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jeudi 26 décembre 2013

Expédition punitive à Lyon contre le salut de la " quenelle ", Lyon Correspondant Le Monde



Six jeunes gens d'origine juive ont été mis en examen après avoir frappé un jeune homme qui avait repris ce geste sur Facebook



Suspectés de " violences en réunion avec préméditation, provocation ou participation à un attroupement armé, port ou transport d'arme blanche ", six jeunes âgés de 18 à 22 ans, affirmant leur appartenance à la communauté juive de Villeurbanne (Rhône), ont été mis en examen et placés sous contrôle judiciaire, mardi 24 décembre, à Lyon. Motif : une expédition punitive contre l'auteur désigné d'un salut dit de la " quenelle ". Ce geste réputé antisémite ou antisystème a été érigé par l'humoriste controversé Dieudonné en signe de ralliement repris par les milieux d'extrême droite. " L'idée est partie d'une photo sur Facebook, d'une provocation, mais déjà avant il y avait des histoires avec une bande qui tenait des propos antisémites ", a expliqué l'un des six jeunes mis en cause, Ilan B., 19 ans, à la juge d'instruction Christine Peyrache.

Le jeune homme a raconté comment le groupe s'est constitué dans la soirée du dimanche 22 décembre. Leur cible : Erwan B., jeune homme de leur âge d'origine maghrébine, qui avait posé sur Facebook en faisant ce geste douteux d'un bras vers le bas et l'autre sur l'épaule. La photo est versée au dossier. Dans son récit, Ilan évoque des histoires de filles, des bravades réciproques, qui font penser à des provocations entre bandes rivales.

Sauf que l'affaire a pris une vilaine tournure. La juge a demandé à Ilan si Facebook n'était pas à la source d'une émulation exagérée. " Je suis d'accord, je n'ai pas réfléchi. Mais il y a des faits extérieurs qui me dépassent. Il y a Dieudonné avec sa quenelle, il y a tous les propos antisémites qui circulent, alors forcément ça me touche ", a répondu le jeune étudiant en commerce dans une école confessionnelle.

Ilan avoue qu'il n'a jamais parlé directement à Erwan. Il assure que d'autres l'ont entendu revendiquer son geste. Il voulait l'intimider parce qu'il était persuadé qu'il avait répandu sur Facebook des commentaires antisémites. Rien de tel n'a été retrouvé à ce stade de l'enquête. Ce geste de la quenelle semble avoir tout cristallisé. " Ces jeunes gens vivent ce geste comme une insupportable provocation, cela n'excuse pas leur réaction, mais on peut la comprendre, pour eux ce geste est chargé d'antisémitisme ", estime Me Richard Zelmati, avocat de deux garçons selon lesquels " Dieudonné exploite ce geste pour répandre sournoisement des idées malsaines ".

Réaction " épidermique " Entre 22 heures et 1 heure du matin, les jeunes gens ont tourné dans les rues de Villeurbanne. Leur manège a attiré l'attention d'une riveraine qui a appelé la police. Deux justiciers autoproclamés ont été interpellés à 0 h 50, alors qu'ils tentaient de se débarrasser de matraque télescopique, poing américain et bombe lacrymogène. Une heure plus tard, quatre autres membres de la bande ont trouvé Erwan B. et l'ont frappé. Il souffre de contusions, avec un jour d'incapacité totale de travail à la clé.

Un témoin affirme que les agresseurs ont voulu l'enfermer dans le coffre de leur Audi A3. Les protagonistes démentent. Ils ont été retrouvés dès le lendemain matin, grâce à l'immatriculation de la voiture. " Leur réaction a été épidermique, on est dans des histoires de gamins, les réseaux sociaux jouent un rôle d'amplificateur, de déclencheur, l'effet de groupe fait le reste ", dédramatise Me Frédéric Lalliard, autre défenseur des jeunes gens.

" Pensez-vous réellement que votre participation aux faits qui vous sont reprochés est de nature à contribuer à un regard positif et apaisé sur la communauté juive ? ", a questionné la juge. " Pas du tout ", a répondu le jeune prévenu. " Raphaël nous avait dit qu'il avait rendez-vous avec l'autre et qu'il ne serait certainement pas tout seul, donc on l'a accompagné, et j'ai pris une arme ", s'est-il justifié.

Cette affaire provoque un regain de tensions sur fond communautariste. Au cours du même week-end, un groupe d'une trentaine de personnes a investi l'hôtel Mama Shelter, dans le 7e arrondissement de Lyon. Bilan : affrontement, gaz lacrymogène, clients évacués. Un scénario similaire s'est produit à l'entrée d'une discothèque du 6e arrondissement. Les actions visaient des employés qui s'étaient affichés sur Internet en faisant le geste de la quenelle.

Richard Schittly

© Le Monde

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