs qui sont issues bien entendu de l'Islam. Par exemple, si on prend le triptyque républicain de la France : « Liberté, égalité, fraternité » ce sont des valeurs qui moi, ne me gênent pas et qui ne sont absolument pas en contradiction avec ma foi, notamment.

C'est la première participation de l'UDMF à une élection en France. Est-ce que le parti envisage de présenter un candidat aux présidentielles de 2017 ?

Bien sûr, nous avons l'ambition de présenter un candidat pour les élections de 2017 et pour les législatives qui suivront.

Zahra Rahmouni

@ZahraaRhm

Journaliste à TSA-Algérie, en transit, ici et là, au gré de perpétuelles pérégrinations

lundi 7 septembre 2015

Pour Marine Le Pen, « l’immigration est un fardeau »


Le Monde.fr | 06.09.2015 à 18h22 • Mis à jour le 07.09.2015 à 07h32 | Par Olivier Faye


Pour le Front national, les élections régionales de décembre
 représentent bel et bien un scrutin national. Dès lors, la présidente du FN a livré pendant plus d'une heure un discours aux faux airs de campagne présidentielle, dimanche 6 septembre 2015, en clôture de l'université d'été du parti, à Marseille (Bouches-du-Rhône). Balayant de nombreux sujets, la députée a avant tout axé son propos sur l'immigration et le terrorisme. Un discours dans la continuité de celui du FN du temps de Jean-Marie Le Pen, qui était pourtant le grand absent de la journée.

La présidente du parti d'extrême droite n'a eu de cesse de s'en prendre au « pouvoir qui n'a rien fait, n'a rien tenté de faire » face à « la conjonction des crises : économique, sociale, migratoire ». « C'est un gouvernement fantoche que nous avons, un gouvernement pot de fleurs », a jugé Mme Le Pen, devant plus de 3 200 personnes chauffées à blanc. Pour la députée européenne, qui ne cesse de dénoncer une perte de souveraineté au profit de l'Union européenne, « la France n'est plus un Etat ». « La France est devenue le vassal d'autres puissances », elle suit « Washington et Berlin », a-t-elle estimé.

Fidèle à sa stratégie d'ancrage local, Marine Le Pen, qui ambitionne de voir son parti emporter quatre ou cinq régions en décembre, a promis que les exécutifs dirigés par ses troupes seraient des « remparts ». « Nous ne pourrons pas tout au niveau régional. Mais tout ce que nous pourrons faire, nous le ferons, comme dans les villes qui ont un maire Front national », a-t-elle assuré.

« Ils souhaitent que nous arrêtions de penser »

Plaçant l'accent sur l'immigration et le terrorisme, la fille de Jean-Marie Le Pen a déclenché une standing ovation. « L'immigration est un problème fondamental (…). L'immigration n'est pas une chance, c'est un fardeau ! », a-t-elle lancé, alors que la crise migratoire qui secoue l'Europe depuis plusieurs mois ne faiblit pas. Pour Mme Le Pen, hors de question de comparer le sort des réfugiés fuyant la guerre en Syrie ou en Irak à celui des Espagnols qui tentaient d'échapper à la guerre civile dans les années 1930, ou des juifs allemands qui laissaient derrière eux le nazisme. « Cette immigration ne ressemble pas à celle qu'a connue notre pays au début du siècle dernier. C'est une immigration économique dans un pays exsangue économiquement. »

La présidente du Front national, qui souhaite l'abrogation du droit du sol, la suppression de l'aide médicale d'Etat pour les étrangers en situation irrégulière et l'abolition des accords de libre circulation de Schengen, s'en est prise à la « culpabilisation » qui fait, selon elle, suite à la publication de la photo d'Aylan – un petit garçon syrien de 3 ans retrouvé mort sur une plage en Turquie. « Ils souhaitent que nous arrêtions de penser. Nous n'avons pas de leçon à recevoir, surtout quand ils vous jettent la mort d'un enfant au visage pour faire avancer leur sinistre projet ! », a-t-elle martelé.

Et de faire un lien direct entre cette crise migratoire et la multiplication des actes terroristes ces dernières années. « Sur ce sujet comme sur d'autres, le Front national devient la boussole des Français, comme il l'est sur le fondamentalisme islamiste, qu'on accroît encore par cette immigration hors contrôle », a-t-elle affirmé. Plaidant à nouveau en faveur de l'expulsion des étrangers fichés « S » par le renseignement pour cause de radicalisation, elle a promis, si elle accédait au pouvoir, de mettre « l'islam radical à genoux ».

