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dimanche 12 août 2012

Obsèques de Mouloud Aounit et hommages



Les obsèques de Mouloud Aounit auront lieu le jeudi 16 Août à 15h15 au cimetière d'Aubervilliers: 52 rue Charles Tillon.

Mouloud Aounit, combattant des droits humain

Edition : Les invités de Mediapart


Mehdi Lallaoui, président de l'association Au Nom de la Mémoire, rend hommage à son camarade de combat contre le racisme, la haine et l'intolérance: Mouloud Aounit, décédé vendredi 10 août, figure des luttes pour l'égalité des droits de ces trente dernières années et ancien président du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP).

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Notre ami Mouloud Aounit vient de nous quitter après avoir bataillé plusieurs années contre une tumeur au cerveau qui l'a finalement emporté. Ce n'est pas seulement un ami et un camarade qui nous laisse sans voix au milieu de l'été, mais avant tout, un combattant infatigable et une figure de l'anti-racisme et de la cause humaine en France. Sa gentillesse, ses petites attentions aux amis et à ceux  qui se battent pour faire respecter leur dignité, nous manquent déjà. Ses belles colères, même si parfois, elle purent sembler être excessives à certains, vont manquer aux débats démocratiques et à la défense des exclus et des sans droits.

Nous avons cheminé ensemble depuis plus de trente ans aux avant postes des luttes contre le racisme et pour l'égalité des droits. Durant ces trois décennies, Mouloud a participé à tous les combats pour la dignité humaine ; de la marche contre le racisme et pour l'égalité des droits (dite marche des Beurs) de 1983, aux mobilisations récentes aux côtés des Roms contre leur stigmatisation et leur harcèlement. Rares sont eux qui savent que Mouloud faisait partie au tout début des années quatre-vingt du petit noyau de militants et de militantes qui allaient faire resurgir de l'oubli et de l'occultation d'Etat, le massacre des travailleurs Algériens à Paris, lors de leur manifestation pacifique du 17 octobre 1961. Depuis, il était l'un des orateurs qui chaque année, sur le pont Saint-Michel, rappelait aux consciences assoupies, le désir de justice et de vérité.

A travers tous ces combats, Mouloud mettait en avant l'idée même de la République et de ses principes fondateurs. Comme beaucoup d'acteurs du monde associatif, il ne supportait pas que les citoyens soient discriminés selon leur origines géographiques ou sociales. Il ne supportait pas que les habitants de notre pays puissent avoir, seulement en théorie, des droits et des devoirs, et pour certains, les plus discriminés, plus de devoirs que de droits. Inlassablement, il avait combattu contre les promesses non tenues, tel l'octroi du droit de vote aux municipales pour les étrangers non membres de la Communauté européenne, promesse datant de 1981.

Mouloud, militant puis dirigeant du MRAP, s'est opposé avec virulence et talent à tous les Ministres de l'intérieur qui, selon une mode bien hexagonale, refondaient à chaque élection, les lois touchant aux conditions d'accueil, de séjour, de travail et d'asile des immigrés en France. Durant toute ses années où le chemin fût rude et sinueux, qui vont des mobilisations contre la réforme du code de la nationalité du duo de choc Pasqua-Pandraud jusqu'à celles récentes du nauséeux "débat" sur l'identité nationale, en poursuivant par les décrets s'attaquant aux étudiants étrangers, Mouloud fut toujours en première ligne.

Avec ses camarades du MRAP, Mouloud  était présent sur tous les fronts ou la parole peu convaincre, dénoncer, fédérer, dans l'objectif d'un société plus juste où le "Vivre ensemble" ne serait pas un slogan de circonstances. Avec son énergie et son organisation, il fut un relais efficace des luttes des travailleurs sans papiers et des déboutés du droits d'asile. Il fut sans contestation aucune, un porte-voix constant contre les discriminations (petites ou grandes), contre les violations des droits humains en France et dans le monde, et contre, parfois, l'arbitraire des administrations aux ordres des politiques répressives.

