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vendredi 19 octobre 2012

Vél d'Hiv, Sétif, essais nucléaires : les repentances de l'Etat 18.10.12 | 20:08 | Le Monde.fr Jonathan Parienté et Alexandre Pouchard

Les massacres de Sétif, le 8 mai 1945. CAPTURE ÉCRAN DE L'INA

"Le 17 octobre 1961, des Algériens qui manifestaient pour le droit à l'indépendance ont été tués lors d'une sanglante répression. La République reconnaît avec lucidité ces faits. Cinquante et un ans après cette tragédie, je rends hommage à la mémoire des victimes." En trois phrases d'un communiqué publié mercredi 17 octobre, François Hollande a répondu à cinquante et un ans d'attente des Algériens et Français d'origine algérienne. Il y a un an, celui qui était encore candidat à l'investiture socialiste pour l'élection présidentielle s'était engagé à reconnaître la responsabilité de la France dans la mort de plusieurs dizaines d'Algériens, un an avant l'indépendance de leur pays.

Le 11 octobre 1961 est ainsi devenu pour la France une nouvelle étape sur la voie de la repentance vis-à-vis de périodes sanglantes de son histoire.

  • 1995 : Jacques Chirac reconnaît la responsabilité de la France dans la Shoah

Jacques Chirac a terminé ses douze années à l'Elysée en rendant hommage aux Justes, ces hommes et ses femmes qui avaient sauvé des Juifs au péril de leur vie. Il avait commencé son premier mandat en reconnaissant la responsabilité de l'Etat français dans les crimes commis pendant l'Occupation.

C'était le 16 juillet 1995, jour anniversaire de la rafle du Vél d'Hiv. Les 16 et 17 juillet 1942, 13 152 personnes, dont 4 115 enfants, avaient été arrêtées par la police française, lors de la plus grande rafle de Juifs en France pendant la seconde guerre mondiale. Plus de 8 000 d'entre elles sont enfermées pendant quatre jours dans le Vélodrome d'Hiver, à Paris, avant d'être envoyées dans des camps d'extermination en Pologne.

Lors d'une allocution devenue célèbre, le président Chirac a évoqué les "heures noires qui souillent à jamais notre passé"ainsi que "la folie criminelle de l'occupant secondée, comme chacun sait, par des Français, par l'Etat français".

Son prédécesseur, François Mitterrand, s'était toujours refusé à reconnaître la responsabilité de la France au motif que le régime de Vichy ne saurait être confondu avec la République. "En 1940, il y eut un Etat français, c'était le régime de Vichy, ce n'était pas la République. Et c'est à cet Etat français qu'on doit demander des comptes. Ne demandez pas de comptes à cette République, elle a fait ce qu'elle devait !", répondait-il à la presse en 1992, quand le Comité Vél d'Hiv 42 enjoignait au chef de l'Etat de reconnaître les torts de la France.

>> Lire : "L'histoire mouvementée de la commémoration de la rafle du Vél d'Hiv"

>> Lire : "Rafle du Vél d'Hiv : 70 ans après, la mémoire apaisée"

  • 2005 : le massacre de Sétif, une "tragédie inexcusable"

Ce qui ne devait être qu'un déplacement protocolaire de l'ambassadeur français en poste à Alger s'est transformé en événement. Le 27 février 2005,Hubert Colin de Verdière déclare à Sétif : "Je me dois d'évoquer une tragédie qui a particulièrement endeuillé votre région. Je veux parler des massacres du 8 mai 1945, il y aura bientôt soixante ans : une tragédie inexcusable."

C'est la première fois qu'un représentant officiel de la République reconnaît la responsabilité de cette dernière dans la sanglante répression d'une manifestation nationaliste, dans cette ville située à 300 kilomètres à l'est d'Alger. Le bilan précis n'a pas pu être établi. Les historiens parlent de 8 000 à 15 000 morts ; les autorités algériennes de 45 000 victimes. Les services secrets américains évoquaient, eux, 17 000 morts et 20 000 blessés. Seul est connu aujourd'hui avec certitude le nombre de morts côté européen : 86 civils et 16 militaires.

