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jeudi 9 février 2012

Migrations : la communication choisie de M. Guéant - Le Monde 10 février 2012 -



Le rapport annuel sur les titres de séjour des étrangers contredit les annonces précédentes du ministre de l'intérieur





C'est en toute discrétion que le ministère de l'intérieur a rendu public le rapport annuel qui contient les derniers indicateurs " officiels " des flux migratoires en France. II y a un mois, le 10 janvier, Claude Guéant avait pourtant dévoilé en grande pompe " ses " chiffres de l'immigration, qui ne concernaient que l'année 2011 (Le Monde du 11 janvier).

Le rapport annuel, mis en ligne sur le site de La Documentation française, donne à voir des tendances différentes de celles annoncées en début d'année. Il permet aussi de dresser un premier bilan de quatre années du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Mais, pour sa sortie, la Place Beauvau a préféré, cette fois, s'abstenir de toute communication. C'est par Twitter et des abonnés proches du Front national (FN) que la nouvelle a circulé, sur la Toile, mercredi 8 février.

L'attitude du ministère de l'intérieur a sa logique. Ce document annuel sur les " orientations de la politique de l'immigration et de l'intégration " dévoile les chiffres de l'année 2010. Alors qu'en janvier, la Place Beauvau avait, elle, dévoilé les chiffres de 2011 : une première - il y a d'ordinaire toujours un an de décalage entre le rapport et les statistiques consolidées.

Ces annonces des chiffres de l'immigration faites avec un an d'avance répondaient pour le ministère à un calcul politique précis. La baisse de l'immigration légale souhaitée par le ministre de l'intérieur, Claude Guéant, en avril 2011, n'aurait en effet pas été visible dans les statistiques si le protocole habituel de publication des chiffres avait été respecté. De même, pour différentes raisons, un certain nombre d'indicateurs ne pouvaient être communiqués sous un jour " favorable " au ministère que s'ils concernaient 2011.

Début janvier, M. Guéant s'est ainsi vanté d'avoir fait baisser de 3,6 % le nombre total de premiers titres de séjour délivrés entre 2010 et 2011. Or, à l'inverse, entre l'année 2009 et 2010, selon le rapport, ce nombre avait augmenté de 0,8 %, en passant de 198 070 à 199 715. Une tendance qui se vérifie sur le long terme : + 7,4 % depuis 2007.

En matière d'immigration de travail, M. Guéant s'est aussi fait fort, début janvier, d'annoncer une baisse de 26 % des entrées entre 2010 et 2011. Mais, entre 2009 et 2010, d'après le rapport, celles-ci n'avaient baissé, pour les ressortissants des pays extra-européens, que de 7,4 %, en passant de 19 251 à 17 819, tandis qu'elles avaient augmenté de 11 % pour ceux issus des nouveaux Etats membres de l'Union européenne en passant de 4 508 à 5 007. Sur le long terme, la hausse est aussi importante pour les extra-Européens : + 51 % depuis 2007.

Les écarts d'affichage sont également notables sur la baisse annoncée, en janvier, de 14 %, entre 2010 et 2011, de l'immigration pour " liens personnels et familiaux " des extra-Européens. Entre 2009 et 2010, ces mêmes " liens personnels et familiaux " avaient augmenté de 0,8 % en passant de 17 360 à 17 514. Depuis 2007, l'ensemble de l'immigration familiale a certes bien baissé, mais de seulement 6 % en passant de 87 537 à 82 235.

Un autre décalage de communication concerne les naturalisations. Alors que M. Guéant a annoncé une baisse de ces dernières de 30 % entre 2010 et 2011, celles-ci, révèle le rapport, avaient augmenté entre 2009 et 2010 de 7,5 %, passant alors de 108 303 à 116 496. Une variation qui s'explique par le précédent choix de la majorité d'encourager les naturalisations au motif qu'elles favorisaient " l'intégration ".

Le durcissement d'aujourd'hui sur les naturalisations - qui devrait se poursuivre au vu des nouvelles consignes du ministère (Le Monde du 13 janvier) - sert un autre but. Celui de faire baisser les entrées en France de " conjoints de Français ", principalement originaires du Maghreb. Ces derniers représentent en effet l'essentiel de l'immigration familiale en France.

En matière de reconduites à la frontière, le rapport rendu au Parlement montre aussi qu'entre 2009 et 2010 celles-ci avaient baissé de 4,4 % passant de 29 332 à 28 026. Contrairement au discours d'extrême fermeté affiché à l'époque, particulièrement à la suite du discours de Grenoble de l'été 2010, le système d'éloignement des étrangers en situation irrégulière était alors en fait entravé par l'essor d'une jurisprudence favorable aux étrangers et l'inflation du contentieux.

C'est seulement à partir de juin 2011, grâce à la nouvelle loi sur l'immigration qu'a adoptée la majorité, que le gouvernement s'est doté d'un arsenal juridique lui permettant d'inverser cette tendance. D'où l'intérêt pour M. Guéant de communiquer, en janvier, sur les chiffres de 2011. Il a alors pu dévoiler le record de 32 000 reconduites à la frontière.

Reste la question des régularisations. Traditionnellement, dans le rapport annuel, il existe une ligne statistique qui permet de connaître leur nombre approximatif. Celui-ci tourne généralement autour de 30 000. Cette année, cette ligne est située page 72 du rapport. Mais pour la première fois, la case n'est pas renseignée.

Elise Vincent


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