Bête noire du Front National, et aussi des rançis de la droite bêlante, il ne ratait pas une occasion d'attaquer, fusse-t-il devant les tribunaux, les dérives verbales du parti xénophobe. Jusqu'à ces dernières années et malgré sa maladie, Mouloud avait continué à être un combattant. Il était également à nos côtés au collectif d'associations contre la loi du 23 février 2005 qui avait abouti à faire abroger par le Président Chirac, le scandaleux article 4 sur le "Rôle positif de la colonisation". Il était aussi sur le terrain pour contredire les nostalgiques de l'Algérie Française et les anciens terroristes de l'OAS "blanchie" et qui, depuis quelques années, érigent des stèles dans le Sud de la France, en hommage à leurs assassins. Il était encore là pour la création de ce qui allait donner "La semaine anti-coloniale", et là encore dans les manifestations contre les guerres de reconquêtes coloniales.

L'activisme de Mouloud irritait et certaines de ses prises de position furent incomprises. Certains de ses amis du MRAP considéraient que son implication et ses interventions publiques sur l'islamophobie prenaient trop de place sur les autres thématiques du combat de l'antiracisme et de l'égalité des droits. Ces crispations internes au MRAP lui valurent alors, en 2010, sa mise en retrait, accompagnée d'une proposition de présidence d'honneur de l'association. Mouloud se battait pour que les Assemblées élues puissent être à l'image de la réalité et de la diversité de notre société. Aussi, avait-il décidé d'entrée dans l'arène politique aux côté du PCF dont il fut un compagnon de route critique.

C'est ainsi qu'à l'occasion des élections régionales de 2004, il avait  été en Ile-de-France, tête de liste du 9-3 du rassemblement "d'ouverture" de la Gauche populaire et citoyenne, initié par le Parti communiste. Sur les 8 départements représentés dans la liste, le 9-3 avait donné les meilleurs scores dans les quartiers d'habitat social où Mouloud était connu et estimé. Le non renouvellement de son mandat de Conseiller régional en 2010 lui avait laissé un goût d'amertume et de trahison. Depuis, il se consacrait au rassemblement des responsables associatifs à travers une "Convergence citoyenne" pour reconstruire l'espoir et faire de la politique une noble activité, et non une rente de situation.

Pendant longtemps encore, nous rechercherons dans nos manifestations la silhouette de Mouloud, son feutre noir sur la tête et son écharpe rouge autour du cou. Et s'il ne surgissait pas comme à l'accoutumé des rangs des protestataires pour venir nous saluer, c'est sûr que sa présence imprégnera ces cortèges et qu'il sera parmi nous. Longtemps et toujours.


Décès de Mouloud Aounit : un militant emblématique contre le racisme et les discriminations

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le 11.08.12 | 10h00 EL WATAN

zoom | © D. R.

Mouloud Aounit, ancien président du MRAP et conseiller régional d'Ile-de-France, est décédé hier matin à l'âge de 59 ans, des suites d'une tumeur au cerveau, à l'hôpital Salpêtrière l Issu de l'immigration algérienne en France des années 1950, Mouloud Aounit a consacré sa vie à la lutte contre le racisme, les discriminations et pour l'égalité de droits des immigrés dans une société où ils ont fait le choix de s'enraciner.

Paris
De notre correspondante


M ouloud Aounit était de tous les combats, de toutes les causes pour la justice, la dignité et le respect des droits et libertés humains sans distinction de race, de religion ou d'origine, de la marche des beurs à la défense des sans-papiers, pour l'abolition de l'apartheid en Afrique du Sud, pour la défense de la cause palestinienne, au sein du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP) dont il a été secrétaire général puis président durant de nombreuses années. Il a aussi soutenu les Algériens qui avaient fui le terrorisme des années noires.  Il avait, avec d'autres enfants d'immigrés comme Mehdi Lalaoui ou Samia Messaoudi – à l'origine de l'association Au Nom de la mémoire – œuvré inlassablement à la reconnaissance par l'Etat français du 17 Octobre1961. Mouloud Aounit estimait «que l'égalité doit être une pratique et non un slogan» ; il n'avait de cesse de dénoncer «une France figée, bloquée, qui refuse de s'accepter telle qu'elle est» (interview à El Watan le 13 mars 2011).

