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dimanche 7 octobre 2012

Un artiste marocain se résout à retirer une oeuvre jugée blasphématoire 07.10.12 | 20:24 | Le Monde.fr Stéphanie Le Bars

Une reproduction de l'oeuvre de Mounir Fatmi, "Technologia", brandie lors d'une manifestation devant la mairie de Toulouse, le 3 octobre 2012. AFP/REMY GABALDA

Mounir Fatmi est "triste""surpris"et "choqué". Triste que la censure empêche "la rencontre programmée entre [son] oeuvre et le public""surpris qu'une oeuvre provoque de telles réactions";"choqué qu'une personne ait été agressée" à cause de Technologia, la projection au sol de versets du Coran, qu'il présentait dans le cadre du festival Le Printemps de septembre, à Toulouse.

Une manifestation de quelques dizaines de musulmans invoquant le "blasphème" après avoir vu des passants fouler les écrits, a eu raison de l'installation au nom du principe de précaution. Mercredi 3 octobre, l'artiste marocain a pris acte "du contexte" et convenu avec la mairie de Toulouse et les responsables du festival d'interrompre les projections.

Un incident technique est à l'origine de cette nouvelle confrontation entre création artistique et sensibilité religieuse. Les projections lumineuses, déclenchées de manière inopinée, sont apparues mardi soir sur le sol du Pont Neuf, sans les avertissements qui les accompagnaient lors du week-end précédent. Une femme, qui avait marché dans le halo de lumière, a été prise à partie par des musulmans et giflée.

Après explications avec les responsables du festival et de la mairie, les représentants de la communauté musulmane ont"calmé les esprits""On a compris qu'il ne s'agissait pas d'une provocation, mais d'une faute technique", reconnaît Boujama Andoh, président de l'association des musulmans de Toulouse, qui, tout en appréciant l'oeuvre de Fatmi, préférait qu'elle "ne soit pas projetée par terre""Les musulmans ne venaient pas pour en découdre mais pour comprendre, assure Abdellatif Mellouki, du Conseil régional du culte musulman. Que l'un d'eux ait giflé une femme, nous ne le cautionnons pas." Tout en assurant que "toute oeuvre est respectable", il met en avant le contexte de"diffamation de l'islam" de ces dernières semaines. "Le fait que des musulmans aient eu le sentiment que 'l'on marchait sur le Coran' a fait craindre qu'une nouvelle goutte d'eau ne fasse déborder le vase."

Le directeur du Printemps de septembre, Régis Durand, s'est aussi rallié "à la volonté d'apaisement de la mairie dans un contexte toulousain qui demeure tendu""On ne peut pas s'abstraire de la réalité sociale et se réfugier derrière la liberté artistique absolue." Il juge néanmoins ce climat "déplorable et inquiétant", d'autant que "l'oeuvre de Fatmi, qui n'est pas provocatrice, a été assimilée à des oeuvres délibérément blasphématoires"."Face à ces formes d'intolérance, on va droit vers l'autocensure", regrette-t-il.

"CLIMAT DE CRISPATION"

"Le contexte toulousain et le contexte général ne sont pas bons,admet aussi M. Fatmi. Mais, faut-il attendre que le contexte soit "parfait" pour faire de l'art?" S'il a travaillé sur le thème de la"sacralité", l'artiste ne souhaite pas que ses oeuvres sortent du registre artistique. Il a préféré couper court à toute polémique. "Je ne tiens pas à être récupéré par l'extrême-droite", insiste-t-il.
Il ne cache pourtant pas un certain désarroi. "Le Coran, la tradition arabo-musulmane m'appartiennent autant qu'à d'autres: tout le monde s'en félicite lorsqu'ils sont exposés au Louvre. Avec cet incident, j'ai l'impression d'avoir été dépossédé de mon propre héritage."

Il défend l'idée d'utiliser des extraits du Coran dans son travail, qu'il a présenté dans des pays musulmans. "Il est bon d'en permettre une lecture ouverte, critique. Mais je constate un climat général de crispation. En 2006, j'ai présenté des glaçons d'eau bénite, sans aucun problème. J'en ai parlé dernièrement à la BBC: j'ai reçu depuis de nombreux mails indignés! Comme si tout le monde avait besoin de protéger sa foi; en fait, cela dénote d'une espèce de doute."

M. Fatmi veut croire que cette tendance refluera pour laisser place au débat, en dépit d'une autre déconvenue subie par son installation, prévue à l'Institut du monde arabe à Paris, à partir du 10octobre. "Ils m'ont demandé de ne pas présenter Sleep, une oeuvre animée dans laquelle apparaît le visage endormi de Salman Rushdie", assure-t-il. A la place, il présentera Les temps modernes, une histoire de la machine, mélange de rouages et de calligraphies arabes. Une oeuvre projetée sans polémique aucune sur les murs de l'Hôtel Dieu à Toulouse.


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