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mardi 31 juillet 2012

Quatre moniteurs suspendus pour avoir observé le jeûne du ramadan


LE MONDE | 31.07.2012 

Par Yves Bordenave


En 2011, près de 75 000 enfants de moins de 6 ans sont partis en vacances sans leur famille.

Quatre animateurs d'une colonie de vacances de la ville de Gennevilliers (Hauts-de-Seine) ont été suspendus de leurs fonctions par la mairie (PCF) en début de semaine dernière. Ils encadraient un séjour dans un centre de vacances pour enfants à Port-d'Albret (Landes), qui avait débuté le 5 juillet et s'est achevé vendredi 27 juillet.

Lors d'une visite de sécurité effectuée il y a une semaine, un responsable des centres de vacances a constaté qu'à l'heure du déjeuner, les animateurs ne se nourrissaient pas. Il les aurait alors appelés pour leur signifier que, selon leur contrat de travail, ils devaient se restaurer et s'hydrater pendant la journée. "Ils m'ont parlé de l'article 6 qui disait que je devais me restaurer et m'hydrater convenablement et que dans le cas contraire, cela pouvait mettre en danger la sécurité des enfants", a indiqué Nassim, l'un des quatre moniteurs au Bondyblog, qui révèle l'affaire.

"TOUT SE DÉROULAIT À LA PERFECTION"

Ses explications, selon lesquelles il "s'était hydraté et restauré convenablement et qu'en aucun cas [il] risquait de mettre en péril la sécurité des enfants" n'y ont rien fait. Dans la soirée, les quatre moniteurs étaient convoqués et "suspendus" afin qu'ils soient payés jusqu'à la fin de leur contrat. "Je m'en fiche d'être payé jusqu'à la fin ; moi, je voulais rester jusqu'à la fin de la colonie, tout se déroulait à la perfection", insiste Nassim.

L'article 6 du contrat mis en avant par la mairie pour justifier sa décision souligne que les animateurs doivent "veiller à ce que les enfants et eux-mêmes se restaurent et s'hydratent convenablement et en particulier durant les repas". Le même article évoque "le principe de laïcité" qui doit être respecté.

Cet article a été ajouté il y a deux ans par la mairie au contrat de travail des animateurs de centre de vacances à la suite d'un accident. Une monitrice qui observait le jeûne avait été victime d'un malaise alors qu'elle conduisait un véhicule. Deux enfants avaient été blessés. "A la suite de cela, nous nous étions interrogés sur notre responsabilité vis-à-vis des parents qui nous confient leurs enfants pour des séjours de longue durée, a expliqué au Monde, Jacques Bourgoin, maire de Gennevilliers. On se doit aussi d'assurer la sécurité physique des enfants." Depuis cet épisode, la clause introduite dans les contrats est signalée aux animateurs, qui ont l'obligation de signer avant leur embauche.

"C'EST LE FAIT DE PRATIQUER LE RAMADAN QUI DÉRANGE"

Pour les quatre animateurs et leur avocat, Me Mohand Yanat, cette clause vise implicitement la pratique du ramadan. "On a déguisé les choses. Ce n'est pas l'état de santé qui dérange mais le fait de pratiquer le ramadan", a déclaré MeYanat au Monde. Selon lui, la clause n'est pas légale car elle touche à la liberté de culte. "Il faut distinguer ce qui relève de l'ordre des idées, de l'intime et d'une pratique telle que le ramadan." "A l'embauche, on ne peut pas prendre en compte la religion d'une personne", défend l'avocat, qui devrait se tourner vers les prud'hommes.

Sans partager ce raisonnement, le maire de Gennevilliers comprend l'émoi des quatre animateurs. "Je mesure qu'ils puissent recevoir notre décision comme une décision discriminatoire et je comprends qu'ils fassent valoir leur point de vue,assure-t-il, mais nous avons une responsabilité." M. Bourgoin va alerter la direction départementale de la jeunesse et des sports. Il espère que cette affaire éclaircira ce point sur lequel le code du travail ne fixe aucune règle.

Celui-ci impose aux entreprises de respecter la liberté de religion sauf dans cinq cas : le prosélytisme, l'entrave à la sécurité, à l'hygiène et au bon déroulé et à l'organisation d'une mission. Les employeurs ne sont pas obligés d'adapter leurs horaires aux pratiques religieuses. Selon un sondage de 2008, 26 % des dirigeants d'entreprises avaient adapté leurs horaires pour raisons religieuses. Toutefois, dans le cas d'une colonie de vacances où les moniteurs doivent être disponibles 24 heures sur 24, la chose semble difficile à mettre en œuvre.

Yves Bordenave


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