Une pleine page de publicité dans le New York Times, lundi 2 mars. Des interviews à la chaîne, et en anglais, avec la presse américaine. Une prise de parole devant des représentants de l'American Israel Politic Affairs Committee (Aipac), le plus puissant groupe de pression pro-israélien des Etats-Unis, réuni à Washington. Et enfin une rencontre avec des élus du French Caucus au Congrès, le mardi 3 mars.

Roger Cukierman, le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), a mis à profit ses 48 heures passées dans la capitale pour alerter ses « amis américains »sur la hausse de l'antisémitisme en France et demander aux grandes entreprises du Net de contrer la multiplication des propos antisémites sur les réseaux sociaux.

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Des djihadistes formés par Internet

S'inscrivant dans les pas du ministre de l'intérieur, Bernard Cazeneuve, qui le 20 février était venu en Californie pour mobiliser les firmes du numérique dans la lutte contre le djihad en ligne, M. Cukierman a rappelé, que les entreprises concernées étant régies par le droit américain, les juifs de France avaient « besoin des Etats-Unis pour les convaincre de mettre un terme à ces flots de haine ». Evoquant le profil des djihadistes, il a souligné qu'ils n'étaient « pas formés dans les mosquées ou par la presse », mais par Internet.

« Ils attaquent les juifs, mais pas seulement, ils attaquent aussi les musulmans, les policiers, la liberté d'expression, la civilisation occidentale en essayant d'instaurer la charia. C'est une guerre mondiale. » « Il faut donc mettre la pression sur les réseaux sociaux pour que les messages de haine soient supprimés. C'est possible, car ils l'ont fait avec la pédophilie », a-t-il insisté. En 2012, l'Union des étudiants juifs de France (UEJF) avait dû batailler plus d'un an pour obtenir de Twitter que l'entreprise fournisse à la justice française des données permettant l'identification de certains des auteurs de tweets antisémites, suscités par le mot-clé #unbonjuif.

L'influence des leaders musulmans

Alors qu'une partie de l'opinion publique américaine se montre sensible à la hausse de l'antisémitisme en France et en Europe, M.Cukierman a décrit la situation des juifs de France, qui depuis les attentats de début janvier à Paris, envoient leurs enfants dans des « écoles gardées par des policiers et des soldats en armes ».

« Nous avons de l'antisémitisme dans toutes les parties de la société française, mais les seuls qui agissent avec violence sont des membres de la population musulmane, même si c'est une très petite minorité de cette population », a-t-il insisté, reprenant une appréciation qui a récemment provoqué une brouille avec le Conseil français du culte musulman. Le président du Crif s'est aussi interrogé sur « l'influence des leaders musulmans », se demandant si « leur message passait, ou s'il y avait même un message ? ».

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Le discours de M. Nétanyahou

Alors que le premier ministre israélien s'est exprimé, mardi, devant le Congrès américain, M. Cukierman s'est refusé à commenter ce discours controversé lié au programme nucléaire iranien. « J'ai assez de problème avec la politique en France, je ne vais pas m'impliquer dans la politique israélienne et américaine », a-t-il éludé, en référence à la récente polémique suscitée en France par ses propos sur Marine Le Pen.

Mais il a tenu à réaffirmer sa conviction que la résurgence de l'antisémitisme n'était pas liée à la politique conduite par Israël, notamment dans les territoires palestiniens occupés. Réagissant à l'appel lancé par Benyamin Netanyahou aux juifs de France, M. Cukierman a estimé qu' « une personne qui envisage de quitter la France ne le fait pas parce que le premier ministre israélien le lui demande. Il s'agit toujours d'une décision personnelle ». Selon le président du CRIF, « entre 10 000 et 15 000 des 500 000 juifs de France » pourraient s'expatrier en Israël en 2015, contre quelque 7 000 en 2014.