dimanche 16 février 2014

A l'approche des municipales, l'UMP rêve de renouer avec «l'électorat musulman» LE MONDE | 13.02.2014 à 12h28


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Jean-François Copé à Berlin, le 11 février.

A l'approche des élections municipales, Jean-François Copé cible tous les déçus de François Hollande, dans l'espoir de les détourner de la gauche. Dans cette catégorie, il se montre particulièrement attentif à ce qu'il considère comme un électorat musulman. Près de deux ans après la défaite de Nicolas Sarkozy, le président de l'UMP ne se cache pas de vouloir renouer avec cet électorat qui boude la droite et a voté à près de 90 % pour François Hollande à la présidentielle. « L'UMP tient un discours de vérité à nos compatriotes de confession musulmane, qui peuvent être en phase avec les valeurs que je propose : la liberté économique, l'autorité de l'Etat et l'égalité des chances », affirme M. Copé au Monde.

Le moment lui semble propice pour faire les yeux doux à ces électeurs car une partie d'entre eux se sont montrés déstabilisés par les réformes sociétales du gouvernement. Lors de la Manif pour tous du 2 février, ils n'étaient que quelques dizaines de manifestants à défiler sous une bannière« Les Français musulmans disent non au mariage homosexuel ». Mais M. Copé a surtout noté que certains d'entre eux ont répondu à l'appel au boycott de l'école pour protester contre un prétendu enseignement de la « théorie du genre ». Il a pu le constater dans sa ville à Meaux (Seine-et-Marne), où des dizaines de familles musulmanes ont participé à la Journée de retrait de l'école, le 27 janvier.

« Sur le terrain, ils me disent : "Hollande nous embête en bousculant nos valeurs" », affirme celui qui a lui-même alimenté les inquiétudes des parents, en allant jusqu'à dénoncer, le 9 février sur RTL, un ouvrage intituléTous à poil ! (Rouergue, 2011), qu'il a présenté comme « recommandé aux enseignants ». Une accusation hasardeuse, destinée à récupérer des voix avant les municipales. « Les projets du gouvernement sur la famille, cela permet à l'UMP de retrouver des électeurs pas forcément à gauche, qui ont voté pour François Hollande à la présidentielle », veut croire M. Copé.

« BEAUCOUP CRAIGNENT QUE L'ON S'ALLIE AVEC LE FN »

Pour lui, le temps est venu de restaurer une relation de confiance avec l'électorat musulman, qui tourne le dos à la droite depuis plusieurs décennies et encore plus depuis la présidence Sarkozy, à cause de discours jugés stigmatisants lors des débats sur l'identité nationale ou sur l'islam.

Un sentiment de défiance entretenu par M. Copé lui-même, notamment avec sa désormais fameuse histoire de « pain au chocolat ». Mais il parie que ses postures passées sur l'islam ne lui porteront pas préjudice dans son opération reconquête. Et développe son argumentaire, en assurant que l'offre politique de l'UMP colle avec les attentes de cet électorat : « Nos compatriotes de confession musulmane prennent conscience que seule une politique de droite moderne peut faciliter leur intégration car nous sommes intraitables face à l'intégrisme, nous sommes très fermes en matière de sécurité, nous prônons la liberté d'entreprendre et non le collectivisme comme le propose la gauche, et nous sommes intransigeants sur les valeurs en refusant la banalisation des cultures. »

Lire l'entretien avec Vincent Tiberj, chercheur au centre d'études européennes : « Il y a certaines valeurs communes entre la droite et les Français de confession musulmane »

« Notre politique en matière d'immigration leur plaît également car beaucoup me disent : "On ne veut pas plus d'immigrés. Occupez-vous déjà de nous, qui sommes déjà là" », poursuit-il. Avant de noter : « Le seul point sur lequel ils ont un doute, c'est notre rapport au FN. Beaucoup craignent que l'on s'allie avec ce parti même si je répète que cela ne se produira jamais. »

« VOLONTÉ DE DÉCRISPATION »

Si la droite ne parvient pas à les attirer, elle espère au moins les détourner du PS pour faire gonfler l'abstention des électeurs traditionnellement acquis à la gauche. « La première étape, c'est de faire en sorte que cet électorat ne vote plus pour le PS, afin de couper la gauche d'un de ses réservoirs de voix traditionnels. C'est ce qui est en train de se produire avec le mariage pour tous et la théorie du genre. Ensuite, la seconde étape, c'est qu'ils votent pour nous », veut croire un stratège de l'UMP.

A droite, certains ténors se félicitent de cette « volonté de décrispation »avec les musulmans, jugeant que la droite ne peut pas se payer le luxe de se couper de ce vote pour les élections futures. Beaucoup ont observé avec attention les résultats de la dernière élection présidentielle américaine, lors de laquelle les républicains ont en partie perdu à cause d'un déficit de voix venant des Américains issus de l'immigration, notamment des « latinos ».

Même s'il regrette que « la droite se réveille un peu tard sur le sujet », le député UMP Gérald Darmanin (Nord) se réjouit que son camp veuille reconquérir cet électorat. « C'est un énorme gâchis que près de 90 % des Français musulmans votent contre notre famille politique alors que, culturellement, la plupart sont de droite, en étant conservateurs sur les sujets de société et libéraux en économie », juge ce petit-fils de harki.

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Si l'UMP tente de ratisser large en essayant de rallier le suffrage de tous les déçus de François Hollande, les Français de confession musulmane représentent une cible stratégique car ils constituent un fort réservoir de voix. Leur poids électoral, conséquent, peut en effet avoir des répercussions décisives sur un scrutin. D'après une étude du Centre de recherches scientifiques de Sciences Po (Cevipof) datant de décembre 2011, ces électeurs pèsent environ 5 % du corps électoral. Cela représente 1,5 point dans le résultat final, selon une étude de l'IFOP de juillet 2013.

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