Très critique contre l'exécutif, Mme Le Pen a aussi des mots durs à l'encontre de Nicolas Sarkozy, qui avait jugé, samedi 5 septembre, qu'elle manquait d'humanité face au drame des migrants. « Cette leçon de maintien pourrait faire sourire », a-t-elle ironisé, jugeant les propos de l'ancien président de la République « terribles pour lui-même (…) venant d'un homme qui, comme chef des armées, a contribué à l'assassinat d'un chef d'Etat [Mouammar Kadhafi] (…) et a livré la Libye aux bouchers islamistes ».

Aucun incident n'est venu émailler ce discours fleuve, alors que Jean-Marie Le Pen faisait planer le doute sur une possible venue. « Je ne ferais que rendre service à Marine Le Pen en attirant l'attention sur elle alors qu'elle en est réduite aux miettes médiatiques de ce week-end », a-t-il expliqué après coup. Le FN semble en tout cas avoir placé sous l'éteignoir le conflit politico-familial.


En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/politique/article/2015/09/06/pour-marine-le-pen-l-immigration-est-un-fardeau_4747421_823448.html#w3K8lpoJ2TGdwqIT.99

mardi 5 mai 2015

Béziers : Robert Ménard admet avoir fiché les enfants musulmans de sa ville - Planet.fr



Béziers : Robert Ménard admet avoir fiché les enfants musulmans de sa 

ville
















Le maire apparenté FN de Béziers a admis lundi soir qu'il avait fiché tous les enfants de confession musulmane vivant dans sa ville. Une pratique illégale.

Oui, Robert Ménard a compté les écoliers musulmans de Béziers. Il a même été capable de sortir une statistique sur le sujet. Lundi soir sur le plateau de l'émission "Mots Croisés" surFrance 2, l'édile apparenté FN a en effet déclaré que 64,6% des enfants scolarisés en maternelle et en élémentaire à Béziers étaient musulmans.

"Pardon de vous dire que les noms disent les confession"

Un chiffre qui n'a pas manqué de susciter quelques interrogations sur le plateau. Aussi, Robert Ménard a précisé qu'il le tenait des services municipaux. Et alors qu'un tel comptage est totalement illégal – la loi française interdit les statistiques basées sur l'appartenance religieuse - le maire de Béziers a  ensuite concédé : "Je sais que je n'ai pas le droit de le faire". Et celui-ci de se dédouaner ensuite en rappelant : "Pardon de vous dire que le maire a, classe par classe, le nom des enfants (….) Pardon de vous dire que les prénoms disent les confessions. Si vous vous appelez Mohammed…"

A lire aussi – Robert Ménard se félicite d'avoir "démocratisé" la messe publique

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Une sortie qui promet, une fois encore, de faire du bruit. En effet, Robert Ménard n'en est pas à son coup d'essai en termes de mesure polémiques. Depuis qu'il a été élu maire de Béziers en mars 2014, l'édile a pris plusieurs décisions contestées. On compte ainsi, entre autre, l'instauration d'un couvre-feu pour les moins de 13 ans, l'interdiction d'étendre son linge aux fenêtres, de cracher dans la rue et dernièrement, la diffusion d'une campagne d'affichage visant à soutenir l'armement municipal.

jeudi 9 avril 2015

Antisémitisme, islamophobie: la CNCDH pointe un climat «délétère» en France 09 avril 2015 | Par Carine Fouteau MEDIAPART


Dans son rapport annuel rendu public jeudi, la Commission nationale consultative des droits de l'homme observe la cristallisation du rejet autour de la population musulmane, l'augmentation significative des actes antisémites et la critique sans retenue des Roms.

Ce sont les racines du mal qu'observe la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) dans son rapport annuel rendu public jeudi 9 avril consacré à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie (à lire en intégralité en page 2 de cet article). Quel terreau a rendu possibles les attentats de janvier 2015 contre Charlie Hebdo et le supermarché casher à la suite desquels vingt personnes, dont les trois terroristes, ont perdu la vie ? « Le peuple de France a été saisi de sidération devant le cauchemar de la rédaction d'un journal, Charlie Hebdo, sauvagement décimée et d'assassinats antisémites barbares dans un supermarché casher », souligne Christine Lazerges, la présidente de l'institution, dans son introduction. « Les tendances sont inquiétantes et la CNCDH se doit d'alerter les pouvoirs publics et l'opinion », insiste-t-elle. Depuis 2009, selon ses analyses, la société française est gagnée par une intolérance croissante à l'égard des immigrés et des étrangers, boucs émissaires dans un contexte de crise économique et de montée continue du chômage. 