>> Lire : "Printemps 1945 : une répression impitoyable s'abat sur le Constantinois"

  • 2010 : reconnaissance des victimes d'essais nucléaires

Essai nucléaire français, à Mururoa , en 1971. AFP

En trente-six ans d'essais nucléaires entre 1960, dans le Sahara algérien, et 1996 dans le Pacifique , la France a fait exploser deux cent dix bombes nucléaires.

Le dernier essai nucléaire français, le 27 janvier 1996, à Fangataufa, en Polynésie française :


Peu à peu, les milliers de victimes de ces essais, anciens militaires ou habitants des zones concernées, sont parvenus à faire entendre leur voix. Mais officiellement, leur maladie n'était pas reconnue comme "radio-induite" par la Sécurité sociale et elles ne pouvaient prétendre à aucune indemnisation.

L'Etat a fini par reconnaître les dégâts de la radioactivité dégagée par les bombes nucléaires avec la loi "relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français",adoptée le 6 janvier 2010. Cette dernière crée le Comité d'indemnisation des victimes d'essais nucléaires, chargé d'examiner les demandes. Mais les victimes dénoncent désormais le trop faible nombre d'indemnisations : en février, sur 684 dossiers déposés, seuls 4 avaient reçu un avis favorable, pour des réparations allant de 16 000 à 60 000 euros.

>> Lire : "Indemnisation des victimes d'essais nucléaires : la fin d'un long silence"

>> Lire : "Mururoa, la plaie toujours à vif des essais nucléaires"

  • 2012 : Sarkozy reconnaît la"responsabilité" de la France dans "l'abandon" des harkis

Des membres d'un collectif d'associations d'enfants de harkis et des Pieds noirs protestent contre un colloque historique sur la fédération de France du FLN organisé le 10 mars 2012 à Nîmes. Â© ALAIN TENDERO / FéDéPHOTO/ATE

Si les accords d'Evian du 18 mars 1962 ont été le prélude à l'indépendance algérienne, quatre mois plus tard, ils ont également engendré les sanglantes représailles des combattants algériens envers 50 000 à 75 000 harkis, le nombre variant selon les historiens. Ces natifs d'Algérie qui ont combattu aux côtés de l'armée française ont été abandonnés par celle-ci. Seuls 60 000 d'entre eux ont été admis en France, logés dans des camps de fortune dans le sud du pays, dont le plus important à Rivesaltes (Pyrénées-Orientales).

C'est cette responsabilité que la France a refusé de reconnaître, malgré les demandes des harkis. La reconnaissance n'est intervenue que le 14 avril par la voix de Nicolas Sarkozy, une semaine avant le premier tour d'une élection présidentielle qui verra le chef de l'Etat défait contre François Hollande. "La France se devait de protéger les harkis de l'Histoire. Elle ne l'a pas fait. C'est cette responsabilité que je suis venu reconnaître", a déclaré M. Sarkozy, en déplacement à Perpignan.

Les harkis demandent désormais une reconnaissance officielle, par le vote d'une loi au Parlement qui ouvrirait la voie à des réparations.

>> Lire l'entretien avec l'historien Nicolas Lebourg :"L'histoire des harkis est politique, pas ethnique ou confessionnelle"

LA TORTURE EN ALGÉRIE, ENCORE NON RECONNUE

Si la reconnaissance de la responsabilité de la France dans la répression de la manifestation du 11 octobre 1961 est un pas supplémentaire vers l'apaisement des relations franco-algériennes, une question majeure reste encore en suspens. La France n'a pour l'instant jamais reconnu l'usage de la torture par l'armée française lors de la guerre d'Algérie, entre 1954 et 1962 période officiellement appelée "événements d'Algérie" jusqu'en octobre 1999.


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