Dans cet entretien, il dénonçait «l'instrumentalisation et le piège que peut représenter ce concept de diversité qui, de fait, n'est qu'un alibi et un faire-valoir au détriment d'un traitement égalitaire de l'ensemble des citoyens français. La faiblesse de la représentation de la diversité à l'Assemblée nationale, aux élections régionales, dans la haute fonction publique, de manière générale dans les lieux de pouvoir, valide une France figée, bloquée, qui refuse de s'accepter telle qu'elle est et de traiter de manière équitable en termes de droits l'ensemble de ses citoyens. Pour preuve, outre les discriminations que vivent ces jeunes Français issus de l'immigration algérienne (4e génération) et malgré des réussites significatives au prix d'efforts colossaux, il se trouve, fait révélateur, des personnes touchant le grand public qui livrent sans retenue le positionnement de la France vis-à-vis des populations algériennes et leurs enfants». Mouloud Aounit a été le premier à utiliser le terme «islamophobie», définissant celle-ci comme une nouvelle forme de racisme.

Dans ce même entretien, il nous expliquait que l'islamophobie a en partie remplacé le racisme traditionnel antimaghrébin : «L'islamophobie a remplacé en partie le racisme traditionnel. On n'attaque plus tellement le Maghrébin parce qu'il est Maghrébin, mais parce qu'il est musulman. Nous vivons la banalisation de ce racisme depuis le 11 Septembre 2001. Pourtant, les rapports de l'ONU et de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance ont tiré la sonnette d'alarme sur la montée du racisme et l'islamophobie en Occident. Pour notre part, depuis 2003, face à un développement inquiétant des passages à l'acte islamophobes (discriminations, provocations publiques, injures, profanation de lieux de culte, de cimetières), nous n'avons eu de cesse d'alerter les pouvoirs publics sur l'impérieuse nécessité d'une mobilisation contre l'expression de cette forme nouvelle de racisme. Force est de constater que 7 ans après, le gouvernement reste sourd à cette exigence de réparation, de justice, de dignité. Immobilisme vénéneux qui de fait participe à la banalisation et au passage à l'acte islamophobe.»

Né le 23 février 1953 à Timezrit, Mouloud Aounit était arrivé à l'âge de trois ans à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), ville où il a fait toute sa carrière. Il avait été élu au conseil régional d'Ile-de-France, à la tête de la liste présentée par le Parti communiste français en Seine-Saint-Denis. Il avait été président du MRAP de 2004 à 2008, et président de l'Association 93 au cœur de la République. Le cinéaste Jean-Michel Riera avait commencé à réaliser un documentaire sur cette grande figure de l'antiracisme. Marié et père de deux enfants, Mouloud Aounit était chevalier de la Légion d'honneur et de l'Ordre national du mérite.    

 
 

Mouloud Aounit, une marche pour l'égalité

Mouloud Aounit, une marche pour l'égalité, tel est le titre du film en cours de réalisation par Jean Michel Riera et Vincent Geisser pour retracer l'extraordinaire parcours de Mouloud Aounit, vétéran de la lutte pour l'égalité des droits.
Peu d'enfants d'immigrés ont eu un tel parcours qui le conduisit à la présidence du MRAP.Luttant sans relâche contre le racisme, les discriminations, pour la Palestine, les sans-papiers…, la vie de Mouloud Aounit est à la fois l'histoire d'un militant infatigable et celle de l'immigration et de ces enfants d'immigrés qui ont su dire non à l'infériorisation, au racisme, pour défendre leur place dans la société française.

Sans ces pionniers, il n'y aurait sans doute pas eu de Rachida Dati ou de Najet Vallaud Belkacem ministres. Un enfant de l'Algérie et d'Aubervilliers, dans la banlieue parisienne, qui, aujourd'hui, a succombé au cancer et dont le film qui veut retracer son parcours pour servir à la mémoire et aussi pour les jeunes générations serait bouclé si des difficultés de financement n'en ralentissaient pas le montage. De multiples appels aux dons ont été lancés afin de réunir les fonds nécessaires, il y a urgence. Les réalisateurs auraient voulu finir le film avant que la maladie ait gagné.

Madjid Si Hocine
Infos et soutiens sur le site :
http://www.mouloudaounit-lefilm.com

Nadjia Bouzeghrane


1 commentaire:

  1. mouloud a beaucoup fait contre le racisme, son engagement était fort. l'annonce de ses obseques est un grand chamboulement.

    Clothilde

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