L'année 2014 s'ouvre avec l'affaire Dieudonné. Dans le sillage de l'interdiction des spectacles de l'humoriste, la manifestation « Jour de colère », le 26 janvier, voit se nouer une alliance rance entre catholiques fondamentalistes, militants d'extrême droite nationalistes et partisans d'Alain Soral autour de slogans antisémites, anti-islam et homophobes. Les succès éditoriaux d'ouvrages « qui répandent l'amalgame et attisent les peurs » sont un autre symptôme d'un climat « délétère ». Dans l'espace public, les paroles xénophobes sur fond de progression du FN aux élections européennes et municipales ne font pas l'objet de « recadrage », remarque la CNCDH qui regrette « l'absence de contre-discours positifs tant de la part des politiques que des médias ». Trois formes de rejet lui semblent particulièrement tenaces : la cristallisation du racisme autour de la population musulmane, l'augmentation significative des actes antisémites et la critique sans retenue des Roms.

Selon les chiffres recensés par le ministère de l'intérieur, 1 662 actes et menaces à caractères racistes ont été signalés en 2014 auprès des services de police et de gendarmerie, contre 1 271 un an plus tôt, soit une hausse de 30 %. Ainsi mesurée, cette délinquance à caractère raciste prend en compte les attentats, tentatives d'attentats, incendies, dégradations, violences et voies de fait, de même que les propos, gestes menaçants, démonstrations injurieuses, inscriptions, tracts et courriers. La hausse est spectaculaire pour les faits antisémites qui connaissent des pics de violence en janvier, après le « Jour de colère », puis entre juillet et octobre, en écho à l'intensification du conflit israélo-palestinien et aux manifestations en faveur de Gaza en France. Les actes antimusulmans connaissent, eux, une baisse en 2014, en partie compensée par une flambée après les attentats de janvier 2015.

Après les attentats, la manifestation du 11 janvier 2015 a réuni près de 4 millions de personnes en France. © ReutersAprès les attentats, la manifestation du 11 janvier 2015 a réuni près de 4 millions de personnes en France. © Reuters

Ces données, note le rapport, sont à prendre avec des pincettes. Pour de nombreuses raisons, la nomenclature est jugée lacunaire, notamment parce qu'elle n'intègre pas les discriminations liées aux origines. La comparaison avec les statistiques recueillies au Royaume-Uni montre à quel point les données françaises sous-estiment la réalité. Outre-Manche, à la suite d'une réforme du recensement des infractions racistes, le nombre d'actes commis à raison de l'appartenance prétendue à une « race » est passé de 6 500 en 1990 à 37 000 en 2013-2014.

« La prise de recul s'impose s'agissant des données relatives à la répression judiciaire des actes racistes, répète Christine Lazerges. Ces chiffres sont certes un indicateur des manifestations du racisme, mais ils ne révèlent que l'écume des choses, puisqu'en matière de racisme et d'antisémitisme, le chemin des victimes est pavé d'obstacles, à commencer trop souvent par la difficulté à déposer plainte. Le traitement judiciaire achoppe rapidement sur une limite : si les actes racistes, antisémites et xénophobes sont susceptibles de recevoir une réponse pénale, de tomber sous le coup d'une incrimination, ce n'est pas le cas de l'idéologie qui les nourrit. »

Autre outil de mesure, l'indice longitudinal de tolérance mis au point par Vincent Tiberj, chargé de recherches au Centre d'études européennes (CEE) de Sciences Po, est considéré comme plus fiable sur la durée. Mis en service en 1990, ce baromètre agrège les réponses à une batterie de questions – pour l'année 2014 il a été réalisé par l'institut BVA du 3 au 17 novembre auprès d'un échantillon représentatif de 1 020 personnes âgées de 18 ans et plus résidant en France métropolitaine constitué d'après la méthode des quotas. Il permet de saisir un instantané de l'état du racisme en France. Depuis 2009, cet indice chute. En 2014, il se stabilise.

« Pour la cinquième année consécutive, l'indice de tolérance est peu satisfaisant, se trouvant, après un recul au cours des quatre dernières années, à des niveaux tels que cette régression reste sans précédent depuis que les chercheurs qui travaillent en collaboration avec notre autorité administrative indépendante ont créé l'indice longitudinal de tolérance », souligne Christine Lazerges. Les opinions à l'encontre des musulmans évoluent négativement. Leurs pratiques religieuses sont mal perçues. Porter le voile, ne pas boire d'alcool, ne pas manger de porc ou pratiquer la prière est, par exemple, moins accepté en 2014 qu'en 2013. Les Roms, pour lesquels de nouvelles questions ont été intégrées dans le questionnaire, constituent la population qui suscite le plus de rejet.

