lundi 14 octobre 2013

Brignoles : trois voix pour dire « Réveillez-vous ! » 14.10.2013 à 19:41 | Blog : Le 19 heures de Françoise Fressoz

(afp.com/Remy Gabalda)

Brignoles vaut-il qu'on sursaute, qu'on s'inquiète ou qu'on mette la tête dans le sable, comme les autruches ?

En clair, faut-il relativiser la victoire du candidat Front national au deuxième tour de la cantonale qui vient de se dérouler dans le Var, ou le prendre comme un sérieux avertissement à portée nationale ?

La question n'est pas évidente à trancher car de sérieux arguments existent pour défendre les deux thèses :

Pour relativiser : une cantonale n'a jamais fait le printemps. Le Front national est implanté de longue date à Brignoles, où il avait obtenu 50 % des suffrages à la cantonale de 2011. La gauche a souffert de ses divisions et, au second tour, la droite n'a pas donné une excessive publicité au front républicain, qu'elle condamne. Donc, la victoire de Laurent Lopez, le candidat du Front national, par près de 54 % des voix face à son adversaire UMP est pour ainsi dire logique.

Pour s'inquiéter : l'étude que vient de réaliser Jérôme Fourquet. Le directeur du département opinion publique à l'IFOP note que c'est la première fois depuis 2012 que le FN remporte une élection en duel. Il souligne qu'en une semaine, le FN a gagné 2 300 électeurs face à la droite, "soit la plus grosse progression entre les deux tours, et le nombre de voix le plus élevé jamais atteint dans ce canton".

Jérôme Fourquet calcule que Laurent Lopez a amélioré de 382 voix le score déjà élevé de Marine Le Pen à la présidentielle de 2012. Il constate aussi que le FN progresse en ratissant large : Laurent Lopez a sans doute trouvé des voix chez les abstentionnistes du premier tour car dans la commune de Tourves, les scores du FN progressent dans un contexte de forte hausse du nombre des votants.

Il en a trouvé aussi "vraisemblablement" chez les électeurs de gauche car c'est à Vins-sur- Caramy et à Tourves, deux communes de gauche, qu'il a enregistré ses plus fortes progressions (+ 15 et + 8 points).

"Tout se passe comme si le parti frontiste avait conservé ses soutiens dans l'électorat de droite, acquis lors d'un précédent duel face au PC, tout en captant désormais une frange de l'électorat de gauche dans le cadre d'un duel contre l'UMP", souligne Jérôme Fourquet.

Sa conclusion est sans ambiguïté : ce qui vient de se passer à Brignoles "est un événement d'importance qu'on aurait tort de banaliser" car "il laisse augurer une forte poussée frontiste lors des prochains rendez-vous électoraux".

Au PS, un homme partage cette analyse : Jean-Christophe Cambadélis. Le député de Paris est une figure historique de la lutte contre le FN. Il avait participé à la fondation de SOS racisme dans les années 1980. Ce matin sur Europe 1, il pousse un cri d'alarme. Il parle de "coup de semonce", décrit un FN "qui s'est mis au centre de la vie politique" et annonce que "le tripartisme est en marche". Le tripartisme PS, UMP, FN.

On voit bien tout ce que son affirmation peut avoir de gênant pour son parti, qui continue de jouer l'air de la diabolisation et du combat sur les valeurs. Cambadélis, lui, est passé à autre chose. Il ne considère plus Marine Le Pen comme en marge. Il la prend au mot : une politicienne en conquête dont il faut débusquer les contradictions pour tenter de faire éclater la baudruche.

François Hollande n'en est pas là. Plutôt que le combat frontal, le président de la République préfère invoquer "l'obligation de résultats" sur le front de la croissance et de l'emploi pour retrouver la confiance mais, dévitalisé par l'impopularité, il peine à convaincre ses troupes.

"Si on est là simplement pour dire 'On va améliorer la situation économique', et on en reste là, ça ne suffit pas", a réagi Claude Bartolone, le président de l'Assemblée nationale.

Lui aussi est inquiet. Après Jean Christophe Cambadélis et Jérôme Fourquet, c'est la troisième voix de la journée qui s'élève pour dire aux autruches : "Attention, réveillez vous !"


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