Malgré l'augmentation des actes et menaces antisémites tels que les mesure le ministère de l'intérieur, les opinions à l'égard des juifs dans le baromètre de la CNCDH sont, elles, stables. Pour tenter d'y voir plus clair, le rapport consacre un chapitre à la « revitalisation des vieux clichés antisémites » signé par plusieurs chercheurs de Sciences Po sous la houlette de Nonna Mayer, directrice de recherche du CNRS au CEE de Sciences Po et présidente de l'Association française de science politique depuis 2005.


Antisémitisme, islamophobie: la CNCDH pointe un climat «délétère» en France

09 avril 2015 |  Par Carine Fouteau

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  • «On observe chez les catholiques les plus pratiquants une poussée identitaire»

    Cette minorité est la mieux acceptée. Le sentiment que les juifs sont « des Français comme les autres » était partagé par un tiers des personnes interrogées par l'institut de sondages Ifop en 1946. Il l'est aujourd'hui par 85 %, soit une proportion supérieure de 20 points à celle observée pour les musulmans. L'idée que les juifs forment « un groupe à part » est partagée par 28 % des personnes interrogées, proportion largement inférieure à celles observées pour les Asiatiques (37 %), les Maghrébins (38 %), les musulmans (48 %), les gens du voyage (80 %) et les Roms (82 %).

    En revanche, les chercheurs observent une persistance des stéréotypes liés au pouvoir et à l'argent dont sont victimes les juifs. « Tout se passe comme si les mesures prises pour protéger cette minorité, mesures de sécurité après la tuerie de Toulouse, ou sur un registre moins dramatique l'interdiction du spectacle de Dieudonné, en janvier, et celle de deux manifestations pro-palestiniennes à Paris cet été, venaient renforcer la croyance en leur influence », constatent-ils. « Dans le même ordre d'idées, les juifs sont accusés d'instrumentaliser la Shoah à leur profit », poursuivent-ils. Le soupçon de « double allégeance » mesuré par la question « Pour les juifs français, Israël compte plus que la France » est également renforcé.

    Au total, les juifs de France incarnent à la fois une « minorité modèle », vue comme « parfaitement intégrée », mais en butte à des préjugés tenaces et plutôt en hausse depuis un an. Comment comprendre cette situation ? Que penser de l'hypothèse d'un « nouvel » antisémitisme associé à l'antisionisme et aux critiques d'Israël comme l'a théorisé le politologue et historien des idées Pierre-André Taguieff ? Nonna Mayer a déjà eu l'occasion de déconstruire cette piste. Étant donné son actualité renouvelée, elle s'y attelle une fois encore.

    « Ce nouvel antisémitisme, rapportent les chercheurs, ne se fonderait plus sur la notion de "peuple déicide" caractéristique de l'antijudaïsme chrétien, ou sur la prétendue supériorité de la race aryenne, comme au temps du nazisme, mais sur l'antisionisme, l'amalgame polémique entre "juifs", "Israéliens" et "sionistes". Cet antisionisme, au nom de la défense des Palestiniens et des Arabes, rapprocherait contre un ennemi commun des réseaux aussi différents que ceux de l'islamisme radical et de la gauche tiers-mondiste. Et il serait en train de passer de l'extrême droite à l'extrême gauche de l'échiquier politique. »

    L'étude du baromètre ne fait pas apparaître une telle évolution. À l'inverse, elle montre un « rôle structurant » du « vieil antisémitisme » liant les juifs à l'argent et au pouvoir. Les opinions à l'égard d'Israël et plus encore à l'égard du conflit israélo-palestinien semblent plus « périphériques » tout comme celles relatives à la Shoah. L'idée que l'antisémitisme serait un racisme d'une autre nature n'est pas non plus validée, puisque les personnes rejetant les juifs rejettent aussi les autres minorités.

    Les facteurs favorisant l'antisémitisme sont globalement les mêmes que ceux qui expliquent les autres préjugés. Le rejet des juifs est ainsi plus marqué chez les personnes âgées, chez les moins diplômées et chez les individus ayant peu de ressources ou ayant le sentiment que leur situation économique se dégrade. Les catholiques les plus pratiquants, les plus intégrés à leur communauté, sont très concernés. « On observe depuis quelques années déjà chez ces derniers une poussée identitaire et une montée générale des préjugés envers les minorités », notent les chercheurs.

    En matière de préférence politique, l'antisémitisme est moins fréquent à gauche qu'à droite, atteignant un niveau record de 58 % chez les proches du FN (et de 37 % chez ceux de l'UMP). Et s'il remonte à l'extrême gauche, la proportion des scores élevés sur l'échelle d'antisémitisme y reste inférieure à la moyenne de l'échantillon, et sans commune mesure avec celle qu'on observe à l'extrême droite (27 % chez les proches du Front de gauche, de Lutte ouvrière et du NPA, contre 22 % au PS et chez les Verts), soulignent les chercheurs. « Contrairement à ce que suggère la thèse du nouvel antisémitisme, on note que les jugements négatifs sur Israël sont plus fréquents à droite qu'à gauche », ajoutent-ils. Quant aux Français issus de l'immigration, ils se comportent comme les autres Français : ils se situent dans la moyenne.

    Quels seront les effets des tueries contre Charlie Hebdo et le supermarché casher sur l'état du racisme en France ? Difficile à dire au regard des exemples passés. À la suite des attentats islamistes de 1995 à Paris, l'indice longitudinal global était resté stable tandis que celui visant les musulmans reculait. Après le 11 septembre 2001 à New York et Washington, l'indice global progressait, celui visant les musulmans augmentait. Après les émeutes de 2005, catastrophe. La crispation xénophobe est nette : tous les indices reculent sauf celui de l'antisémitisme (- 7 points pour les musulmans, - 2 points pour les Maghrébins, - 1 point pour les Noirs). Selon Vincent Tiberj, l'élément décisif réside dans la manière dont les élites politiques et médiatiques s'emparent des événements, en font le récit en jetant de l'huile sur le feu ou en contraire en évitant les dérapages. Aussi conclut-il que les évolutions futures de l'indice se joueront dans la manière dont les partis et les intellectuels « vont faire sens » de ces attentats.


    Noir et musulman en France, la double peine 04 AVRIL 2015 | PAR CARINE FOUTEAU MEDIAPART


    Sur le marché du travail, les personnes perçues comme musulmanes reçoivent moins souvent de réponses à leur CV que les autres. Et c'est plus vrai encore si elles sont noires. Membre associée à l'École d'économie de Paris, Marie-Anne Valfort explique les raisons de cette discrimination, résultat d'un « cercle vicieux »entre les préjugés enracinés dans la tête des employeurs et l'anticipation du refus par ces candidats.

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    À CV équivalent, un candidat perçu comme musulman a entre deux et trois fois moins de chances d'être convoqué à un entretien d'embauche qu'un candidat supposé chrétien. Cette discrimination s'explique par les préjugés négatifs des employeurs à l'égard de cette population, ainsi que par l'attitude de repli plus fréquente de personnes qui ont tendance à intérioriser la discrimination et anticiper un refus. Tels sont en substance les résultats d'une série d'enquêtes uniques en France tant les données scientifiques en la matière sont rares dans ce pays. Et pour cause. Les statistiques publiques y sont aveugles aux discriminations en raison des origines ethniques et/ou religieuses. Conformément à la Constitution qui bannit toute« distinction de race, de religion ou de croyance » entre les citoyens, la loi relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés de 1978 interdit la collecte et le traitement de« données à caractère personnel qui font apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ».

    La loi prévoit toutefois des dérogations. Autorité administrative indépendante chargée de garantir le respect de la vie privée, des libertés individuelles et des libertés publiques lors de traitement de données à caractère personnel, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) étudie au cas par cas les demandes des chercheurs et des sondeurs, en fonction de leur finalité, du consentement des personnes interrogées et de l'anonymat des données.

    Marie-Anne Valfort est membre associée à PSE-Ecole d'économie de Paris.Marie-Anne Valfort est membre associée à PSE-Ecole d'économie de Paris.

    C'est dans ce cadre que s'inscrivent les travaux de Marie-Anne Valfort, membre associée à PSE-École d'économie de Paris et maître de conférences à l'université Paris I Panthéon-Sorbonne, Claire Adida, professeure assistante en sciences politiques à l'université de San Diego en Californie, et David Laitin, professeur en sciences politiques à l'université Stanford, également en Californie. Leur projet de recherche, qui s'étale sur plusieurs années, est financé par la National Science Foundation, basée aux États-Unis, où la collecte et l'analyse de statistiques ethnico-religieuses ne posent pas de problème. Pour Mediapart, Marie-Anne Valfort a accepté de détailler les résultats de ces enquêtes et d'évoquer les pistes de réformes gouvernementales qu'elle juge prioritaires.

    Vous avez mené deux enquêtes : l'une pour mesurer les discriminations dont sont victimes les musulmans. L'autre pour comprendre les raisons de ce rejet. Comment avez-vous constitué vos bases de données, étant donné qu'en France, les statistiques publiques ne permettent pas de distinguer les personnes en fonction de leur religion ?

    Avec mes coauteurs, nous avons mesuré la discrimination à l'embauche à l'égard des musulmans à l'aide d'un testing sur CV réalisé au printemps 2009. Nous avons répondu à 271 offres d'emploi réelles, publiées sur le site de Pôle emploi, pour des postes d'assistantes comptables, de comptables et de secrétaires comptables, situés en France métropolitaine. Ce testing sur CV a été le premier à étudier l'existence d'une discrimination à raison de la religion. Plus précisément, afin de pouvoir attribuer d'éventuelles différences de taux de réponse entre les candidats fictifs de notre testing à leurs seules différences d'affiliation religieuse, nous avons assigné à ces candidats le même pays d'origine, le Sénégal. Notre testing sur CV a donc consisté à comparer les taux de réponse obtenus par deux Françaises d'origine sénégalaise dont l'une est musulmane et l'autre est catholique. La musulmane, « Khadija Diouf », a travaillé au « Secours islamique » et fait du bénévolat aux « Scouts musulmans de France ». La catholique, « Marie Diouf », a travaillé au « Secours catholique » et fait du bénévolat aux « Scouts et Guides de France ». La loi sur l'égalité des chances du 18 janvier 2006 a permis de légaliser « la pratique des vérifications à l'improviste aussi appelée testing comme moyen de preuve d'éventuelles discriminations ». Cette légalisation figure depuis le 3 avril 2006 dans l'article 225-3-1 du code pénal. En d'autres termes, l'utilisation de testings pour mesurer une éventuelle discrimination à l'égard de l'un des 20 critères définis par la loi (article 225-1 du code pénal) est autorisée. Or, la religion fait partie de ces 20 critères. Notre testing sur CV a donc été mené en toute légalité.

    Il montre que l'appartenance supposée à la religion musulmane plutôt qu'à la religion catholique est un facteur important de discrimination sur le marché du travail français. Ainsi, à CV équivalent, Khadija Diouf a entre deux et trois fois moins de chances d'être convoquée à un entretien d'embauche que Marie Diouf. Pour comprendre les raisons de cette discrimination, nous avons conduit, également au printemps 2009, une enquête réalisée par téléphone via l'institut de sondage CSA auprès de 511 ménages d'origine sénégalaise vivant en France (questions fermées), dotés des mêmes caractéristiques à leur arrivée en France, à l'exception de leur religion (une partie de ces ménages est chrétienne, l'autre est musulmane). Nous avons aussi organisé des « jeux expérimentaux » durant lesquels 80 personnes, des « Français sans passé migratoire récent », ont interagi avec des immigrés d'origine sénégalaise chrétiens et musulmans. Pour cela, il nous a fallu collecter des informations considérées en France comme « sensibles » concernant la religion des participants. Mais cette collecte est possible dès lors qu'elle est validée par la Cnil sur la base de deux critères principaux : la problématique de l'enquête justifie cette collecte – c'est particulièrement le cas lorsque l'enquête concerne l'étude des discriminations – ; les données sensibles recueillies font l'objet d'un processus d'anonymisation. Ainsi, la collecte d'informations individuelles sensibles n'est pas impossible en France. 

    Vous observez que les candidats présumés musulmans ont deux à trois fois moins de chances de décrocher un entretien d'embauche. Comment s'expliquent ces discriminations massives ?

    Nos résultats montrent que la société d'accueil française et les immigrés musulmans sont enfermés dans un cercle vicieux, qui peut se décrire comme suit. Tout d'abord, les musulmans diffèrent par rapport à leurs homologues chrétiens (et a fortiori par rapport aux Français sans passé migratoire récent) en fonction de leurs normes religieuses et de leurs normes de genre : ils attachent plus d'importance à la religion et ont une vision plus traditionnelle des rôles qui incombent aux hommes et aux femmes. Ensuite, ces différences culturelles constituent une source de discrimination de la part des employeurs, qui craignent, en recrutant un candidat musulman, d'être confrontés à plus de revendications à caractère religieux mais aussi à plus de conflits entre salariés de sexes différents. Mais ces différences culturelles alimentent également une discrimination moins rationnelle de la part des Français sans passé migratoire récent dans leur ensemble. Ces derniers font en effet l'amalgame entre « attachement plus fort à la religion » et « rejet de la laïcité » et entre « vision plus traditionnelle des rôles qui incombent aux hommes et aux femmes » et « oppression des femmes ». En d'autres termes, ils perçoivent la présence des musulmans comme une menace culturelle susceptible de remettre en cause au moins deux grands principes auxquels ils sont particulièrement attachés : l'indépendance du politique par rapport au religieux et l'égalité hommes-femmes. Cet amalgame amène les Français sans passé migratoire récent à se montrer moins coopératifs à l'égard des personnes qu'ils perçoivent comme musulmanes, y compris lorsqu'ils ne s'attendent à aucune hostilité particulière de la part de ces personnes au moment où ils interagissent avec elles.

    De leur côté, les musulmans perçoivent plus d'hostilité de la part des Français sans passé migratoire récent que ne le perçoivent leurs homologues chrétiens. Cette perception ne les incite pas à gommer les différences culturelles qui les séparent de leur société d'accueil, et les pousse au contraire à souligner ces différences : ces différences se creusent d'une génération d'immigrants à l'autre plus qu'elles ne s'estompent. Au bout du compte, cette tendance au repli des musulmans exacerbe à son tour la discrimination qu'ils subissent en France.

    Vos enquêtes ont été conduites auprès de personnes d'origine sénégalaise. Y a-t-il en France une double peine à être noir et musulman ? Quel est le facteur le plus discriminant : être noir ou musulman ?

    Différents testings sur CV ont montré qu'une personne perçue comme noire est discriminée par rapport à une personne perçue comme blanche. Notre testing sur CV montre par ailleurs qu'une personne originaire d'Afrique subsaharienne perçue comme musulmane est discriminée par rapport à une personne de la même origine mais perçue comme catholique. Si l'on suppose que la discrimination est "additive", la combinaison de ces résultats suggère que les personnes noires et musulmanes souffrent effectivement d'une double peine en France. Est-il important de savoir si les musulmans (dont beaucoup sont issus du Maghreb) souffrent plus de la discrimination en France que les personnes issues d'Afrique subsaharienne (ou l'inverse) ? Ces personnes sont toutes fortement discriminées, comme le suggère la note publiée par France Stratégie en mars 2015. Cette note montre en effet que l'écart entre l'insertion économique des jeunes sans ascendance migratoire directe et celle des jeunes issus de l'immigration n'est jamais aussi important que lorsque ces jeunes issus de l'immigration sont originaires d'Afrique (Maghreb et Afrique subsaharienne). Or, une part non négligeable des écarts observés par rapport aux jeunes sans ascendance migratoire directe ne s'explique pas par les variables sociodémographiques classiques (niveau d'éducation du jeune et de ses parents notamment). Établir une "échelle" des discriminations selon que les victimes sont noires, musulmanes, ou les deux à la fois, est un objectif mesquin au regard de la nécessité, impérieuse, de définir les moyens les plus efficaces pour réduire la discrimination massive que les populations noires et les populations musulmanes subissent en France.

    Les jeunes générations musulmanes sont-elles moins ou plus discriminées que leur parents ?

    Nous ne savons pas si, dans les faits, les jeunes générations musulmanes sont plus ou moins discriminées que leurs parents. Mais l'enquête European Social Survey révèle que le sentiment d'être discriminé des immigrés musulmans de « deuxième génération » est plus fort que celui des immigrés musulmans de « première génération », en France mais aussi dans les autres pays européens. Il en va de même concernant leur probabilité d'être sans emploi.

    Quel est l'impact des diplômes en matière de discriminations ?

    Je viens d'achever un testing sur CV de grande ampleur pour mieux comprendre les ressorts de la discrimination à l'égard des musulmans sur le marché du travail français. Le protocole expérimental permet notamment d'identifier si un CV de meilleure qualité permet aux candidats musulmans de réduire la discrimination dont ils sont victimes. Rendez-vous en mai ou juin 2015 pour la publication des premiers résultats !

    Quelles mesures préconisez-vous de la part des pouvoirs publics et des entreprises ?

    La discrimination à l'embauche des candidats musulmans n'est que la déclinaison, au sein de l'entreprise, d'un sentiment antimusulman plus général. Faut-il rappeler que 43 % des personnes interrogées par une enquête Ifop de 2012 considèrent la « présence d'une communauté musulmane » en France comme une « menace pour l'identité de notre pays », et que seulement 17 % la perçoivent au contraire comme un « facteur d'enrichissement culturel pour notre pays » ? Il est donc essentiel de lancer une vaste campagne d'information auprès de la population française, permettant notamment de souligner les amalgames auxquels elle se livre au sujet de la population musulmane. Ainsi, l'attachement plus fort à la religion des musulmans n'est pas synonyme de leur volonté de remplacer notre démocratie par une théocratie régie par la loi islamique. Au sein des populations sénégalaises, chrétiennes et musulmanes, que nous avons étudiées, les musulmans sont aussi attachés que les chrétiens au principe de laïcité. Par ailleurs, une vision plus traditionnelle des rôles qui incombent aux hommes et aux femmes n'est pas synonyme d'oppression des femmes. Certes, les chrétiens sont plus susceptibles de penser que « quand les emplois se font rares, les hommes et les femmes devraient avoir le même niveau d'accès à ces emplois », alors que les musulmans sont plus enclins à considérer que « les hommes devraient plutôt avoir les premières opportunités » dans ce cas. Mais nos données d'enquête montrent également que les musulmans aspirent autant que leurs homologues chrétiens à voir leur fille réussir scolairement.

    Des politiques de lutte contre les discriminations doivent aussi être menées au sein des entreprises. Il est ainsi essentiel que les salariés soient formés à la non-discrimination. L'objectif de ces formations est double. Elles consistent à expliquer aux participants les biais décisionnels (goût pour l'entre-soi, recours aux stéréotypes, etc.) qui engendrent la discrimination, et à les convaincre de la nécessité de résister à ces biais. Car la lutte contre les discriminations, notamment ethno-religieuses, est bénéfique pour la performance de l'entreprise. D'abord parce qu'elle permet de réduire son risque juridique. La discrimination à raison de l'origine et de la religion est en effet illégale et sanctionnée, si elle est prouvée, d'amendes élevées. Pour que cette menace de la sanction soit crédible et donc amène les entreprises à limiter leurs comportements discriminatoires, il faudrait instaurer un contrôle accru de leurs pratiques de recrutement. Ainsi, on pourrait imaginer qu'une institution publique telle que le défenseur des droits se lance dans des opérations de testing à la fois plus fréquentes et plus systématiques. Le discours de Manuel Valls du 6 mars 2015 sur « la République en actes » va d'ailleurs dans ce sens.

    Par ailleurs, l'engagement dans la lutte contre les discriminations ethno-religieuses permet à l'entreprise de s'afficher comme socialement responsable, un "plus" pour attirer les investisseurs. Mais encore faut-il que l'entreprise puisse mesurer sa diversité ethno-religieuse afin de se fixer des objectifs visant à l'améliorer. Si des progrès ont pu être réalisés au cours des dernières années en termes d'égalité hommes-femmes ou d'intégration des personnes handicapées, c'est précisément parce que la proportion de femmes et de personnes handicapées a été mesurée et considérée comme un indicateur de performance à part entière. Il est donc essentiel que les employeurs puissent collecter, avec le soutien de la Cnil, des données objectives au moins sur la nationalité et le lieu de naissance des salariés et de leurs parents.

    Enfin, il est important de rappeler que les rares études qui ont réussi à estimer l'impact de la diversité ethno-religieuse des équipes sur leur productivité ont pour l'instant montré que cet impact est positif. La diversité ethno-religieuse est un levier de performance car elle permet la mise en commun d'un ensemble de compétences et d'expériences plus riches. Encore faut-il que l'ensemble des salariés et managers de l'entreprise réservent un bon accueil aux nouvelles recrues issues de la "diversité". À ce titre, on ne peut qu'encourager les grandes entreprises à montrer l'exemple en se dotant de comités exécutifs et conseils d'administration plus représentatifs de la diversité ethno-religieuse de notre pays.

    Pourquoi la recherche en France est-elle relativement absente sur ces sujets ? Est-ce lié à la difficulté d'avoir accès à des données ? Au manque d'impulsion par les pouvoirs publics ? À un désintérêt ?

    La collecte de données dites sensibles, bien qu'elle ne soit pas impossible, n'est pas aisée. Cette situation ne facilite clairement pas les recherches sur la discrimination à raison de la race ou de la religion en France. Les opposants aux statistiques ethniques, sous couvert de défense de l'égalité entre citoyens, servent moins la lutte contre les discriminations que leur déni et donc leur expansion.